Les clips de la semaine #284 – Partie 1

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite, la première partie de notre sélection 284 des clips de la semaine.

1003 – The Shapes

Petit tour du côté de Marseille pour découvrir le premier single du nouvel EP 0.3 à venir début 2026 pour la bande 1003. Intitulé The Shapes, le morceau s’inscrit dans un mouvement imprévisible à la limite du cauchemardesque. Il emprunte tantôt à l’indus électronique qu’à l’expérimental le plus brut. Complexe, il nécessite une certaine concentration pour mieux le vivre. D’une nature plutôt sombre, le morceau tente de faire entendre la voix de son chanteur qui émerge par moment en se faisant plus fragile.

Son clip réalisé par Florian Castells nous plonge dans un univers clos où des corps de danseurs se frôlent, s’entrechoquent dans une chorégraphie bestiale. Le tout sous une lumière timide si ce n’est rare. Les danseurs cherchent une ouverture, les plans se resserrent, la caméra est au plus près des corps. Les corps deviennent une véritable masse compacte qui tente l’évasion. Un univers alléchant que nous suivrons de près !

NE-YO – Simple Things

Ne-Yo fait son grand retour avec Simple Things, un single R&B qui rappelle à quel point il excelle lorsqu’il s’agit de transformer l’intime en sentiment universel. Il y célèbre la beauté du quotidien et rappelle que l’amour se niche dans les gestes les plus discrets, ceux qu’on remarque à peine mais qui finissent par tout changer.

Les paroles, à la fois tendres et traversées de mélancolie, évoquent les compromis imposés par une vie passée sur les routes et la douceur presque irréelle du retour à la maison. Il y affirme qu’aucun endroit ne vaut ce refuge, et compare le bonheur à ces petites choses que l’on croise en chemin, comme des fleurs au bord de la route, métaphore de ces instants simples qui deviennent précieux une fois qu’on les a enfin saisis.

Dans un paysage R&B en constante mutation, Ne-Yo choisit de revenir à l’essentiel : une émotion brute, une humanité assumée, et cette manière de raconter les sentiments qui donne à sa musique des allures de classique.

Taisen – Clouds

Taisen dévoile cette semaine Clouds, première pièce de son EP à venir, sobrement intitulé The Fall Session. Le disque regroupera un ensemble de morceaux enregistré en un week-end dans son studio. L’idée est de capturer et transmettre la joie qui accompagne l’improvisation. 

Avec Clouds, on découvre le décor intimiste de The Fall Session, joliment filmé par Johann Berger: un studio baigné d’une lumière tamisée et chaleureuse, par une nuit de novembre. Au centre de la pièce, Taisen se laisse porter par une mélodie de piano, sur une boucle de synthétiseur. Pendant six minutes, ses mains semblent glisser naturellement d’un clavier à l’autre.

Le mélange de sons organiques et électroniques, qui est au cœur du projet de l’artiste Toulousain, révèle toute sa puissance évocatrice. Hypnotisés par la musique qui prend vie sous nos yeux (c’est la beauté de l’improvisation), on se laisse aller à une rêverie automnale. Taisen nous invite au calme, à laisser le temps s’étirer et à ressentir les transformations qui s’opèrent autour de nous, alors que la nature se pare de nouvelles couleurs.

On vous souhaite un beau moment suspendu, accompagné des mots de l’artiste : « Je ressentais toujours un grand calme au moment de le jouer, ce même calme qui me vient quand je regarde un ciel tranquille. Clouds est pour moi une manière de me retrouver. C’est une porte d’accès direct à un endroit essentiel, un lieu de ressource où je perds sans effort la notion du temps. »

Milk & Bone – Blossom Tree (produced by Chromeo)

Quand un duo légendaire en rencontre un autre, ça donne Blossom Tree de Milk & Bone produit par Chromeo. Tiré de l’EP A Little Lucky, c’est la collaboration qui fait du bien aux oreilles en cette fin d’année 2025, qui, on le rappelle, est une fin de cycle, pour les gen-z-otériques qui nous lisent.

Les loop de batterie de l’introduction rappellent l’omnichord et fonctionnent presque comme une boîte à musique qui nous mène vers le premier couplet. Les deux artistes chantent à l’unisson tandis que la chanson avance, portée par la basse. Les harmonies se superposent, comme si les deux voix invoquaient leurs propres forces pour se relever et devenir plus solides.

Tourné à Los Angeles, ce clip symbolise pour Camille Poliquin toute l’era de l’EP, quelque chose entre la bulle intime, le road trip et le retour aux sources pour repartir plus fort.

Courcheval – C’est pas grave

3 ans après son premier album, Guillaume Cantillon, aka Courcheval, est de retour avec un nouveau projet. L’artiste français,  nous en dévoile les premiers contours avec C’est pas grave, un titre solaire qui nous invite à profiter de chaque instant sur fond de fin du monde !

Point de catastrophisme ni de gravité pour aborder un sujet aussi anxiogène que la fin du monde peut l’être, non. Courcheval a choisi l’extrême inverse : la légèreté. Légèreté d’une pop colorée, chaloupée, qui pourrait ressembler à de la country brésilienne.

Légèreté aussi dans les paroles, notamment du refrain. Jugez plutôt : « C’est pas grave On fera la prochaine fois Une autre Terre un autre endroit C’était pas si mal je crois Des petits bouts par ci par là Evaporés c’est déjà ça ».

Légèreté dans l’attitude des personnages du clip, réalisé par Lenny Urbain. On y voit un couple très complice profiter de ses derniers instants avant ce qui s’apparente à la fin du monde. Grignoter une pomme, siroter un verre, chausser ses lunettes de soleil pour observer le ciel rougi, récupérer son courrier dans la boite aux lettres alors que les voisins prennent la fuite, barboter dans la piscine, jouer avec le chien, danser, s’enlacer… Autant d’instants aussi précieux qu’anodins d’un quotidien qui finit par disparaître.

Ce parti-pris carrément malin atteint largement son objectif. Le clip attire toute notre attention et donne encore plus de force aux messages de Courcheval : l’amour comme valeur cardinale, l’absurdité du monde dans lequel on vit, l’absolue nécessité d’en prendre soin et de profiter de chaque instant comme si c’était le dernier. La fin du monde n’est pas loin, c’est tout de même grave. 

Black Plant – Haze Of The Night

Black Plant, c’est ce jeune groupe stéphanois qui remet un bon coup de fouet au rock avec cette vibe des années 2000 qui nous manque tant. Après deux premiers singles et une belle série de concerts dont un passage à Musilac l’été dernier, le quatuor revient avec Haze Of The Night, un morceau qui pourrait tout droit sortir d’un pub de Sheffield un soir de pluie. Leur énergie, leurs riffs et leur attitude déjà très affirmée rappellent ces groupes britanniques capables de retourner des salles entières en quelques minutes, mais vous ne rêvez pas, on parle bien ici d’un groupe français.

Le titre s’ouvre sur un riff terriblement accrocheur, porté par une rythmique qui donne immédiatement envie de secouer la tête ou de bousculer son voisin de fosse.  Le couplet et le refrain s’enchaînent avec une évidence presque insolente, et le chant reste immédiatement en tête. Dans les paroles, le groupe raconte une nuit qui dérape, coincée dans un pub noyé de fumée, où se croisent des gens paumés, des fêtards et des bagarreurs.

Le clip, réalisé par Anthony Faye, s’intéresse à la solitude qui s’installe dans un quotidien un peu trop gris. On y suit une enfant enfermée dans un appartement sans éclat, qui finit par se créer son propre refuge, un espace imaginaire porté par la musique. Ce petit coin inventé devient alors une bouffée d’air, une échappée brève mais précieuse. Le film capte ces moments où, malgré la monotonie ambiante, la joie parvient à reprendre le dessus.

Flea –  A Plea

Après plus de quarante ans à repousser les limites de la basse avec les Red Hot Chili PeppersFlea ouvre un nouveau chapitre avec A Plea. Ce morceau de plus de huit minutes, entre jazz électrique, spoken-word et prière incandescente, est un cri du cœur contre la peur et la haine, mais surtout un appel à la beauté, à la lumière et à la solidarité. Flea résume son intention simplement : « I’m always just trying to be myself. »

A Plea avance comme une confession à voix haute. Un texte brut, oscillant entre lucidité blessée et compassion farouche. Flea y observe un monde fracturé, saturé de peur, de violence et de discours politiques stériles, sans foi. « I don’t care about your fucking politics », lance-t-il, non par indifférence, mais pour dépasser le vacarme et revenir à l’essentiel : l’humain, la rencontre, l’amour comme dernier refuge. Le morceau suit trois mouvements — Civil WarPeace and LoveThe Æther — comme trois étapes d’un même chemin : voir la violence, la refuser, puis chercher une lumière possible. « There’s a place where we meet, and it’s love. »

Musicalement, l’introduction de plus de trois minutes plonge dans un jazz ample, presque hypnotique. La basse et la trompette se répondent, la batterie pulse, les cuivres respirent. Autour de Flea, un ensemble de supers musiciens jazz contemporains — Anna Butterss, Jeff Parker, Deantoni Parks, Mauro Refosco, Rickey Washington, Vikram Devasthali, Chris Warren et Josh Johnson — compose un univers organique, profond, multidimensionnel. Une architecture sonore qui va amplifier la montée vers le spoken-word, urgent et vivant.

Le clip réalisé par Clara Balzary prolonge cette intensité. Dans un clair-obscur presque sculpté, Flea apparaît d’abord immobile, avant de se mettre en mouvement. Cheveux fuchsia, t-shirt jaune, pantalon rouge : une silhouette incandescente, un joker facon 2025 qui danse comme il joue de sa basse, avec le corps entier. La chorégraphie de Sadie Wilking traduit l’urgence du morceau : gestes saccadés, élans de rage, effondrements, éclats de joie. On le voit traverser peur, colère, fatigue — puis basculer vers la lumière.

Moment clé où Flea danse parmi des enfants, lorsque les paroles appellent à « Build a bridge, shine a light ». Le manifeste devient direction, le mouvement devient espoir. À la cinquième minute, l’énergie change : il invite à créer, aimer, tendre la main, même avec un simple trait de crayon. Comme si la beauté n’était pas une fuite, mais une forme de résistance.

La lumière s’élargit jusqu’au dernier souffle. Flea s’effondre, épuisé mais rayonnant, scandant : « Shine your light – Shine it true. ».

Au-delà du retour à la trompette ou de l’exploration jazz, A Plea est un acte de foi. Une œuvre explosive et intime, où Flea se montre brut, vulnérable et lumineux. Dans un monde saturé d’opinions, il propose autre chose : une invitation. Un pont. Une lumière.

Gildaa – Utopiste

Gildaa, chanteuse franco-brésilienne part à la quête de ses racines et de son âge. L’artiste-personnage partage un clip questionnant le temps qui passe et des rêves qui se fanent. Avec son single Utopiste, elle se demande : « Est-ce que les temps changent ? ».

Dans ce clip qu’elle coréalise avec Pierre Nativel, la chanteuse apparaît sous plusieurs visages. Elle change changeant d’apparence, et surtout d’âge, entre deux refrains. D’abord enfantine, coiffée d’une coupe qu’elle fait elle-même deviner comme “une bêtise” assumée dans les coulisses du tournage. Puis, on la découvre en mère débordée. Sorte de clown triste obligée de sourire et de faire semblant que tout va bien. Car c’est bien ce que l’on attend des mères : ne pas montrer les difficultés de la maternité, quitte à se perdre, parfois jusqu’à la folie. Enfin, Guildaa se montre vulnérable, accablée de maladies, de virus et de troubles psychiques, camisole à l’appui.

Utopiste exprime un désir crié, chanté. Qui se frotte toujours à la réalité la réalité, comme le rappelle le sound design mélancolique et inquiétant. Celui-ci enveloppe le morceau d’accents de samba et de textures organiques issues de la musique brésilienne. Le titre évoque aussi l’idée d’une boucle, d’un cycle épuisant : « L’Utopiste a le même espoir que toi / La Fatiguée a baissé les bras comme moi ».

Ce morceau s’inscrit dans une lignée de singles sortis récemment qui laissent présager, peut-être, la sortie prochaine d’un album.

Canine – Beast

Le clip Beast s’impose comme un hymne collectif, solaire et puissant. Dès les premières secondes, on entend les respirations, les pas, cette pulsation physique qui fait corps avec la musique. Cette danse en unisson, portée uniquement par des femmes, représente la sororité, cette rage de s’en sortir, presque rituelle.

La mélodie hypnotique et intense porte la voix à la fois légère et susurrée de Magali Cotta. L’instrumentation, mêlée aux sons des corps en mouvement, donne à l’ensemble un souffle épique. Chaque respiration annonce une ascension, une métamorphose en marche. Leur mouvement collectif apporte un élan héroïque et lumineux à la chanson.

Ce qui frappe surtout, c’est la coexistence de deux élans. D’un côté, une rage partagée, un grondement intérieur. De l’autre, un éclat solaire qui irradie malgré la tension.

La “bête” chantée par Magali Cotta renvoie aux différentes formes d’emprise que l’on peut rencontrer. Elle parle de domination, de pression, de ces forces qui enserrent, mais aussi de ce qui permet d’en sortir. La chanson met en lumière la puissance de la sororité, des voix qui s’unissent et s’élèvent pour briser les chaînes. 

Beast est un chant de résilience entêtant. C’est une montée en puissance physique et émotionnelle où la force du collectif ouvre un chemin vers la lumière et permet enfin, d’abattre la bête.

Dead Chic – The Bells and The Fists

Le quatuor franco-anglais Dead Chic s’apprête à sortir une édition Deluxe de son premier album Serenades & Damnation. Histoire de patienter, le groupe dévoile un single inédit : The Bells and The Fists. Esprits tordus d’internet, passez votre chemin, rien à voir !

Dans ce morceau particulièrement intense, Dead Chic joue sur les codes du blues et du rock avec un refrain fédérateur qu’on se mettrait à chanter avec eux. On se fond volontiers dans ce clip signé Pablo Delporto qui écarte toute mise en scène fictionnelle pour mieux faire vivre le live avec son lot de sueur et de transe. La chaleur du rock y est bien présente avec son lot de lumières criardes, ses guitares qui hurlent et la batterie sèche qui provoque de réelles vibrations quand on se retrouve du point de vue de son batteur.

Avec un peu de chance, si vous êtes du côté de Nantes le 18 décembre prochain, les gars seront de passage au Ferrailleur pour une soirée que vous ne regretterez pas !

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