La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite, la première partie de la 244ème sélection des clips de la semaine.

Thomas Fersen – Blasé
On peut avoir plus de trente ans de carrière et garder une âme, et une plume, d’adolescent. Vous en doutez ? Allez donc poser une oreille ou même les deux sur Blasé, le dernier morceau de Thomas Fersen.
Poétique et jamais nostalgique, Blasé se plonge dans les souvenirs d’adolescence qu’on a tous plus ou moins vécu et qui se concentre souvent derrière ce sentiment étrange, l’indifférence protectrice, celle qu’on utilise comme une armure pour se différencier.
Avec ce morceau, Thomas Fersen se plonge dans ses souvenirs et nous rappelle surtout les nôtres. C’est beau, tendre et toujours infiniment poétique. À l’inverse de son titre, il n’y a rien de blasé dans le rapport à la musique de l’artiste. La preuve, il s’acoquine ici avec l’excellent trio SR9 pour mettre en musique ce texte. Faussement lancinant, le titre jouit ainsi de l’utilisation de marimba, vibraphone et piano préparé pour se transformer en ritournelle où l’émotion trouve écho dans la musique et inversement.
Et puisqu’on est jamais mieux servi que par ses vieux amis, c’est Vincent Delerm que Thomas Fersen laisse le soin de réaliser la vidéo qui accompagne blasé.
Et ici se joue un jeu de miroir entre Fersen et le fantôme de son adolescence, jouait par Sacha Delerm. Un jeu de miroir drôle et sensible porté par le sens du cadre de Vincent Delerm, le clip devient ainsi une succession de petits tableaux, des petites scènes qui résonnent dans l’histoire de Blasé et rajoute une petite couche de surréalisme et de poésie visuelle au morceau.
Un beau retour qui annonce un nouvel album, le choix de la reine, attendu pour le 28 février prochain.
Victor Solf – Le meilleur de toi
Victor Solf dévoile cette semaine le clip qui accompagne Le meilleur de toi, le 3e extrait de son 2e album solo Tout peut durer annoncé le 24 janvier prochain. Un titre émouvant, sans pathos, dans lequel il rend hommage à son frère d’armes Simon Carpentier, avec lequel il formait le duo Her, décédé tragiquement en 2017.
A la genèse du morceau, Victor Solf voulait parler d’Eternal sunshine of the spotless mind de Michel Gondry, un film qui l’a particulièrement ému. Certaines paroles proviennent d’ailleurs du film, par exemple « Je ne me souviens de rien sans toi ». Et au fur et à mesure du travail d’écriture, Victor a pris conscience qu’il ne parlait plus du film mais de son propre rapport à l’absence. En résulte un titre poignant, dans lequel on ressent toute l’intensité de l’émotion du chanteur : une production épurée, des paroles fortes et la voix de Victor, à la fois solide et fragile.
Le clip a également été réalisé par Marwan Aboustait et Louis Nobile, dans le même décor que les deux précédents clips Tout peut durer et Que le cœur. On y voit Victor Solf seul, dans un magnifique éclairage clair-obscur, pris dans le tourbillon de ses émotions, entre peine et résilience.
Victor Solf sera en tournée dans toute la France et passera notamment par La Cigale à Paris le 3 avril 2025.
Pneu – L’Offre Culturelle
Ils nous auront fait patienter sagement pendant neuf longues années. C’est fin 2024 que Pneu, duo noise de Tours, fait son grand retour avec bientôt, un nouvel album à la clé qui paraîtra chez Head Records et enregistré chez Amaury Sauvé, rien que ça ! Vivement le 7 février donc, pour fêter ces réjouissances !
Le morceau démarre avec un petit coup de saturation qui constitue les prémices de ce qui va suivre. À l’écran, des nuages de précipités blanchâtres défient les lois de la gravité. Le tableau qui se dessine se calque sur une explosion au ralenti. Les fluides se rassemblent et forment un raz-de-marée, et même si ce n’est pas le même contexte, l’image du raz-de-marée de sang qui se déverse de l’ascenseur dans Shining titille l’esprit.
Le titre apparaît alors à l’écran et c’est parti, la machine infernale est lancée. On s’attarde sur l’image suivante tant elle paraît à la fois extrêmement dérangeante et cocasse. Des individus vomissant ce fameux liquide s’adonnent à des activités qui intègrent leur parcours social individuel et collectif. Cela passe par les intéractions sociales autour d’un café, par la lecture de la presse ou par la consultation des écrans en masse et on en passe.
On devine une intention et un message avisé. En effet, l’intérêt des gens à la culture est régi par de nombreuses conventions : culture élitiste, presse propagande, la culture en guise de couverture dans l’art du paraître en société… Ainsi, les faits sont là : l’offre culturelle est biaisée par des normes qu’on finit par vomir sans fin. Et même dans cet état, personne n’est jamais rassasié et continue de s’empiffrer de cette culture altérée, dont l’essence et l’état pur ne semblent être que de lointains souvenirs.
Et puis, au fur et à mesure du clip, on se rend compte que la maladie liée à cette piètre offre culturelle gangrène, envahit et enveloppe la terre.
Côté son, c’est bigrement efficace et on bave d’impatience en attendant février. On retrouve Pneu en tournée partout en France comme par exemple au Joker’s Pub, à Angers, le 12 février puis à La Nef, Angoulême, le 29 mars et enfin au Gueulard Plus à Nilvange le 24 mai !
Bref, à La Face B, on trouve que c’est un clip de génie qui mise sur une sorte de mise en abîme. Le retour de Pneu marquerait-il le rehaussement de la qualité de cette offre ?
Japanese Breakfast – Orlando in Love
Il s’agit de l’unes des artistes indépendantes de la scène. Japanese Breakfast a prévenu cette semaine de son grand retour avec l’annonce du nouvel album du groupe : For Melancholy Brunettes (& Sad Women). C’est à cette occasion que fût révélé le premier single de ce nouveau projet, le morceau Orlando in Love. On y remarque de suite une atmosphère et une ambiance globalement plus sombre que le très coloré Jubilee. Tout prend une tournure plus automnale, le son étant porté par une construction harmonique basée sur des instruments à cordes et une voix toujours aussi douce et juste.
Le clip suit exactement cette trame musicale pour mettre en image un certain changement de direction. Plus éthérée et presque caricaturale dans son ton et son imagerie, la vidéo prend une forme artistique contemporaine ironique – une démarche qui peut faire grincer des dents, mais qui nous amuse personnellement. Malgré cette ironie palpable, le résultat reste malgré tout convaincant et nous transporte dans un univers qui nous ouvre doucement ses portes, en attendant d’être plus amplement découvert.
Lord Esperanza – Bonne année
Lord Esperanza sort le 1er janvier un single de circonstances. Alors que les années 2000 fêtent un quart de siècle, il dresse un bilan du monde qui l’entoure. Il fustige de sa plume acérée la pensée binaire (« Bienvenue dans l’époque où la nuance n’a aucune place »), la violence et l’hypocrisie des classes dominantes : « qui parlent d’empreinte carbone quand leur drogue vient de Martinique », « artisans de la haine, chroniqueurs aux informations », « les leaders d’opinion qui profitent de ce bazar ».
On ne peut s’empêcher de penser à Suicide Social d’Orelsan à première vue, tant tout le monde y passe. Mais Bonne année est aussi un message sincère adressé à celles et ceux qui subissent les inégalités (« Ceux qui sont sous payés, qui ont la colère de Pompéi »), n’ont pas droit au chapitre, souffrent d’addictions ou s’engagent (« ceux qui se lèvent pour ramasser les sacs plastiques qui dansent »). L’artiste se fait le défenseur d’une forme de bon sens, de la pensée complexe qui fait de nous des humains et que l’époque semble vouloir gommer.
Joliment réalisé par Juan Jonquères d’Oriola, le clip présente Lord Esperanza, en costume sobre sur un fond noir, un unique projecteur braqué dans le dos. Au fil des vers et à mesure que l’instru gagne en intensité, son visage se mue en ceux des personnalités qu’il cible – hommes politiques, animateurs, hommes d’affaires. Une mise en scène sobre et efficace, qui permet de concentrer son attention sur le message et les figures qui défilent.
Bonne année, c’est cinq minutes de punchlines piquantes et de vérités brutes, une sorte de douche froide revigorante qui donne la rage et l’envie d’avancer. On n’a plus qu’à se souhaiter de belles nouveautés de Lord Esperanza et son équipe pour 2025. On peut dire en tout cas qu’ils commencent très fort.
Lescop – Message acide
A l’heure de la nouvelle année fraîchement commencée, Lescop nous livre non pas ses vœux mais son Message acide. Un morceau résolument électro, propice à l’after party. Et il y a des éléments qui ne trompent pas. Un an après Rêve Parti, il s’apprête à sortir une réédition intitulée After Parti. Malin, le garçon !
Si le texte est parfaitement inscrit dans la continuité de son œuvre romantico-noire, on se laisse agréablement surprendre par cette rythmique sacrément dansante. Un genre qu’on ne lui connaissait pas et qu’à prime abord, on ne lui collerait pas à la peau. On retrouve l’incontournable synthé mais ce n’est plus celui de la scène new wave.
Dans le clip, Lescop nous embarque sur le dancing et sur le chemin du retour au petit jour à bicyclette – vous aurez peut-être commencé à entonner l’incontournable A bicyclette, déso ! -.
S’il ne s’est jamais privé de nous faire danser dans les concerts, il y a forts à parier que les prochains concerts se transforment littéralement en soirées clubbing. On ira voir ça sur l’une des deux dates – 27 et 28 mars – parisiennes à la Maroquinerie pour en avoir le cœur net.
Troy von Balthazar – Hammertime
Elle n’est pas si lointaine la dernière fois qu’on a croisé TvB. C’était le dernier soir du MaMa. Voilà qu’il nous revient avec un nouveau single Hammertime pour annoncer son album à venir en mars prochain chez Vicious Circle : Aloha Means Goodbye. Dans les faits, la formule hawaïenne veut autant dire « au revoir » que « bonjour » et « bienvenue ».
A l’écoute de la nouvelle chanson, il y a du bonjour/au revoir dans l’air. Pauvre petit lapin esseulé dans l’immense désert – en réalité c’est une plage : Saint-Georges-de-Didonne en Charente-Maritime, où l’ex chanteur de Chokebore s’est récemment installé -, traine sa peine. Le natif d’Hawaii a ressorti son ukulélé pour ce nouveau morceau tout délicat. C’est avec sa grande fantaisie qu’on retrouve Troy von Balthazar. Très imagée, Hammertime livre une sensation d’apaisement qui fait du bien par ces jours maussades.
Panda Bear – Ferry Lady
Leader des iconiques Animal Collective, c’est à travers son projet solo Panda Bear que Noah Lennox fera son retour cette année avec un nouvel album intitulé Sinister Grift et attendu chez Domino Records.
Et après un premier single en fin d’année passée, le musicien installée au Portugal est de retour cette semaine avec Ferry Lady, un nouveau single entêtant et psychédélique dans lequel il mêle à merveille petites expérimentations et immédiateté pop pour un résultat aussi chaleureux qu’évident.
Une petite ballade presque folk qui, sous la moulinette de Panda Bear, se transforme en une sorte d’épopée étrange, portée ça et là par des sonorités de trompettes et par une douceur de surface qui ne masque jamais l’étrangeté géniale et attirante du morceau.
Pour l’accompagner, Danny Perez renforce l’idée même de rêve fiévreux qui transparait de Ferry Lady pour nous offrir une sorte de trip hyper coloré centré sur les visages et leur multiplicité. Face à nous, un monde en mouvement permanent où les choses ne sont jamais ce qu’elles prétendent être et où les couleurs éclatantes nous font voyager à travers un délire pictural à la fois drôle et dérangeant.
Pour le reste, on se donne rendez vous le 28 février prochain pour découvrir l’intégralité de l’album.
Lambrini Girls – Cuntology 101
À la sortie de leur monstrueux premier album Who Lets The Dog Out, le groupe punk féministe anglais nous partage en image le titre qui clôture leur premier essai. Le clip retrace leurs péripéties délirantes et délurées de leur tournée qui riment avec libertié et sororité.
Dans cette épopée, on a juste envie de les encourager et se defouler sur le dancefloor car au-delà de leurs engagements politiques, Cuntology 101 est un titre dance-punk 100% jouissif et puissant. Mieux encore, il est l’hymne d’une génération rebelle qui assume d’évoluter de brat en cunty. Serait ce donc venu le temps du Cunty Spring ?
The Laughing Chimes – Cats Go Car Watching
The Laughing Chimes est un groupe qui nous provient de l’Ohio et qui ne cache pas du tout son influence darkness du post-punk des années 80 mais également aux groupes anglais de Sarah Records des années 90. Avec Cats Go Car Watching, le quatuor rend hommage ainsi à l’atmosphère gothique des Cure ou encore aux Smiths.
Le clip nous replonge d’ailleurs à cette époque avec ces images vieillissantes des premiers camescopes. On suit les péripéties d’un chat noir (représenté par une peluche) joueur et indiscipliné qui va se retrouver jeter de son lieu d’habitation. Le manque de moyen assumé de la production est compensé par l’humour des situations et la mélancolie profonde que nous procure ce morceau. Car oui, on fini par avoir la larme à l’œil pour l’histoire de cette peluche..
Le titre sera présent dans leur second album Whispers in The Speech Machine qui sortira le 31 janvier.
Doechii – DENIAL IS A RIVER
Après avoir attisé la curiosité avec une série de teasers inspirés des anciennes séries télévisées américaines, la rappeuse montante Doechii dévoile le clip de Denial Is a River, un des morceaux les plus en vogue de sa mixtape Alligator Bites Never Heal.
Le clip s’ouvre sur une séquence hommage aux sitcoms des années 90, rappelant notamment Family Matters. Doechii y incarne une jeune femme découvrant l’infidélité de son petit ami qu’elle surprend enlacé sur son canapé avec un autre homme.
L’esthétique du clip transporte instantanément dans la nostalgie de l’ambiance des sitcoms “vintage” : des décors familiers de salon-cuisine communiquant avec cet escalier dans le fond, des couleurs chaudes et rétro et même des rires et applaudissements en fond sonore. Au fil des années, le décor devient de plus en plus moderne pour une Doechii qui connaît maintenant le succès. Mais elle ne s’arrête pas là, évidemment. Elle brise le quatrième mur en dévoilant le plateau de tournage et le public.
Le changement de ton est maîtrisé : la transition vers un univers visuel plus sombre et moderne reflète l’état émotionnel de l’artiste après tout ce qu’elle a vécu. À l’image, le décor s’effondre dans un plan séquence axé sur son visage, illustrant le chaos intérieur décrit dans les paroles.
A une période où on entend dire que les musiques vidéos n’ont plus leur importance, Doechii s’attache à prouver le contraire en prenant le temps de produire une image impactante et originale qui a directement conquis son audience. On salue sa capacité à insuffler un vent de fraîcheur en revisitant les codes classiques du rap grâce à ses productions et son storytelling, tout en affirmant une direction artistique jamais vue qui lui va à la perfection. Doechii maîtrise son art et sa vision. Elle n’est pas « la prochaine » : son moment, c’est maintenant.
Macha Gharibian – Survoler La Lune
La chanteuse Macha Gharibian nous fait quitter le brouhaha parisien pour une pause musicale dans l’atmosphère.
Avec le morceau Survoler La Lune, l’artiste et pianiste de jazz évoque la rêverie romantique comme un moment suspendu. Macha Gharibian, plutôt habiter à chanter en anglais, use de la langue de Molière : « le temps s’efface, il n’y a plus ni d’après ni d’avant ni d’inconnu ».
Cette ballade minimaliste et aérienne au piano est mise en image Lucas Esteban. Il réalise un clip entièrement en animation, dans lequel on aperçoit la chanteuse jouer, rêver, composer… Peut-être son prochain album Phenomenal Women ? Qui sortira le 24 janvier.
Primero x CRC – Dernier shift
Membre du trio L’or du Commun, le bruxellois Primero s’épanouit maintenant dans une carrière en solo. En parallèle de son activité d’artiste, il officie au sein du label La Brique qui s’évertue à mettre en avant certaines pépites de la capitale du plat pays.
Parmi elles, CRC commencent doucement mais sûrement à tirer son épingle du jeu. C’est donc naturellement que la connexion entre les deux a pris pour donner le morceau Dernier shift.
Tourné dans la capitale voisine, c’est avec la brillante Tour Eiffel en arrière plan que s’ouvre le visuel réalisé par Tazr. La suite nous emmène dans une ride nocturne avec les deux rappeurs entre épicerie de nuit, barbecue coréen et rap nonchalant.