Après l’excellent La nuit est une panthère en 2018 et le très bon Expansion-Pack en 2019, Les Louanges a attaqué 2022 en force avec la sortie d’un deuxième album très attendu, portant le doux nom de Crash (Bonsound). Avant de retrouver l’artiste québécois le 17 mars à Paris dans le cadre du festival Qui va piano va sano, on revient volontiers sur l’un des disques les plus intéressants de ce début d’année.
S’il n’est pas forcément pertinent de comparer les différents disques d’un artiste, il est indéniable que La nuit est une panthère a eu un impact certain sur Crash : en effet, le succès (bien mérité) du premier album a sans aucun doute entraîné son lot d’effervescence, d’intensité et fatalement de désillusions. Écrin d’une véritable prise de conscience inévitable après quelques années absurdes au sein d’une vingtaine marathonesque, Crash raconte avec élégance et mine de rien beaucoup de maturité ce point de rupture et de perte de contrôle. On y ressent la fatigue accumulée tout au long des différentes étapes d’une course effrénée, le recul qui finit par s’imposer et bien sûr les aléas du cœur qui savent mieux que quiconque comment compliquer les choses. Son nerveux et frappant Prologue appuie un grand coup sur l’accélérateur et annonce la couleur dès les premières secondes : il faudra bien s’accrocher car à ce moment précis, il n’était pas encore question de ralentir.
Le franchissement de la ligne de départ s’est fait en trombe, mais le fameux crash arrive presque immédiatement après : on revient brusquement à la réalité avec Chaussée, l’un des titres phares de l’album. Ce dernier prend de la distance et s’arrête pour faire le point sur une situation aux conséquences douloureuses qui auraient pu être évitées. Mais pour ça, il aurait fallu ne pas la vivre : malgré les tremblements de terre induits par certaines tranches de vie, Les Louanges les raconte sans forcément les regarder à travers le prisme du regret. Certes, un goût doux-amer se fait ressentir dans beaucoup de ses compositions, mais on peine un peu plus à trouver de traces de rancœur. En témoignent des chansons comme la magnifique Facile : d’une simplicité bouleversante, elle attrape les tripes sans jamais pointer du doigt. Il ne s’agit pas de refaire le match mais plutôt d’aller droit au but, de constater ce qui nous traverse et de mettre les émotions accidentées sur papier pour s’en libérer.
Toujours accompagné du prodigieux Félix Petit à la réalisation, Les Louanges propose ici quinze superbes morceaux faisant office de fenêtre ouverte et honnête sur ce qu’il a traversé ces derniers temps. Si on y retrouve assurément une vraie richesse au niveau des angles abordés lors de cet état des lieux de ses états d’esprits, il y a également de quoi faire au niveau des arrangements. Sur une base forcément jazzy et entre quelques morceaux épurés (Facile, Dernière), on remarque des envolées groovy souvent infusées de R&B (Chérie, Crash,…) ainsi que des sonorités plus brutes et électro (Qu’est-ce que tu m’fais, Cruze) sans oublier certaines fulgurances pop (Chaussée, Pigeons). En touchant à tout avec une dextérité phénoménale, les deux acolytes ont ainsi produit un nouveau disque pertinent et accompli en tous points, où chaque chose à sa place.
Si l’album commence avec un premier titre dégageant une énergie qui relève de l’urgence d’avancer à tout prix, envers et contre tout, il s’achève finalement sur des notes plus lumineuses et apaisées, sans jamais perdre en intensité. Le morceau éponyme fait en effet office de bilan du chemin parcouru, des hauts et des bas d’une vie prise en pleine face, de l’équilibre fragile et incertain de ces derniers. Il ne manque toutefois pas de garder un œil positif, réfléchi et plein d’espoir sur le futur : accompagné du légendaire Corneille, Les Louanges ne se laisse pas abattre et nous répète comme un mantra que les turbulences paraissant insurmontables finissent toujours par filer. Crash termine ensuite sa route avec la bien-nommée Dernière, un piano-voix sans artifices, encore un peu ébranlé suite à l’orage mais malgré tout plein de tendresse. Ces dernières paroles scellent ainsi parfaitement les chapitres et différents impacts qui nous ont été contés. Crash est un album étonnant d’acceptation et de sensibilité que nous auront le plaisir de découvrir prochainement en live en France : rendez-vous à Paris le 17 mars pour le festival Qui va piano va sano, le 28 mars au Zénith en première partie de L’Impératrice et le 28 septembre au Trabendo.