Live report: Gaspar Claus au Café de la Danse

Gaspar Claus sortait le 10 septembre 2021 l’excellent album Tancade, sous le label InFiné. Entièrement repensé pour le live, le violoncelliste donne vie sur scène, avec l’artiste Basile3, à une œuvre complexe et bouleversante. Là où l’urgence de vivre côtoie la langueur estivale.

Il est environ 19h30 lorsque nous passons les portes du Café de la Danse le 20 janvier pour assister au concert de Gaspar Claus. La foule est présente, compacte, emmitouflée dans ses écharpes et bonnets. Le sourire est présent sur les visages, ces bouilles chanceuses de pouvoir encore assister à un concert tandis que la plupart du secteur musical est actuellement à l’arrêt.

Nous voilà donc assis, les uns à côté des autres, à deux pas de la scène. La salle se remplit vite car le concert est affiché complet depuis déjà plusieurs jours. Des têtes grises, beaucoup. Mais aussi des têtes colorées, des corps d’enfants et la famille de l’artiste juste derrière nous.

Première partie: Gatien

Crédits photos: Damien Breton

En premier lieu, il revient à Gatien l’épineuse mission d’ouvrir le bal. Et il réussit haut la main ! Cet étrange énergumène qui n’a pas la langue dans sa poche nous fait chanter, rire et sourire pendant plus de trente minutes. En effet, coiffé d’un headband fleuri et en chaussettes, il nous murmure à l’oreille des mots tendres et poétiques avec sa guitare et des boucles enregistrées sur Ableton. D’une voix suave, il entonne les morceaux de son premier album Moi Tout Seul avant d’enchaîner avec de nouvelles compositions à paraître en automne prochain au sein du disque L’Amour Phoque.

Gatien nous parle de sentiments; de Matéo rit de l’amour, qu’il nous présente comme une chanson triste à la reprise de Jean-Luc Le Ténia, Si tu me quittais des yeux où il nous invite à chanter avec lui pour le refrain. Derrière nous, une femme fredonne; on peut deviner son sourire aux lèvres devant tant de simplicité, de malice et de second degré.

L’artiste rit de cette salle où nous sommes installés; disciplinés et bien alignés. Il poursuit avec Moi tout seul, en nous précisant qu’ironiquement, il avait peur autrefois de chanter en cours de musique et aujourd’hui… Le voilà devant nous. Et de cette douce voix qui nous enveloppe il avoue : «  vous êtes si mignons, c’est incroyable ». Alors on s’installe bien confortablement dans notre fauteuil et on le laisse nous conter des histoires. En susurrant, qu’« il n’y a personne d’autre que toi » avec Magie avant de parler câlins et solitude avec Ce que les Français veulent.

Il conclura avec Maintenant ou rien, jamais joué en live. C’est l’occasion d’accorder une dernière fois sa guitare, car « on ne peut pas passer que des bons moments ». C’est le temps des derniers applaudissements et lui de nous confesser : « vous êtes parfaits, je vous aime ».

On retiendra donc de Gatien sa fraicheur, sa sensibilité et son amour des mots. Il possède cette capacité assez rare finalement, à emporter une salle entière avec lui, même quand il dit « DSL » (et que derrière nous, une personne d’un certain âge rétorque à son voisin : « ça veut dire désolé en langage de jeunes ».)

Alors, merci Gatien.

Gaspar Claus et Basile3

Basile3 & Gaspar Claus – Café de la Danse – 20 janvier 2022

Crédits photos: Damien Breton

Après une légère entracte, Gaspar Claus et Basile3 prennent place sur scène.

Une île se propage, doucement, délicatement dans une salle nimbée de noire. L’ambiance est lourde, pesante. Il nous semble entendre en fond le cri d’une baleine. Gaspar Claus s’exécute, parfaitement. Mais il nous faudra attendre encore plusieurs minutes avant d’apercevoir le violoncelliste. Le temps de rentrer pas à pas dans l’eau, prendre la température et écouter le bruit des vagues qui se fracassent contre cette plage, Tancade, qui porte le nom de l’album dont nous fêtons ce soir la release party.

Nous voilà dorénavant sur le Rivages, un brin ébahis par ce qu’il vient de se passer juste sous nos yeux. Les cordes sont tour à tour grattées, pincées, caressées. Basile3, avec ses synthés, ajoute des nappes de violoncelles à celui qui est déjà bien présent, face à nous.

Puis, vient le moment où les lumières, discrètes mais puissantes, crées par le collectif Matière Noire illuminent la scène entière. Tandis que le violoncelle crie et ploie, Gaspar Claus est auréolé de flashs. Les frissons viennent de débarquer. Et ils ne nous quitteront plus. Nous sommes Une foule conquise. L’artiste joue les yeux fermés et nous avons envie de faire pareil. Mais nous voilà happés par sa présence, sa prestance, le jeu scénique et les lampes qui éclairent les deux artistes de manière discontinue.

Crédits photos: Damien Breton

Et après autant de tension, vient le moment de relâchement. Le violoncelliste nous interpelle et rappelle que nous fêtons ce soir-là, le droit d’être ensemble. La prochaine chanson s’intitule E.T (Extra Terre Version). C’est une réinterprétation du court morceau homonyme de Michel Banabila qu’il nous confie avoir écouté en boucle des journées entières. Du compositeur il reprend la ligne de basse, qu’il agrémente d’un paysage sonore dense et varié : des mouettes, la mer au loin et Basile3 qui sample… Il en profite d’ailleurs pour remercier son ami Erwan alias Rone, à l’initiative de cette découverte il y a plusieurs années.

Surgit ensuite le tonnerre sur 1999. Le violoncelle se transforme sous les doigts de Gaspar Claus. Ce n’est plus un instrument, c’est bien plus que cela. Magnétisés il ne nous reste plus qu’à tenter de comprendre ce que nous entendons et voyons. Le musicien joue autant avec l’archer qu’avec ses doigts dans un rythme renversant et vertigineux.

Pour 2359, le manche est tapé, les lumière saccadées. Nous sommes transportés grâce à un « beat » énergique, à la frontière de la techno. Derrière nous, retentit un « yes ». On peut presque sentir les pieds du public qui se soulève et la main qui tape contre le genou. L’éclairage, rasant, révèle par intermittence Gaspar Claus et Basile3. L’acmé est atteinte. Voilà le point de non-retour. Plus rien ne compte.

Puis, sous une salve d’applaudissements, Gaspar Claus reprend la parole pour nous présenter son acolyte Basile3, sans qui ce live serait bien différent et remercie chaleureusement Pierre, Félix et Jules de Matière Noire pour ces lampes toutes neuves dont il est déjà si ravi.

Crédits photos: Damien Breton

Le prochain morceau s’appelle Ô Sélénites et c’est un hommage aux habitants de la lune mais aussi à ses amis, qu’il a recouvert de glaise un soir sur la plage de Tancade pour la réalisation du clip. Proche de Banyuls-sur-Mer, dans les Pyrénées-Orientales, elle est un lieu important pour l’artiste. En effet, avec ses proches ils ont l’habitude de s’y étendre et de se baigner nus. Et nous sommes conviés à en faire de même…

La tension est ici à son maximum, l’éclairage est stroboscopique. Basile3 nous enveloppe de ses nappes dont il a le secret pour rajouter une intensité difficilement explicable. Il nous semble déceler à un moment du thérémine. A cet instant-là du concert, tandis que nous nous rapprochons douloureusement de la fin, je réalise que j’ai arrêté de respirer. En apnée, diaphragme bloqué devant tant de beauté. Retenir son souffle, pour ne rien gâcher, pour ne rien perdre. Et cela depuis le premier instant où il s’est saisi de son instrument.

Finalement, voici venu le moment des remerciements avec Mer des mystères amoureux, qui clôt l’album et ce concert. Gaspar Claus débute : « Dans cette mer j’ai pas mal de monde avec qui plonger et me baigner… » Entre deux sourires, il égrène, tel un chapelet, le nom de toutes celles et ceux qui ont œuvré dans l’ombre pour rendre ce spectacle possible. Et lorsqu’il s’empare de son violoncelle, les notes ont une saveur inégalée, celle de ma chanson préférée. La voix de Lyna résonne entre les murs, des bribes de phrases en arabe. Quand soudain, la voilà face à nous. Venue directement de Marseille pour entonner ses poèmes. Entre un arabe délicat et quelques vers déclamés en français, il n’est question que d’amour. Et d’amitié.

Crédits photos: Damien Breton

Car finalement, tout semble guider par la magie des rencontres et l’incroyable hasard. De Lina découverte il y a deux ans dans un festival, à Gatien son ami qui s’avère finalement être aussi son voisin de palier. On rit, avant d’applaudir une dernière fois Gaspar Claus et Basile3.

Et tandis que l’on s’imagine déjà sortir du Café de la Danse pour affronter le froid parisien, quitter cet écrin de musique, ce cocon réconfortant, l’artiste revient pour un ultime morceau en acoustique. Sans micro, sans effet. Il n’y a que lui et son violoncelle. Alors on plonge la tête au creux des vagues et on se laisse emporter par les notes, le courant et le murmure du ressac.

Gaspar Claus – Café de la Danse – 20 janvier 2022

Crédits photos: Damien Breton

Vous pouvez retrouver l’actualité de Gaspar Claus sur Facebook et Instagram, Basile3 ici et ici. Et enfin, les nouveautés concernant Gatien sont disponibles ici et ici.

Pour lire notre interview avec Gaspar Claus c’est ici.