La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre, voici la première partie de notre 205e sélection.

Ye, Ty Dollar $ign – Talking / Once Again
Après des mois de teasing, de rumeurs, de vidéos, de leaks et de reports, nous semblons enfin y arriver. Le premier volume de Vultures semble dangereusement approcher à l’heure où ces lignes sont écrites. Après une première date de sortie prévue en décembre, résultant sur une parution avortée, le duo formé par Kanye West (autrement appelé Ye) et Ty Dolla $ign avance vers la mise en branle de non pas un, mais bien trois albums. Constituant alors une trilogie prenant le nom de Vultures.
Le premier single, un titre éponyme, avait déjà mis le feu au poudre et lancé les hostilités. Mercredi dernier, le duo a rendu public le deuxième single du projet, accompagné d’un clip réalisé les D’Innocenzo Brothers. Techniquement parlant, le clip ne réalise pas de prouesse, mais préfère amplement focaliser ses forces sur le minimalisme. On retrouve des séquences en gros plan, mettant l’emphase sur la captation de visage et d’expressions claires plutôt que sur des mouvements complexes. L’une des grandes spécificités du titre étant la présence de North West, la fille aînée de Kanye qui pose et impose sa présence, tant bien dans le morceau que dans sa vidéo. Cette dernière ayant déclaré qu’elle souhaitait marcher sur les traces de son père, on peut alors s’attendre à la voir apparaître de manière plus régulière à l’avenir, que ce soit dans son coin ou alors aux côtés de son paternel.
La piste est assez déconstruite et présente plusieurs parties qui s’enchaînent de manière assez abrupte. La première moitié présente North West poser sur un boucle qui rappelle les travaux précédents de Ye, sous fond d’influence Gospel. Cette première entité, intitulée Talking, est produite par Kanye West lui-même, mais son interprétation ne présente que sa fille. Ce dernier ne prononçant aucun mot durant son long. La seconde partie, Once Again, rappelle elle aussi les travaux que Ye avait notamment entrepris avec le très sous-estimé Jesus is King. C’est au tour de Ty Dolla $ign de poser et de laisser sa voix, très caractéristique et propre, intégrer le mix et prendre vie.
Sans être tonitruant ni révolutionnaire, Vultures semble prendre une forme au demeurant assez excitante. En espérant simplement que les deux rappeurs ne réservent pas à ce disque le même sort qu’à Yandhi, que l’on attend toujours quatre ans après son annonce officielle…
Gwendoline – Héros national
Notre duo de losers bretons préféré est de retour avec un nouveau clip : Héros national. Un objet filmique qui met en scène Cédric, le joyeux loser, héros du quotidien et de ses petits riens, campé par leur compère brestois Thibaut Derrien dans le décor bien urbain de… Brest !
Qui dit Gwendoline dit bibine ! Pas de sponsor officiel – en tous cas pas déclaré à ce stade -, la bière est bien présente dans le clip. On n’en dira trois fois rien, elle apparait à la fin pour célébrer le copain.
Si vous aimez comme nous Pierre et Micka, rendez-vous le 1er mars au 104, point d’orgue d’une bonne soirée aux côtés de Fat Dog, Lambrini Girls, Rallye, Bingo Fury et Mary In The Junkyard. Si vous n’êtes pas dans le coin, encore un peu de patience et ça sera partie remise le 11 juin à la Maroquinerie. Entre temps, encore quelque jours et le successeur tant attendu de l’excellent Après c’est gobelet arrive. On tiendra le cap comme on pourra.
Le Bleu – Tout éteindre
On ne va pas se mentir, on a cédé à l’algorithme d’Instagram qui nous le balançait un peu beaucoup. Fin de la résistance, on a jeté une oreille et ça sonne bien cette histoire quésapélorio Tout éteindre du groupe toulonnais Le Bleu.
En fin d’année dernière, le duo a sorti un premier EP intitulé Porte 11, deux Supersonic plus tard, voilà que le groupe balance un premier clip pour un titre catchy : Tout éteindre. Arthur et Hugo nous embarque dans l’obscurité d’un parking abandonné, d’une station-service elle aussi désertée, pour nous raconter une histoire d’extinction. Amour perdu ou silence imposé, libre à vos interprétations. On aime tendre l’oreille au champ(/chant) des possibles. Un deuxième EP devrait sortir prochainement, la curiosité nous honore.
Un clip réalisé par Justine Tolois (Ammonite Production).
Théodora – FNG
Après avoir fait vivre Lili dans les Paradis artificiels, Théodora continue sur un créneau rêveur où les couleurs pop de ses mélodies complètent la noirceur de certaines de ses pensées. Une dualité qu’elle met à nouveau en son et en image dans sa dernière sortie FNG.
Sous la caméra de Leam Inard, elle quitte sa Seine-Saint-Denis qu’elle aime autant qu’elle déteste pour une nouvelle odyssée dansante qui prend vie grâce aux rythmiques se dégageant de la production de Mei et Mattu.
Sous ces artifices colorés, la jeune artiste n’en perd pas les questionnements qui la suivent depuis ses premiers morceaux : la solitude, l’émancipation ou encore les relations amoureuses continuent d’être exploités par le prisme singulier et songeur de Théodora.
Kowari – Tomorrow
Avec ce nouveau single, le duo belge Kowari pousse la porte des musiques électroniques et découvre une nouvelle manière de se raconter qui passe plus par le ressenti que par le verbal. Une manière de faire qui leur permet aussi de jouer avec un visuel peaufiné de A à Z par Louis Kempeneers qui accompagne qui donne une autre dimension à ces sept minutes progressives.
Tout commence par une discussion, de ce qui semble être un couple. L’homme y fait part de son envie d’ouvrir un bistrot dans lequel il pourrait accueillir ses ami.e.s. Pendant ce temps, la caméra suit la progression d’un motard roulant seul dans la nuit. Sous une progression mélodique froide, teinté d’un piano sensible, c’est sa route qui va être contée au fil de la montée en pression du morceau. Enchaînant scène de vie et longue ride sur son deux roues, la réalisation va au plus près de ses émotions pour les retranscrire sans artifice à l’image.
Sensible et immersif, ce nouveau récit appuie la complétude du duo qui insuffle un nouveau souffle à sa musique.
Elyon – Ouverture
Dans la première saison de Nouvelle École, Elyon a captivé les spectateurs avec son style musical unique et sa perspective novatrice. Pourtant, malgré une originalité sans limite, il n’a proposé qu’une seule nouvelle création depuis la fin de la série. Heureusement, l’année 2024 commence fort avec le retour tant espéré de ce talentueux artiste qui nous offre son tout nouveau morceau, Ouverture, sorti ce vendredi 09 février.
À première vue, le clip peut sembler assez simple, mais il est bien plus complexe qu’il n’y paraît. En réalité, la vidéo cache une multitude d’éléments sujets à diverses interprétations. Elyon continue de démontrer son talent pour intriguer et captiver son public. On le voit agenouillé, entouré d’objets qui pourraient être liés à ses précédents morceaux. On peut distinguer un amas de poudre blanche rappelant la colline qu’il gravit dans le clip de Qui va écouter ça?, une photo de famille, ainsi qu’un jerricane d’essence, évoquant potentiellement sa relation avec le feu et son identité de rappeur.
Ensuite, les coulisses se dévoilent, montrant l’envers du décor, avec toute l’équipe en action, et surtout une femme mystérieuse, au regard grave, assise en premier plan. Mais dès que le « clap » résonne, c’est l’agitation. Un chaos envahit la pièce, et tout le monde s’enfuit du plateau pendant qu’Elyon offre un spectacle pour le moins étrange. Seule la femme reste immobile, observant la scène avec un sourire qui se dessine lentement sur son visage, avant de finalement acquiescer, comme pour confirmer ce qui se passe devant elle. La vidéo se termine par un message sur fond rouge : « La musique est une porte ». Le tout est accompagné par la magnifique voix du rappeur, vacillant entre les kicks et le chant.
Même à l’heure actuelle, la question persiste : que venons-nous de voir ? Et c’est là toute la puissance de l’artiste. Il appréhende l’art du rap dans sa totalité, nous entraînant dans un périple à travers une palette d’émotions peu habituelles dans ce style musical. Ouverture représente le premier élément de cette vision musicale à la fois énigmatique et impressionnante d’Elyon, et il est fort probable qu’il devienne l’une des sensations de l’année.
Félix Dyotte – Dites-moi que la vie n’est pas ce qu’on attend d’elle
Après ne pas avoir voulu nous dire Bonjour en novembre dernier, Félix Dyotte a cette semaine de la nouveauté pour nous. Alors que tout semble parfois prévu et perdu d’avance, Dites-moi que la vie n’est pas ce qu’on attend d’elle prend la forme d’une quête viscérale de l’imprévu : on se languit ici de ses bons et mauvais côtés qui nous maintiennent en haleine, le tout sur une habile progression d’accords. Ce brillant nouveau titre est accompagné d’un vidéoclip génial et fantasque où les délires d’anesthésie prennent vie sous la supervision de Romy Côté.
Beth Gibbons – Floating On A Moment
Il y a des voix inoubliables reconnaissables entre toutes et celle de Beth Gibbons en est une. La musicienne anglaise vient d’annoncer son très anticipé premier album solo et sort Floating on a Moment, une chanson envoûtante et hypnotique de près de 5 minutes et demi, un voyage à travers le temps et les espaces qui rappelle qu’il faut vivre dans le moment : “All we have is here and now”.
L’artiste américain Tony Oursler a réalisé le clip spectaculaire qui accompagne le morceau, en images digitales (AI?) mouvantes qui nous transportent d’un espace à un autre, de l’Arctique aux fonds marin, de la forêt au ciel… Un périple riche et étrange dans lequel la chanteuse de Portishead apparaît tantôt dans un boule de crystal. Tony Oursler écrit du morceau et de la vidéo: « Lorsque j’ai entendu Floating On A Moment pour la première fois, cela m’a littéralement transporté d’un endroit à un autre, me remplissant d’émotions et de visions kaléidoscopiques. Je voulais tant que possible saisir ce liquide psychique dans la vidéo. Le travail de Beth est si puissant qu’il peut nous guider à travers les forêts et les feux de la vie, nous révéler des perspectives de futurs possibles. Avec une voix et une musique de cette nature, je savais qu’il fallait concevoir des images ouvertes et spéculatives. »
Lives Outgrown sortira le 17 mai sur Domino.
Beth Gibbons jouera à Paris le 27 mai à la Salle Pleyel, le 31 à Lyon à la Bourse du Travail, et le 6 juin à Bruxelles…
Peter Deaves – Gasoline
Le singer-songwriter anglais Peter Deaves a sorti cette semaine le clip de son titre Gasoline. S’appuyant sur des influences musicales telles que Radiohead et Gregory Alan Isakov, le musicien livre avec Gasoline une chanson sur la façon dont le monde semble configuré pour nous maintenir dans un conflit toujours croissant les uns avec les autres et avec nous-mêmes.
Le clip, co-réalisé avec le parisien Léonard Porche, s’ouvre sur Peter Deaves se réveillant auprès d’une valise lumineuse, tandis qu’un couple se dispute autour d’une flamme. On suit ensuite le musicien dans sa fuite des rues de Paris vers la campagne lointaine, toujours en possession de cette mystérieuse et précieuse valise, qui contient quelque chose de désirable, ou non?
Le titre fait partie du premier album de Peter Deaves, Ceol Agus Gra, qui sortira le 15 mars prochain chez Octopus Production.
Garance Midi – Le Grand 8
« Attention au départ » Garance Midi nous embarque, avec sa nouvelle chanson Le Grand 8, pour un tour en roller coaster et trois minutes de sensations. Une douce montée mélodique – guidée par le chœur des garçons du groupe – suit la section ascendante de la voie, celle du premier lift. Une fois passé le point de bascule, le train accélère et le rythme s’emballe « Dans le grand 8 j’aime quand ça va vite ». La voix de Garancenous accompagne alors que les virages musicaux se succèdent apportant leurs lots de frissons et d’excitations.
« Je ferme les yeux sur scène comme à la fête foraine », Le Grand 8 fait le parallèle entre la montée d’adrénaline déclenchée par les manèges et celle que ressentent les musiciens en montant sur scène.
Une chanson toute simple. Presque naïve tant sa capacité à partager les émotions semble évidente et authentique. Mais bigrement efficace et séduisante. On ressent – avec intensité – le caractère addictif des sensations éprouvées, où vertiges et plaisirs se confondent.
Un clip tout simple. Réalisé par Ari Rodriguez – le bassiste du groupe – à base de projections, de superpositions d’images et d’effets ou de bricolages lofi. Mais bigrement imaginatif et ingénieux. Quelques plans suffisent pour nous plonger dans l’atmosphère d’une fête foraine devenue (non pas noire, mais) électrisante.
Le Grand 8 est le deuxième extrait du premier album de Garance Midi – Dans la maison – à paraître fin mars. Restez à l’écoute !
Gabriel Auguste ft Diane Sagnier & Calypso Valois – Toi ou rien
Avec ce troisième extrait de son concept album – La Grande Gomme – à paraître mi-mars, Gabriel Auguste soulève un peu plus le voile qui entoure encore son nouveau projet. Un projet aux formes multiples qui mêle musique, narration, dessin ou vidéo. Né des pensées de Gabriel Auguste, il esquisse un monde imaginaire dystopique et donne naissance à une histoire – celle de La Grande Gomme – qu’il nous contera bientôt épaulé de ses nombreux et chevronnés compères (Dominique A, Alain Chamfort, Lescop, P.R2B, Valentino Vivace, Hubert Lenoir, Calypso Valois et Diane Sagnier).
La chanson Toi et Rien en est un tableau. Elle dépeint la complicité de deux sœurs Isis et Aïcha– Calypso Valois et Diane Sagnier – qui essayent d’échapper à l’emprise de l’intrigant Professeur Mercury – Lescop. Une douce et jolie ballade aux reflets délicieusement psychédéliques dans laquelle les voix des deux chanteuses s’harmonisent de façon surprenante. Elles donnent force et vie à cette connivence faite d’amour et de tendresse que l’on sent ainsi invulnérable. Toi et Rien.
Témé Tan – SAGE (Live from home)
Témé Tan nous avait bien manqué et il faut dire que son superbe Quand il est seul a clairement récompensé notre patience.
D’ailleurs, ça donne quoi une absence de 6 ans dans le monde de la musique ? Le Belge a une partie de la réponse et il nous la délivre dans SAGE. Un produit à la mode qu’on fait briller et dont on se débarrasse tout aussi vite.
Un morceau entrainant, poétique et qui laisse apparaitre dans ses interstices une petite dose de cynisme sur un milieu qui malheureusement déraille. Plus question d’être sage pour Témé Tan et c’est tant mieux. Que ce soit dans ce morceau, ou les autres de son album, il reprend le contrôle : de sa musique, de sa vision et de ses émotions.
Preuve en est avec cette superbe session maison enregistrée avec Simon Vanrie dans le champ derrière chez lui. Un minimalisme bien senti dans un champ qui permet à Témé Tan de se mouvoir et surtout de s’exprimer. À le regarder tourner comme un lion en cage dans sa veste treillis, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec ce que raconte SAGE.
Une interprétation folle, puissante, qui laisse exploser la colère et met de côté toute idée de frustration. Tanguy n’est plus sage et ça nous rend très heureux.
Prochaine étape : le retrouver sur scène le 21 février prochain au Hasard Ludique. On y sera et on ne peut que vous conseiller de nous rejoindre.
Camille : L’artiste bruxellois Témé Tan revient avoir le titre SAGE. Cette version est un live réalisé « à la maison ». C’est Simon Vanrie, à la réalisation, qui a l’habitude de travailler auprès d’artiste, en réalisant leurs clips ou en s’occupant de leur direction artistique (par exemple, Françoiz Breut). Ce choix de réaliser le clip dans un jardin donne un espace de liberté et de créativité au chanteur. On l’aperçoit jouer, chanter, parfois crier ou danser. Musicalement, on retrouve ses influences de globetrotteur avec des percussions semblant tout droit venir du Brésil. Côté paroles, Témé Tan revient sur des conseils donnés, probablement lorsqu’il était enfant : « Tu me disais d’écouter et d’être sage ! ». Ce qui l’a décidé de ne pas faire, pour la plus grand plaisir de nos oreilles.