Les trois moments qui nous ont marqués au Tourcoing Jazz Festival 2019

Ce n’est jamais évident de comparer des artistes, le ressenti étant au summum de la subjectivité. De même, nous n’avons malheureusement pas pu voir toutes les prestations proposées mais nous vous proposons aujourd’hui de revenir sur trois performances qui nous ont marqués durant cette édition du Tourcoing Jazz Festival. Flashback.

Top 3 – Alfa Mist au Magic Mirrors

Sous les trombes d’eau qui s’abattent sur Tourcoing en ce mercredi soir, Alfa Mist nous accueille en nous remerciant et en nous félicitant d’avoir bravé le déluge pour venir l’écouter, accompagné de ses musiciens. Pendant une heure et demie (rappel inclus), les 5 virtuoses nous ont rappelé ce qu’est le jazz, par leur maestria et leur musicalité. Tour à tour portée par les solos de guitare, de saxophone, de batterie et de piano, la musique nous invite à nous envoler et c’est avec enthousiasme qu’on se prête au jeu. Mention spéciale au saxophoniste et à la gestion de ses effets, qui gère à merveille l’utilisation de la reverb pour faire passer ses interventions dans une autre dimension et transpercer son auditoire. Les sons sont superbement maîtrisés, impeccablement arrangés. Côté setlist, outre les classiques tels que Keep On, le groupe nous a gratifié d’une superbe version de Glad I Lived, qui nous a fait penser à ce que pourrait donner un live de Loyle Carner entouré de musiciens. Il nous a aussi fait vibrer sur Jjajja’s screen, qui retranscrit la barrière de la langue qu’il a connue avec sa grand-mère native d’Ouganda.

Alfa Mist by Michael Brumby
Alfa Mist © Michael Brumby

Top 2 – Chassol au Grand Mix

Ceux qui ne connaissent pas Christophe Chassol l’ont pourtant sans doute déjà entendu. Ses collaborations avec Sébastien Tellier ou Phoenix vous seront sans doute déjà passées dans les oreilles. Avec son batteur et ami Mathieu Edward, ils sont venus présenter Ludi, nouvelle œuvre du compositeur d’Ultrascores, genre inventé par le Monsieur et qui consiste à mettre en musique des samples du quotidien. Cette nouvelle œuvre s’articule autour du jeu et est découpée en 5 actes. Ambiances de cour de récréation, de terrain de basket, de manège ou encore de salle d’arcade viennent s’harmoniser par la magie du piano de Chassol. Pendant une heure et demie, le duo joue en parfaite synchronisation avec l’écran et sa bande son. La performance est saisissante, criante de justesse et de précision tant les parties sont exigeantes. Pourtant les deux compères rient, s’interpellent, se parlent, comme s’ils se retrouvaient autour d’un verre. Eux aussi jouent, entre eux et avec le public, pris à témoin de scènes drôles, ou qui, spontanément, s’amuse à l’unisson à imiter le cri du loup lorsqu’il est évoqué dans l’œuvre. L’ambiance était rieuse et les sourires sur toutes les bouches. Si vous avez l’opportunité d’aller observer le duo sur scène, allez-y les yeux fermés, la performance vaut le détour. À tel point qu’à chaud et en sortant de la salle, on se demandait vraiment s’il serait possible de faire mieux dans le cadre ce festival. Mais un artiste a su nous prouver que oui, et il nous vient tout droit du Cameroun.

Chassol by Paul Bourdrel
Chassol © Paul Bourdrel

Top 1 – Blick Bassy au Magic Mirrors

Blick Bassy, puisqu’il s’agit de lui, nous a fait pleurer dans le magnifique écrin du Magic Mirrors. Apparaissant seul sur scène, son introduction se compose de sa seule voix. Et pourtant, à elle seule, elle suffit à envoûter l’ensemble de l’assemblée. S’il faut résumer Blick Bassy, c’est d’abord une présence. Quelque chose de noble, de gracieux et de puissant, tout en majesté. Il dégage une aura qui captive, et ses récits abreuvent un auditoire rapidement acquis. Sa musique est habitée, et Ngwa, jouée dès le deuxième morceau, fait immédiatement monter les larmes. L’émotion est palpable et emporte tout sur son passage.

Fait étonnant, on aurait pu croire que la composition de son groupe (un violoncelliste, un tromboniste et un trompettiste-claviériste) limiterait l’impact sonore mais il n’en fut rien. Le quatuor délivre une atmosphère qui ne manque de rien, chargée positivement et parfois volontairement minimaliste, en mariant avec brio instruments acoustiques et synthétiques. Mention spéciale à son violoncelliste Clément Petit et à son expertise dans la gestion de son instrument et des effets qu’il lui applique.

Mais si la musique de Blick Bassy est chargée d’émotion, il la met au service de messages forts. L’Amour n’est pas qu’un cliché, et il prône la défense de valeurs simples et de partage. Son choix de chanter en langue Bassa est un signal à son gouvernement de ne pas oublier les langues non-officielles de son pays d’origine, le Cameroun, et ses textes son chargés d’Histoire, des guerriers luttant pour leur indépendance aux jeunes désabusés qui s’évadent aujourd’hui dans la fête à outrance. Son concert a débordé d’humanité, nous a emmenés par-delà les frontières et s’est terminé comme il a démarré, par la voix, seule et amplement suffisante, de Blick Bassy. Encore merci.