La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite, la première partie de notre sélection 286 des clips de la semaine.

Clou – Chant de Noël
Clou nous dépose cette semaine un petit cadeau sous le sapin avec le clip très à propos Chant de Noël, extrait de son dernier album A l’évidence.
Si pour certains, Noël rime avec joie, partage et dinde aux marrons, pour d’autres en revanche, le 25 décembre n’a absolument rien de festif. Il peut être vécu comme une pression sociale, une corvée, voire même un supplice. Des retrouvailles familiales sur fond d’hypocrisie, de tensions ou de brimades.
Plutôt que de subir, Clou a décidé d’agir et de rompre avec le schéma familial traditionnel. « Je ne viendrai pas à Noël Envie de manger je n’ai pas Dans l’alcool comme un goût de fiel Justifie les gros mots les faux pas »
Initialement écrit comme un cantique qui lui donnait une tonalité grave, le morceau s’est transformé en quelque chose de drôle grâce à un rythme reggae. Une légèreté illustrée par le clip qui assemble des images extraites des coulisses du A l’évidence tour. On y voit Clou et ses musiciens on the road, sa famille choisie, réunie par une complicité sincère.
Une chanson et un clip joyeux sur un sujet qui ne l’est pas, et qui donnera peut-être du courage à certains pour affronter cette période.
Jessie J – I’ll Never Know Why
Certains artistes transforment la douleur en art pour mieux la comprendre. C’est le chemin qu’a emprunté Jessie J avec son dernier single, I’ll Never Know Why, extrait de son album Don’t Tease Me With A Good Time. Dans cette ballade poignante, la chanteuse britannique délaisse les artifices pop pour une vulnérabilité brute, s’adressant directement à son ami et garde du corps, disparu en 2018.
Si vous ne connaissiez pas cette facette de l’artiste, ce morceau est une porte d’entrée vers son âme. Co-écrit avec Ryan Tedder, le titre explore le deuil impossible, celui qui laisse derrière lui des questions sans réponse : « How could you say goodbye without saying goodbye? ».
Le clip officiel, d’une simplicité contemplative, capture parfaitement cette solitude face à l’absence. On y découvre Jessie J seule, perchée au sommet d’une colline qui domine une ville illuminée. Sous un ciel aux teintes rosées, elle fixe l’horizon, immobile, comme si elle cherchait une réponse dans l’immensité du paysage. Ce décor suspendu entre jour et nuit fait écho à son propre état, coincée entre le souvenir lumineux de son ami et l’obscurité de son départ.
Alice on the roof – Tyrannosaure
Retour dans le musée d’Alice on the roof pour y découvrir une nouvelle salle, celle du Tyrannosaure. Point de dino à l’horizon, non non, mais un monstre invisible qu’Alice combat courageusement.
Un morceau mélancolique extrêmement beau, dont les paroles écrites par Zazie sont servies par une Alice on the roof bouleversante. « Monstre que veux-tu de moi ? J’irai te chercher Tyrannosaure Mon monstre qui dort Qui me tire vers le bas Non tu ne me tueras pas »
Dans le clip encore signé Juliet Casella, Alice est vêtue de noir pour camper ce tyrannosaure austère, mais dont le visage maquillé de rose se voit affublé de plus en plus de gommettes colorées. Comme un sortilège d’enchantement qui ferait apparaître la joie et l’espoir même aux heures sombres…
Claire days – My hair
Claire days nous fait une belle surprise en cette fin d’année en nous dévoilant un nouveau morceau intitulé My hair. Le titre aurait dû figurer sur le dernier album de la lyonnaise I remember something, mais n’y a finalement pas trouvé sa place. On remercie Claire days d’avoir gardé cette maquette bien au chaud et de nous la partager aujourd’hui.
Claire days évoque donc sa chevelure qui se pare de couleurs argentées depuis quelques années. Un changement qui alimente chez l’artiste « un tas de réflexions sur la vieillesse, la beauté canonique et relative, le passage du temps, le culte de la jeunesse ».
Le clip home made de Claire days, réalisé avec un petit camescope, nous plonge dans l’univers de l’artiste. Des chats (on devine sa passion pour les petits félins !), des paysages – les siens, des selfies, la guitare, la musique, le train, les loges… Un tourbillon d’images qui donnent à voir un peu du quotidien de Claire days, tout en simplicité.
Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, My hair annonce une réédition de l’album. Les chanceux que nous sommes aurons ainsi le plaisir de (re)découvrir 8 morceaux liés à l’album en ce début 2026. On a déjà hâte !
Ajar – Pas compris
On est d’accord ? Ajar semble être le seul à ne pas avoir compris la raison de rupture de sa dernière relation. Avec le morceau Pas cömpris le chanteur raconte que sa dulcinée l’a mis sur le côté au profit d’une « copine » qui serait un plus qu’une simple copine. Ajar joue et tourne autour de ce quiproquo. Il feint de ne pas comprendre le désir saphique de son ex. Si le propos surprend voire peut prêter à sourire, le musicien reste de la continuité de ses précédents morceaux. Ajarnous offre avec Pas cömpris une petite pépite entre le jazz, la pop et l’électro qui égaille cette période morose. À la réalisation, Matias Sahnoune film l’artiste dans ses réflexions, qu’elle soit en pleine rue ou dans l’intimité de ce qui semble être une chambre d’hôtel.
ROSALÍA – La Perla
La Perla est l’un des morceaux centraux de LUX, le monumental quatrième album de Rosalía, paru en Novembre 2025. Avec cet album orchestral, spirituel et multilingue, la pop voyageuse catalane a surpris tout le monde en s’éloignant des terrains club de Motomami pour explorer la mystique féminine, la foi, la contradiction et la rédemption. Conçu comme une œuvre totale, LUX rassemble le London Symphony Orchestra, Björk, Yves Tumor, Patti Smith ou encore Yahritza y Su Esencia, et déploie ses textes en treize langues. LUX s’impose comme un projet vertigineux, pensé par Rosalía comme une quête de lumière : « Dans le meilleur des cas, l’idée serait que quiconque l’écoute se sente léger et plein d’espoir. »
Pourtant, dans cet ensemble lumineux, La Perla agit comme une décharge émotionnelle brute, un moment de rupture brutale qui prouve que la lumière ne peut exister sans traverser l’ombre. Là où Rosalía explore habituellement la spiritualité et la lumière à travers des orchestrations majestueuses, ce morceau est un contre-pied : c’est une confrontation directe, un règlement de comptes avec une figure masculine toxique qu’elle nomme sans détour « ladrón de paz », « terrorista emocional ». Portrait d’un charmeur irresponsable, narcissique et destructeur, La Perla dénonce le mensonge, la manipulation et l’absence totale de loyauté. Mais derrière la virulence du texte, La Perla parle surtout de protection et de survie : celle d’une femme qui refuse désormais de s’exposer à la violence émotionnelle.
Musicalement, La Perla délaisse les ampleurs orchestrales qui caractérisent LUX. Le morceau s’ouvre sur une guitare épurée et une voix cristalline mais affûtée, presque tranchante. Rosalía y pose sa voix avec une netteté sèche, parfois scandée, portée par une rythmique minimaliste, un phrasé millimétré aux cordes pincées. L’orchestre arrive ensuite, sobre, mesuré. Les harmonies de Yahritza y Su Esencia ajoutent une fragilité bienvenue, comme un écho collectif à cette colère maîtrisée. Malgré des refrains aux montées puissantes qui se parlent entre violons et voix, La Perla garde une tension martiale. Chaque phrase pèse, chaque mesure compte. Pas de catharsis spectaculaire ici, mais une affirmation calme et ferme de limites enfin posées.
Réalisé par Stillz, le clip de La Perla transforme cette notion de frontière en concept visuel saisissant. Rosalía y apparaît systématiquement surprotégée : équipée en hockeyeuse complète, en combinaison anti-morsure pour jouer avec des chiens inoffensifs, en tenue d’escrime face au vide, ou encore au volant d’une Lamborghini décapotable. Chaque scène crée un décalage absurde entre un danger inexistant et l’armure déployée. Stillz filme ces situations en plans larges avant de resserrer sur le visage de Rosalía, toujours séparé de la caméra par une visière, un casque, une barrière physique.
Le clip ne montre jamais l’agression. Seulement l’après : l’isolement, la vigilance permanente, la nécessité de se blinder. Même lorsque Rosalía déambule avec une ceinture de chasteté médiévale, la mise en scène reste frontale, sans commentaire. On est dans le non-dit et l’interprétation du spectateur. La caméra observe et laisse le malaise s’installer. Le clip se referme sur une patinoire déserte. Rosalía, immobile sur la glace, casque à la main, seule mais debout. Une image forte qui résume tout : pas de renaissance spectaculaire, pas de revanche éclatante. Juste une femme qui choisit de rester droite, armurée, consciente.
Avec La Perla, Rosalía signe l’une des œuvres visuelles les plus marquantes de l’ère LUX. Un clip qui parle de rupture, de foi en soi, et de protection comme acte de survie. Là où tant de récits de séparation cherchent la rédemption ou la vengeance, elle choisit une tout autre direction : la dignité dans la distance. Rosalía fait son grand retour à Paris avec deux dates immanquables à l’Accor Arena, les 18 et 20 mars 2026, du LUX TOUR 2026.
Lujipeka – Plan échoué
Après la sortie de son album Brûler Paris le 3 octobre, Lujipeka s’apprête à mettre le feu (métaphoriquement) aux quatre coins de la France à l’occasion de sa tournée, qui démarre en février. En attendant le coup d’envoi, il dévoile le clip du titre Plan échoué.
Plan échoué, c’est l’histoire d’un amour qui n’a pas marché. Le rappeur raconte le vide créé par le départ de celle qu’il aime. Un vide qui prend toute la place, quand elle n’est plus là et que tout porte la marque de son absence. Le morceau parle de la nécessité de tout réapprendre quand on perd sa moitié : « Maintenant il faut qu’j’apprenne à faire les mêmes choses sans toi ». Un spleen un peu amer, et un clip sous forme de mise en abyme qui donne une autre dimension au titre.
Dans celui-ci, Lujipeka est à la réalisation d’un (faux) tournage, qui tourne mal. Devant la caméra, deux comédien.ne.s incarnent des amoureux. Mais le rappeur-réalisateur semble insatisfait de leur jeu et de son équipe, et peu à peu la tension monte. Comme dans sa relation, l’artiste est confronté à la réalité, et celle-ci ne correspond pas à ce qu’il avait imaginé. Le « vrai » clip, réalisé par Yohkuza, est très efficace, à la fois décalé et poétique. La mise en scène rend plus tangible la nostalgie du morceau, et la sensation d’échec exprimée par Lujipeka.
Wilby – Too Late To Save
Au sein d’une pièce trop étroite, rien ne s’effondre vraiment, mais rien ne tient debout non plus. Too Late To Save nous place face à cette fatigue intérieure que l’on ne sait plus expliquer.
Nous sommes hantés par l’idée d’essayer encore. Penser trop, mesurer chaque geste, douter avant même d’agir. Alors nous préférons l’évitement. Nous voulons partir sans laisser de trace, disparaître avant que l’on nous demande de rester.
Il y a un être en face, pourtant. Quelqu’un qui attend un aveu, un mouvement, un signe. Mais s’agenouiller, ici, ne ressemble pas à un geste d’amour, plutôt à un abandon de soi. Nous sentons que dire n’importe quelle vérité ouvrirait une brèche irréversible, et nous ne savons plus comment réparer ce que nous sommes devenus.
Changer supposerait d’admettre que nous ne sommes pas figés. Être sauvés impliquerait que nous en ayons encore la capacité. Alors nous choisissons la phrase la plus simple, la plus cruelle aussi : trop tard. Trop tard pour évoluer et pour être rattrapés.
La brutalité de Wilby réside dans ce renoncement discret. Rien n’est crié, rien n’est réglé. Nous restons dans cet instant flou où l’on aime encore, mais où l’on a déjà renoncé à soi. Une chanson comme une confession, parfois ce n’est pas le monde qui arrive trop tard, c’est nous qui avons cessé d’y croire. Le dernier album dont est issu ce titre embrasse tous ces démons et réflexions dans une poésie rock inattendue, mais profondément enveloppante.
Sylvain Duthu – Hyper
Certains lieux ont ce pouvoir étrange de nous submerger sans prévenir. C’est le constat que dresse Sylvain Duthu avec son titre, Hyper, dont le clip vient tout juste d’être dévoilé. Ce morceau, né d’un soir de septembre solitaire, explore l’hypersensibilité à travers le prisme inattendu des grandes surfaces, ces espaces saturés de lumières, de couleurs et de bruits qui finissent par saturer les sens.
Si vous ne connaissiez pas Sylvain Duthu en solo, cet ancien membre de Boulevard des Airs dévoile ici une facette plus intime de son univers, extrait de son album 15h22. Dans ce titre aux sonorités pop-électro, il décrit avec une justesse désarmante ce vertige moderne : la paralysie face aux « millions de choix pour une même chose » et cette sensation d’être agressé par un monde trop bruyant, trop vif.Le clip, réalisé par Benoît Gibert, traduit visuellement cette saturation sensorielle par un jeu d’éclairages saisissant. On y voit l’artiste exposé à différentes teintes de lumière, tantôt baigné dans l’artificiel, tantôt ébloui par un spot braqué droit sur son œil. Entre ombre et lumière, il semble parfois jouer avec sa propre silhouette ou tourner le dos à l’objectif, comme pour échapper à cette agression visuelle permanente, transformant une simple déambulation en une chorégraphie de l’esquive.
OrelSan – Soleil Levant (feat. SDM)
Orelsan s’entoure de SDM sur Soleil levant, un morceau qui prend d’abord les codes de l’egotrip pour mieux les détourner. Dans le clip, les deux rappeurs apparaissent en costume-cravate, calmes et imperturbables, tandis qu’en arrière-plan une foule en émeute s’affronte. Coups, fumigènes, voiture détruite : le chaos visuel contraste fortement avec leur posture maîtrisée. Cette opposition illustre parfaitement le propos du morceau : au milieu du bruit, de la violence et de la compétition, eux ont pris du recul.
Chaque artiste livre un bilan de carrière, porté par cette mise en scène quasi cinématographique. Le titre Soleil levant symbolise un nouveau cycle, une réussite qui n’a rien d’instantané. Le succès n’arrive qu’après les épreuves, et le clip en fait une démonstration visuelle en montrant la destruction pendant que les artistes avancent sans vaciller.
Orelsan s’attaque à l’autoglorification creuse dans le rap et sur les réseaux sociaux. Il rappelle que la réussite ne rend pas plus léger, mais au contraire plus conscient de ce qui l’entoure. SDM, de son côté, insiste sur la valeur du travail : personne ne s’en sort sans effort, et son parcours s’est construit dans un environnement dur, sans protection ni raccourci. Cette dureté est incarnée par l’atmosphère tendue du clip, où la violence semble permanente.
Le refrain résume l’essentiel : « Tout l’monde veut devenir artiste, influenceur ou sportif
J’peux pas les blâmer, j’ai fait pareil et j’m’en suis sorti »
La fin du clip glisse un clin d’œil inattendu au projet d’Oreslan avec des plans des deux rappeurs sous des pétales de sakura, référence directe à la culture japonaise et aux animés.
HEDENA – HOLIDAYS
Le duo franco-italien nous offre ici un titre dont nous avions profondément besoin. Avec HOLIDAYS le clip nous entraîne dans une Italie romantique et intemporelle, entre Rome et Terracina. Le temps semble s’y suspendre, laissant place à un voyage à la fois introspectif et spirituel. Un voyageur mystérieux apparaît, investi d’une mission presque initiatique. Peu à peu, le monde qui l’entoure devient anecdotique : seul compte son objectif, rencontrer cet enfant et lui transmettre ce casque, passeport vers un monde intérieur, intime et secret.
Tout est délicatesse et mélodie. La voix de Marco, vibrante et profondément touchante, guide l’écoute avec une émotion sincère. La pop de HEDENA dépasse les frontières, portée par une sensibilité universelle et une ampleur qui parle à tous.
HEDENA sortira son premier EP au début de l’année prochaine, avant de le défendre sur scène lors d’un concert à la Boule Noire, le 13 janvier 2026.