Les clips de la semaine #271 – Partie 2

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. On vous invite tout de suite à découvrir la seconde partie de notre 271ème sélection des clips de la semaine.

Midlake – The Ghouls

Trois ans après For The Sake of Bethel Woods les américains de Midlake ont repris la route des studios pour revenir avec un sixième album – ou un troisième, selon si l’on compte avec ou sans son frontman historique Tim Smith un brin perfectionniste – prévu pour le 7 novembre prochain chez Bella Union intitulé A bridge to far. Premier single de ce nouvel opus, The Ghouls !

Embarquement dans une session de travail au studio pour ce premier extrait révélé. Un morceau pour le moins attachant et fort entrainant dans lequel certains retrouveront d’une oreille quelques hommages sonores à Head Home. On adore ce piano introductif qui pose les fondations d’un morceau que l’on prendra plaisir à écouter sur la route et laisser les paysages défiler à pleine vitesse au travers de la vitre où cognerait un timide soleil automnal.

Si vous vous attendiez à voir des goules, passez votre chemin ! Elles sont métaphoriques, ce sont des clins d’œil à la fatigue et au doute. Et c’est peut-être en partageant ce morceau par le biais d’un clip sans grands effets que le groupe signe un morceau sincère, attaché à ses racines folk rock. 

-ii- – Digging for blood


La bonne grosse basse est de sortie sur ce nouveau single des nancéens -ii- . Un morceau qui arrive dans la foulée de The Birth of Venus que nous vous avions partagé lors de notre playlist estivale. Il est vrai que ça n’était pas très adapté pour la saison caniculaire mais ça apportait un peu de fraîcheur ! Les caves aux pierres apparentes sont de très chouettes refuges. Trêve de divagations, place à la découverte de Digging for blood.

Autant vous prévenir : c’est dark. Si vous aimez les ambiances messes noires à la Chelsea Wolfe vous allez trouver votre compte. -ii- n’est pas sans rappeler un autre projet ténébreux et non moins ambitieux : i Haxa. Inscrit dans la mouvance ghost wave, on aurait tendance à dire vampire compte tenu de la colorimétrie du clip. Dans ce morceau, il est avant tout question de la dermatillomanie :  un trouble psychologique consistant en une scrutation obsessionnelle et compulsive des imperfections de la peau. Un trouble pouvant en trahir un autre, plus profond, celui de la dysmorphophobie.

Passé ce détail textuel, en un peu plus de 5 minutes, avec Digging for blood assistez à une presque fresque musicale digne d’un rituel ancestral où la voix de sa chanteuse Hélène Ruzic pourra vous faire penser à Björk. L’univers musical y est plus tribal, ensorcelant. Le mysticisme imprègne l’espace.

Tame Impala – Loser

Nous pouvons souffler ! C’est bien le 17 octobre prochain que le nouveau disque de Tame Impala fera son apparition. Nous n’aurons donc pas à patienter jusqu’en 2026.

Après son titre surprenant et envoûtant End of Summer, dévoilé en juillet dernier, c’est sur une base sonore plus familière que le musicien nous offre un second extrait : Loser. Rien qu’avec ces deux morceaux, ce nouvel album s’annonce déjà d’une grande richesse et d’un éclectisme affirmé.

Ce dernier single est une ode musicale au Tame Impala que nous attendions depuis longtemps : à la première écoute, il explose comme une joie pure, celle de retrouver cette structure sonore si parfaitement maîtrisée par le musicien. Également, il révèle aussi une forme de minimalisme délicat, qui vient nous caresser tendrement l’oreille en nous apportant ce dont nous avons réellement besoin, plutôt que ce que nous désirons superficiellement.

Loser prend naturellement la main de son prédécesseur, comme la suite d’une histoire : la fin de quelque chose, en l’occurrence d’un amour qui, tel un été, s’est évanoui pour mieux nous apprendre à diriger nos émotions ailleurs. Nous rappeler que le meilleur reste toujours à venir. Ici, des larmes, qu’elles soient de joie ou de tristesse, reposent sur les épaules de Joe Keery, qui incarne avec émotion le visage de cette mise en images de Loser.

The Divine Comedy – Invisible Thread

Invisible Thread, troisième et sans doute dernier extrait avant la sortie du nouvel album de The Divine Comedy le 19 septembre, voit Neil Hannon tisser une méditation sur l’amour, la transmission et l’inévitable séparation. Le titre résonne comme une confession intime, peut-être inspirée par le lien qu’il partage avec sa fille : un attachement profond qui demeure, même quand vient le temps de laisser partir.

À l’image de ces ailes que l’on découvre dans le clip, ce morceau est fait de ce fil invisible qui relie deux êtres à travers les étapes de la vie : fragile en apparence, mais impossible à rompre. C’est la tendresse de celui qui protège, puis accepte d’être guidé à son tour, la mélancolie d’un départ qui n’efface rien, bien au contraire.

Sur un lit orchestral d’une douceur infinie, Hannon et ces musiciens déploient, comme ils savent si bien le faire, une poésie à la fois intime et universelle. Invisible Thread est un poème discret et élégant sur le lâcher-prise, sur l’amour qui accompagne, et sur cette certitude que ce qui compte ne disparaît jamais.

Oxmo Puccino ft Tuerie – Magique

Oxmo Puccino tire sa révérence. Le 17 octobre, il livrera La Hauteur de la Lune, son dernier projet, entouré d’invités de prestige comme MC Solaar, Josman, Vanessa Paradis, ou encore Tuerie… Et c’est avec ce dernier qu’il ouvre le bal, grâce au titre Magique, déjà clippé et annonciateur d’un disque entre mélodies jazzy et flow nonchalant. Même si 6 années le séparent de son dernier album avec La Nuit du Réveil, le Black Jacques Brel n’a pourtant jamais quitté la scène, multipliant collaborations et featurings, notamment via sa mixtape Lafiya Sessions. Une parenthèse qui lui a permis de repérer les nouvelles pépites et de léguer, en quelque sorte, son héritage au futur du rap français.

Dans Magique, Oxmo et Tuerie plongent le quotidien dans une atmosphère suspendue, entre critique sociale et intimité poétique. Ox’ observe le monde avec lucidité, dénonçant la superficialité des réseaux, les crises invisibles et les inégalités, tout en retrouvant un refuge dans l’amour et les petits instants du quotidien. Tuerie apporte sa voix claire et légère, métaphore de la magie que confèrent les mots lorsqu’ils sont confiés à la
musique. Ensemble, ils transforment les gestes les plus simples (une cigarette, un piano, un moment à deux) en expérience presque surnaturelle. Le morceau célèbre ainsi la puissance de l’art comme outil d’élévation et de réflexion, rappelant que, même dans le chaos du monde, la poésie et la sincérité demeurent des refuges inépuisables.

Le clip de Magique poursuit cette impression de force tranquille : sobriété des gestes, élégance des images et harmonie des couleurs. Oxmo et Tuerie évoluent dans un appartement parisien, entourés de musiciens et d’instruments de jazz, célébrant la musique dans sa forme la plus simple et la plus sincère. Les teintes bleu et rouge renforcent l’intimité et la chaleur de la scène, soulignant l’équilibre entre poésie et musicalité que les deux artistes cultivent depuis toujours. Oxmo Puccino s’est d’abord fait connaître grâce à ses collaborations avec le collectif Time Bomb, puis avec Opéra Puccino, sorti il y a plus de 25 ans. Depuis, le rap francophone a pu suivre l’évolution d’un des plus grands maîtres des mots de son histoire. Près de 30 ans de carrière plus tard, son sérieux, sa discrétion et son ouverture ont valu à Oxmo le respect unanime dans le milieu artistique. Et c’est peut-être ça, la chose la plus magique.

ROSIER – n’as tu jamais vu d’oiseaux?


En cette semaine de rentrée scolaire, retour sur les bancs de l’école pour ROSIER. Avec leur nouveau clip n’as tu jamais vu d’oiseau extrait de l’album elle veille encore, on plonge dans un univers très british mêlant école privée catholique stricte et delirium à la Alice au pays des merveilles mai cette fois-ci, au lieu du trou du lapin, c’est le passage dans le pupitre. Et je ne pense pas que les champignons et la fumée qui s’en échappe soit la même chose que dans le compte. En tous cas, ROSIER a réussi à prendre l’oiseau aka la surveillante aux allures maléfiques et elle ne risque pas de se sauver.

Yasmine Hamdan – I Remember I Forget ينسى وبتذكر

L’art est protestataire, surtout quand il s’écrit sur les murs. « Le meurtre, c’est normal. Le pillage, c’est normal. La manipulation, c’est normal. L’intimidation, c’est normal ». Ces anaphores en arabe sont les paroles d’I Remember I Forget, le dernier morceau de la chanteuse libanaise Yasmine Hamdan. On les retrouve, dans le clip animé au format carré, le long du mur de séparation entre la Cisjordanie et Israël. En suivant un personnage pixelisé, comme sorti d’un jeu vidéo, on découvre progressivement des tags et des graffitis : des vaches sur le toit d’un camion, le portrait de la journaliste assassinée Shireen Abu Akleh, ou encore le Monument de la République.

Tant de figures, et de symboles qui n’ont pastoujours de liens directs, de sens. Des totems de l’absurde. Elia Suleiman, le cinéaste palestinien et compagnon de la chanteuse, maîtrise bien la discipline. Celui qui saute à la perche par-dessus le mur dans son film Le temps qu’il reste, co-signe le clip avec Yasmine Hamdan. Cette dernière joue aussi de l’absurdité par cette la phrase : I Remember I Forget. Le titre de ce morceau donne aussi  son nom au prochain album de l’artiste, qui sortira fin septembre.

Catastrophe – Sauvons-nous 

En vérité, on ne sait pas trop comment, on était jusqu’ici passés juste à côté de Catastrophe. Non que l’on ait jamais entendu parler d’eux, c’est plutôt le contraire : puisque bien des gens de bon goût en parlaient, il nous semblait vain de rajouter notre grain de sel à ce qui avait l’air d’être un collectif créatif avec le vent déjà en poupe. Sauf que depuis la semaine passée, le clip et les reels de Sauvons-nous ne cessent d’apparaître dans notre fil d’actualité. L’algorithme veut-il nous dire quelque chose ? On le croit à mesure que les paroles qui ouvrent le titre « Il a fait beau hier/mais nous n’y étions pas », apparaissent comme une réminiscence à travers nos journées.

Et nous voici qui regardons le clip réalisé par Carol Teillard d’Eyry, avec le sentiment qu’il y a longtemps que l’on aurait dû s’y mettre. Parce que les clips de Catastrophe sont toujours une fête pour les yeux, parfois à mi longueur de Demy et de Jodorowsky, ou parfois, comme ici, d’une mise en scène, quoique sobre d’apparence, raffinée jusqu’à l’extrême élégance. Un couple -elle et lui- semble battre de l’aile lorsqu’elle regarde à la fenêtre et aperçoit, dans le jardin, un homme qui danse. La voici qui veut aller le rejoindre. Le couple se révèle lui aussi danseur au cours d’une chorégraphie imaginée par Clément Gyselinck. Chorégraphie dont laforce est magnifiée par ce quasi huis-clos où la liberté semble glisser quoiqu’à portée de main.

Où l’urgence d’exister semble vous appeler ailleurs ; quoiqu’il fasse beau ici, la vie n’y est plus. Elle est une hypothèse, un là-bas, une course derrière le carreau. Avec cet inconnu qui danse. On ne sait pas pour la vie, mais on sait pour la beauté : elle est dans ce clip de Catastrophe. Aussi le méditera-t-on un moment en vous encourageant à faire de même. 

Robert Robert – Kia Rio

Parmi les bonnes nouvelles venant du Québec cette semaine, impossible de passer à côté du retour de Robert Robert.

Deux ans après un Bienvenue au Pays qu’on continue d’écouter de manière plus que régulière, le montréalais est bien décidé à raviver la flamme et débarque cette semaine avec KIA RIO.

Entre échantillonnage électronique bien senti et tournant pop assumé avec cette basse fabuleuse et l’apparition ça et là du saxophone, Robert Robert continue de nous raconter ses histoires, ici un amour qu’il ne cherche plus à éviter et des relations humaines où tout va trop vite et où les émotions débordent parfois de manière parfois trop intense. Un parallèle est fait avec sa Kia Rio qui arpentent les routes à fond, flirtant parfois avec le danger et des détours qui peuvent amener vers une fin prématurée.

La vidéo de Gerardo Alcaine nous entraine cheveux aux vents sur la route. Les roues roulent sur le bitume, le soleil brille et on s’allonge dans l’herbe avant de se confronter les uns aux autres. Étrangement, on y voit de notre côté un petit côté Fight Club version été alors que les corps s’éloignent dans le réel et se retrouvent collés au sein de cette voiture qui fonce à fond sur l’asphalte.

KIA RIO est le premier extrait de BOOST, le nouvel album de Robert Robert attendu pour le 24 octobre, toujours chez Chivi Chivi.

Superpoze – Obsession

Vous vous êtes déjà demandé quelle sonorité pouvait bien correspondre à une émotion ? Quel BPM ? Quels instruments ? Quelle couleur ?

Nous ça nous arrive par moment, parce que la musique est un vecteur d’émotion, elle se doit d’être en capacité de les représenter. Et honnêtement, Obsession de Superpoze est tout ce qu’on imaginait de ce sentiment étrange qui nous habite parfois et sans doute même plus.

On n’avait aucun doute de la capacité du musicien à proposer des œuvres intenses, Obsession en est une nouvelle preuve. Le morceau est étrangement calme, tout du moins c’est ce que l’on ressent au départ. Mais de part sa longueur, la merveille de Superpoze fait monter la tension. De par sa répétition, sa manière d’entrechoquer les éléments, de les multiplier et de créer un chaos jamais dissonant avant de trancher sur une interlude pour mieux relancer la machine et son intensité.

Obsession surprend, déroute et finit par obséder, prouvant que son nom est tout trouvé. On y cherche les détails, on observe les éléments et on laisse cette plage instrumentale se glisser en nous pour mieux nous bouleverser.

Et ce n’est pas la vidéo de Ben Miethke qui va inverser la tendance. Filmé sur pellicule, la vidéo de 6 minutes joue avec une perfection absolue sur les couleurs, entre les teintes de bleu et d’orange, entrecoupées de passages en noir et blanc aussi cinématographiques que puissants.

Titouan Crozier y évolue tout en ombre, dans une chorégraphie où la grâce l’emporte sur la peur, navigant entre le ciel et la terre, entre la chute et l’apesanteur, le danseur et chorégraphe exprime un tourbillon d’émotions virevoltant qui nous laissent sans voix et le cœur emballé. Là aussi, l’envie d’appuyer sur repeat prend le pas surtout le reste.

Obsession, dans le son comme dans l’image, est une œuvre radicale et entêtant qui annonce parfaitement l’arrivée de Siècle, le nouvel album de Superpoze, pour le 03 octobre prochain.

P.R2B – PRESQUE PUNK

Au cours de l’été, P.R2B nous prenait par surprise en offrant un OPENING mystérieux, petite missive sonore lancée dans le monde pour annoncer son retour. L’été se termine, la rentrée se profile et la musicienne nous annonce la couleur, dans la vie comme dans la musique, il est temps d’être PRESQUE PUNK.

Avec ce morceau, P.R2B nous invite à redéfinir le quotidien, à voir le miracle partout, à chercher l’espoir dans un monde de plus en plus noir. PRESQUE PUNK est un cri de ralliement aux poètes, à ceux qui voient le beau et qui veulent y croire, à ceux qui cherchent l’espoir.

Le texte toujours au cœur de tout, P.R2B joue avec les contrastes, entre la chaleur d’un piano et d’un orge et les claquements percussifs de sonorité presque indus d’autre part. Au dessus Pauline chante et harangue, elle nous appelle à la rejoindre, à la retrouver.

Prolongement des thématiques du morceau, la vidéo que P.R2B réalise pour accompagner son morceau nous entraine dans un quotidien à l’arrêt, dans un bureau où tout semble automatique et grisonnant, un monde dans lequel on se piège comme un épisode de black mirror.

Comme un petit virus PRESQUE PUNK, P.R2B appelle ses camarades à se rebeller, à briser les chaines et à échapper à cette prison pour trouver autre chose, dans le collectif et dans la rebellions.

Avec ce retour, viendra aussi celui des lives. Une première annonce a déjà été faite, celle d’une cigale prévue pour le 17 mars prochain. Un printemps plein d’espoir avec P.R2B ? C’est sans doute tout ce que l’on se souhaite.

Chalk – Pain

En environ 2 ans, les irlandais de Chalk ont pris une place particulière dans le cœur de La Face B.

Entre prestations live devastatrices, EPs géniaux et clips qui le sont tout autant, le trio de Belfast a tout bon et continue de nous chambouler.

À peine quelques mois après leur excellent CONDITIONS III, Chalk est déjà de retour cette semaine avec un nouveau morceau : Pain. Étrangement, aucune douleur à l’écoute mais plutôt tout l’inverse. Le trio s’amuse toujours autant à mélanger les sonorités industrielles et des influences electro uk des 90’s pour offrir un morceau tour à tour rageur et dansant, porté par un chant mouvant et habité et une poésie toujours aussi présente.

Comme toujours, le groupe passe aussi derrière la caméra pour habiller ses chansons. Benedict Goddard & Colin Peppard nous entraine dans un univers steam-punk et médiéval qui doit autant à Nine Inch Nails qu’à certains partis pris esthétiques de David Fincher.

La vidéo nous entraine donc à la rencontre de ces deux musiciens prisonniers d’un château, qui prennent part à des drôles d’expériences d’alchimistes pour se transformer.

Le clip, comme la musique, montre surtout la capacité de Chalk à se transformer en permanence, à aller chercher des moyens pour se renouveler et ne jamais s’ennuyer.

Le grand mystère reste celui-ci : Pain est-il envoyé en éclaireur pour annoncer l’arrivée d’un premier album ? On en sera sans doute plus très prochainement, mais l’attente est grande pour tout ce qui touche à Chalk.