La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite, la première partie de notre 237ème sélection.
Jonathan Personne – Nuage Noir
En ce début de mois de novembre, Jonathan Personne sera de retour sur les scènes françaises avec son groupe Corridor pour présenter leur excellent album Mimi (chronique à retrouver ici). Cependant, c’est en solo que le musicien Montréalais fait parler de lui avec un double single : Nuage Noir/ Nouveau Monde.
Une double pièce qui montre tout le spectre musicale qui fait vibrer le musicien et sur lequel il pose sa voix aérienne. D’un côté Nuage Noir, un morceau qui transforme une boucle musicale hypnotique en grand moment shoegaze grâce à un agencement musical de haute volée qui permet aux guitares volontairement sauvages d’élever le morceau vers quelque chose d’à la fois agressif et psychédélique.
De l’autre, c’est un monde volontairement plus doux que Jonathan Personne nous offre avec Nouveau Monde, une pièce solaire et presque acoustique qui s’envole grâce à des sonorités différentes et l’apport de l’harmonica et d’un synthétiseur. Le tout donne deux morceaux au contrepoids parfait, équilibrant cette expérience et prouvant toute l’étendue de la composition de Jonathan Personne.
Visuellement, Liam Hamilton donne vie à Nuage Noir et y appose sa patte, s’amusant à mélanger prises de vues réelles et travail d’animation. Le tout donne un résultat au format carré, jouant sur les nuances de gris, à l’exception d’un bandeau rose sur le côté, qui répond parfaitement au côté psychédélique de la boucle musicale de Jonathan Personne.
Un résultat aux résonances visuelles profondément 80’s et 90’s qu’on pourrait interpréter comme une plongée dans la psyché du personnage dont il est question dans Nuage Noir : une personne qui semble bien sous tout rapport au premier abord (le personnage souriant) mais donc le cerveau cache des éléments plus sombres et violents, à la fois toxiques et autocentrées.
Stav – Couleur à toi
Une semaine déjà que Stav a dévoilé son premier album, Contretemps. Si l’album marque une évolution assez nette de sa Musique de Supermarché, il y a bien un morceau qui fait une sorte de transition parfaite entre les deux projets : Couleur à toi.
Morceau uptempo et très axé sur le rythme, Couleur à toi parle de Stav autant qu’il parle de nous. Comme face à un miroir, Stav parle de ce besoin qu’on a tous de trouver un chemin, de trouver un axe pour avancer dans l’existence. Un questionnement intime, qui entraine à la fois colère, douleur et incompréhension. Sur un rythme effréné, l’angevin cherche une sorte de paix, s’interroge sur ce qui fait ce que l’on est et surtout ce que l’on est pas. Une sorte de morceau qui rappelle qu’être différent n’est pas forcément une mauvaise chose et que la vie est aussi faite de chemins qui s’écartent parfois de la norme et des autres dans lesquels on peut trouver un peu de paix.
Suite directe au clip de Collège, la vidéo, réalisée à nouveau avec Josic Jégu et Morgan Richard nous entraine dans l’esprit de Stav à la rencontre de ses différentes déclinaisons.
Un multivers mental dans lequel on rencontre différentes parts de la personnalité de Stav, ce qu’il aurait pu être ou ne sera jamais. Chacun correspondant à un code couleur et à une expression d’émotion propre. On rapprochera forcément l’idée du Défaite de Famille de Orelsan, mais avec un côté plus irréaliste et drôle par moment.
Coilguns – Bandwagoning
Nous retrouvons les Suisses de Coilguns aux portes de leur nouvel album Odd Love qu’on attend pour le 22 novembre prochain. Surfant de nouveau sur la vague post hadcore/noise actuelle, le groupe dévoile Bandwagoning accompagné de son clip tourné en studio.
C’est dans les paysages épurés et fascinants de la Norvège que Coilguns a posé ses valises pour réaliser ce clip studio de Bandwagoning. Les paysages polaires et grandioses ont eu raison du groupe qui commençait à se refroidir. C’est avec ce morceau intense qu’ils ravivent leur feu intérieur. De quoi réchauffer et mettre en appétit les auditeurs en attendant la bombe Odd Love à venir.
Une des premières prises a été la bonne lors des sessions au Studio Ocean Sound de cette sublime contrée nordique. Les membres de Coilguns ont réussi à capter et à harmoniser leur cri viscéral si caractéristique que ce soit à l’aide des instruments ou de la voix. Ce cri, né de l’unité et de l’harmonie entre ces musiciens, résonne comme une vague de colère pour contrer le cri du monde, comme si ce hurlement devait effacer toute la porosité de la société ainsi que ses vicissitudes.
Ainsi, la musique de Coilguns se forge une armure, comme pour se protéger et nous préserver de la noirceur ambiante. Kévin, Luc, Louis et Jonathan représentent nos chevaliers aux bruits cinglants grâce auxquels notre bulle reste intacte. Et tout cela, tout en ayant pleinement conscience des maux de notre temps. Une parenthèse brutale et frontale pour un retour au calme après la tornade Coilguns.
Rendez-vous le 22 novembre.
Endless Dive – Deux Roues
Premier extrait de leur nouvel album à venir début 2025, Deux Roues signe la mutation du groupe belge instrumental Endless Dive. Après le départ de deux de leurs membres fondateurs, ce titre fait un écho certain aux petites roues qui leur ont été enlevées. C’est désormais en duo que Endless Dive continue son chemin. La dynamique a mué mais garde tout son intérêt et sa qualité.
Deux Roues est un morceau planant qui fait appel à notre mémoire, décrivant des expériences passées qui nous ont forgé. Un peu comme une madeleine de Proust, on s’exalte d’un panel de souvenirs dont la marque reste indélébile. On s’attache alors à ces doux instants de mélancolie et de nostalgie qui nous prennent et nous apaisent tels le murmure des vagues dans l’océan. À son écoute, on peut aisément penser à Explosion In The Sky, pour lequel Endless Dive emprunte l’ambiance feutrée de moments suspendus dans le temps.
Pas à pas, ce processus vers lequel le duo nous amène, rallume la flamme de l’éternel et connecte délicatement le passé révolu au présent de chaque instant. À la manière d’une berceuse, Endless Dive nous rapproche de notre âme d’enfant qu’on aurait tendance à oublier.
Dans ce clip, construit d’un enchevêtrement de vidéos amateur, se dessine nos années 90 où la coutume voulait, pour celles et ceux qui pouvaient en disposer, que les parents et plus généralement la famille participent à capturer ces jolis moments de la vie, de l’enfance. Faire du vélo incarne la première grande étape d’apprentissage dans la vie de bon nombre d’individus. Adulée par nos piliers proches comme par notre âme d’enfant elle-même, cette étape marque un pas de géant dans l’âge supérieur qui est célébré presque comme un anniversaire et dont le cerveau creuse un sillon qui constitue alors un souvenir dont la cicatrice persiste.
Ce rite de passage peut être aussi dangereux puisqu’il peut générer des égratignures. C’est en apprenant à tomber qu’on arrive à notre but. C’est par la prise de risques qu’on évolue. Il y a là clairement une métaphore de la vie. Peut-être le groupe transpose-t-il son expérience récente à travers la scission de leur formation ?
Quoi qu’il en soit, la vie doit continuer et nous devons grandir. Ne pas rester au point mort. Sans cesse se réinventer. Continuer de sourire et embrasser la vie comme elle se présente. Endless Dive prépare un nouvel album prévu pour février 2025, de quoi nous accompagner de moments chaleureux et apaisants pour cet hiver.
Oracle Sisters – Alouette
Après la sortie l’an dernier de leur premier album Hydranism, le trio parisien Oracle Sisters revient avec le single pop-folk Alouette.
Le groupe a confié la réalisation du clip à Jim Longden, après l’avoir rencontré dans un bar parisien tard dans la nuit. Le réalisateur offre dans le clip une vision unique, sans coupure, des prouesses de Charlie Rowe, caméléon tourmenté, qui joue son meilleur rôle après avoir appris qu’il n’avait pas été retenu pour une vidéo d’Oracle Sisters… « Nous le voyons triompher des obstacles et délivrer l’excitation et la passion que nous voulions que la chanson dégage et à laquelle le public a répondu, lorsque nous avons lancé le morceau lors de notre tournée des festivals d’été », explique le groupe.
Le groupe vient en parallèle d’annoncer leur plus grande tournée britannique et européenne à ce jour, au printemps prochain.
Laventure – Virtuous
Laventure c’est l’aventure musicale d’Ingrid Laventure. En septembre dernier, Laventure sortait leur premier EP intitulé Mad girl. Virtuous est un titre qui sonne comme un doux mélange de Prince et Sade. La voix est chaude, l’ambiance est planante, le tout nous transporte dans des espaces lounge où l’on « chill ».
Les néons de couleurs, les confortables canapés meublent l’espace mental, il ne manquerait plus que l’aquarium aux poissons multicolores !
Tout au long du clip, qu’elle soit sur la route ou dans une rue à la tombée de la nuit, Ingrid nous tient par son regard particulièrement doux mais puissant. Virtuous est une chanson qui porte un message clair : fuck slutshaming. Vous savez ce néologisme né de slut (salope) et shaming (moquer) ; le fait de stigmatiser une femme parce qu’on estime que son comportement, son attitude ou tout simplement sa plastique seraient perçus comme « trop » provoquants.
Dirty Deep – Who’s The Devil Now
Ca y est, dans toutes les bouches, on commence à entendre qu’il fait « frisquet ». Autant vous dire que ça n’est pas le cas dans le clip de Dirty Deep. Dirty Deep en formule solo pour cette fois. L’homme-orchestre du jour c’est Victor Sbrovazzo qui joue de la guitare, de la batterie et de l’harmonica, il trouve même le temps de chanter le bougre ! Cette petite installation se positionne au milieu de deux quarter pipes.
On devine que le garçon a décidé de tourner son clip au milieu des paysages de son Alsace natale. Un skater nous invite à découvrir les alentours, on y croise même des adorables canards. Who’s The Devil Now est un morceau classique blues rock qui apporte un peu de soleil dans l’automne. On se laisse porter par cette petite rythmique qui nous fait taper du pied à notre tour.
Ethel Cain – Punish
On croirait presque entendre les corbeaux au loin, les grincements des portes et des escaliers, le silence pesant que seul le souffle du vent vient troubler, rappelant l’ambiance d’un film d’horreur se déroulant dans une communauté religieuse du sud rural des États-Unis. Ce style n’est pas nouveau pour l’américaine, qui depuis Preacher’s Daughter bâtit un univers gothique marqué par le divin et le trauma religieux, flirtant avec l’étrange, empreint de teintes sépia et de l’esthétique vintage des photographies polaroid et argentiques.
L’annonce de son prochain album a fait grand bruit : le second opus d’Ethel Cain, Perverts, est prévu pour le 8 janvier prochain. Peu à peu, l’univers tout ce qu’il y a de plus sinistre de cet album se dévoile, avec un titre qui ose aborder ce qui dérange, et interpelle. « Ça arrive à tout le monde », affirme-t-elle. Alors qu’il serait facile de tomber dans les clichés du genre, elle montre à quel point elle maîtrise à la perfection un style qui n’irait mieux à personne d’autre. Ici, mélancolie et traumatismes font surface pour aborder l’indicible, la perversité. Et elle nous donne un avant-goût pour Halloween avec le premier extrait du projet, Punish, entièrement produit par ses soins.
Une balançoire grinçante rythme un piano lancinant et une voix angélique. Un visage dissimulé sous un voile noir, un couloir sombre, une âme errante et tourmentée. Ethel parvient à faire durer deux couplets sur une pièce de plus de six minutes, laissant respirer sa musique et plongeant l’auditeur dans un abîme où cohabitent réconfort et tension, dans une ambiance enveloppante, à la fois dense et aérienne. Puis, à trois minutes cinquante, le piano laisse place à une guitare électrisante, renforçant une sensation d’inconfort familière, attirante et presque plaisante malgré nous. Elle fait l’un écho d’une expérience qu’elle n’est malheureusement pas la seule à connaître : celle de se croire puni.e par l’amour, et de se sentir indigne d’attention et d’affection à cause de notre passé.
Denzel Curry, LAZER DIM 700 & Bktherula – Still In The Paint
Après avoir rendu hommage à la Floride au travers de son projet King Of The Mischievous South Vol. 2, Denzel Curry remonte un peu plus au Nord de la côte Est pour une ride effrénée dans le métro new-yorkais en compagnie de LAZER DIM 700 et Bktherula.
Pour mettre en scène ce voyage souterrain, c’est l’équipe de Lyrical Lemonade à la réalisation, prouvant que la boîte de Cole Benett à su s’adapter aux différentes époques du rap et reste un vivier intéressant d’idées.
Inspiré par les cuivres triomphant de la production de Charlie Heat, l’énergie du morceau s’empare de cette rame de métro dans laquelle se retrouve, en plus des trois interprètes, un guest surprise en la présence de Waka Flocka Flame.
C’est dans cette atmosphère turbulente que les couplets s’enchaînent et que Denzel laisse briller les talents bruts de LAZER DIM 700 et de Bktherula prouvant qu’il n’a pas perdu son flair pour dénicher des talents.
Yard – Call
Le groupe irlandais sera bientôt en France à l’occasion de la prochaine They’re Gonna Be Big du Supersonic le 7 décembre. En attendant, après Bend sorti en août dernier, Yard dévoile Call, un titre démoniaque qui use sur nos nerfs en perçant avec brutalité les imperfections des choix humains.
La bande nous mets donc face aux reflets de nos choix qui ont un impact laissant bien souvent des regrets. Le clip signé Claire Schorman met en évidence cette nervosité de nos pensées sombres qui s’éclairent quand nous pensions devoir agir différemment. Les motifs se teintent de différentes couleurs et se délient. Cet ensemble surgit quand les riffs de guitares saturées sont appuyés par une techno explosive. Le final savoureux est puissant et torture notre esprit entre le positif et le négatif.
The Horrors – Trial by fire
Nouveau single clipé pour The Horrors qui nous font attendre le 21 mars prochain pour découvrir leur nouvel album Night Life à paraître chez Fiction Records. Halloween vient de passer mais The Horrors demeure. Le line up évolue un peu. Si Faris Badwan, Rhys Webb et Joshua Hayward sont toujours là, il faut désormais comptabiliser Amelia Kidd et Jordan Cook dans les rangs.
Trial by fire s’offre un clip tout au ralenti non moins dopé à une énergie très ancrée dans la mouvance post-punk, The Horrors imaginent une espèce de groupement nocturne très graphique. Après une introduction énigmatique, défilent ainsi des silhouettes dont l’une au pied relié à une corde que l’on voyait déjà en ouverture. Le morceau gagne en puissance crescendo, peu à peu ce groupement pourrait faire penser à un soulèvement silencieux. Que viennent-ils demander ? Mystère planant, on vous laisse découvrir !
Sylvie Kreusch – Daddy’s Selling Wine in a Burning House
Après le néo-western à la Paris, Texas d’Hocus Pocus,Sylvie Kreusch dévoile Daddy’s Selling Wine In A Burning House, un clip où l’esthétique sombre de Sin City se marie à une photographie veloutée façon Mulholland Drive. Sous l’œil du réalisateur belge Lennert Madou, Sylvie Kreusch devient une héroïne de dystopie urbaine, déambulant d’un pas certain dans un clair-obscur futuriste, avec une dégaine à mi-chemin entre Nick Cave et Marlène Dietrich.
Extrait de son prochain album Comic Trip, le morceau accompagne une course sans fin dans une roue géante, tournant mécaniquement à travers crépuscule, neige et soleil brûlant. Silhouette intimidante et intrépide, juchée sur des talons vertigineux, Sylvie Kreusch brave les éléments, chaque pas frappant le sol avec une intensité viscérale. Une quête éternelle dans un décor glacé et mystérieux, qui se laisse apprécier pendant ces trop courtes 4 minutes 39.
En bref : un énième avant-goût esthétique, qui pique notre curiosité pour l’album, et nous fait déjà trépigner d’impatience.