La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont à la fois fait vibrer ses yeux et trembler ses oreilles. Cette semaine, beaucoup d’actualité, on a donc divisé notre trentième sélection des clips de la semaine en deux. Première partie tout de suite.
Arnaud Rebotini – Chloroquine
Depuis le début de confinement, Arnaud Rebotini écrit et produit un titre chaque vendredi concernant l’expérience de l’assignation à résidence. En résulte un premier clip, Minimize Contact between People, psyché, inquiétant, et presque politique.
Pour le titre de la semaine, Chloroquine, il a, une fois encore, fait appel aux archives de l’INA, axant l’étude cette fois-ci sur l’aspect plus médicamenteux de l’épidémie. On enchaîne plans super 8 sur plan super 8, présentant les savants inquiétants et un peu fous, les pilules en masse et les bêcher de chimie. Le rythme et la pression électronique de la musique renforcent cette sensation d’oppression, d’angoisse et de stress. Finalement, est-ce que ce clip ne représenterait pas toutes les successions d’images alarmantes qu’on voit passer, abrutis devant les chaînes d’informations en continue ? Ou est-ce qu’il ne s’agirait pas du reportage intra-cérébral de toutes nos préoccupations actuelles ? De tous ces mots barbares et techniques, ces annonces scientifiques dont on ne comprend pas toujours ni l’enjeu ni la signification.
En somme, le témoin du génie d’Arnaud Rebotini qui, outre capable de créer de la musique électronique prodigieuse, parvient à merveilles à utiliser sa musique d’une manière cinématique et documentariste.
Debate Club – Get Bored
À la direction de Philippe Beauséjour, Debate Club offre une illustration vintage au possible de leur titre Get Bored. Une succession de gros plans en format carré, alternant le chanteur, la baguette qui frappe le caisson, ou les cordes pincées de la basse. On aperçoit, dans un mood de loose, les quatre montréalais s’adonnant à des sessions lives incongrues en pleine rue ou dans une laverie automatique. Des plans absurdes qui renforcent l’admiration qu’on a pour ce groupe, tellement cool sans le vouloir. C’est aussi un bon clip de potes, qu’on retrouvent dans leur plus belles chemises autour d’une pizza, à jouer ensemble, rire ensemble, vivre ensemble,
Bref, la quintessence du cool.
Bhopal’s Flowers – I Feel Free (Originally by Cream)
Après leur premier album sorti en 2019, Lovesongs & Psychedelic Tones, les américains les plus hindous de Bhopal’s Flowers reviennent avec le clip de I Feel Free, reprise du groupe Cream. Une photo fixe où les quatre membres nous font fièrement face, comme une mise au défi, accompagnés de leur cithare, guitare et tambourin. Un filtre léger laissant apercevoir les contours d’un mandala se forme et se déforme, donnant une sensation de mouvement et de transe. Les couleurs se saturent et se désaturent au rythme suave de cette reprise hindi rock psyché.
Sans doute l’effet de leur musique sur notre cerveau.
Orville Peck – Summertime
Le fabuleux canadien Orville Peck revient avec un nouveau clip pour son titre Summertime. L’artiste intrigant au masque à franges nous avait déjà séduit avec des clips travaillés tels que Hope to Die ou l’incontournable Dead of Night.
Durant presque trois minutes, le clip de Summertime dirigé par Drew Kirsch et Taylor Fauntleroy laisse la nature s’emparer du chanteur, en l’entrainant avec elle. Le soleil, les fleurs, les arbres, les plaines, tout y est. La nature reprend ses droits, comme une légère ressemblance avec cette étrange période que nous vivons. Une chose est sure, l’été n’est plus très loin avec Orville Peck.
Klô Pelgag – J’aurai les cheveux longs
Klô Pelgag, jeune chanteuse, pianiste et auteure-compositrice québécoise nous dévoile le second extrait de son troisième album studio Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. Après le clip de Rémora, c’est la lyrics vidéo de J’aurai les cheveux longs, que nous révèle Klô.
Dans J’aurai les cheveux longs, la chanteuse se fait la narratrice d’une rupture amoureuse ou amicale, et appelle à la réconciliation. Malgré le temps qui passe, les sentiments ne s’estompent pas et la vie avance, mais bien plus difficilement quand un être aimé nous manque.
Klô Pelgag pose sa voix grave et affectée sur une vidéo montrant l’évolution d’un paysage au fil d’une journée. Un magnifique paysage canadien, un fleuve dont la rive forestière est enneigée. Le paysage évolue lentement, comme une vie sans notre moitié.
Cocanha – Suu camin de Sent Jacques
Depuis tout temps et encore aujourd’hui, l’occitan transporte, l’occitan transcende. Si le dialecte peut sonner abrupte de prime abord, la mélodie et la nostalgie qui en découlent sont réconfortantes et nous réchauffent le cœur et les esprits. Comme un cocon et nid douillé dans lequel on viendrait se réfugier. C’est en tout cas l’effet que procure Suu camin de Sent Jacques du groupe occitan Cocanha, composé des détonantes Maud Herrera, Caroline Dufau et Lila Fraysse. Les incantations presque bibliques du trio nous avaient déjà épaté lors de leur passage aux Inouïs du Printemps de Bourges de janvier dernier à Toulouse. C’est cette fois-ci dans un clip à l’énergie communicative que l’on retrouve les chants polyphoniques du groupe, à travers des percussions et sonorités à la rythmique complètement folle. Dans Suu camin de Sent Jacques, le chantier d’une vieille maison se transforme en véritable cérémonie et moment de communion, le tout sublimé par des chorégraphies traditionnelles.
Walter Wanderley – Cry Out your Sadness(Zaspéro Confinement Edit)
Moitié des voyageurs mystiques et électronique Ovhal 44, Zaspéro est bien décidé à ne pas laisser le confinement lui saper le moral, et par la même occasion a décidé de prendre soin du notre. Il a débarqué cette semaine avec une version personnelle et « housifié » de Cry Out your Sadness de Walter Wanderley et à l’écoute de ce titre clairement ensoleilé c’est plutôt notre bonheur qu’on a envie de crier au monde. Du feelgood pour les oreilles qui donne des fourmis dans les pieds et qui filera le sourire à toutes personne qui passera par la au moment de l’écoute (j’ai testé avec ma mère : ça marche). Et bien sûr pour accompagner ce titre, le garçon nous a confectionné une petite vidéo faite maison en mode schizophrénie puisqu’il se transforme à la fois en chef d’orchestre et en musiciens multipliant ainsi les humeurs, les tenues et les personnages.
Soko – Are You A Magician ?
Are you a liar ? Are you a magician ? Illusion versus réalité pour le nouveau single de Soko issu d’un troisième album à paraître incessamment sous peu. Sous son costume de magicienne et son regard hypnotique, l’artiste nous invite à découvrir une énième facette de son univers. Ici, on la voit donner vie à un ours en peluche qui n’est autre que la parfaite métaphore d’une relation amoureuse dont l’histoire pourrait sembler familière pour beaucoup d’entre nous. Deux êtres donnant l’impression de s’être amourachés l’un de l’autre avec passion mais un équilibre difficile à trouver. L’un déraisonnablement dévoué, l’autre abusivement absent ainsi la fuite semble être la réponse adéquate pour ce dernier. Derrière la caméra, on y trouve Gia Coppola qui outre l’aspect fantastique et les ondes quelque peu enjôleuses qui émanent de Soko, attribue une esthétique des plus appliquées à ce morceau. De loin l’un des plus beaux clips de l’année. Chapeau !
The Slow Sliders – Empty Days
Alors qu’on pensait le chapitre de leur second EP Glissade Tranquille clos, le quatuor exporté à Nantes nous a fait la surprise cette semaine de nous dévoiler le clip de leur morceau Empty Days. Issu d’un opus sorti en 2018, ce titre est sans nul doute l’un des plus représentatifs de la bande originaire du Finistère. La mélancolie qui se dégage de cette douce ballade larmoyante fait définitivement la particularité de ces joyeux lurons. Pour ce clip homemade, on rejoint Victor (Gobbé pour les moins intimes d’entre vous) dans sa salle de bain et on l’observe sans pudeur prendre sa douche et conter une volonté d’être fidèle à lui même / But now I just want to be myself for once in my life / afin de conclure sur un final des plus perchés. En effet, on le retrouve lui et ses fidèles compères sur une île paradisiaque, puis en forêt et…dans l’espace ! Car oui, malgré la langueur saisissante des Slow Sliders il ne faut pas oublier que ces garçons sont de grands adeptes du lâcher-prise et nous, on est fans.
Ricky Hollywood (feat. Juliette Armanet) – Single
Et voilà enfin un duo qu’on espérait plus ! Avec un second album intitulé Le Sens du Sens prévu pour le 10 avril, Ricky Hollywood revient avec un nouveau titre, Single, accompagné de la non moins talentueuse Juliette Armanet. Réalisé par Benjamin Nuel, on sent ici l’artiste incarner un personnage un peu désemparé mais qui ne perd pas une once d’espoir bien que…single. Tandis qu’il semble vouloir trouver la recette miracle pour un single, Ricky Hollywood semble aussi chercher sa partenaire idéale. Comme une rencontre trop longtemps attendue et idéalisée, cette dernière ne se fera pas malgré les innombrables efforts. Que de péripéties pour un morceau que l’on peut qualifier de tube et qu’on s’imagine très bien nous accompagner tout au long de l’été tant le groove est addictif.
SPARKLING – Alive
Jonglant entre les genres parfois punk, électro voire même hip-hop, SPARKLING a su trouver un parfait équilibre qui aura eu raison de leur succès. Ici avec leur morceau Alive, les jeunes artistes y manifestent une fougue fulgurante et clament l’envie de saisir l’instant présent dans ce titre que l’on pourrait qualifier d’ode à la vie et aux aspirations juvéniles. Un clip réalisé par écoute chérie (Lewis OfMan, It’s Sunday) et pour lequel la réalisation frôle l’excellence tant elle est une parfaite représentation de l’énergie débordante du groupe. Si vous ne connaissez toujours pas le trio colonais, ne perdez plus une seconde et foncez les écouter ! Parait-il que leur album a un petit goût de reviens-y, vous nous en direz des nouvelles.
BEAR’S TOWERS – Vertigo
Ca y est, le quartet Bear’s Towers rentre dans la cours des grands, en sortant le clip de Vertigo, single de leur premier EP, PRISM. Réalisé par Théo Bontaz, le clip emmène les quatre amis voyager entre plusieurs scènes studios très vintages : téléphone fixe à cadran, couleurs pastels et vives et chemises à motifs criards. L’image est soignée, et inscrit Bear’s Towers dans la lignée des groupes de pop, folk et rock inspirés par les Lumineers ou Edward Sharpe and The Magnetic Zeros. Tous les éléments folks y passent : feu de camp au milieu de la forêt, lumière douce et prises de vue des parisiens Aurélien, Olivier, et les jumeaux Tommy et Nathan, en train de jouer. De quoi donner le vertige à la scène pop française.
The Garden – Clench To Stay Awake
Si le duo The Garden étaient des marins, ils ne navigueraient pas sur l’eau douce, mais sur une mer déchaînée, passant du calme à la tempête en un rien de temps. Et ça, ils l’ont bien compris, comme en témoigne le clip Clench To Stay Awake, figurant sur leur album Kiss My Superbowl Ring. Les deux comparses, grimés en pirates façon XIXème siècle, partent à l’aventure sur un océan de déchets, le tout dirigé par Weston Allen, derrière la caméra. Alors que les frères jumeaux américains Wyatt et Fletcher Shears chantent leur souffrance, ils tanguent entre ballade rock et punk énervé. Le clip évoque un parti pris bien engagé : les eaux sont troubles, remplies de détritus, et il semble bien difficile de survivre à la pollution… The Garden se seraient-il éveillés à la cause environnementale ? Prenons-en bien de la graine !
Efyx – Lost My Way
Efyx est de retour. La bande, basée sur Lille, nous propose un nouvel extrait qui annonce au passage son deuxième album. Après un premier opus Y Boy défendu un peu partout en France, ce premier single nous ramène aux sonorités électro-rock qui font l’identité du groupe. On les retrouve ici dans un environnement post-apocalyptique pour exprimer une détresse liée à leur place dans la société et les attentes suscitées. Bordée d’éléments urbains, la production se veut rappeler l’instabilité et les incertitudes du monde actuel, exacerbées par la crise sanitaire qui nous touche actuellement de plein fouet.
Lukas Ionesco – Idiot Fish
Vous avez besoin de vous évader ? Une petite promenade dans les montages enneigées vous ferait le plus grand bien ? On a la solution pour vous, tout en restant bien sagement devant votre écran, partez en voyage avec le clip de Lukas Ionesco pour Idiot Fish. L’artiste qui a dévoilé en mars son premier album Magic Stone, nous propose donc une vidéo ou le blanc se taille la part du lion pour un titre qui raconte un amour adolescent, un retour à l’enfance et à la pureté des sentiments bienvenu. La vidéo en devient presque hypnotique tant on se sent transpercé par le regard troublant de Lukas Ionesco dans la vidéo de Alexandre Schild & Laureat Bakolli .
Jumo & Oré – Une belle personne
On termine notre première partie des clips de la semaine avec une session live en mode quarantaine. On retrouve donc sur notre écran, Oré à la voix et aux mots et Jumo, esthète des sons et des ambiances. Ensemble ils ont dévoilé cette semaine une collaboration magnifique : Une belle personne. L’alliance est somptueuse, profondément mélancolique et nous dresse les poils autant qu’elle fait couler les larmes. Si du côté de Jumo on est pas surpris de retrouver son talent inné pour les mélodies envoutantes, c’est la mélopée d’Oré qui nous frappe en plein coeur. Premier texte réellement triste de l’artiste, c’est un morceau qui vient de ses tripes, une déclaration d’amour à sa grand mère et un texte qui traite de la maladie d’Alzheimer. Une petite merveille qu’on s’écoute en boucle depuis plusieurs jours et qui s’offre donc une vidéo « live confiné » pour l’accompagner. Le nouvel album de Jumo est prévu pour le 5 juin chez Nowadays records.