La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont à la fois fait vibrer ses yeux et trembler ses oreilles. Tout de suite, la première partie du quatre-vingtième rendez vous des clips de la semaine.
Colision – Hell Will Wait
Tout commence sur un rythme enivrant au délicieux parfum de liberté. Extrait de leur nouvel EP 3 titres, Lost Ghosts vol.1, le clip Hell Will Wait de Colision semble augurer de belles perspectives.
Une citation de Milan Kuadena ouvre le bal, suivie d’un soleil brillant que l’on admire sans se brûler les yeux. On se délecte aussitôt de cette lumière réconfortante, sans résistance. A travers la caméra, les bordelais de Colision impriment dans notre regard des souvenirs qui leur appartiennent en nous invitant dans des lieux qui leur sont intimes allant de leur studio de répétition à la fête foraine.
L’énergie dégagée par le clip semble annoncer un nouvel horizon, au-dessus duquel planent des guitares. Un doux sentiment de légèreté nous envahit alors. L’enfer attendra.
EELS – Earth To Dora
Le droopy du rock’n roll nous offre une petite pépite pour bien commencer le dimanche. C’est un nouveau clip pour illustrer le morceau Earth To Dora, éponyme de l’album, que nous propose le groupe californien en piqûre de rappel. Et quel clip !
On se retrouve face à un véritable bijou d’animation, qui nous donne envie sans plus attendre de revisionner Kubo et l’Armure magique ou encore Coraline. On retrouve ainsi un Mark Oliver Everett animé, en pleine rédaction d’une lettre pour la fameuse Dora, dans un bureau mal éclairé. Dora, du haut de son serpent fauteuil, reçoit la missive ailée. On ne va pas vous faire tout le récit bien sûr, histoire de vous laisser découvrir ce clip enchanté.
Une vidéo fantaisiste, à l’univers poétique et captivant, guidée par la voix éraillée du chanteur. Et pour une fois, un tableau qui donne un sourire niais, qui donne envie d’aller s’échapper avec sa moitié, ailleurs, dans un monde plus beau. On vous laisse, on va retourner écouter l’album, histoire de s’achever sur le plan émotion.
MIRWAIS – 2016 – My Generation
Tout commence avec une introduction chorale absorbante. Des préliminaires à une techno bien plus speed, soutenue par des riffs de guitares agressifs. Voilà la nouvelle proposition de l’ancien membre de Taxi Girl, le génie electro Mirwais. Si vous vous sentez patraque ce matin, sans envie particulière de danser, désolé d’avance.
C’est à l’occasion d’un troisième nouvel album à venir qu’il nous présente le clip 2016 – My Generation. Et on peut dire qu’il ne passe pas par quatre chemins pour nous embarquer dans sa furie musicale. Clairement orienté dans un style proche du néo futurisme, nous sommes propulsé sur une longue autoroute retraçant chaque élément faisant partie du monde actuel. Sport, religion, web, marque, sex, politique…
Chacun y trouvera quelque chose qui lui parle. Les couleurs giclent de toute part, les lumières claquent nos yeux hypnotisés devant ce défilé graphique. Un clip sauce nitroglycérine à faire flasher tous les radars, qu’on vous conseille chaudement pour remplacer votre café du dimanche matin.
2zer Ft Framal – Sans Demander
Si regrouper les quatre membres du $-Crew semblent plus proche d’une utopie, les fans du groupe parisien peuvent toujours tenter de se consoler avec l’activité de 2zer. Après ViperGts en solo, il revient avec une collaboration logique puisque c’est son collègue de toujours Framal qu’il convie sur Sans Demander.
Un morceau qui est même gratifié d’un clip à nouveau produit par Saboteur Records.L’esthétique reprend ce qui avait déjà été introduit lors du premier visuel avec un grain particulier qui donne l’ambiance du clip.
C’est à travers cette esthétique marquée que le duo montre qu’il n’a pas perdu de son alchimie et que leurs voix sont toujours aussi complémentaires. Une connexion qui présage que du bon pour la suite de la carrière de 2zer, surtout concernant la direction artistique qui gravite autour de sa musique.
Steez – Sauron
La drill aura pris peu de temps pour être adapté à diverses sauces. Chaque artiste peut donc se l’approprier tout en gardant leurs pattes artistiques. Une chose que Steez a bien saisi et qui se ressent dans Sauron. Au niveau du visuel, la drill a également apporté ses codes qui ont eux aussi été vite réappropriés pour tenter de correspondre le plus possible à l’artiste qui les utilisent.
Dans ce clip, c’est Yonatan Griffon qui s’est occupé de la réalisation. Il s’est servi du côté obscur souvent lié à ce style musical pour jouer avec des lumières vertes néons, collant à l’énergie plus futuriste amenée par le rappeur. Une fois l’ambiance installée, le morceau peut commencer.
Cagoule sur la tête et accompagné de son équipe, les images filent à la vitesse des mots rendant le clip ultra dynamique mais également bourré d’effets visuels pertinemment choisi. Encore en plein développement, Steez offre une porte intéressante sur son travail avec ce dernier clip.
Shady – Black CEO
Originaire du plat pays, Shady a su capter les enjeux actuels du rap game. C’est donc entre mélodie et flow plus percutant qu’il rappe. Un savoureux mélange presque devenu norme qui se retrouve dans Black CEO. Un morceau accompagné d’un clip réalisé par Alexandre Brehm qui colle bien avec le titre du morceau. Shady prend donc la position d’un Black CEO visiblement très à l’aise financièrement.
A travers cette démonstration de richesse, majoritairement amenée par le cadre du clip, le bruxellois montre surtout qu’il est un CEO qui a réussi et qui compte bien s’asseoir à la table des plus grands.
Il montre également qu’il ne perd pas le sens du commerce et qu’il a un appétit qui n’est pas prêt d’être satisfait. Entre mélodies et bonne énergie, il ne serait pas étonnant de le voir faire une carrière dans le rap aussi bien gérée que celle de Black CEO qu’il a dans ce visuel.
Jewel Usain – Paw Patrol
Jouant avec les mots et les références, Jewel Usain livre un nouvel échantillon d’un rap technique maîtrisé. En reprenant le chef de la brigade du dessin animé Paw Patrol, mêlé à une course aux pommes rappelant le jeu vidéo Skateboard. Sous ces références, Kidhao, le réalisateur a su apporter une seconde lecture intéressante.
Il commence cette récolte de pommes en vendant des chaussures, engrangeant petit à petit de plus en plus de fruits. A force d’échanges, il en récoltera toujours plus. Une récolte abondante qui le fait step up plus il amasse des pommes mais qui accentue sa rage aussi. Comme quoi ces fruits ont peut-être également un côté empoisonné.
En tout cas, ce qui est sur c’est que Jewel Usain est prêt pour le Mode Difficile qui l’attend.
Frenetik – Ragnarok
Depuis ce freestyle lors d’un épisode du Wesh sur Booska-P, l’attente autour de la sortie de Ragnarok suscitait l’attention entre les tweets intempestifs des fans de la première heure et le teasing de la part de Frenetik et son équipe qui aura même eu droit à une capsule vidéo de Alexander Ludwig, acteur de la série Vikings.
Une communication agressive qui ne laissait pas vraiment la place à un flop. Heureusement car le belge n’a pas loupé le coche. Blockbuster aussi bien sonore que visuel, Frenetik montre le step passé depuis ses pourtant récents débuts. Toujours authentique, il revient même aux bases dans ce clip produit par No Colors Film et tourné uniquement dans les quartiers bruxellois qu’il a l’habitude de fréquenter. Un street clip qui pourrait s’avérer bien banal aux premiers abords mais qui est pourtant bien travaillé et qui offre des plans de haut niveau. La prestance du bruxellois rajoute la dose d’agressivité parfaite qu’il fallait avec cette instrumentale.
Comme si cela ne suffisait pas, Frenetik enchaîne avec un morceau surprise. Le bruxellois a fait de la capitale son terrain de jeu et compte bien y rester pour un bon moment.
Johnny Mafia – Trevor Philippe
Johnny Mafia sortent cette semaine Trevor Philippe, un titre aux influences punk U.S. 90’s – les Pixies et les Breeders en têtes – à l’énergie communicative. Les quatre garçons de Sens nous emmènent dans l’Amérique (via la France) profonde avec un clip réalisé par Nathan Bouham en quasi une seule prise : une mise en scène chaotique où dans une ambiance festive on croise tout à tour arme à feu, mobylette, merguez, briquet/chalumeaux, scène de concert et babyfoot…
Une plongée dans la culture U.S. dont ils nous avaient déjà fait goûter avec le clip de I’m Sentimental, un revival de Twin Peaks/Carrie à l’esthétique punk rock dont on vous avait parlé il y a peu. Cette semaine c’est donc à coup de guitares énergiques, d’un refrain catchy et d’un guitar shredding en bonne et due forme, que Johnny Mafia nous parlent du anti-hero de Grand Theft Auto Trevor Philips mixé, on nous dit, avec (l’ancien premier ministre) Edouard Philippe. C’est spontané, bien barré, et ça fait du bien ! On le dit souvent mais pour Johnny Mafia ça démange franchement : on a hâte de les (re)voir en live !
Trevor Philippe est tiré du troisième album de Johnny Mafia, qui s’intitulera Sentimental et qui sortira le 21 mai sur Howlin’ Banana Records.
Laurence-Anne – Tempête
De l’autre côté de l’Atlantique et quelques jours à peine avant la sortie de son deuxième album Musivision (chez Bonsound), Laurence-Anne a cette semaine dévoilé une surprenante Tempête. Elle s’éloigne ici de ce qu’elle avait pu no
us proposer jusqu’à maintenant et s’autorise avec brio des sonorités plus pop. Ce morceau contemplatif est mené par une remarquable ligne de basse qui agit en véritable socle sur lequel viennent s’appuyer la douce voix de la montréalaise et des synthés aériens. Il est accompagné d’un sublime clip aux inspirations sci-fi des années 80 réalisé par Léa Dumoulin. On y retrouve l’artiste seule contre les éléments et les textures, résistant sans jamais se laisser submerger.
La tempête Laurence-Anne est terriblement poétique, et elle nous a définitivement emporté sur son passage.
Hippie Hourrah – Fantôme
Toujours du côté du Québec, Hippie Hourrah font leur apparition cette semaine avec un premier single intitulé Fantôme qui n’a pas fini de nous hanter. Le trio au patronyme clin-d’œil à Jacques Dutronc semble débarquer de nul part, mais il n’en est rien: il s’agit ici d’un supergroupe composé de musiciens déjà accomplis et notamment membre des Marinellis et d’Elephant Stone.
Ils nous présentent ici un titre psyché complètement trippant et envoûtant, sublimé par un clip tout aussi hypnotisant signé Joey Desjardins. Pour Hippie Hourrah, Fantôme est annonciateur d’un premier album qui devrait voir le jour tout bientôt (heureusement pour nous) chez Simone Records.
The Chemical Brothers – The Darkness That You Fear
C’est l’excellente surprise de cette semaine ! Après seulement deux années d’absence depuis leur dernier album No Geography, Tom Rowlands et Ed Simons sont de retour avec un nouveau titre rempli d’espoirs. Au tempo modéré et d’une mélodie légère, The Darkness That You Fear est une bouée d’oxygène qui nous permet de retrouver la lumière dans ce monde la nuit éteint. Le clip.
Réalisé par RUFFMERCY, s’appuie sur la fusion d’images d’archive de festivités datant des nineties et d’animations dessinées à la main. Le rendu gagne en couleurs et en dynamisme au fil des secondes pour devenir jubilatoire, comme toujours avec ce duo anglais.
The Chemical Brothers soufflent ici un vent d’optimisme en proclamant le retour de la bamboche prochainement.
Wolf Alice – Smile
Blue Weekend approche à grands pas car ce troisième album de l’un des meilleurs groupes britanniques actuelles sortira le 11 juin prochain. Smile est le deuxième extrait de celui-ci et se positionne très nettement aux antipodes de son prédécesseur The Last Man On Earth.
Les guitares beaucoup plus pressantes et énergiques ici prennent une place prépondérante sur le chant envoûtant et narquois de Ellie Roswell. Cette fois, ça cogne. La volonté n’est pas cachée, Smile est vouée à être jouée aux moments forts d’un live. En ce qui concerne le clip, on retrouve encore l’excellent Jordan Hemmingway, le célèbre réalisateur de spots publicitaires gracieux pour les parfums.
L’ambiance est totalement décalée et punk, le ton des couleurs psychédélique, le tout au sein d’un bar où tout le monde dégénère, en particulier la gérante du pub. C’est sans aucun doute l’effet addictif procuré par Wolf Alice.
Django Django – Waking Up (ft. Charlotte Gainsbourg)
Sorti le 12 février dernier, Glowing in the Dark, quatrième album de Django Django, fait encore parler de lui puisque la bande vient de sortir un nouveau clip provenant cet LP. Et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de la collaboration inédite Waking Up avec Charlotte Gainsbourg.
Le clip décrit tout ce qu’on attendait vis-à-vis des lyrics : un véritable road trip dans le désert américain, filmé au format VHS comme un souvenirs de vacances. Le périple est semé d’embûches et de découvertse mais se veut comme la quête d’une vie.
La voix douce et rassurante de Charlotte Gainsbourg et l’entrainant jeu de guitare de Vincent Neff fusionnent pour obtenir une pop entêtante et rêveuse pour des moments éphémères.
Native Sun – Jesus
Utilisé comme un discret repère stylisé par les premiers chrétiens persécutés par les Romains en signe de reconnaissance, le poisson est également le symbole de la Résurrection.
Des poissons, ici, il y en a – bien vivants, nageant dans des eaux noirâtres et impures. Et du Christ, il en est aussi question. Mais point de résurrection : celui-là ira directement en Enfer.
Issus de la scène rock surchauffée de Brooklyn, Native Sun (signé sur le même label que Twin Peaks) se fait remarquer depuis quelques temps déjà pour les thèmes politiques abordés dans ses récents morceaux (Government Shutdown, Oedipus Race). Le groupe poursuit avec ce nouveau single ses préoccupations en interrogeant la notion de foi : selon leurs propres termes, les quatre musiciens souhaitaient « renverser et démanteler » la signification de la spiritualité telle qu’elle leur a été inculquée, et questionner la complexité de leur foi dans toutes ses nuances.
Plus prosaïquement, ce discours agnostique se traduit en image par un Christ cul nu embarqué dans les rites occultes de ses bourreaux. Réalisé par Alec Castillo (membre de The Nude Party), le clip abonde de ce symbolisme biblique inversé. Mais en vérité, ‘Jesus’ ne montre ni enfer ni paradis. Jésus et ses tortionnaires sont résolument seuls dans un monde morne et enneigé, terriblement terrestre et matériel. L’Enfer n’existe pas, et c’est encore pire ainsi.
Rythmé par un morceau stoner rock de bon goût, avec ce qu’il faut de fuzz bruyant pour rappeler l’héritage de Ty Segall, c’est avec un certain masochisme que l’on plonge volontiers auprès de Jésus dans cette fange en déclin. May Native Sun be praised.