Les clips de la semaine #268 – partie 1

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite, on vous invite à découvrir la première partie de notre 268ème sélection des clips de la semaine.

You Man & Local Suicide – Spookie

Presque 10 ans après la sortie de leur premier album (une période ponctuée par la sortie de plusieurs EPs aussi différents qu’excellents), You Man a le plaisir de nous annoncer l’arrivée de son nouvel album pour le 24 septembre prochain et continue de le dévoiler cette semaine avec la sortie de Spookie.

Après un morceau plus pop et en français, Giac et Tepat reviennent à des amours plus hypnotiques et s’associe avec les allemands de Local Suicide. Spookie porte bien son nom et nous amène une ambiance étrange, répétitive et obsédante qui nous pousse dans une sorte de transe dansante avec la répétition de ce mot particulier qui représente bien le morceau. Une sorte d’élévation spirituelle qui nous fait autant danser que frisonner, sorte de château hanté sur le dancefloor porté par basse parfaite.

Pour accompagner le morceau, les You Man tirent le meilleur de l’intelligence artificielle (un élément qu’ils maîtrisent et qu’ils utilisent aussi pour leur live en générant des scénographies qui accompagnent leur concert) pour nous livrer un clip qui colle parfaitement à Spookie.

Il y est question de vie, de mort, de renouveau et de destruction à travers ces images en mouvement permanent qui nous présente un corps qui poursuit un cycle de vie perpétuel passant des cendres à l’humanité, s’élevant de manière à transcender totalement sa condition.

Un visuel à la fois terrifiant et attractif qui correspond bien au morceau et qui donne sans doute des indices sur ce qui nous attend sur le live de You Man qu’on a hâte de découvrir.

TEMPS CALME – TRAFIC

Jamais avare d’expériences, les lillois de Temps Calme reviennent aux affaires avec un projet étonnant : porter un nouveau regard sur le Trafic de Jacques Tati en composant pour l’occasion une bande son originale qu’ils jouent désormais en ciné-concert.

Bande-annonce musicale du projet, Trafic nous entraine dans l’univers de Temps Calme : boucles obsessionnelles, guitare discrète mais percutante et économie de mot, un seul en réalité, pour donner au morceau des contours de mantra mais aussi des ambiances proches par moment du western. Un côté aride et obsédant qui permet à Temps Calme de laisser exploser sa créativité, le film de Tati, comportant peu de musique et de dialogue, étant le projet absolument parfait pour permettre au trio de se laisser aller et de réinventer un film tout en le respectant.

La vidéo joue elle aussi le rôle de bande annonce, utilisant tout à la fois des extraits du film mais aussi des instants présentant le groupe entrain de jouer. Un petit « bonbon apéritif » qui donne furieusement envie de découvrir le ciné-concert mais aussi l’album, réduit et réarrangé pour l’occasion, qui sera dévoilé au mois d’octobre prochain.

SPLIT – Stained Soul

Enchaînant les uppercuts, SPLIT, issu de la furieuse scène rouennaise, continue de nous déchausser les dents une à une. Amateurs·trices de punk hardcore, voilà un troisième titre en lice pour le K.O/chaos qui succède à Good Cop et For Fuck’s Sake. Réalisé par Rémy Barbe et fidèle à une thématique de clips en noir et blanc, Stained Soul continue de déchainer les passions, offrant un processus cathartique complet s’apparentant à un exorcisme. Un démon intérieur a pris possession d’un corps puis, peu à peu, gangrène son âme. La perte de contrôle peut être totale et le dérapage inévitable.

Inévitable également la métaphore ainsi créée. Ici, il est question d’addictions et des conséquences qu’elles engendrent. Comment s’organise la résistance face à ce fléau ? Comment trouver les ressources nécessaires lorsqu’elles se sont installées dans chaque interstice de notre être ? Il semblerait que le punk hardcore fasse une partie du job. Quoi de mieux que cette forme d’expression pour s’époumoner et cracher une partie du démon ?

SPLIT, vite le dernier round ! Can’t wait guys !

wavepool – tiny cowboy

Rouen obsession ! Et oui, Rouen : We Hate You Please DieSPLITMNNQNSDelilah’s DanceServoEllah A. Thaun et désormais… wavepool. Quel bonheur de flirter à nouveau avec cette scène démente ! wavepool est la nouvelle pépite tout droit sortie du coffre au trésor de Howlin Banana Records. Papillonnant à travers dream pop et shoegaze, le groupes’immisce dans vos rêves les plus doux. Des mélodies vaporeuses s’accrochent à vos songes et laissent une sensation de légèreté, une ambiance vaporeuse et douce dont la persistance s’apprécie s’installe tel un nuage poussé délicatement par la brise.

Le clip, quant à lui, constitue des fragments de vie anonymes. Des bouts de vidéos sont assemblés à partir de la cassette d’un vieux caméscope chiné par un des membres du groupe lors d’une brocante. Cette idée lumineuse permet d’illustrer parfaitement ce qu’il se passe du côté de nos oreilles : le temps s’est arrêté, la joie envahit le corps là où les souvenirs se redessinent. Une belle percée pour wavepool dont on attend déjà des nouvelles avec impatience !

Oxmo Puccino – Plus loin que soi

Se décentrer. Un exercice parfois difficile dans un monde qui tend vers l’individualisme, et pourtant essentiel pour vivre en harmonie et avancer. C’est de cela que nous parle Oxmo Puccino dans son dernier titre, Plus loin que soi.

Voilà deux décennies déjà qu’Oxmo Puccino nous élève et nous apaise avec son rap magique. Après deux belles collaborations avec Lamomali au printemps, il revient avec Plus loin que soi, un morceau sur la force du collectif, accompagné d’un clip signé Olive Gogué-Meunier et Jason Mougamoudou Abdullah (Augure).

Dans celui-ci, la caméra, d’abord centrée sur l’artiste, dézoome progressivement pour révéler celles et ceux qui l’entourent. Les gens passent, se saluent, prennent un café au soleil, déménagent un canapé. Une scène de quartier d’apparence triviale, mais joliment chorégraphiée, qui respire la joie de vivre en communauté. D’être ensemble, d’écouter l’autre, de tendre la main. Dans un moment où l’empathie semble être aux abonnées absentes, Oxmo rappelle avec simplicité et poésie qu’on ira plus loin si on détourne les yeux de son nombril. Pour livrer ce message d’amour et d’espoir, il est soutenu par une instru douce, groovy et solaire.

En 2004, dans Toucher l’horizon, le rappeur nous encourageait à aller « plus loin que l’horizon ». En 2025, il nous pousse à nous dépasser, avec cette promesse « Tout c’que tu dépasses devient une étoile, qui brillera plus loin que toi »

MDNS – ENCORE !

C’était une de nos toutes premières chroniques d’album, il y a un an. Posthume de MDNS avait été un choc parce qu’il se vivait comme une course poursuite. Encore!, c’est le nouveau titre du lillois. Dans son clip réalisé en compagnie de Mobiusvisio et Sketskills, il y a un lieu qu’on avoue connaître un peu : le café de la fontaine, à Verlinghem. Non que l’on soit tout à fait des habitués, on sait du moins que le lieu a du sens pour MDNS, puisqu’il s’agit ni plus ni moins du café familial. Là-bas, on vit la course poursuite, la révolte à dix personnes et deux fumigènes devant la vitrine, la pinte à seize heures, les embrassades qui sentent le get et les tentatives de chansons sur une guitare folk à trois grammes. La course poursuite avec quoi ? Le cynisme qui s’inviterait volontiers dans les têtes ; la solitude, peut-être, les démons intérieurs. Toutes ces choses qui se combattent à plusieurs – et qui, si elles ne se laissent pas toujours vaincre, se laissent au moins repousser. La lumière et le salut, on les attend certes encore!. Force est de croire qu’on les attendra un moment. Mais dans les vapeurs du café de la fontaine, et dans les chansons de MDNS, on entrevoit déjà un bout de fraternité qui nous fait tenir. 

Mac DeMarco – Home

Home est le premier extrait de Guitar, le nouvel album de Mac DeMarco attendu pour le 22 août 2025 sur Mac’s Record Label. Un disque entièrement façonné en solitaire dans son studio de Los Angeles, en novembre 2024 : écriture, enregistrement, mixage (effectué au Canada), visuels et clips – tout est fait maison. Seul le mastering a été confié à David Ives.

Une approche artisanale et fidèle à l’éthique DIY de l’artiste canadien, qui confie : « Je pense que Guitar est ce qui se rapproche le plus de ce que je suis aujourd’hui, ou du moins de ce que j’ai réussi à mettre sur papier. ». Et d’ajouter :« Je suis heureux de partager cette musique, et j’ai hâte de jouer ces chansons dans le plus d’endroits possibles. »

Avec Home, Mac DeMarco revient au chant et à la guitare, cinq ans après Here Comes the Cowboy. Ce single marque un retour à l’essentiel : une folk épurée, une voix posée, une émotion contenue. Balade fragile et douce-amère, Home explore la notion de « chez soi » et d’appartenance à travers une mélancolie typiquement DeMarco : entre retrait volontaire et douleur du souvenir. Qu’est-ce que “Home” au fond ? Un lieu ? Un sentiment ? Une illusion ? Peut-on encore l’appeler ainsi quand tout y semble devenu étranger ?

Il chante cette contradiction avec pudeur : « These days I’d much rather be on my own // No more walking those streets // That I once called my home // Because down every lane there are // Faces and names // That have memories attached // That I’d sooner let go // Sooner than I’d go home again. »

Une confession sans fard, empreinte de désarroi. Ici, « home » devient un espace tiraillé entre ancrage et rejet, attachement et fuite. Le refus de revenir sur des terres chargées de souvenirs apparaît comme un geste de protection.

Le clip, réalisé par DeMarco lui-même, illustre parfaitement cette idée. Filmé en canoë sur un lac au Canada, près de la maison de sa mère, il mêle plans contemplatifs d’oiseaux, d’eau calme et de solitude silencieuse.
DeMarco dérive seul, pagaie en main, dans une nature figée. Aucun artifice, aucune narration. Juste le mouvement lent du bateau. Il regarde cette nature comme on affronte un souvenir : sans détour, le cœur ouvert. Avec Home, Mac DeMarco signe un retour aussi sobre que émouvant. Une page tournée avec tendresse, une confidence murmurée au fil de l’eau. Entre vulnérabilité, simplicité et poésie, Home laisse entrevoir un Guitar intime et profondément humain. Rendez-vous le 25 octobre à la Salle Pleyel pour découvrir ce nouveau chapitre en live.

The Lemonheads – In the Margin

« In The Margin » est le premier extrait de l’album « Love Chant » – sortie prévue le 24 octobre 2025 chez Fire Records. Attendu comme le premier album de compositions originales des Lemonheads depuis près de vingt ans, Love Chant s’ouvre avec un morceau qui donne immédiatement le ton. « In The Margin » s’impose comme un manifeste puissant : mélodiquement acéré et émotionnellement chargé, il incarne parfaitement l’ADN du groupe. Eva Dando confie à propos de In the Margin  « Je voulais une chanson pleine de riffs, alors j’en ai mis partout. Le corps du morceau vient de Marciana (Marciana Jones). C’est un peu comme une vraie chanson de revanche écrite par une fille de 4e : “Bêtement, j’ai laissé traîner les plans d’évasion pour qu’ils trouvent ma route.” » 

« In The Margin » est une chanson de confrontation douce, presque adolescente dans son ton, mais profondément mature dans sa lecture des relations humaines. Musicalement, on retrouve cette patine lo-fi typique des Lemonheads : des riffs nerveux mais simples, une voix traînante, des mélodies dynamiques et désenchantées. Le tout sur fond des grandes heures des années 90! La ligne clé du morceau –“Loneliness is the solidarity you chose for me” cristallise un paradoxe douloureux : la solitude n’est pas choisie, mais imposée sous couvert d’harmonie. Le refrain agit alors comme une déclaration d’indépendance : “I’d rather die than let your thoughts confine me / If periphery is what you give / I’ll leave you in the margin” . In the margin devient un safe space pour se débarrasser de cet étouffement et partir à la reconquête de soi.

 Le clip se situe entre nature, effet de gueule de bois et saturation visuelle. Réalisé par Antonia Teixeira, le clip accompagne visuellement ce besoin d’échappatoire contrariée. On y suit Evan Dando en balade solitaire, l’air éreinté, Gibson toute pétée à la main et T-shirt Sepultura sur le dos. Il traverse une nature brute, presque hostile – falaises, herbes hautes, insectes en gros plan – comme pour chercher un ancrage ou une réponse. Rapidement, les plans se répètent en boucle, de plus en plus vite, créant une sensation d’étouffement. Les paroles, projetées façon karaoké, accentuent ce malaise. Ce parti pris visuel renforce le propos du morceau : une quête de liberté qui se heurte à la pression ambiante, au poids des autres.

« In The Margin » est une réussite dans sa simplicité et son efficacité musicale. 
Les Lemonheads prouvent qu’ils n’ont rien perdu de leur verve. Ce premier extrait donne le ton d’un album qui s’annonce comme un retour fracassant, lucide et nécessaire.

Cœur de pirate – Château de sable

En attendant la sortie de son nouvel album Cavale prévu le 26 septembre 2025, Cœur de pirate nous dévoile Château de sable, son deuxième extrait. On y retrouve Béatrice au piano dans un décor sobre, doux et sombre à la fois. En écoutant Château de sable, on pense bien sûr à l’absence, et à ce sentiment d’abandon quand un·e être cher·e se ferme à vous.

Mais tu ne me laisses pas entrer / Dans ton château de sable / Les murs se hissent pour se détruire / À la moindre rafale / Mais je sais qu’au fond tu le caches / Que tu t’élèves comme une cathédrale”On se souhaite donc pour nous et Cœur de pirate de conjurer la malédiction en écrasant des châteaux de sable cet été sur la plage.

Astral Bakers – Vertical Life

Il y a quelque chose de réconfortant dans cette envie de rester blottis dans les bras de Morphée, de nous accorder encore quelques instants suspendus, loin du réel. Ce moment flou, entre un rêve qui s’efface et une lumière qui peine à traverser les rideaux, nous enveloppe d’un calme fragile. Nous y flottons sans résistance. Nous y trouvons une paix que même les tâches les plus urgentes ne sauraient troubler.

Pourtant, il y a ce frisson unique : celui de poser nos pieds nus sur un sol frais, de laisser la couette glisser comme un dernier nuage, et de découvrir, les paupières encore mi-closes, qu’un nouveau morceau d’Astral Bakers vient de naître dans le silence du matin. Par-dessus cette mélodie douce, presque sucrée, s’élève l’annonce tant attendue : leur prochain album paraîtra à l’automne.

Vertical Life est un murmure qui devient élan. Une ascension lente, sans brutalité, sans injonction. Un rappel subtil que nous lever ne signifie pas toujours courir. Parfois, c’est simplement accueillir le jour avec tendresse.

Ce single nous réchauffe comme un rayon de soleil discret, offrant sa lumière aux recoins les plus ordinaires de nos matinées. Et nous voudrions que cela dure. Que ces harmonies viennent chaque jour effleurer nos tympans avec la même douceur.