La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre, voici la seconde partie de la 284ème partie des clips de la semaine.

Michelle Blades – Dear Friend
Dear Friend est le nouveau single de Michelle Blades, extrait de son prochain album Where To?, à paraître chez Escargot Musique le 16 janvier 2026. Enregistré en live à La Bergerie aux côtés d’Astrobal et Gaétan Nonchalant, ce morceau intime et dépouillé marque une nouvelle étape dans le parcours de l’artiste panaméenne. Il renoue avec ses influences folk et jazz tout en poursuivant une écriture instinctive et vibrante. « Dear Friend est née comme une lettre sonique adressée à un ami en plein tumulte — une main tendue, simple et sincère », confie-t-elle. À travers cette chanson, Michelle Blades rappelle que, parfois, ce qui change n’est pas le monde mais nous-mêmes, offrant une réflexion lumineuse sur la transformation personnelle et la capacité à reconnaître ce que l’on possède déjà.
Musicalement, Dear Friend explore un espace entre douceur acoustique et textures bruitistes. Minimaliste mais intensément habité, le morceau repose sur une guitare fragile, des harmonies sophistiquées flirtant parfois avec la dissonance, et un souffle de larsen qui contraste avec une voix folk presque murmurée, comme une confidence. Une chanson qui respire, qui tremble, qui rassure — un titre que l’on écoute comme une conversation essentielle.
Le clip, animé par Estefani Blades (@bladeparadeart), adopte la même sobriété. Une simple balançoire en mouvement, portant sur son siège en bois une enveloppe avec les mots Dear Friend. Épuré, flottant, sensible, le visuel accompagne la musique sans la figer, capturant sa tendresse et la portée de ses mots. Un clip au service du morceau, pour que l’attention demeure centrée sur la mélodie et le récit.
Yohann Francoz – Chaque brise qui passe (version alternative)
On pourrait qualifier Chaque brise qui passe de doux conte poétique. Les ingrédients : une bande d’enfants jouant aux aventuriers au soleil couchant sur les bords de Sainte-Rose-du-Nord, partant d’un campement de fortune vers de nouvelles aventures. Dans un monde qui rappelle Wes Anderson, ou encore Little Miss Sunshine ou Captain Fantastic, la réalisatrice Gabrielle Lapalme réussit à nous embarquer dans un autre univers le temps de 4 minutes 31.
Mention spéciale à l’enfant qui fait le solo de guitare, il a déjà toute l’attitude pour devenir une rock star !
MELBA – Trop belle pour toi
“Les dorures appartiennent à tout le monde, on a fait la révolution pour ça. Tous les corps méritent la dignité. Tous les corps méritent de se rouler dans les dorures.” Voici les premières phrases que Melba a notées dans la description de sa vidéo Youtube. Et elle a bien raison ! Même enroulée en papillote dans le grand escalier de l’hôtel de Ville de Lyon, Melba rayonne et dégage la confiance de ces personnes qui ont tout le talent du monde.
Trop belle pour toi, c’est une ode au respect de soi et une lassitude extrême des personnes qui nous utilisent et ne nous apprécient pas à notre juste valeur, ces narcissiques qui aiment se sentir adorés mais ne donneront jamais une once d’amour en retour. Et on préfère briller comme Melba et être considéré·e comme un petit monstre plutôt que de se coltiner le sourire forcé de la statue de marbre du clip.
The Waves Pictures – Sure and Steady
Avec “Sure and Steady”, deuxième extrait de Gained / Lost à paraître le 27 février 2026 chez Bella Union, The Wave Pictures dévoilent un morceau d’une douceur rare, l’un des plus délicatement évocateurs de leur répertoire récent. Intimement ancré au cœur du nouvel album, ce titre condense ce qui fait la singularité du trio depuis près de trente ans : la simplicité lumineuse de leur musique, la joie de jouer ensemble, le plaisir pur du son.
Le groupe le résume clairement dans son communiqué : « Cette chanson relève davantage du souvenir que du rêve. À l’image des madeleines de Proust, elle parle de flapjacks. Elle évoque aussi les mères des autres, si différentes de la nôtre. ». Sure and Steady apparaît ainsi comme un souvenir mis en chanson, à hauteur d’humain — à hauteur d’enfance, même — où les détails ordinaires deviennent autant de points d’attache. Une photographie mentale, un instant figé avant qu’il ne s’efface. « Cette chanson est comme une photographie », concluent-ils.
“Sure and Steady” nous plonge dans un univers chaleureux, celui du foyer, de la maison, où les gestes anodins et les odeurs de cuisine dessinent une cartographie intime. Les images évoquées ressemblent à des clichés légèrement délavés : après-midis pâles, cuisines familiales, silhouettes entrevues puis perdues. Une poésie du quotidien façonnée par la spontanéité du trio, qui parvient toujours à conserver la fraîcheur du premier jet — cette vérité brute d’une idée attrapée au vol. Sur le plan musical, le morceau évoque dès son introduction une certaine filiation avec Lou Reed. Il se distingue par ses guitares en clair-obscur, une rythmique chaleureuse et ample. Enregistré en sept jours, en live, au Ranscombe Studios, “Sure and Steady” possède cette qualité instinctive et spontanée propre aux instants capturés sans artifice. David Tattersall y déploie un jeu de guitare doux et fluide, soutenu par la basse souple de Franic Rozycki et la batterie dansante et stable de Jonny Helm. Le tout se pare d’harmonies délicates sur les refrains. Un ensemble qui évoque presque un “Lou Reed des East Midlands”, une image que le groupe assume avec humour.
Le clip, quant à lui, ne suit aucune narration linéaire. Il enchaîne plutôt des fragments d’anciennes bobines de science-fiction en noir et blanc : un iris qui s’ouvre, un monstre qui remue la tête, une femme entourée d’électrodes comme pour un électroencéphalogramme, un visage féminin dont la peau disparaît soudain pour révéler veines, vaisseaux et cerveau, un homme allumant une bougie avec des lasers sortant de ses yeux… Autant de scènes loopées qui se répondent tout au long du clip.
Avec “Sure and Steady”, The Wave Pictures prouvent une fois de plus leur capacité à transformer l’ordinaire en un enchantement discret. Ce deuxième extrait laisse présager un Gained / Lost lumineux : un album de souvenirs, de détails, et d’une joie simple — celle de saisir l’essentiel.
Naked Soft Men – TROUBLE
144 secondes et pas une de plus, c’est tout ce qu’il faut à Naked Soft Men pour foutre le bordel. Nouveau départ pour les nordistes qui annoncent en fanfare la sortie à venir de leur premier album éponyme, et qui nous parviendra en Février prochain.
D’ici là, un premier clip : TROUBLE. Le nom est éloquent, on n’est pas là pour rester sage et lire le bulletin municipal. Le morceau décoiffe, on se croirait dans un quartier ouvrier de Manchester et pourtant, ce ne sont que des lieux éloquents de nos belles terres des Hauts de France qui sont mis en valeur. La côte, la friterie, les zones industrielles portuaires, un vrai beau passage en revue.
Côté images, l’esthétique est somptueuse, les plans drôles dès le premier (le pêcheur au chalumeau gravé dans nos mémoires). Bref, ça claque, ça marche pour nous et on a hâte de découvrir la suite.
Monolithe noir – La foi gelée (live fiction)
C’est un court métrage en noir et blanc hypnotique. Une histoire de preneur de son en pleine nature qui s’alterne avec des prises de vue d’un live en studio ; un format un peu unique que Monolithe noir a décidé d’appeler une live fiction. Pour celles et ceux qui ne sont pas familiers du projet, Monolithe noir est le nom de scène d’Antoine Messager Pasqualini, basé en Belgique. Un projet qui a commencé par être un solo de musique électronique avant de se réinventer en trio, jusqu’à la formation ci après, filmée par Nico Peltier : Thibaut Derrien ainsi qu’Arnaud Kermarrec.
On avoue se laisser couler, doucement, dans ce court métrage elliptique et fuligineux, dans cette rythmique en cinq temps qui berce, dans cette voix d’Antoine Messager Pasqualini, comme une manière de mégaphone qui parle-chante un texte en anglais, avant que la voix de Fabiola ne prenne le relais. Bercé et hypnotisé, tout comme le preneur de son solitaire qui sourit à la lune trois quart pleine, la tête reposée sur l’humus de la forêt. Il faut se laisser couler dans le mystère, c’est beau. Réjouissons-nous de l’indéchiffrable.
CHATON LAVEUR – CONTRE-LA-MONTRE
Aaaaah la course à vélo ! Sport magnifique qui nous bloque la route tous les dimanches entre 11h et 13h quand on veut aller manger chez mamie. Et pour ça, CHATON LAVEUR à trouvé la solution dans son dernier clip CONTRE-LA-MONTRE : le faire en intérieur avec un écran devant soi. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, plus de problème ! Et si vous avez la nostalgie du klaxon derrière vous, vous pouvez vous mettre une bande son urbaine par dessus leur deuxième album Labyrinthe qui sortira le 13 mars 2026.
Cœur Kaiju – Cœur Kaiju (Acoustic)
Les français de Cœur Kaiju ont sorti en mai dernier leur premier EP du même nom qu’ils ont récemment réédité en version acoustique. En résulte une lecture plus folk, épurée et un univers beaucoup plus contemplatif. Cœur Kaiju nous amène à apprivoiser notre monstre intérieur dans une revisite plus douce et plus sensible. Un morceau parfait pour un dimanche cocooning en compagnie d’un thé bien chaud.
C’est en tout cas ce que l’on remarque à la sortie du titre éponyme. On retrouve la créature en forme de cœur – rappelons peut-être que kaiju en japonais désigne créatures mystérieuses voire monstres géants – qui cette fois-ci déambule dans le cadre paisible d’une plage désertée des êtres humains pour y faire de la peinture. Le cœur Kaiju délaisse ainsi ses pulsions destructrices pour un geste plus sensible. Le monstre initial devient plus l’image de la délicatesse et le morceau se concentre sur l’émotion.
FLIPPEUR – Extraterrestre
Deux semaines après avoir dévoilé leur premier EP, Élastique, les joyeux lurons de FLIPPEUR continuent leur plan d’invasion et s’attaquent à nos yeux, en plus de nos oreilles, en dévoilant le clip de leur titre Extraterrestre.
Extraterrestre, c’est 1 min 38 de bonheur pur et dur pour s’incruster dans nos esprits et planter en grand le drapeau de FLIPPEUR dans nos esprits. Le quintette nous offre ainsi un petit shot de bonheur à base de guitares abrasives et de rythme foufou, le tout porté par des paroles aussi drôles qu’efficaces. Pas besoin d’en faire trop pour FLIPPEUR leur musique sans fioriture, efficace à souhait et superbement troussée fait tout le taff pour eux.
Le clip jouit du même plaisir foutraque et de l’étiquette DIY qui régit la musique de FLIPPEUR. Une caméra, un fond vert et cinq copains bien décidés à se marrer et à offrir à leur musique un rendu visuel qui lui sied à merveille.
Ils s’amusent et nous amusent avec eux, nous emmènent autant dans l’espace que dans leur esprit pour parler de cette invasion qui frappe et qui est bien décidé à nous emporter avec elle. Aucun soucis de notre côté, on rend les armes et on laisse FLIPPEUR nous intimer la marche à suivre.
Melody’s Echo Chamber – The House That Doesn’t Exist
Vous êtes en manque de psyché ? Ne vous inquiétez pas, la reine Melody Prochet est là pour prendre soin de vos oreilles.
En effet, cette semaine, on célèbre le tant attendu retour de Melody’s Echo Chamber avec son nouvel album, Unclouded paru chez Domino Records. Et pour le mettre en avant, c’est le morceau The House That Doesn’t Exist qui a été choisi.
Un morceau aérien, porté par la voix si caractéristique de Melody, ce sens de la mélodie répétitive et entêtant et des cordes sublimes qui permettent à notre esprit de voyager et de s’échapper du réel le temps de quelques minutes.
Pour sublimer le tout, c’est à Diane Sagnier, collaboratrice de longue date, que revient la charge du clip. Et forcément, la réalisatrice appose une patte volontairement psychédélique aux images qui accompagnent The House That Doesn’t Exist.
Une colorimétrie violette, des effets de caméra tourbillonnants transforment le monde tel qu’on le connaît en expérience parallèle où la réalité se pare de beauté et se retrouve sublimer comme dans un rêve étrange que l’on traverse et où l’on voit le réel se travestir et changer le monde.
Pour le reste, c’est sur scène qu’on aura le plaisir de retrouver Melody’s Echo Chamber qui a annoncé une grosse tournée qui passera notamment par le Trianon, l’Aéronef ou encore le botanique. De notre côté, on a déjà hâte de la retrouver.
St Graal – Techno boom boom
Le kick dans le cœur de St Graal continue de battre et de nous faire danser. Le musicien vient d’annoncer l’arrivée de son prochain EP, Les dernières histoires d’amour de St Graal, et en profite pour nous offrir cette semaine son nouveau titre : Techno boom boom.
Un titre évocateur pour un morceau qui fait monter les BPMs. Mais comme toujours chez St Graal, l’efficacité de la production s’équilibre grâce à une écriture sensible et sincère. Il est toujours question d’amour, du cœur qui s’emballe et du monde autour de soi qui nous veut autant de bien que de mal.
On suit St Graal dans la nuit, dans l’anonymat d’une nuit où les corps se multiplient et se mélangent, où la musique frappe fort et où les sentiments s’exacerbent. Techno boom boom nous fait bouger autant qu’elle nous émeut, dans cette danse sans fin où l’on cherche l’exaltation autant que la perte de contrôle, les émotions fortes autant que l’autodestruction.
La vidéo de Ilan Brakha nous entraine dans la nuit aux portes du club. On reste dans la voiture (les voitures ?) sur le parking et on regarde le temps qui s’écoulent, différents protagonistes et différentes scènes, positives ou négatives, se passent sous nos yeux.
Si la voiture qui ne bouge pas, tout autour d’elle et à l’intérieur est en mouvement, ce sont des instants de vies qui se dévoilent, du chaos, de l’untié, des larcins qui voient se témoins silencieux les dévoiler sous nos yeux. Un bout de vie qui prend fin lorsque St Graal s’en échappe en plein bad trip, cherchant à reprendre contact avec le réel. Et c’est une fin plutôt pessimiste qui nous est offerte puisqu’on le voit chuter, et dans le noir qui se fait c’est le bruit d’une ambulance que l’on entend arriver au loin.
Mais comme on a envie nous de finir sur une note positive, on peut vous dire que le St Graal a rempli son Trianon, qu’il a annoncé un Olympia et qu’il sera bien évidemment en tournée dans toute la France en 2026.
Seka ft. Caballero — Call Center
Jeune signait le retour de la pépite bruxelloise Seka. Porté par les productions de Phasm, véritable OG de la scène francophone et belge, le projet ouvre une fenêtre limpide sur l’univers du rappeur : une vision déjà affirmée, un style déjà presque singulier, et une envie réelle d’explorer de nouveaux territoires sonores. Cette semaine, le rappeur dévoile le clip de Call Center, en collaboration avec l’un des tontons du rap belge Caballero.
Et El Gordo Guapo n’a évidemment pas fait le déplacement pour faire la figuration. Caballero arrive en expert du genre, ego trip affûté et présence XXL, avec une entrée aussi fracassante que parfaitement contrôlée. Ce qui étonne, c’est sa facilité à épouser le rythme : une base trap lourde, nerveuse, ciselée, et lui qui s’y faufile avec une aisance presque insolente.
Aux commandes, Phasm façonne une trap moderne sombre et aérienne, blindée de détails mais suffisamment légère pour laisser les flows respirer. Un terrain idéal pour Seka, qui excelle dans cette atmosphère : posé, précis, faussement désinvolte, toujours là où on ne l’attend pas.
Le clip, lui, met en scène les deux rappeurs en patrons d’un call center pas vraiment orthodoxe, on ne sait pas exactement ce qu’ils vendent, mais on devine que c’est loin d’être un forfait téléphonique classique. Entre scènes dans les rues de Bruxelles et passages entourés de leur équipe, Call Center confirme une évolution nette dans la carrière de Seka : un artiste audacieux, qui continue d’élargir son univers et gagne en légitimité dans le paysage rap, notamment grâce à une collaboration aussi solide que celle avec Caballero.
Suzanne Belaubre – Si je suis un arbre
Après C’est quoi la suite, Suzanne Belaubre nous offre Si je suis un arbre. On retrouve le piano répétitif, les synthés, l’écriture poétique et le chant sensible de l’artiste qui nous fait immanquablement penser au son de Mathieu Boogaerts.
Dans Si je suis un arbre, Suzanne Belaubre dialogue avec un arbre. Un dialogue nourri d’inquiétude, dans lequel elle s’inquiète de la disparition des oiseaux et avec eux, du déclin de notre planète.
Le clip, d’après une idée originale de Suzanne Belaubre et Maxime Morin, nous emmène au cœur de la forêt pour une balade poétique. Suzanne Belaubre y trouve refuge pour composer sa musique, elle fait corps avec elle, et nous livre ses peurs d’avenir tout en en sublimant la beauté. Une œuvre douce et subtile qui nous questionne sur l’effondrement de la biodiversité et le rôle que nous pouvons jouer pour la préserver.
Suzanne Belaubre sera en concert le 17 décembre au Popup du Label à Paris dans le cadre des Inrocks superclub.