La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre voici la deuxième partie de notre 203ème sélection.
Lulu Van Trapp – L’amour et la Bagarre
Avec L’amour et la bagarre, Lulu Van Trappa frappé fort – et pas au figuré. La rhétorique y est casse-gueule : une violence performative pour un banger qui chante l’amour, c’est la sémantique piétinée à grand coups de pompes. Romantique monstration des corps abîmés de s’aimer trop, dépolitisation revendiquée de l’intime et des images… Au-delà de la polémique, se concentrer sur ce qui reste : déchaînements de la fosse et témoignages à chaud, la performance surtout, et finalement, ce que dit de nous sa réception.
Alors l’industrie musicale peut-elle encore transcender les codes de l’époque ? Un « Live in lovecity » plus tard, le clip issu de la captation clôt le débat : 45k X oui.
Isaac Delusion – Internet
À l’occasion de la sortie de son nouvel album Lost and Found, Isaac Delusion nous propose le clip de Internet. Pourtant, on semble bien loin des internets pendant la majorité du clip, qui nous présente de superbes images d’un personnage, une femme évoluant seule au milieu de paysages magnifiques et qui semble vivre sa meilleure vie au point d’être au bord des larmes.
On peut la comprendre : grand soleil, ciel couleur pastel à la fin de la journée, végétation tout autour d’elle, le paradis de toute personne aimant la montagne en hiver. Pourtant, la fin de la vidéo offre un autre éclairage dont l’interprétation vous sera libre. Côté musique, le morceau accompagne très bien cette excursion alpine, rythmé et léger à la fois, il se déguste en boucle sans aucun problème et on en reprendra volontiers une tranche pour le goûter.
DITTER – Cherche Pas
La folle cavalcade musicale de DITTER continue cette semaine et cette fois, elle prend l’accent français. Alors que l’arrivée du trio se rapproche, il nous offre Cherche Pas, un nouveau petit tube addictif à l’énergie aussi explosive que son propos.
Comme toujours avec DITTER, on aime cette faculté à pousser autant la mélodie que le texter, tout en laissant de côté leur humour pour s’élever à la hauteur de sa thématique, notamment dans ce refrain accrocheur qu’il sera important de reprendre en choeur encore et ce encore afin de l’enfoncer dans le cerveau d’une population masculine qui, et c’est ce qui est terrifiant, à encore besoin qu’on lui rappelle qu’un non est un non, pas une négociation.
Cherche Pas, c’est un uppercut sur le questionnement, une pop song détournée qui laisse parler la liberté qu’on devrait tous respecter.
Pour l’accompagner, DITTER fait une nouvelle fois confiance à Manon Sabatier qui leur concocte un superbe jeu vidéo rempli d’ironie. Ici, Rosa joue à PacMan qui fuit encore et toujours les hommes qui la pourchassent, malgré tout. La vidéo joue sur un résultat très référencé, coloré et moderne qu’elle distord pour mieux faire passer le propos.
Génial comme toujours, en attendant la suite et ce premier EP attendu le 16 février prochain.
Sandra Contour – J’avais pas mon téléphone
Cette semaine, on retrouve le Québec avec une jolie découverte, le premier morceau de Sandra Contour, J’avais pas mon téléphone.
De la folk toute douce dans laquelle on se love avec bonheur pour se réchauffeur et se faire du bien au cœur.
À travers ce morceau et sa mélodie guitare subtile et ses cordes émotionnelles, Sandra Contourquestionne notre rapport aux souvenirs. À travers nos existences de plus en plus rattachées à nos cellulaires, une relation existe t’elle vraiment si elle n’est pas figée en image ou en vidéo ?
Tout en douceur, de sa voix superbe, elle raconte donc une histoire qui s’est vécue et s’est terminée, dont elle se rappelle à travers les bribes de sa mémoire, celle réelle qui s’efface parfois.
C’est beau à en faire couler les larmes, rempli de tendresse et d’amour qui ne s’évapore jamais vraiment.
Gabrielle Lapalme nous amène dans le grand froid québecois et réalise une vidéo entourée de blanc dans laquelle on suit la musicienne entre souvenirs et instants à la fois drôle et poétique. On se laisse entraîner dans cette histoire et ce joli moment, à tel point qu’on aimerait qu’il ne se termine jamais.
Corridor – Mourir Demain
Déjà plus de quatre depuis que Corridor nous a livré son dernier album, le sublime Junior. L’attente fut longue mais notre patience se voit enfin récompensée, car après quelques singles, le groupe de Montréal vient d’annoncer l’arrivée de Mimi pour le printemps avec un tout premier single, Mourir Demain.
Et autant dire que ce retour fait beaucoup de bien car on retrouve toute l’ambition du quintette, cette faculté à créer des morceaux qui navigue entre tension et onirisme avec toujours ce soin si évident apporté au son, nous entraînant dans une expérience aussi pop que radicale dans laquelle l’écoute n’est jamais passive.
La preuve avec les paroles, poétiques à souhait qui parle de la mort mais d’une manière étrangement positive, comme pour nous pousser à vivre sans avoir aucun regret ni rien à oublier. Une sorte de paix intérieur qui se fracasse au chaos musical qui existe autour d’elle.
Pour l’accompagner, Paul Jacobs réalise un travail animé absolument génial, qui nous entraîne dans des images naïves, colorées et ô combien évocatrices.
On se retrouve alors submergé par ce travail visuel qui défile à toute vitesse, à la fois sombre et lumineux, comme si défilaient devant nous les dernières images de l’esprit d’un homme avant que celui-ci ne rejoigne l’au-delà.
Bluffant et intense, ce retour de Corridor annonce vraiment le meilleur !
Martin Luminet – (Nouveau) Monde
Martin Luminet serait-il le Michael Haneke de la pop française ? À l’image du travail du cinéaste allemand sur son Funny Games, l’artiste lyonnais revient cette semaine avec (Nouveau) Monde, remake musical de son titre Monde qui le suit depuis son premier EP Monstre et qu’on retrouvait aussi dans DEUIL(S).
Les amoureux du titre que nous sommes remarquerons les différences, plus intense, plus produit, sans doute plus proche aussi de la version live et donc des idées qui bouillonnent dans la tête de Martin et de ses musiciens.
Mais alors que sa carrière suit une pense ascendante, il est bon de faire découvrir ce (Nouveau) Monde au plus grand nombre. Car ce morceau est un cri du cœur collectif, un appel à la solidarité, à la tendresse et à l’amour. Tout un tas de données dont l’actualité nous montre le manque jour après jour.
Pour le clip, la aussi le remake fonctionne à merveille, on retrouve cette idée d’écrans dans l’écran, cette succession d’images qui alternent la destruction, la chute et l’union, l’unité et la puissance du collectif.
Car dans la musique intime et personnelle de Martin Luminet, ce (Nouveau) Monde est un nous que l’on a envie de vivre, dans lequel on a envie de vibrer.
Pour ça, on vous donne rendez- vous le 5 Mars à La Cigale et le 27 Mars à La Bulle Café à Lille.
Baroudeur – Lettre à un ami
Si il y a besoin de le préciser une nouvelle fois, la chanson française est multiple et se porte particulièrement bien en ce moment.
Si vous avez encore un léger doute, on vous invite cette semaine à découvrir Baroudeur qui nous offre cette semaine sa Lettre à un ami. Un petit moment de délicatesse qui navigue entre groove nonchalant, rythmique lo-fi et une voix de conteur qui nous entraine dans les mots intimes de ce premier morceau.
Adressée aux autres, mais aussi un peu à lui même, cette lettre à un ami raconte ce que l’on vit tous à un moment ou un autre. Une vie de doute, une absence de passion qui nous bloque et empêche d’avance, nous laissant ainsi nous engourdir dans un quotidien qui finit par devenir aliénant. C’est ce que nous raconte Baroudeur de manière élégante, sans jamais juger et en jouant avec douceur sur le poids des mots.
Pour l’accompagner, il se met lui même en scène. Dans un appartement comme un oiseau en cage, il regarde l’extérieur du haut de sa tour et rêve de liberté alors qu’il s’aliène jour après jour. Le temps passe et l’envie se fait de plus en plus forte et évidente de tout éclater pour enfin pouvoir s’envoler.
Armé de son ukulele et de son cartable d’enfant, il se décide enfin à partir à l’aventure et se lance dans une course folle et tendre vers l’extérieur, respirant enfin et profitant d’une liberté qu’il ne s’imaginait pas mériter.
Une superbe mise en bouche en attendant l’arrivée d’un EP prochainement. Ce qui est certain c’est que Baroudeur nous donne envie de suivre avec lui le chemin qu’il a décidé de tracer.
Saint DX – Jamais Vu Le Jour
Cette semaine, Saint DX a dévoilé son tout premier album, Way Back Home. Au milieu de la musique profondément anglo-saxonne du garçon se cache deux titres en français dont Jamais Vu Le Jour qui se voit accompagné d’un clip cette semaine.
Si, à l’image de l’album, le morceau s’interroge beaucoup sur le couple et les relations humaines, le fait de la chanter en français le pousse repenser nécessairement sa musique, que ce soit dans la manière d’utiliser les mots ou de placer et utiliser sa voix. Moins expansive, plus intérieure, Jamais Vu Le Jour permet à Saint DX d’explorer différemment sa musique et les sentiments qui la compose. Un morceau plus lent, plus tendre et aussi plus ambivalent par moment.
Cette histoire d’histoire d’amour pleine de regret est parfaitement mise en images par Juana Wein. Dans des décors de montagne, au milieu de territoires blancs qui poussent forcément à l’onirisme et la solitude, on suit le musicien qui marche dans la neige, accompagné de ce qui semble être le fantôme de son amour passé.
On regarde cette histoire étrange et rêveuse bercé par la voix subtile de Saint DX, nous permettant de nous échapper un instant de nos propres émotions pour ressentir celles exprimées par le musicien.
Pour le reste, c’est la scène qui pointe à l’horizon avec notamment un passage à La Gaité Lyrique en avril prochain.
Justice – One Night/All Night (Starring Tame Impala)
Voici l’information musicale immanquable de la semaine : Justice est de retour. 7 ans et demi après leur sublime Woman, Gaspard et Xavier nous revienne donc avec un double single qui annonce l’arrivée prochaine de leur quatrième album.
D’un côté, il y a Generator, uppercut instrumental, sauvage et virulent qui nous rappelle les premiers instants de Justice, prouvant qu’ils n’ont rien perdu de la fougue de leur jeunesse.
De l’autre, il y a One Night/All Night, sorte de continuité un peu plus froide de Woman qui prouve le statut culte qu’à pris Justice au fil des ans puisqu’on y retrouve Tame Impala en featuring vocal. Et c’est sans doute ce qui nous gène un poil. Si on ne renie en aucun cas l’efficacité et le potentiel tubesque du morceau, la voix si caractéristique de Kevin Park semble prendre le pas sur la musique et le talent mélodique de Justice.
Rien de bien grave au final, surtout si l’on ajoute à l’équation le sublime clip de Anton Tammi qui nous emmène dans les nervures et les cœurs battants d’un élément vivant, passant dans les lumières et ossatures de ce produit futuristique qui se révèlera être l’iconique croix du duo.
Une chose est sûre, Justice est bel et bien vivant et désormais, on attend leur Hyperdrama avec énormément d’impatience.
Nelick – 2LATE
Nelick ne se fait jamais attendre bien longtemps, mais il gâte toujours ses fans avec des retours soigneusement travaillés, imprégnés d’une esthétique léchée qui lui est propre. D’une pierre deux coups, il fait appel à Mehdi Maïzi pour annoncer sa date à la Cigale à travers son clip de 2LATE.
Teinté d’un humour qu’on lui reconnait bien, on découvre ce nouveau titre dansant au travers d’une mise en scène, à laquelle il a convié ses amis Gouzou, Le Sid et Kofi Bae (qu’on retrouve également à la prod) pour l’acting dans un décors cinématographique haut en couleur digne d’un Wes Anderson, réalisé par les géniales sœurs Castay.
Reclus dans sa petite maison en bois, il se demande comment s’apprêter pour le retour vers l’extérieur avec des vêtements virevoltants et des indices mystérieux dissimulés dans les horloges. Le tout se conclut brillamment par un beau switch annonçant un prochain morceau porté par une voix féminine, sur fond d’une mélodie envoûtante de violon.