Les clips de la semaine #69 – partie 1

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont à la fois fait vibrer ses yeux et trembler ses oreilles. Cette semaine on vous propose à nouveau deux parties pour notre sélection des clips de la semaine. On commence tout de suite avec les 15 premiers.

S+C+A+R+R – I Had To Leave

Il y a de ça presque un an, quand le confinement plantait ses premières graines en nous et qu’on regardait derrière la fenêtre en se disant  » non ça ne durera pas », on faisait la connaissance de S+C+A+R+R et de son premier titre The Rest Of My Days. Premier titre, premier hit et la découverte d’un être masqué, animé, qui portait un nom à l’image de sa musique : celle des cicatrices qu’on caresse pour ne pas oublier, pour réaliser aussi le chemin parcouru.

Un premier titre plein de promesses, promesses confirmées par la suite avec In My Head, sa mélancolie colorée et cette voix robotique mais pleine d’émotions.

Cette semaine, le mystérieux S+C+A+R+R est venu enfoncé le clou avec I Had To Leave. Morceau up-tempo et électrisant qui délie un message doux-amer, parlant de ces moments où il est nécessaire de laisser les choses derrière soi. Choisir d’agir et d’avancer, pour éviter de se détruire soi même et avoir une chance de se vivre sans rancœur. Un morceau de rupture en demi-teinte, rempli tout autant de tristesse que de libération et de ce besoin retrouver une page blanche pour tout recommencer.

Pour illustrer ce titre, Jack Antoine Charlot choisit lui aussi le mouvement avec un superbe clip animé qui joue une nouvelle fois sur des teintes fantasmagoriques et la solitude d’un personnage qui décide de reprendre les choses en main, même si sa voiture est, comme lui, légèrement cabossée. C’est beau, superbement chorégraphié et, pour notre plus grand plaisir, non dénué d’humour.

En un mot comme en cent, S+C+A+R+R nous a mis dans sa poche.

Refuge – Lava (feat Pi Ja Ma)

La ligne musicale est simple, comme évidente. Une mélodie qui tourbillonne sans s’interrompre, formée par les notes qui s’égrènent d’une boîte à musique. Ces belles boîtes à musique dont la mécanique se remonte avec une clé. On imaginerait une boîte ornée d’automates représentant un couple de danseurs, Refuge et Pi Ja Ma. Ils tourneraient sur eux-mêmes, joue contre joue mais les regards ne se croiseraient plus.

Lava pour dire que la force d’une douce passion est aussi destructrice que la beauté de la lave d’un volcan est dévastatrice.

Si le volcan en éruption est une métaphore de la passion, lorsque celle-ci s’estompe apparaissent les plaies laissées par la lave échappée du cratère.

On ressent cet amour qui s’est éloigné et qui comme aimanté chercherait à revenir, mais vainement, les souvenirs restant figés, cristallisés dans le sol.

Tout se dit calmement. Les voix si douces, sont presque intérieures. Elles nous bercent d’une mélancolie sans fin. L’utilisation fine du vocoder, loin d’être démonstrative, renforce le côté mécanique de la ritournelle et inéluctable de la fin de leur histoire.

Lava est la reprise réinterprétée et traduite en français – initialement en anglais – de l’émouvante chanson qui refermait son album Hunger sorti il y a presqu’un an.

Si la sensibilité devait prendre un visage humain, elle choisirait – sans aucun doute – celui de Refuge. Pi Ja Ma en serait, c’est certain, le regard. 

Edge – 5h54

5h54, l’heure à laquelle le projet Off de Edge prend fin. Une clôture de projet qui a été mise en image par le réalisateur Valentin Becouze. Étonnamment, là où l’entièreté du projet s’apparente à une balade nocturne entre les, souvent, sombres pensées de l’artiste.

C’est ici avec une atmosphère plus colorée que l’artiste semble non pas conclure mais plus tôt entamer une nouvelle journée. Des flashbacks de la nuit apparaissent, l’artiste est entouré par son équipe mais semble en décalage par rapport à eux. Il apparaît seul au premier plan alors qu’eux sont tous ensemble derrière. Comme si ses pensées l’empêchaient de profiter.

La volonté de les adoucir ou en tout cas de les repousser est aussi présente dans le clip que cela soit avec l’argent ou la drogue. Une fois inhalée, celle-ci le plonge dans un monde épileptique où ses pensées sombres semblent neutraliser par d’autres plus colorées.

Edge fait part de toutes ses réflexions, plongée dans une mélancolie sincère qui donne à sa musique une authenticité particulière.

Tentative – Louis (La Mverte This Comateen Version)

Un rythme digne des plus grands morceaux technos des années 90, des chœurs inquiétants aux allures de maison hantée et des paroles libérées et déchaînées, voilà comment l’on pourrait résumer le titre Louis de Tentative.

Remixé par La Mverte, ce son déjà particulier prend une dimension d’autant plus transcendante, cassant les frontières entre les genres musicaux. Ambiance électrique, grave, inquiétante et pourtant dansante… Louis est en fait l’étrange fruit de l’union de Tim Burton et Niagara.

« Tu n’avais que 20 ans et pourtant, déjà plus le temps ». Des paroles pour la plupart graves sur un tel rythme, comme un message pour éveiller les consciences. Tentative fait très fort en murmurant à l’oreille de Louis des vérités sombres et des faits de société bien trop fréquents. Le suicide, ça n’est plus un tabou pour Tentative.

Sous les stroboscopes s’enchaînent scènes d’amour, expressions de la passion et danses endiablées. Tentative Band le dit, ce son est clairement fait pour « danser enfermer ».

Hamza Ft Zed – Réel

En mai 2020 sortait 140 BPM, un EP de trois titres gravitant autour d’un univers travaillé par Hamza et son équipe. En ce début d’année 2021, il vient compléter et surtout élever le tout avec 140 BPM 2 qui est bien plus conséquent.

Malgré un featuring international avec le britannique Headie One, c’est avec Zed et le titre Réel que l’artiste a décidé de montrer l’esthétique de ce nouvel album. Ici, c’est Hugo Bembi et Sacha Naceri qui assurent la réalisation du clip. Dans la continuité des trois visuels accompagnant le premier opus, l’absence de couleur pour un rendu totalement noir et blanc a été adoptée. Les sonorités de Henny Pop et la tenue de l’artiste au début du clip sont également un clin d’œil à 140 BPM premier du nom.

Après s’être changé en un coup de coffre, le bruxellois monte dans son bolide futuriste et lance à toute vitesse les hostilités. A la différence de l’esthétique drill, ici ce n’est pas par des gangs cagoulés que la violence est représentée mais carrément par une armée. Une façon de montrer que les codes sont bien assimilés mais que le bruxellois veut jouer dans une autre cours.

En plein champ de bataille, Zed arrive toute en sérénité, comme si la violence l’entourant ne semblait pas l’atteindre car il est dans son monde à lui, son Réel. Cette sérénité que l’on retrouve également chez le Saucegod vient renforcer cette vision assez originale de la violence et l’esthétique particulièrement peaufinée du projet.

Mathieu des Longchamps – Là-bas

Une guitare, quelques percu et voilà Mathieu des Longchamps qui trouve une mélodie parfaite sur laquelle poser sa voix grave et mielleuse.

« N’avoir rien et savoir où aller », en un an on en a vu des choses, mais pas du paysage… Mathieu nous emmène donc vers un ailleurs bien plus joli que le mur de notre chambre grâce à ses paroles mais aussi à son très beau clip. Sac de voyage sur le dos et planche de skate aux pieds, on le suit dans ses aventures panaméennes, à travers la jungle et sur l’eau, dans ce périple qui le ramène au village de son enfance.

Mathieu des Longchamps a lui aussi besoin de s’évader et de retourner à l’essentiel, ce qu’il nous fait ressentir dans ce morceau très authentique et complétement inspiré de son voyage au Panama. Sur ce voyage, il écrit en français un texte digne d’un joli poème, Là-bas

MELBA Amazones

Tout juste pré-sélectionnée pour la 36ème édition des Inouïs du Printemps de Bourges, MELBA vient également de sortir un clip dans la foulée. On la retrouve fière et paisible dans Amazones, un morceau profondément féministe co-écrit avec Clou et tiré de son premier EP Cœur Combattant.

Amazones, c’est un hymne, un cri de ralliement, un chant de bataille. Mais le combat ne sera pas sanglant : si on montre les crocs au premier abord, on cherche surtout à rassembler les un•e•s et les autres dans une lutte vers un objectif commun. C’est un morceau en quête d’inclusivité et de changement, qui est ferme mais bienveillant.

MELBA co-réalise le clip avec Casimir de Carvalho et fait le choix d’utiliser le cheval (et notamment sa magnifique jument qui répond au doux nom de Bimbo) comme symbole de cette ambition. On aura été prévenu•e•s : une révolution sous le signe d’une diversité unie et de la force tranquille arrive au grand galop. 

BronswickMes Automatismes 

Les québécois de Bronswick nous présentent cette semaine le poids de leurs Automatismes, extrait de leur album Nuits Plurielles via Lisbon Lux Records.

Dans un clip animé réalisé par Pierre-Nicolas Riou, le duo raconte le fardeau de l’existence qu’on se traîne tous les jours et qui a tendance à prendre le dessus. Porté par une beauté d’electro-pop planante, le constat n’est pourtant pas si sombre et se veut optimiste : le tout est de désactiver le mode auto-pilote. 

À l’image du reste du projet Bronswick, c’est beau, c’est doux, c’est mélancolique et c’est bien ficelé. Cette poésie on-ne-peut-plus relatable nous parle en tête-à-tête et les yeux dans les yeux pendant qu’on se noie dans l’union de leurs deux voix. 

Sneak Peek – The Violence Of Your Eternal Love

Le couple grunge de Sneak Peek déclamera bientôt leur amour mutuel dans un nouvel EP The Violence Of Your Eternal Love qui sortira mi-février.

Titre éponyme, il est aussi le premier coup d’œil qu’on aura sur le projet. Instruments et rythmique électronique, voix nonchalante qui se distord avec violence… Une ambiance très particulière règne sur le titre, illustrée dans un clip en noir et blanc à l’ambiance Blair Witch.

On suit de dos une jeune fille en pleine transe secouée par des désarticulations et des psychoses, alors perdue en plein forêt… Entre le grunge, le punk et la synthwave, c’est un titre ultra surprenant avec une patte psychotique envoutante.

Iceage – The Holding Hand

Il s’est écoulé deux ans depuis le groupe de post punk danois Iceage ait sorti son dernier album. Envoutant et lancinant, The Holding Hand est bien surprenant.

Tenant plus de l’expérimental, ils jouent cette fois ci sur la tension, les crescendos, les incursions musicale impromptus et changements de tempos inopinés.

On les retrouve dans ce qui semble être une crise existentielle. Ils admirent leurs reflets de longs moment, les yeux embués, l’air grave.

Une situation dont se dégage une tension terrible… Le titre n’est pas forcément évident au premier abord, mais il possède une force captivante. Tel un thriller psychologique, on souhaite découvrir quel sera l’aboutissement de cette tension, avant de finir en chaos absolu.

BLOWSOM – Slow It Down

Blowsom avait clôturé l’année avec le très réussi Midnight7 où nous pouvions le voir déambuler dans les rues de Paris où il oscillait entre hallucination, perte de contrôle et élan de folie.

On le retrouve cette année avec Slow It Down où il vagabonde encore une fois dans les rues de Paris mais avec une bande originale plus rock qui nous rappelle rapidement Phœnix.

Habillé de la tête au pied en ADN Paris, on peut observer Blowsom sur de lui prêt à conquérir 2021 et on a hâte de découvrir la suite !

STUFF. – Honu

Accrochez-vous à vos buvards, ça va planer avec STUFF. Le groupe phare de la scène jazz expérimental Belge nous fait parvenir un deuxième extrait de son nouvel album, Honu, dont on ne sait toujours ni le nom ni la date de sortie. Il faudra donc encore patienter un peu.

D’ici là, on sait déjà que l’ambiance sera plus contemplative qu’auparavant, en témoigne cette seconde vidéo où les formes géométriques et abstraites sont nombreuses et où elles se mêlent aux images tirées du monde réel pour créer des visions surréalistes hypnotisantes.

Ce titre atmosphérique mixe groove jazzy et mélodies sublimes dans un tourbillon très orange rosée, à l’image du clip. Ce nouvel album semble s’articuler autour de leur du peintre Guy Vandenbranden dont c’est la deuxième toile qui sert de point de départ à la mise en vidéo.

On apprécie, et on a hâte de découvrir la suite des aventures de la bande STUFF.

AGAPE – On ne vit qu’une fois

Au travers de son dernier clip, AGAPE nous emmène dans un lieu futuriste, si loin et pourtant si proche de nous. Les duos de réalisateurs N.L.C.T.L. (Naïma Le Cesne & Thibaut Louvrier) nous font suivre une jeune femme dans un décor froid, sombre, simplement éclairé par des néons.

Pourtant, la jeune femme portant un masque – comme en échos à nos jours – parvient à trouver un peu de tendresse dans les bras d’une autre. Jusqu’à ce que l’on découvre qu’il s’agit d’un rêve, d’un fantasme. Amour immatériel, imaginaire.

Cette pulsion de vie résonne avec le titre du morceau On ne vit qu’une fois, comme avec certaines phrases prononcées : “Sensation de velours, Quand je suis avec toi, Et qu’on oublie tout ça.” Des mots posés sur une musique pop, presque funk et entraînante.

2PanHeads – Cockroach

Le duo de punk’n’rave 2PanHeads nous embarque dans un univers post-apocalyptique, où il n’y aurait que des ruines et des cafards.  Le réalisateur Morse dessine dans un camaïeu de violet, un reste de ville abandonnée. Que l’on observe par un travelling avant.

On remarque qu’elle est seulement habitée par des cafards, flânant, fumant et buvant de la bière. Le pied. Des insectes qui pourraient être une sorte de réincarnation du groupe, à en croire les paroles : “I’m just a cockroach (cafard en français)” Comme pour signifier que même lorsque la fin du monde viendra pour de bon, on continuera à vivre, dans l’ombre et l’obscurité en prenant exemple sur ces blattes.

Cockroach reste marqué par l’identité du duo : des coups de guitares envoûtant, une voix grave et vibrante, tantôt posée tantôt murmurée. Les multiples élévations de la musique nous captent, jusqu’à nous happer par l’arrivée de percussions et d’une mélodie entêtante. Une atmosphère musicale psychédélique tout en dégageant une énergie forte, puissante, punk. 

AUREL – Hier La Plage

Dans l’inconscient collectif où tout va trop vite, lorsqu’on parle de musique et de belgique, on pense forcément au rap et au hip hop. Pourtant, la Belgique est aussi une très belle terre de pop et Aurel vient nous le rappeler avec son premier titre Hier La Plage.

Garçon qui se fondait auparavant dans le collectif, le garçon a fait sa « petite crise de la trentaine »: pas vraiment une crise d’égo mais une mini-révélation : pour faire une musique dont il est fier et qui lui ressemble, il fallait accepter de se mettre en avant, de se défendre et d’offrir un propos et une couleur musicale bien à lui.

Pari réussi avec ce Hier La Plage. Garçon de son époque, Aurel nous parle ainsi d’amour, du temps qui file trop vite et de ces instants qu’on aimerait pouvoir vivre à l’envie en stoppant par instants la courbe d’une existence dont on perd parfois le contrôle.
Le tout est fait avec une vraie langueur, un véritable amour de la pop un brin aérienne et ce qu’il faut de distance pour qu’on puisse accrocher immédiatement.

Pour le clip Hawaii&Smith nous entraine dans un quotidien qu’on connait tous à peu près en ce moment, un brin solitaire et recentré sur soi … et sa famille. Des instants poétiques propres à l’évasion et à la rêverie.

De notre côté, le coup de foudre est immédiat.