Les clips de la semaine #72 – Partie 1

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont à la fois fait vibrer ses yeux et trembler ses oreilles. On commence ce début d’après midi avec la première partie de notre soixante douzième sélection des clips de la semaine.

Myd – Born A Loser 

Ça y est, l’album de Myd a enfin été annoncé : on découvrira le premier long-format du poulain de chez Ed Banger le 30 avril. Born A Loser est le clip éponyme du projet, hypnotique et inattendu. Le style estival de Myd s’affine pour aller chercher d’autres ambiances qui promettent un album surprenant. Son personnage, se s’affichant sans cesse dans des situations inconfortables au travers de ses clips, se retrouve ici dans une scène de ménage presque illisible par ses effets de couleurs tripants. Cette voix lointaine, quasiment plaintive, invite à découvrir l’histoire de Myd, un musicien singulier qui se sent différent de tous, pour le meilleur et pour le pire.

LaFrange – Everything’s Fine

Il y a un peu plus d’un mois, LaFrange nous présentait Everything’s Fine, un EP tout en apesanteur aux mélodies légères et aériennes et aux paroles sincères et nostalgiques, sous forme de vignettes sur son passé, inspirées de journaux intimes et de souvenirs d’enfance et d’adolescence. Everything’s Fine n’est pas une exception et sous les notes de guitare épurées et la voix éthérée de LaFrange, se cache une vérité autre que celle annoncée par le titre. Elle nous confiait il y a peu : « Ce titre est pour moi une manière de faire éclater la vérité, l’idée était de révéler au grand jour ce que nous nous efforçons de ne pas voir. » Et sous la mélodie lumineuse et les mots « everything’s fine » qui reviennent, les maux se dévoilent dans une quête de survie : « I feel up and down / These fears are not mine / I want to survive ». La vidéo met en scène la musicienne que le voit suivie de manière (très) insistante par un individu et est ponctuée de flash-back d’images que l’on imagine d’agression. Le résultat met mal à l’aise et met des images sur la douloureuse noirceur du morceau. Avec Everything’s FineLaFrange se livre et se met à nue avec une honnêteté absolue, et sa franchise éclaire chacune des chansons inspirées de folk et aux accents pop et shoegaze qui compose l’EP.

Ghern – Tout a été inventé pour toi

Ghern sort cette semaine Tout A Été Inventé Pour Toi, une chanson tendre et nostalgique aux paroles entêtantes, énumérant des choses qui font rêver et d’autres plus banales, familières et quotidiennes : « Tout a été inventé pour toi (…) Les piscines à débordement, le porte clé, le cheval, la banque, la clé, le téléphone (…)/ C’est une chanson pour te dire / C’est à toi que je pense encore / Tous les cailloux, les élixirs (…) » Tous rappellent le souvenir d’une personne aimée et à laquelle s’adresse ce morceau. Tout A Été Inventé Pour Toi est une chanson sobre et sans artifice, où la voix douce mais affirmée de Ghern vient se poser sur une guitare acoustique et un synthétiseur aérien. Le clip réalisé par Greg Kozo a été tourné dans la dernière maison close à avoir fermé ses portes à Paris. On y voit le musicien allumer une bougie en forme de Vénus ou passer un coup de téléphone dans une pièce au papier peint léopard. À la fois nostalgique et posé, Tout A Été Inventé Pour Toi est marqué par l’influence de ses aînés Bashung, Daho, Christophe, Belin… et s’inscrit ainsi dans le paysage de la chanson pop francophone. Le titre est le premier extrait de l’album du même nom qui sortira le 26 mars.

JP Goulag – Let Me Know

Il se passe beaucoup de choses dans le dernier clip de JP Goulag ! Jeux vidéo, squelettes, poupée flippante, un ping pong vs la mort… Les images aux couleurs super flashy et les gribouillages d’animation se complètent et sont aussi catchy que déjantées, et défilent à une cadence infernale, au rythme des riffs explosifs de Let Me Know, morceau punk garage à l’énergie communicative à nous faire regretter amèrement l’expérience live, sa fosse et ses pogos. Le commando garage teenagecore, punk lyonnais a fait appel à Jérôme Fist (aka Margaux Jaudinaud) pour réaliser ce clip « frénétique, mignon et trash à la fois » à partir de séquences du groupe tournées en un weekend qui somme toute semble avoir été assez festif. Une bonne dose d’énergie punk qui nous sort de la torpeur de ces derniers temps. On a hâte d’en découvrir plus et de les voir en live !

Let Me Know est tiré de MISTAKEN, le premier EP autoproduit du groupe qui sortira le 19 mars. 

Leone Ft Prototype – Chouchou Des Nanas

Depuis quelque temps, Leone ne s’arrête plus, après la sortie de l’EP Vibes, il est venu cette semaine compléter ces quatres titres avec cinq nouveaux morceaux regroupés sous l’EP Supernova. Un invité est présent en la personne de Prototype, sur le morceau qui vient accompagner par un clip la sortie du projet, Chouchou Des Nanas réalisé par Rose. Sobre dans les couleurs et le décor, le visuel se focalise sur Leone essayant de se rapprocher d’une femme qui visiblement l’attire. Le courant semble progressivement passer entre eux, bien aidé par les mélodies efficaces des deux artistes. A eux deux, ils proposent un clip reflétant bien l’univers romantique du morceau propulsés par l’alchimie qui règne entre Leone et Prototype. Preuves encore que le rap n’a pas fini sa mutation et à encore de très belles années devant lui.

Baby Queen – These Drugs

https://www.youtube.com/watch?v=WLkT8nsj1Po

L’enfant terrible du rock anglais ne cesse de continuer à peaufiner son univers entre le rose flashy qu’on assimile trop souvent aux jeunes filles et l’obscurité presque trash souvent stéréotypée du rock. Un grand écart surprennant et pourtant toujours bien exécuté par l’artiste aussi bien dans ses textes que dans ses visuels, comme le prouve son dernier clip These Drugs. L’importance des couleurs est de nouveau visible avec cette dualité entre la tenue sombre de l’artiste et le décor coloré. Un jeu de couleurs qui est représentatif du propos mis en avant par l’artiste sur les drogues. Elle y montre à la fois le côté plus dark avec des cages d’escaliers insalubres mais également le côté plus « fun » à coup de couleurs et motifs presque psychédéliques. Oscillant continuellement entre deux pôles, la musique de Baby Queen est complexe mais également pleine de sens. Sa vision nuancée permet une immersion plus profonde et compréhensible des sujets qu’elle aborde et c’est toujours inscrit dans l’univers qu’elle bâti grâce à ses visuels. 

Yeek – Valencia

Réel touche à tout, Yeek a pris son temps pour trouver la patte musicale qu’il veut adopter actuellement. Après deux ans d’absence sur le devant de la scène, il vient de revenir avec son titre Valencia. Entre sonorités actuelles et mélange des genres, il pose une proposition assez intéressante. Le titre a été clippé par Chris CadaverCam Hicks et Valencia House avec une inspiration très futuriste.De la typographie, aux couleurs en passant par les effets visuels, le spectateur est plongé dans une réalité bien différente de celle qu’il côtoie au quotidien. Un univers particulièrement bien agencé qui aussi bien visuellement que musicalement est très prometteur. Bien dans son époque, l’artiste amène toute sa fraîcheur et son goût pour l’esthétisme dans ce visuel. Un retour intéressant qui ne demande qu’à être approfondi au fur et à mesure des singles qui devraient arriver. 

Peet – Out

Connu avec une activité de groupe avec les belges du 77Peet s’émancipe de plus en plus en livrant petit à petit des morceaux en solo. L’univers est assez semblable à ce que Le 77 proposait avec la sensibilité de Peet en plus. Out fait partie de ces extraits en solitaire qui bénéficie également d’un clip réalisé par Romain Habousha. Fidèle à lui-même, l’artiste ne travestit pas l’authenticité qui le suit depuis ses débuts et a décidé de suivre son cœur pour traiter du sujet de l’amour avec un angle humoristique mais qui en dit bien plus que ce qu’on pourrait le penser. Inquiet par la recherche de l’amour, Peet se questionne sur la chose dans la plus grande intimité de sa chambre. Heureusement, pour éviter que son ami se morfonde, ses proches l’entourent bien. Toujours bien accompagné par son équipe, il n’est pas étonnant de les voir dans ce clip prendre soin de leur ami quand celui-ci semble tourmenter par ses histoires d’amours. Peet met ici en image son quotidien avec les bons moments mais également les inquiétudes qui peuvent parasiter son esprit, ici avec le prisme des relations amoureuses et de toute sa singularité.

GAZO – A$AP

Après le buzz qu’il a su créer avec la série Drill FR, le rappeur parisien qui se complait à merveille dans l’exercice récent qu’est la drill a gardé le même nom pour sa première mixtape. Après les extraits Tchin2xDrill FR5 et Kassav, la connexion avec Tiakola, il accompagne la sortie du projet avec un nouveau visuel, A$AP réalisé par Bishop Nast.Fidèle à son imagerie, le rappeur entame le clip en sortant d’une Rolls-Royce synonyme de son récent succès qu’il n’hésite pas à mettre en avant, un nouveau mode de vie dans lequel il se complait et qui lui colle presque déjà à la peau. Sa musique ambiance et c’est aussi cette partie là de son art qui a été reproduit dans le clip qui prend lieu dans une boite de nuit assez distinguée. Il y apparait fidèle à lui-même, décontracté et assez loin des standards d’élégance qu’on pourrait attendre dans ce genre d’endroit. Cette volonté décrit bien l’amour que porte Gazo envers l’époque où il n’avait rien, une époque révolue. Une fois le micro empoignée, on comprends vite toute la prestance du rappeur qui fout rapidement le feu à la piste.Un clip et un morceau qui confirment ce que Gazo a entrepris cette dernière année. 

So La Lune – Lune City

Après son premier projet, Tsuki, So La Lune continue d’explorer son univers nocturne avec son clip Lune City. Mis en image par Killian Kalli, le visuel prolonge la ballade offerte par le côté noctambule du jeune rappeur. C’est donc assez logique de le retrouver dans sa ville le soir, seul et mélancolique, à l’image du morceau. Il arrive à jouer de sa voix atypique pour ancrer encore plus cet univers de rêveur maudit chargé d’émotions qu’il continue de peaufiner morceaux par morceaux. A travers ce clip, il renforce également la solitude qui berce sa musique et qui a été bien retranscrite dans ce clip. Car, même entouré, il à l’air perdu dans ses pensées qui peuvent être sombre à l’image de certains de ses écrits. L’importance de la nuit fait entièrement partie du jeune rappeur et on a déjà hâte qu’il nous propose une nouvelle ballade à travers ses émotions aussi bien positives que négative. 

Zella Day Ft Weyes Blood – Holocene

Zella Day nous propose cette semaine un clip en noir et blanc qui vient contraster un duo coloré avec Weyes Blood. Aérien et contemplatif, le morceau nous plonge dans une délicieuse atmosphère tirée tout droit des 1970s. Portées par une douce guitare, les voix des deux complices s’accordent avec justesse sur ce titre qui vient occuper une place un peu surprenante dans la discographie de Zella Day. En effet, si on la connaissait sous un angle assez pop, l’artiste semble également exceller dans un registre plus folk sur Holocene, ce nouveau single qui a des allures de refuge chaleureux. Ce bel hommage au temps qui passe est rempli de soleil, de pluie, de nostalgie et de tous les sentiments qui la traversent quand elle nous rejoint. On l’accueille à bras ouverts, avec beaucoup de bienveillance à notre tour. 

Keep Dancing Inc – Old Child

Le trio parisien dévoile le clip de Old Child, un des nombreux tubes de son premier album Embrace sorti en octobre dernier.  Réalisé par Thomas Daeffler, le groupe joue en live dans la salle parisienne La Boule Noire, vidé de tout spectateur. Il faut dire qu’à l’origine, le groupe devait promouvoir la sortie de son album avec la présence de guests. Cette vidéo est en quelque sorte une autre manière d’honorer ce moment perdu. Différents codes de l’esthétique y sont joués afin de mettre en évidence « deux mondes qui s’opposent : réel et digital ». Pour cela, un écran LED placé en fond de toile vibre aux sonorités eighties et chaloupées des guitares. L’effet rendu est dynamique et spatial et nous invite à rejoindre Keep Dancing Inc sur scène pour danser sur leurs mélodies tendres et synthpop.

Wolf Alice – The Last Man On Earth

Les premières secondes du clip dévoilent qu’on est déjà au chapitre IX. Peut-être que The Last Man On Earth sera la neuvième piste du troisième album de Wolf Alice, Blue Weekend qui sortira le 11 juin prochain. Ce titre détonne avec les différentes présentations précédentes des londoniens car il débute tel un songwriting élégant dans une atmosphère raffinée et aux frontières du savoir-faire habituel de Florence + The Machine combiné à London Grammar.  Inspiré par le Berceau du Chat, roman de Kurt Vonnegut, le titre s’interroge sur l’arrogance humaine. La réalisation magistrale du clip renforce cette idée. Wolf Alice a pu compter sur Jordan Hemingway, le réalisateur des pubs réussis de Gucci, Raf Simons ou encore Comme des Garçons ! Le visuel cinématographique en noir et blanc est superbe, traduisant parfaitement la dramaturgie de l’instant. On y voit tout au long la chanteuse et guitariste du groupe Ellie Rosswell en crooneuse hors pair sur un titre qui montre crescendo pendant que tout finit par s’enflammer sur la fin. C’est beau à voir, c’est bon à entendre.

Katel – Rosechou

C’est avec fracas que Katel nous offre son nouveau clip, dont le morceau est tiré d’un prochain album Mutants Merveilles qui sortira au printemps. Filmée à la pellicule, ensuite développée par Clifto Cream, l’image se veut festive. Il y a de la texture et du grain, qui viennent donner du mouvement; des graffitis, des gribouillis ou encore des aplats de couleurs qui parfois emprisonnent des visages avant de partir en éclats. Des corps qui se mélangent, se superposent à la manière d’un cadavre exquis. Car par le biais de Rosechou, l’artiste construit et déconstruit le genre, l’identité, la sexualité. Il faut l’entendre : «Gazelle, ouvre l’œil, tend l’oreille.» pour comprendre :  « Dans la nuit du chasseur, fabriquons le monde qui s’éveille. Mutants Merveilles.» Comme on clamerait un hymne, des guitares psychédéliques – très sixties – des sons cuivrés et dynamiques, ainsi que des clappements de mains et des sonorités de cartoons portent le refrain : « On peut être chou et pousser dans les roses sous le même soleil, (…) la même lune pleine (…) être Rosechou, roseflou, rien du tout, et on vous em…mène ! » Pari réussi pour ce tube de Katel !

Alexandre Bazin – Supercollider

Troisième single extrait du nouvel album d’Alexandre Bazin, Supercollider nous met dans la peau d’une intelligence artificielle à la recherche d’un but à son existence. Le pitch d’un film de science-fiction pour celui qui mélange les sonorités futuristes à des textures plus acoustiques et actuelles. En résulte un groove dont on tombe peu à peu amoureux, tout en découvrant les animations psychédéliques de la machine, réalisées par Sean Pecknold. Réalité hypnotique et questionnement métaphysico-informatique, on en vient à s’interroger de la conscience de ces machines “intelligentes” que l’on côtoie au quotidien. Un morceau à nouveau court mais qui permet à l’esprit de s’envoler et de se poser tranquillement pour profiter d’un dimanche ensoleillé comme il se doit.

Lisa Li-Lund – Muscle Memory of Missing You

Et si on partait en ballade ? La franco-suédoise Lisa Li-Lund revient avec un nouveau clip : Muscle Memory of Missing You. Après un long parcours musical, tant aux côtés de ses frères Herman Dune, que d’autres personnalités telles que Jeffrey Lewis ou encore Daniel Johnston; on ne cache pas notre plaisir de la retrouver pour son premier projet de groupe. Ce nouveau titre nous plonge dans une mélancolie pop-folk, où l’artiste nous dévoile son intimité sur un air délicat. Ce clip est le fruit d’un échange à distance, entretenu avec la réalisatrice Axelle Von Dorpp. Tandis que l’une filme son enfant sur la plage, l’autre saisit des images d’une danseuse. Ce partage, tel un carnet de correspondance, permet d’avoir un résultat débordant de nostalgie. Muscle Memory of Missing You est un petit cahier de voyage sensible et élégant. Une trace du vécu, un témoignage, un instant personnel que nous livre Lisa Li-Lund. Son album Glass Of Blood sortira le 23 avril, on vous laisse mettre une petite alarme.

Piers Faccini – Foghorn Calling

A la fois peintre du réel et du son, Piers Faccini illustre son dernier clip Foghorn Calling. Des dessins au fusain qui se superposent les uns aux autres, pour prendre vie. Les visages dessinés sont expressifs : tantôt craintifs, mélancoliques, tantôt apaisés, sereins. Tout comme le phare dans la nuit, l’éclair dans l’orage, ces visages sont porteurs de lumière dans l’obscurité. Un clair-obscur qui s’incarne dans des paroles libératrices et guérisseuses, qu’on traduira par :  “Là où il y a de la volonté, il y a du désir; Là où il y a un cœur, il y a quelque chose (…) Une main pour l’espoir; Un espoir à conserver ; Pour faire sortir l’obscurité de vous” Qu’une musique répétitive et transcendante élève à la manière des musiques d’Orient ou du Maghreb. On pourrait presque penser aux compositions de Paul Bowles par ce mélange entre folk, soul et musique nord-africaine. A juste titre, car on peut apercevoir des allusions au gnawa par cette danseuse qui tourne au rythme du fez. Foghorn Calling prend la forme d’une cérémonie gnawa, à la fois libératrice, transcendante et spirituelle.