La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite on vous invite à découvrir la première partie de notre 280ème sélection des clips de la semaine.

Arthur Fu Bandini – Ça va ça va
A la question Comment ça va ? il est possible de ne plus savoir exprimer son état. Une question d’apparence légère, passe-partout, polie dont parfois la réponse n’est pas véritablement attendue. Nos âmes se voient sondées en l’espace de quelques mots prononcés vite fait, à l’arrachée, vite ignorés. Aussitôt prononcés ou juste pensés que la question évacuée se retourne en un Et toi ?/Et vous ?.
Arthur Fu Bandini a décidé de jouer avec ça. Il court, il court en slow motion, le voilà à la recherche d’un état profond plus qu’un simple signal. Ca va ça va s’inscrit dans la ligne des textes révoltés d’Arthur Fu Bandini.
Ce dernier délaisse le décor des couloirs du métro pour la ville en chantier. Dans ce morceau à la rythmique ni trop rapide ni trop lente qui lors du live se savoure dans une montée progressive, Arthur Fu Bandini démontre un héritage musical situé entre un Bashung et un Higelin. Le poète n’a pas fini de nous régaler ! De morceau en morceau, on saisit toute son exigence aussi stylistique que sonore.
Romy – Love who you love
Décidément, les membres de The XX sont en grande forme ces temps-ci ! Après Telephone games d’Oliver Sim dont on vous parlait il y a quelques jours seulement, c’est désormais au tour de Romy de dévoiler une nouvelle pépite : Love who you love. Un premier single peut-être annonciateur d’un album à venir, deux ans après Mid Air ?
Dans Love who you love, Romy continue d’explorer son sujet de prédilection : l’amour. Elle met sa plume et sa voix magnétique au service d’un morceau forcément queer, mais surtout universel, pour célébrer l’amour et revendiquer le droit d’aimer qui on veut.
Le clip réalisé par Vic Lentaigne met en lumière plusieurs familles ou personnes LGBTQIA+ qui s’assument fièrement telles qu’elles sont et osent vivre leur amour. Elles sont montrées dans l’intimité de leurs appartements, toutes voisines d’un même palier sur lequel Romy déambule, passant d’un logement à l’autre.
L’utopie d’un bonheur malheureusement encore à construire, dénoncée dans un message et un clip engagés qui prennent des airs de manifeste pour appeler au changement, à l’acceptation et à la tolérance.
Will Swinton – Find a way
Fin octobre, Will Swinton dévoile le clip de Find a Way, un titre explorant la difficulté de maintenir une relation quand tout menace de s’effondrer. Le morceau incarne cette nécessité de se confronter à ses doutes et de chercher, malgré l’adversité, une issue lumineuse.
Visuellement, le clip se distingue par son esthétique épurée en noir et blanc. Will Swinton et ses musiciens y évoluent dans un cadre désertique austère, loin de toute civilisation. Cette désolation visuelle renforce l’isolement émotionnel au cœur du morceau, transformant le paysage aride en métaphore de la lutte relationnelle. L’absence de couleur accentue encore cette sensation de vide et d’incertitude, tandis que la présence du groupe crée un contraste subtil entre l’isolement du désert et la solidarité musicale.
José Gonzàlez – Pajarito
Le songwriter suédo-argentin José González fait son grand retour avec Pajarito, un single poétique, léger et joyeux en espagnol, son premier depuis l’album Local Valley en 2021. Écrit avec ses enfants en tête, le morceau associe à merveille sa guitare acoustique tendre, signature de l’artiste, à une mélodie douce et lumineuse. Mais Pajarito, c’est surtout une chanson sur l’enfance et la découverte de soi. Musicalement, le titre se distingue par sa simplicité intemporelle et son ton joyeux, fidèle à la volonté de González : « De temps en temps, j’ai envie d’écrire des chansons intemporelles, simples et insouciantes ».
Il dit d’ailleurs « ‘Pajarito’ parle de grandir, d’apprendre des choses et de devenir finalement indépendant ». Comme souvent dans son travail, le morceau porte également un sous-texte plus profond et existentiel.
Inspiré par des classiques tels que 59th Street Bridge Song de Simon & Garfunkel et Río de Silvio Rodríguez, ainsi que par les chansons pour enfants qui rythment sa vie familiale, Pajarito est un pendant direct de Lilla Gumman, écrit pour sa fille Laura : « Bien sûr, je devais écrire une chanson dédiée à Mateo également ! ». La pochette, un « Dala bird » peint par sa compagne Hannele Fernström, rend hommage à l’art populaire suédois.
Le clip de Pajarito joue entre imaginaire et la technologie. Curieux de l’impact de l’intelligence artificielle, González a exploré ces outils de manière ludique : « Nous avons commencé à générer des images avec Sora et VEO en septembre …… Après discussion avec le réalisateur Jonny Sanders, nous avons choisi de faire un clip conceptuel, en laissant les modèles inventer l’intrigue et les prompts vidéo. Nous avons opté pour le bouvreuil pour ses belles couleurs ».
Le résultat est un clip poétique et enchanteur, où l’innocence et la curiosité enfantine se mêlent à un univers naturel et léger, avec des petits oiseaux évoluant au milieu d’archipels. Réalisé avec Google Gemini et VEO, et monté par Jonny Sanders, il reflète parfaitement la douceur et la tendresse du morceau.
Avec Pajarito, la chanson et le clip invitent à redécouvrir le monde avec des yeux d’enfants plein d’émerveillement et de simplicité. L’artiste travaille déjà sur son cinquième album studio.
Sam Quealy – Love Lasso
La « Princesse de la Techno-Pop » est de retour ! J’ai nommé Sam Quealy, artiste australienne aux multiples facettes et parisienne d’adoption. En attendant la sortie de son album Jawbreaker le 30 janvier 2026, elle dévoile cette semaine le single Love Lasso, accompagné d’un clip signé Elisa Ribeiro.
Sam Quealy fait une entrée magistrale, vêtue de noir sur un cheval blanc, dans une esthétique qui rappelle à la fois les western et les vieux films de suspense. L’ambiance se transforme rapidement alors qu’elle gare sa monture dans une station service. Là, une interaction avec quatre hommes et une voiture va donner lieu à une chorégraphie aussi inattendue que captivante, alternant entre danse et scènes de combat.
Love Lasso parle de cet amour auquel on se sent irrémédiablement attiré, alors même qu’il est douloureux. L’image du lasso décrit à la fois les bras qui enveloppent, et cette incapacité à s’échapper. Un refrain entêtant pour un texte parfois tragique « Love Lasso, forever mine / Saddle up, we chase the sun until the day we die » (traduction : « Lasso de l’amour, mien pour toujours / En selle, nous poursuivons le soleil jusqu’à notre mort »).
Avec ce nouveau single et son clip cinématographique, Sam Quealy prouve encore une fois qu’elle est inclassable. Elle n’hésite pas à mêler les esthétiques, et parvient à nous faire danser sur l’amour toxique.
Nectar Palace – Lunettes roses
Après les escapades nocturnes de Malcommode en septembre dernier, Nectar Palace remet ça avec Lunettes roses, un nouveau single extrait de son prochain EP Automate disponible le 30 janvier 2026. Ici, la réalité se teinte d’un filtre pastel : les contours se brouillent, les sens s’emmêlent, et l’on s’abandonne avec délice à cette euphorie qu’on ne veut surtout pas laisser retomber.
« Il ne faut pas enlever nos lunettes roses », chante Nectar Palace, comme un mantra à répéter pour conjurer la grisaille Montréalaise. Sur une basse ronde et une guitare légèrement tordue, l’artiste célèbre le plaisir du moment présent, sous des influences de Toro y Moi et Neon Indian. Le résultat ? Une pop planante, sensuelle et un brin psychédélique, où l’on danse avec nonchalance dans un univers où “l’ennui de la terre n’existe pas dans l’espace.”
Le clip, réalisé par Rosalie Bordeleau, prolonge cette vision floue et lumineuse. On y suit le protagoniste, lunettes roses sur le nez, arpentant la ville comme si chaque néon vibrait au rythme de ses désirs avec en prime, un petit tatouage éponyme.
Babyshambles – Dandy Hooligan
Douze ans. Douze longues années sans un seul morceau des Babyshambles, menés par l’infatigable Pete Doherty, figure aussi poétique que cabossée du rock britannique. Et voilà qu’ils reviennent là où on ne les attendait pas : avec Dandy Hooligan, un titre aux sonorités rocksteady reggae qui nous transporte tout droit dans les années 80, au temps des skins antifascistes, de The Specials et The Selecter. Un morceau qui sknak, chaloupé, porté par une guitare et la voix écorchée de Doherty, toujours aussi fragile et pleine de grâce. Ce n’est plus la rage juvénile d’antan, mais une forme de paix, de maturité.
Derrière cette mélodie solaire et nonchalante, les paroles cachent une profonde tendresse. Dandy Hooligan rend hommage à Bob Morris, ami de Pete, supporter de West Ham United, antifasciste, et dandy militant. Un homme de principes, toujours tiré à quatre épingles, qui a passé sa vie à défendre ses valeurs sans jamais “frapper vers le bas”, comme le répète le refrain. Un hommage à la fois intime et politique, célébrant cette noblesse du cœur et de l’attitude, cette élégance du combat juste.
Le clip, lui, agit comme une capsule de mémoire. On y voit des images de Bob Morris, anciennes et récentes, des fragments de vie qui se mélangent : lui, en costume impeccable, arpentant les rues anglaises, ou partageant des moments simples entouré de ses amis. C’est une plongée dans une culture anglaise vibrante, celle du punk, du ska, des clubs et des convictions portées haut. Un bel hommage à une époque, à un homme, et à l’esprit même des Babyshambles : l’amour de ceux qui se battent avec élégance.
MADAM – To The Moon (Symphonic Version)
Qui a dit que musique rock et musique classique n’allaient pas ensemble ? Certainement pas nous, encore moins le trio MADAM qui nous offre une version revisitée de leur single To The Moon, en collaboration avec l’Orchestre Out de Toulouse. Les violons tremblent et les guitares fusent dans cette version aux allures de musique de film !
Si vous avez loupé un épisode, MADAM c’est un trio formé de trois toulousaines : Gabbie, Marine et Anais. Elles font du rock brut mais joyeux, qui donne envie de taper du pied dans la bonne humeur ! En live, elles retournent la salle entière, s’amusent et transmettent leur énergie enflammée au public. Tout juste sorties d’une tournée de plusieurs mois à travers la France et l’Europe, MADAM s’apprête à entrer en hibernation pour préparer la suite… Mais pas sans un dernier cadeau, et quel cadeau !
La symbiose paraît inexplicable entre l’orchestre, la voix résonnante de Gabbie et le mélange mystique des violons et des guitares ! Et pourtant, l’ensemble est magnifique, envoûtant et la forte amitié qui lie les musiciennes se ressent jusque derrière notre écran. Véritable déclaration d’amour à son public et à leurs dernières années à parcourir les routes, To The Moon (Symphonic Version) est à vous. A très vite, MADAM !
Joji – Past Won’t Leave My Bed
POV : Réveil sur le sol de toilettes publiques. On met nos chaussures, on replie notre sac de couchage et on fait un dernier pipi avant de quitter les lieux. C’est comme ça que débute ce « vlog » filmé en vision nocturne. Derrière la caméra, une silhouette au visage pixelisé apparaît l’espace d’un instant face à un miroir. S’agit-il de Joji ? Le doute persiste tout au long du clip, mais une chose est sûre : le chanteur nippo-australien est bel et bien de retour avec son nouveau projet Piss In The Wind.
Après trois ans d’absence Joji revient sans crier gare avec un album de 21 titres. Past Won’t Leave My Bed, le troisième morceau dévoilé du projet, nous embarque dans un voyage itinérant déjanté. Au fil des trajets en auto-stop et de rencontres hasardeuses, les expériences dérapent : courses de motos, combats de feux d’artifice, dégradation d’ATM… (Hallucinations start to intertwine).
Les décors se succèdent (urbains, désertiques, forestiers, balnéaires) en harmonie avec des paroles mélancoliques et profondes. La brutalité des images contraste avec l’apaisement de la musique. Comme si, où que l’on aille, la violence finissait toujours par nous rattraper : I try to move on, but the past won’t leave my bed.
Lisa Ducasse – L’Essor
La chanteuse Lisa Ducasse nous confie un petit d’écrin de beauté et de poésie avec la sortie d’un clip à l’esthétique cinématographique pour son morceau L’Essor. La franco-malgache insiste, avec ses mots, sur l’importance de persévérer, face au temps qui passe, pour prendre son envol. Une métaphore qui évoque un nouveau départ, une nouvelle vie. Lisa Ducasse écrit au « tu », comme pour conseiller un ami ou se rassurer elle-même.
L’artiste reste fidèle à son esthétique : spoken word et musique épurée. À l’image, Lucas Minier apporte un autre sens à cette idée d’attente et d’envol. Le réalisateur donne à voir un amour naissant dont le dénouement surprend le spectateur curieux.