La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre, on vous dévoile la première partie de notre 231ème sélection.
Astral Bakers – Cherry-Coloured Funk
Retour dans les 90’s avec Astral Bakers qui nous offre cette semaine une cover cosmique de « Cherry-Coloured Funk », l’un des morceaux les plus emblématiques des Cocteau Twins issu de l’album « Heaven Or Las Vegas ».
Les 4 copains dont on vous parle décidément beaucoup à La Face B ont voulu « rendre hommage à ce morceau et à la voix envoutante d’Elisabeth Fraser ». Une manière aussi de se dévoiler en partageant l’une de leurs références communes et en travaillant une version qui permet de saisir encore plus la singularité du son des Astral Bakers. Theodora est au chant. Le paysage de guitares original a été recréé, avec néanmoins un son plus brumeux, vaporeux. Le groupe voulait aussi « évoquer un sentiment de proximité et d’intimité à travers les voix des couplets, afin de créer une nouvelle façon de vivre la chanson et de construire un pont entre l’univers de Cocteau et le nôtre. »
Côté clip, le réalisateur Hugo Pillard retrace des morceaux de l’histoire des Astral Bakers, tout en s’inspirant de l’univers des Cocteau Twins. On découvre un assemblage de plusieurs extraits de concerts (Route du Rock, Musique en stock, La Maroquinerie, etc) et d’images off de Sage, Theodora, Zoe et Nicolas, dans leur cheminement vers Astral Bakers et la sortie de The Whole Story. On retrouve la Twins touch avec la superposition d’images – comme dans le clip des jumeaux « Heaven or Las Vegas » – un grain so 90’ et aussi une prédominance de rouge et de violet, comme sur la pochette de l’album.
Un titre et un clip qui nous régalent ! Et bonne nouvelle, les Astral Bakers seront bientôt de passage à Paris dans le cadre du festival MaMA Music & Convention. Rendez-vous à La Cigale le 18 octobre.
Moorea – Maison hantée
On avait trouvé Moorea saisissante à l’écoute de son premier EP. On la découvre également capable d’un humour auto-dérisoire et, ici, même poétique. Tenant par la main son petit neveu dans une fête foraine dieppoise aux airs de Coney Island, la chanteuse-productrice est poursuivie par un fantôme vêtu de drap blanc. Spectre à demi-inquiétant qui ne parvient rarement à tirer plus qu’un soupir à ses deux victimes, le voici qui s’acharne à la pêche aux canards, au manège, au grappin. Faire peur n’a-t-il pas toujours été son métier ? Sa raison d’être ? À moins que… Illustration lumineuse d’une chanson qui exprimait déjà à merveille la difficulté de vivre dans une existence qui ne nous appartient plus, on ressort du clip de Maison hantée avec une affection grandie pour l’artiste normande. Vous reprendrez bien un peu de barbapapa ?
Jesse Harris – Rose du ciel
Vous entrez dans l’automne avec déjà les cernes autour des yeux. Mais un beau jour de septembre, vous tombez sur ce titre Rose du ciel du songwriter Jesse Harris. De Jesse Harris, vous pensiez ne rien connaître, jusqu’à ce que votre moteur de recherche vous révèle que tout le long de votre vie, il avait été présent, dissimulé dans les crédits de Norah Jones, de Maya Hawke, de Julian Lage ou encore de Bright Eyes.
Alors, vous lancez la lecture. Les cernes disparaissent, et c’est un effet qui vous laisse coi. Car vous entendez une musique qui a tout de la nostalgie estivale, qui distille à travers un grain de super 8 une plénitude d’avant-sommeil. Le clip filmé par Harris lui même ainsi que Nick Weber ne dit pas autre chose : on y voit le songwriter doucement égaré sur une plage de galets, bob, soleil et guitare en main. On s’y délecte de la voix de Anson Jones, invitée sur le titre. On se dit qu’il y a là un bel avant goût du concert de l’artiste, à venir le 25 septembre au Duc des lombards. Et une belle occasion de croire que cette rentrée n’est finalement pas si désagréable.
Astéréotypie – Je ris pour autre chose
Le collectif Astéréotypie a fait tranquillement ses premiers pas en 2010 dans un institut médico-éducatif basé à Bourg-la-Reine porté par Christophe L’Huillier, éducateur et musicien. Le groupe est composé de résidents de l’IME qui, lors des ateliers d’écriture et de poésie, ont couché sur papiers leurs plus beaux phrasés pour les déverser en live un peu plus tard. Puis, Claire, Stanislas, Yohann, Aurélien et Félix ont accueilli à leurs côtés Benoit Guivarch au clavier puis Arthur Gillette et Eric Dubessay (Moriarty).
Aujourd’hui, ils parcourent la France en foulant les scènes les plus prestigieuses, nous inondant de leur charisme et de leur punk frontal, sincère, vrai et définitivement électrisant. Sur scène, il n’est plus question d’autisme mais d’artistes qui ont une parole libérée, honnête, qui créent des textes puissants et qui sont de vraies tornades. Boostant l’énergie du public en un battement de cil, leur live hyperactif consolide la synergie ambiante.
Je ris pour autre chose, nouvel extrait du groupe, est sorti le 5 septembre dernier. Cette fois c’est Stanislas qui nous prend par la main pour nous plonger dans son univers. Sa spécialité : le spoken word. “Ça me fait rire de faire dire des conneries aux gens” nous dit Stanislas et ça tombe bien, on adore rire à La Rédac’ de La Face B ! Derrière leurs petites lunettes de soleil noires, on aperçoit tous les membres du groupe dans ce clip. La force du collectif est là. De la danse, de l’amitié, des compagnons et beaucoup de rires ! Merci Stanislas d’être là pour faire dire des conneries aux gens, le monde n’en devient que plus léger l’espace d’un instant et on en a bien besoin ! On a hâte de les retrouver sur scène bientôt. Longue vie à Astéréotypie !
Quelques dates pêle-mêle : au Festival Ô Les Choeurs à Tulle le samedi 2 novembre, à L’Antipode de Rennes le mercredi 18 décembre en compagnie de Gwendoline (le combo parfait, on fond) ou à La Maroquinerie de Paris le 14 février 2025…
She Past Away – Inziva
Le duo turc originaire de Bursa She Past Away est de retour ! Qui dit nouveau single, dit nouvel album pas loin. Il faut dire que depuis Disko Anksiyete en 2019, le groupe a beaucoup tourné à travers le monde. Peut-être qu’un jour, ils reviendront jusqu’à nous.
En attendant l’opus, le single Inziva – qui se traduirait par isolement – émerge. L’esthétique noir et blanc bien appréciée du groupe reste intacte et cette fois-ci, les inspirations expressionniste et des films muets du début du XXème siècle se font sentir. Dans cette même veine musicale, cet univers n’est pas sans rappeler celui de Bauhaus et son single incontournable Bela Lugosi’s Dead. Réalisé par Nedda Afsari et Michael E. Linn (Muted Windows), le clip met en scène une espèce de clown triste transportant un œuf lumineuse rejoint par des figures fantomatiques plus ou moins cauchemardesques.
Un bel objet filmique entre ombres et lumières, qui nous donne le ton d’un nouveau chapitre pour She Past Away toujours aussi désespéré. Les orientations sonores n’ont pas bifurqué, le mélange gothique / électro n’a pas fini d’infuser.
Lord Esperanza – Enfer
Lord Esperanza voit les choses en grand pour son EP Atlas sorti en juillet dernier, avec pas moins de quatre clips, dont le dernier sort cette semaine. Après l’énergique Différent, l’engagé Very Bad Trip et le mélancolique Amertume, voici le tour du sombre Enfer, qui clôt l’album. Le réalisateur Nathan Saillet (aussi présent sur les deux clips précédents) y met en scène Lord Esperanza comme un ange déchu, seul sur une scène vide.
L’alternance de sa silhouette sombre sur fond blanc et de son visage éclairé sur fond noir nous plonge dans une obscurité qui colle parfaitement à la relation destructrice dont il est question. L’enfer, ici, c’est observer l’amour se muer en passion triste sans savoir faire autrement. C’est voir l’autre lutter avec ses démons et se battre avec les siens : « C’est plus fort que toi, tu dois tout gâcher », « Tu détruis quand t’as peur de t’attacher ». L’enfer, c’est cette histoire dont on a du mal à se détacher, par habitude, par orgueil ou par amour du souvenir, mais dans laquelle on se retrouve irrémédiablement seul.
À la faveur des effets visuels employés, les contrastes se brouillent par moments, suggérant qu’il n’est pas si facile de tracer une ligne claire entre le bien et le mal. Si l’autre est comparée à une Gorgone, monstre des enfers capable de pétrifier quiconque croise son regard, celui qui parle à la première personne admet aussi ses propres failles « T’as le cœur inflammable / J’ai le goût du risque ».
L’arrangement épuré au piano laisse la place à l’émotion pure. Lord Esperanza y dévoile un peu plus sa voix chantée et frappe encore par le pouvoir évocateur de ses textes. L’image est à la hauteur du morceau et l’ensemble ne laisse pas de marbre.
Wild Classical Music Ensemble – My Frustrations (ft. Fabrice Gilbert)
Ouate de phoque dira-t-on pour rester dans un langage acceptable.
Les belges du groupe Wild Classical Music Ensemble s’apprêtent à sortir leur album Confined chez Born Bad Records. Le nom de ce nouvel objet sonore n’est pas sans évocation à ces dernières années quelque peu tourmentées. On nous indique que pour le réaliser pendant cette période éprouvante, chacun des membres a composé une chanson de son côté. Les morceaux ont été envoyés à des amis musiciens parmi lesquels Fabrice Gilbert du groupe phare signataire du label cité plus haut : Frustration. Entre temps, le Wild Classical Music Ensemble se voit compléter de Nathan Ysebaert à la guitare et Nathan Copienne au synthé après les départs respectifs de Wout Wittevrongel et Wim Decoene.
C’est Carl Roosens qui se lance dans la réalisation des clips. Et pour My Frustrations on assiste à de la juxtaposition tant de sons que d’images. Un drôle de DIY qui pourrait faire penser aux fanzines de la fin des années 1970. Des polices d’écriture telles une manipulation foireuse sur Paint accolées à un décor en noir et blanc voire carrément d’écrans neige. C’est à ne rien y comprendre. Pas de doute on nage en musique expérimentale. Et bam Fabrice Gilbert fait sa première mini apparition (si si regardez bien à 00’39) en couleurs ! On vous aurait bien dit que ça sonne bruitiste mais c’est même brutiste. Ça dure 2 minutes, ça croustille dans le cerveau.
Kriill – Replay
On retrouve cette semaine le trio Kriill avec un nouvel extrait de leur deuxième album à paraître en début d’année prochaine. On est toujours curieux de ce que les trois garçons vont nous proposer depuis la pépite Little Things qu’on avait dévorée l’année dernière. Ici, c’est donc replay, titre presque électro dans sa façon d’être même s’il est joué avec des instruments électriques, mais on se surprend à hocher la tête et à balancer le corps comme sur un tube d’électro pop à 120bpm. Comme on avait pu le constater dans les précédentes productions de la formation, on retrouve des messages politiques ou a minima des questionnements sur l’impact de l’être humain sur sa maison Terre. L’idée est très chouette, si simple dans l’absolu et pourtant si hypnotique. Bref, l’impatience monte d’un cran et on clique sur replay pour continuer à secouer la tête.
Dodi El Sherbini – Je rêve je rêve
Grand maître de l‘horticulture musicale œuvrant au sein du jardin secret de la pop française, Dodi El Sherbini revient avec un nouvel album – Ave César – à paraître le 8 novembre sur le label Kidderminster. Sa chanson L’éternel retour avait sans doute un des plus beaux morceaux que l’on ait pu découvrir dans les années 2010 (et si riche dans sa composition qu’on le redécouvre encore aujourd’hui). Avec Je rêve je rêve, on retrouve ce même élan ou plutôt cette même fulgurance.
Une ligne mélodique incroyable qui s’appuie sur le tempo imparable qui structure l’ensemble de la chanson. Le flow de la voix Dodi El Sherbini y trouve instinctivement sa place. Surprenante et séduisante, la chanson Je rêve je rêve semble prendre à contrepied (ou a contrario poursuivre) Faut pas rêver de Patrick Juvet qu’il avait « providentiellement » repris sur son premier EP Olympia. Les paroles s’interpellent sans compromission en juxtaposant mots ou idées que l’on n’aurait jamais pensé associer.
La vidéo orchestrée par Kevin Elamrani-Lince (il a déjà illustré de nombreuses chansons de Dodi El Sherbini) reprend les codes graphiques si caractéristiques. Des images pimpées façon VHS supports – à la dérobée – de la structure narrative de la chanson. Une chanson sur la société de consommation et la versatilité de nos envies qui s’avèrent souvent futiles, mais dont les effets sont dévastateurs.
Father John Misty – Screamland
Le très grand Father John Misty nous propose un retour en force cette semaine avec la sortie de Screamland, un nouveau titre pile à la croisée de l’ombre et de la lumière. Sur une formule petits-couplets-gros-refrain, l’auteur-compositeur américain nous balade entre affliction et espoir pendant sept belles minutes. Estefania Kröl, la réalisatrice du clip, prend quant à elle le relais au niveau visuel en compilant une série d’images captées sur le vif nuit & jour via un téléphone portable. Screamland est tiré de Mahashmashana, le sixième et prochain album de Father John Misty, : il a été annoncé dans la foulée du morceau et est désormais attendu pour le 22 novembre prochain. Ce nouvel album vivra un peu partout sur scène et notamment à La Cigale à Paris le 8 avril 2025.
LENPARROT – La Conversation
Plus que deux semaines avant la sortie du troisième album de Lenparrot. Pour nous faire patienter, il nous partage la chanson, La Conversation, dont le titre a donné le nom à l’album. C’est celle qui lui a également apporté son élan narratif.
« Soudain dans la conversation se faufile une ancienne émotion ». Sensibilité mâtinée d’une mélancolie certaine, mais que la ligne mélodique lumineuse adoucit salutairement « J’en déduis que notre relation n’a rien d’une illusion ». Une ambivalence des sentiments qui nous fait avancer peut-être maladroitement, claudicant comme un enfant qui apprend à marcher, mais avec une envie inexorable de continuer à aller de l’avant. La Conversation est celle que l’on se fait intérieurement, nourrie par les pensées qui nous traversent et les souvenirs qui nous tourmentent ou au contraire nous apaisent.
Les images qui accompagnent la chanson font, elles aussi, partie de l’intime du chanteur. Un long travelling sur la croisette de Cannes, une chenille dans une fête foraine, la juxtaposition des couleurs de l’immeuble des échasses de Lorient, le paysage ressourçant du front de mer de Piriac… Des réminiscences presque oniriques qui surgissent inconsciemment au gré des errements de l’esprit. Laissez-vous porter par cette Conversation aux effets cathartiques qui « n’a rien d’une illusion ».