La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Pour accompagner votre rentrée, on vous invite tout de suite à découvrir notre 273ème sélection des clips de la semaine

Thylacine – Shark Island
Ce morceau est bien plus que ce que l’on pourrait imaginer.
L’histoire commence il y a plusieurs mois, lorsque William Rezé, aka Thylacine, décide de créer un studio de musique mobile dans une caravane qu’il a entièrement retapé. Il vit, crée et voyage avec sa nouvelle maison sur roue et nous emmène avec lui à travers ses posts sur ses réseaux sociaux. Façonné par l’impact de l’environnement sur la création artistique, il se donne le challenge de poser sa maison mobile dans plusieurs endroits différents du monde et de se laisser inspirer par les lieux qui l’entourent. Tout autant intéressé par le processus créatif et l’histoire qui se trouve derrière un titre, Thylacine nous offre une vision à 360° sur son projet, et dans notre cas aujourd’hui, celui du titre Shark Island, issu de son voyage en Namibie.
Précieux est le temps, précieuse est l’expérimentation. Son nouvel album, ROADS vol.3 sera disponible le 31 octobre prochain et le maître mot pour ce nouvel opus était : patience. L’artiste a pris le temps de rechercher le son qu’il souhaitait, de s’imprégner des lieux dans lesquels il se trouvait, et on va le voir, de l’histoire des peuples avec lesquels il échangeait.
Shark Island dépeint en réalité une triste histoire, celle d’un génocide au début du 20ème siècle par les colons allemands et qui a tué près de 80% de deux ethnies présentes en Namibie, les Héréros et les Namas. Shark Island est devenue ainsi un des premiers camps de concentration du monde. A présent, il est devenu un… camping. Oui vous avez bien lu. Heureusement, il devrait bientôt être fermé, grâce au peuple qui se bat aujourd’hui pour en faire un réel lieu de mémoire.
Le morceau Shark Island contient un élément que Thylacine n’a pas l’habitude de travailler : les paroles. Pour partager l’histoire des Namas et des Héréros, il n’a pas eu le choix que de travailler sur un texte. Après la rencontre d’un groupe de chanteurs amateurs Namas et un travail acharné d’une semaine, Shark Island est né et a été enregistré dans une ancienne église allemande construite à la fin du génocide. Le résultat est époustouflant, et les images magnifiques. Thylacine a réussi a non seulement raconter une histoire difficile, mais également à transmettre des émotions fortes à travers sa caméra.
De quoi nous impatienter de découvrir son prochain album, tant l’artiste met de l’âme dans son travail.
Paris Paloma – Good Boy
Après le succès de son premier album Cacophony sorti il y a un an et de l’hymne féministe Labour, Paris Paloma dévoile cette semaine Good Boy, et son clip réalisé par Georgie Cowan-Turner.
« Je savais qu’un jour je verrais des hommes puissants détruire le monde. Je ne m’attendais juste pas à ce que ce soit de tels loosers. » C’est avec ces mots, prononcés par la grande Emma Thompson, que s’ouvre le clip de Good Boy.
De sa plume incisive, Paris Paloma s’adresse aux hommes « ordinaires » qui se font l’écho des milliardaires et masculinistes aux commandes, relayant des propos haineux envers les femmes et minorités de genre sur les réseaux sociaux. Qui croient ainsi garder leurs privilèges ou s’attirer les faveurs des structures de pouvoir et ne sont pourtant jamais récompensés pour leur loyauté. L’artiste anglaise leur rappelle qu’ils ont bien plus d’intérêts communs avec les femmes qu’ils dévalorisent qu’avec ceux qu’ils défendent comme des chiens fidèles. Et que cracher sa haine sous couvert d’anonymat n’est pas un acte subversif, bien au contraire. Ces hommes sont les instruments d’un pouvoir qui les dépasse et ne leur apportera jamais rien d’autre qu’une grande détresse émotionnelle.
Le clip les présente comme une meute de cols blancs. Leur nouvelle recrue, incarnée par Tom Blyth, cherche à faire ses preuves en montrant les crocs et se retrouve pris dans une course poursuite, acculé par ceux qu’il aspirait à rejoindre. Paris Paloma et Georgie Cowan-Turner nous offrent une belle montée en intensité, au son et à l’image, jusqu’à une dernière scène épique où une chorale d’hommes vient se mêler aux aboiements des chiens. Pas facile de livrer une fine analyse des dynamiques patriarcales, avec poésie et sur une instru rock entraînante. Paris Paloma relève brillamment le défi et nous voilà impatients de savoir ce qu’elle prépare pour la suite.
Nectar Palace – Malcommode
Vous prendriez bien un peu de noise avec votre café ? Nectar Palace, c’était l’une des grandes découvertes des Francouvertes en 2024. Aujourd’hui, après 5 années d’exploration musicale et de collaboration notamment avec Super Plage, Le Couleur et Meggie Lennon, Shaun Pouliot nous présentera enfin son premier EP Automate à paraître le 30 janvier 2026. Avec le clip Malcommode signé Rosalie Bordeleau, Nectar Palace nous raconte l’histoire d’un gars, à moitié allumé, qui enchaîne les nuits blanches et essaie d’apprivoiser ce qui l’entoure.
Ed Sheeran – Camera
Cette semaine Ed Sheeran nous ouvre les portes de son intimité avec le clip de Camera, un morceau issu de son dernier album Play. Ce projet nous permet de redécouvrir l’artiste à travers des sonorités inédites, inspirées de la culture musicale indienne et perse.
Camera est un titre co-produit avec trois producteurs internationaux dans le but de renforcer sa dimension pop universelle. Ed Sheeran livre une ballade romantique qui célèbre l’amour et la connexion profonde, tout en restant fidèle à son style d’écriture sincère inspiré par sa relation avec sa femme Cherry.
Dans le clip, on le voit partir en escapade amoureuse avec Phoebe Dynevor, connue pour son rôle dans La Chronique des Bridgerton, qui incarne sa compagne fictive. Ensemble, ils savourent des moments simples entre balades en scooter sur la côte croate, soirées en terrasse et instants volés en backstage. Cette vidéo, entièrement tournée au smartphone, cultive l’illusion d’un carnet de voyage intime où l’on découvrirait l’artiste loin des projecteurs.
Le génie du clip réside dans cette frontière subtile entre authenticité suggérée et mise en scène maîtrisée : Ed Sheeran offre à ses fans l’impression de pénétrer son intimité tout en préservant sa véritable vie privée, créant une proximité fictive mais terriblement efficace.
Irène Drésel – Cascade
Cascade est le nouveau titre inédit d’Irène Drésel, en marge de sa tournée Rose Fluo qui s’achèvera par un Zénith en novembre 2025. Inspirée par Les Fées de Charles Perrault, l’un de ses contes d’enfance favoris, Irène Drésel signe un morceau électronique singulier où s’entrelacent narration et chant, français et anglais, poésie et théâtralité. À travers cette réinterprétation moderne, Irène Drésel enrichit encore la palette de son univers onirique, où la techno, hypnotique et raffinée, se pare de symboles floraux et de métaphores lumineuses.
Mais ça raconte quoi, Cascade ? Le morceau s’ouvre comme une histoire contée au coin du feu, portée par une narratrice en anglais sur fond de pulsations techno. On y découvre une enfant dont chaque parole fait jaillir des roses, des perles et des diamants. Le refrain, en français cette fois, scande cette formule magique telle une incantation dansante et obsédante, tandis que les couplets, en anglais, incarnent les personnages du conte, pour une dimension théâtrale poussée. En filigrane, la morale du texte originel — l’importance de la politesse et du respect — s’inscrit dans un écrin électro flamboyant qui contraste avec la pureté naïve de la narration. Irène Drésel est audacieuse et propose une titre radicalement différent de sa discographie, posant pour la première fois sa voix douce et naturelle. Entre candeur enfantine et intensité techno, Cascade emporte l’auditeur dans une rêverie à la fois féerique et hypnotique.
Et le clip ? Entièrement conçu par Irène Drésel, le clip prend la forme d’un film d’animation mêlant narration calligraphiée et images qui donnent vie aux paroles. Composé de dessins au feutre Stabilo, il témoigne d’un retour à ses premiers amours — les Beaux-Arts — où elle appréhende la musique comme une peinture. Ce choix esthétique, à la fois fragile et coloré, rappelle l’univers enfantin des contes et les dessins animés image par image des années 80-90. Une chorégraphie simple et ludique, imaginée par Irène Drésel pour le refrain, met en scène cette cascade de roses, de perles et de diamants s’échappant d’une bouche rouge éclatante.
Avec Cascade, Irène Drésel crée un titre hybride, à la frontière entre performance vocale, conte électro et création visuelle. Ce titre isolé, en marge de Rose Fluo, illustre son goût pour les ponts entre passé et présent, musique et image, scène et imaginaire. Bref, chez Irène Drésel, tout est art.
Alix Fernz – HaHa!
Alix Fernz sort le deuxième extrait de son album Symphonie publicitaire sous influence qui sera disponible le 17 octobre prochain. HaHa! nous plonge dans une synth punk grinçante qui nous laisse en alerte autant dans le son que dans l’image. Dès les premières notes, un malaise se créer et est accentué avec un visuel rouge ultra contrasté et saturé qui nous oppresse. Lettres gothiques, fish eye et zoom-dezoom ne font qu’ajouter à cette oppression visuelle constante.
Thundercat – Children of the Baked Potato (ft. Remi Wolf)
Un début de semaine marqué par la joie de retrouver l’un des meilleurs bassistes de sa génération : Thundercat. Après plusieurs années à imprégner sa patte dans divers projets musicaux aussi géniaux que captivants : Gorillaz, Justice, Channel Tres, Tyler, The Creator et bien d’autres, voici enfin son retour en solo.
Children of the Baked Potato est un titre très cohérent et bienvenu pour cette réapparition. Nous y retrouvons une musicalité unique à l’artiste, un morceau dynamique et groovy, enveloppé de sa voix légère et charnelle, où il aborde la solitude et la complexité de savoir la positionner dans nos vies.
Autant atout que faiblesse, autant source d’énergie que situation parfois pesante, se retrouver à l’écart des autres est une expérience propre à chacun. Ce que l’on perçoit dans ce titre, c’est une réaction chimique et sincère face à la dualité de la solitude, portée par une empreinte sonore chaude et réconfortante.
Le choix d’avoir intégré Remi Wolf au morceau souligne que le retrait en solitaire peut être partagé. Et si l’isolement devient trop lourd, il est possible d’en prendre conscience et de briser cette dynamique.
Ce single incarne l’image d’un comeback réfléchi, et le bonheur de constater que Thundercat reste toujours aussi inspiré musicalement, fidèle à ses émotions. Il est plus que probable que nous reparlerons de lui très prochainement.
Thundercat – I Wish I Didn’t Waste Your Time
Chose promise, chose due : nous vous avions dit que nous reparlerions de Thundercat très prochainement. C’est avec deux nouveaux titres que le musicien fait son retour, de quoi nous gâter.
Là où le morceau précédent abordait la solitude, I Wish I Didn’t Waste Your Time s’inscrit clairement dans cette continuité, avec la même volonté de dévoiler une part d’intimité. Plus doux et plus posé dans sa construction mélodique, il illustre peut-être un instant précis de solitude et le réconfort qu’elle peut malgré tout apporter. Une mise en retrait en solo pour raviver les souvenirs douloureux d’une rupture amoureuse, déconstruire un schéma nourri d’images du passé afin de mieux bâtir une nouvelle structure intérieure tournée vers l’avenir.
Même dans leur mise en image, les deux titres se répondent. Le premier se présentait comme une série de vidéos complices en noir et blanc, tandis que celui-ci, nettement plus coloré et animé, renvoie une impression de réflexion psychédélique et hors du temps. Comme si Thundercat cherchait à brouiller la frontière entre clairvoyance et incertitude, à mélanger ce qu’il serait bon ou non de faire.
La sortie de ces singles ne s’accompagne pas (encore) de l’annonce d’un nouvel album, mais une tournée mondiale vient d’être confirmée, avec un passage à Paris, Salle Pleyel, le 18 mars 2026. Espérons que ces deux morceaux seront les premiers signes annonciateurs d’un projet plus vaste dans les mois à venir.
LE VENIN – EXTASE
Attention avertissement ! Si vous êtes photosensibles, ne regardez surtout pas le clip EXTASE de LE VENIN réalisé par Olivier Gagnon. Nouvel extrait de son premier album AUTO-CONSTRUCTION MIXTAPE à paraître le 24 octobre 2025, EXTASE nous embarque dans une grosse vibe de pop-punk Y2K, mais un peu comme si SUM 41 était passé sous vocoder. Au milieu de ce gros party souterrain on a cherché à comprendre les paroles. Spoiler alert la quête dure toujours.
Milky Chance – Camouflage
Camouflage est le nouveau single de Milky Chance, sorti le 12 septembre, quelques semaines après le succès viral de Passion. Petit bijou d’indie pop, à la fois introspectif et léger, le morceau aborde « cet étrange entre-deux après une rupture — quand on ressent encore la douleur, mais qu’on commence aussi à trouver comment avancer. Ce n’est pas triste, ce n’est pas en colère… c’est plutôt : voilà comment je le gère en ce moment. Il y a une part d’humour là-dedans. », confie le duo.
Avec Camouflage, Milky Chance transforme la douleur d’un cœur brisé en matière créative, grâce à leur sens unique de l’humour et de la désinvolture, devenus véritables armes de résilience. Musicalement, le morceau incarne l’art de danser avec ses blessures avec une énergie lumineuse. Porté par un groove reggaeisant et décontracté, qui rappelle parfois leurs débuts, le titre déploie des paroles teintées d’humour, comme pour alléger le poids des émotions :
« I just got a brand new entourage / I’m rolling like I own the boulevard / I’m in my heartbreak camouflage. » Derrière ces refrains pétillants, le duo assume ses fêlures sans s’y enfermer, les transformant en un collage coloré :
« I’m living in this beautiful collage / There’s nothing here for you to sabotage. »
Un équilibre subtil entre vulnérabilité et autodérision, typique de l’écriture du duo allemand. Et puis, qui aurait cru qu’autant de mots riment avec camouflage ? Entre collage, entourage et sabotage, autant de jeux de mots que de perspectives.
Le clip, réalisé par Anthony Moline, illustre cette idée de camouflage émotionnel à travers une esthétique visuelle à la fois ludique et expressive. Dans une ambiance de huis clos, on y retrouve le duo attablé en terrasse, verres à la main, en pleine partie de cartes. Filmée par une caméra rotative à 360° placée au centre de la table, la scène passe d’un joueur à l’autre, chacun chantant Camouflage droit dans les yeux du spectateur.
En parallèle, Milky Chance a surpris son public avec la sortie de Trip Tape III (11 titres, Muggelig Records), annoncée en direct lors d’un livestream précédant Camouflage. Fidèle à l’esprit éclectique de cette série lancée en 2021, cette nouvelle édition alterne inédits, remixes et reprises audacieuses.
Cyril Mokaiesh – Regarder passer les trains
Plusieurs jours que Cyril Mokaiesh nous teasait sur ses réseaux sociaux avec une énorme annonce : celle d’un rdv à La Défense Aréna avec cette citation de Vincent Lindon en boucle « Je fais de mieux en mieux un métier que j’aime de moins en moins » et ce « Bonne chance pour la suite » écrit à la main sur les affiches de l’évènement…
Le mystère est levé. En lieu et place d’un concert, Cyril Mokaiesh dévoile avec Regarder passer les trains le premier extrait de son prochain album Bonne chance pour la suite. Et Cyril Mokaiesh frappe fort avec ce morceau coup de poing sur son métier ultra concurrentiel, en proie aux doutes, soumis à la dictature des algorithmes et à l’explosion de l’IA. « Comment assumer son trajet sans trouver son chemin » se demande-t-il. Comment concilier ses rêves légitimes de succès avec les dures réalités de ce métier, sans pour autant se décourager ni dénigrer les stars du système ?
On est happé par la tension dramatique croissante tout au long du morceau et du clip réalisé par Tamina Manganas. Un morceau remarquable qui nous prend aux tripes grâce à la vibrante intensité de sa poésie désabusée. Un morceau qui parle de son temps et qui laisse présager un retour sous les meilleurs auspices. Bonne chance pour la suite.
Luje – Try Me
Luje nous entraîne dans une ascension où l’effort devient palpable. Après la morsure glaciale de leur premier single, Try Me déploie une énergie aérienne et puissante, capable de nous soulever tout en nous éprouvant. Le rythme devient un terrain escarpé, chaque pause un vide où nous pourrions chanceler.
Dans cette montée, la lutte se fait à la fois intime et collective. La voix, âpre et vibrante, transforme la fatigue en souffle, les blessures en force. Rien n’est offert, la tension est constante, la musique exigeante, comme si elle voulait que nous nous mettions à nu pour l’écouter pleinement.
Au bout du chemin, nous comprenons qu’il n’existe pas de sommet final, seulement d’autres reliefs à conquérir. Ce morceau secoue et oblige à se dépasser, à l’image de ce que le groupe parvient à accomplir. Dans cette lutte sonore, nous avançons ensemble, trouvant dans l’épreuve une part de nous-mêmes.
Edgär – Dragons
C’est dans le bel écrin du Hangar à sons que le duo amiénois Edgär fait son grand retour avec Dragons. Après deux albums à ranger dans la catégorie électro, le duo se renouvelle et plonge dans le rock la tête la première.
Rythmique endiablée, guitare vrombissante, tension grandissante les garçons sont allés chercher le meilleur des ingrédients ordinaires du genre. L’intérêt de la live session est de capturer la sincérité du jeu et du plaisir qui habitent les musiciens. Sans doute la plus belle des manières pour illustrer ce come-back.
Lorsque nous les avons vus en concert récemment, Edgär révèle ses différentes facettes et c’est dans son virage rock que le groupe montre ses capacités à monter en puissance. Dragons en est l’exemple le plus saisissant mais ils ont également dévoilé le single Enemy qui amorçait déjà un virage limite punk. Un album devrait voir le jour en 2026, stay tuned !