[live report] – Indochine, stade pierre mauroy lille, le 03 juillet 2022

Le week-end du 02 et 03 Juillet, Lille a subi une invasion de taille : 130 000 personnes sont venues célébrer les quarante (et un) ans d’un groupe colossal, Indochine. Nous nous sommes joints à la fête.

Celle-ci a pris place au Stade Pierre Mauroy, rempli deux soirs de suite, de deux fois la capacité habituelle du stade pour un spectacle musical. Seul Indochine pourra, pour le moment, se vanter d’avoir rempli quatre fois ce stade en seulement deux concerts. Au programme : invités de marque et show monumental, 3 heures de concert accompagnées d’une scénographie impressionnante. Beaucoup d’émotions aussi, mais plus d’étoiles que de larmes dans les yeux.

crédit photo : Laura Gilli

À peine arrivés sur le parvis du stade que déjà, on pense halluciner. Une marée humaine tentaculaire, sourire aux lèvres. Trois générations sont présentes, des familles complètes sont venues célébrer un groupe qui a réussi à laisser une marque indélébile dans le cœur de celleux qui sont aujourd’hui grands-parents ou parents, et a aussi tracé cette marque en forme de croix dans les cœurs de leurs (petits) enfants. Une fois entrés dans le stade, c’est avec les yeux écarquillés que l’on découvre l’imposant dispositif scénique : une scène centrale de 180 m², surplombée d’un écran cylindrique de 2500 m², tout simplement le plus grand écran géant jamais monté pour un concert.

Première partie : Vitalic

Le show démarre à 20 heures avec le premier invité de cette soirée, et pas des moindres : Vitalic. Ce dernier salue timidement les quelques 65 000 personnes qui l’entourent et plonge immédiatement le stade dans une ambiance électrisante, en démarrant son set avec Le Goût des Cendres, un morceau de son duo KOMPROMAT. Les quelques perplexes du public finiront par se laisser porter par les tubes stupéfiants que sont Poison Lips et Poney. Le son est massif, enivrant, il se répand dans le stade, qui vibre au rythme des basses qui prennent aux tripes. À quelques endroits, on voit des groupes de gens danser, complètement ensorcelés. Un vrai DJ set dans lequel il jouera deux morceaux de Dissidænce, son dernier album en deux épisodes. et qui se terminera par un remix de Der Mussolini (DAF). Choisir un tel artiste pour assurer la première partie d’un groupe globalement Pop-Rock pouvait sembler risqué, mais à entendre les cris dans le public, sincèrement, on en aurait redemandé.

Indochine

Très vite, la foule retrouve ses esprits et entre en ébullition à l’idée que l’entrée en scène d’Indochine n’est plus qu’une question de minutes. L’écran géant commence alors à diffuser des images d’archives qui forment une rétrospective de ces quarante dernières années, de l’élection de Mitterrand à la guerre en Ukraine. En bref, 5 minutes de bouillon d’images des évènements qui ont dessiné la face du monde d’aujourd’hui et qui nous rappellent qu’Indochine a toujours été engagé et attentif au monde qui l’entoure. Le groupe entre en scène sous une clameur fiévreuse.

Sans tarder, les musiciens se mettent en place et démarrent le concert avec Nos Célébrations, leur single le plus récent. La magie opère directement, le public tout entier reprend déjà en chœur le morceau, et continuera de chanter tout au long du concert. Les premiers morceaux du set sont presque tous accompagnés d’explosions de confettis et serpentins démesurés. Ces confettis remplissent littéralement le stade, créant une atmosphère sans pareil. Les jeux de lumières, en dispositif assez impressionnant, se font encore discrets sur le ciel bleu de cette fin de journée estivale.

crédit photo : Laura Gilli

S’enchaînent ensuite les morceaux phares du groupe en live, parmi lesquels Miss Paramount, Canary Bay et Punishment Park. L’énergie offerte par le groupe est contagieuse, et le public ne cesse de danser, sauter, chanter comme un seul corps. Nicola Sirkis, magnétique, réussi sans peine à couvrir l’ensemble de cette scène pharaonique. Il guide le public, qui participe avec joie aux différentes chorégraphies et chœurs. Boris, oLi et Marc assurent le show eux-aussi : répartis sur la scène aux bords des avancées qui fendent la foule, ils n’hésiteront pas à s’aventurer dessus pour jouer avec le public et tourneront sur la scène pour faire face à tous les pans du stade. Même Ludwig quittera plusieurs fois la plateforme tournante sur laquelle est installée sa batterie pour aller jouer plus près du public.

Au premier tiers du concert, sur Le Baiser, le jour donnera son dernier éclat, faisant entrer le stade dans une autre dimension. Le lightshow devient alors fantastique, grandiose. Des rayons de lumière cisaillent l’air rempli de fumée et les avancées de scène scintillent. Nico chantera quelques lignes de Heroes sur l’intro splendide de Le Baiser, quelques lignes de son idole de toujours, David Bowie. Nous entrons alors dans la partie la plus intime du concert, pendant laquelle le groupe jouera deux morceaux confidentiels de leur répertoire, souvent absents de leurs setlists : 7000 Danses et La Chevauchée des Champs de Blé. De quoi ravir les fans de la première heure, et les fans les plus fans. Le groupe enchaînera d’ailleurs avec Little Dolls, à la demande de ces derniers sur le site du groupe.

Sur presque toute la durée du concert, tous les bras seront levés, et, même dans les tribunes, peu de monde résistera à l’envie de rester debout. Marilyn, Alice & June et Paradize déchaîneront le public.

Bien sur, le groupe interprétera ses plus grands tubes, devenus presque obligatoires en concert. 3 Nuits par Semaine, J’ai Demandé à La Lune et L’Aventurier seront repris en chœur par le public tout entier.

Indochine se montre toujours autant attentif à leur époque. Nico adressera une pensée à l’Ukraine, invitant le public à faire du bruit pour eux tandis que l’écran central affichera le drapeau bleu et jaune. Lorsque le visage de Poutine apparaît lui aussi sur l’écran, déclarant une guerre dont personne ne voulait, il sera hué par tout le public avant que ne commence Les Tzars, tube emblématique d’Indochine, qui sera cette fois jouée en entier, pour notre plus grand plaisir. Le groupe adressera aussi un hommage aux soignants.

Christine and The Queens débarquera prêt.e à tout faire péter, pour interpréter avec le groupe 3SEX. Déchaîné.e, sauvage, iel prendra possession de la scène le temps d’un morceau. Les messages de tolérance ne manquent pas, avec notamment Un Eté Français et College Boy, qui fût introduit par plusieurs vidéos de personnes victimes ou ayant été victimes de harcèlement, témoignant face caméra de ce qu’iels ont vécu. Moment rempli d’émotion donc, et qui rappelle que le harcèlement peut toucher tout le monde.

Un autre moment fort du concert sera l’interprétation d’Un Singe en Hiver, morceau qui dessine l’histoire du groupe à sa manière, que Nico, submergé par l’émotion, n’arrivera pas à terminer. C’est d’ailleurs le public qui entonnera en grande partie le premier couplet et le refrain, avant que Sirkis ne retourne poser sa guitare en essuyant ses larmes.

crédit photo : Laura Gilli

Dimitri Bodianski, l’un des membres fondateurs d’Indochine, et Lou Sirkis, la nièce de Nicola, se joindront à la bande pour jouer le tout premier morceau du groupe, Dizzidence Politik. Le concert se terminera après un feu d’artifice spectaculaire, lors du deuxième rappel sur l’éternel L’Aventurier.

Karma Girls sera le dernier morceau joué ce soir. Le public est comblé, le groupe est applaudi, acclamé. Il quitte la scène après avoir salué l’entièreté du public, laissant derrière eux un dernier message sur l’écran cylindrique : « Merci. Rendez-vous en 2033 », faisant référence à un morceau de leur dernier disque, 13.

Le stade, qui est entré en fusion ce soir, se refroidit maintenant peu à peu. Mais les cœurs des dizaines de milliers de fans venus voir Indochine jouer le dernier concert de sa tournée d’anniversaire brûlent encore. On peut le voir dans leurs yeux : cette flamme que peu d’artistes peuvent allumer en nous, Indochine y parvient toujours. Ce concert restera gravé dans les esprits, c’est certain. Il restera aussi gravé dans les annales. Indochine reste, plus de quarante ans après sa création, le groupe de tous les records.

On aura éventuellement ressenti un léger essoufflement de ce que Nico aimait appeler le « rêve indochinois ». Il semblait par moment manquer de cette cohésion légendaire entre le groupe et son public. On peut aussi regretter l’absence d’un set acoustique qui, maintes fois, a su imposer une ambiance intimiste et émotive, qui faisait aussi la force des concerts d’Indochine. De ces regrets, on peut trouver justification dans l’énormité du spectacle. Le groupe était là pour en mettre plein la vue et offrir un show grandiose aux fans qui le suivent depuis tant d’années. L’ampleur du concert a certainement amputé quelques libertés au groupe, notamment en rapport à l’aspect très calibré du show, entachant légèrement la spontanéité du groupe et de Nico.

La plupart des morceaux se devaient en effet d’être parfaitement synchronisés avec l’immense travail accordé aux images projetées sur l’écran géant, mais aussi avec les différentes surprises, notamment le feu d’artifice. N’oublions pas que ce concert titanesque a demandé une mobilisation ahurissante des services de la ville de Lille. On pourrait donc logiquement comprendre la nécessité de se donner un cadre duquel ne pas sortir. Aussi, on peut facilement imaginer qu’il n’est pas aisé de re-créer l’ambiance intimiste de leurs Zéniths en la présence de 65 000 personnes.

Pas d’amertume toutefois. Il n’y avait rien à retirer de ce concert hors-norme. Le groupe était clairement à la hauteur de ce qu’on pouvait attendre d’Indochine. Un concert tout à fait grandiose, à la scénographie clairement spectaculaire, et qui restera malgré tout un immense moment d’émotion et de communion.

NB: Les photos qui illustrent cet article ont été prises par Laura Gilli le 21 Mai 2022 au Stade de France.

Setlists :

VITALIC

1. Le Goût des Cendres (KOMPROMAT)

2. Poison Lips

3. Haute Définition

4. Poney Pt. I

5. Niemand (KOMPROMAT)

6. Rave Against the System

7. Der Mussolini (DAF) [remix]

INDOCHINE

1. Nos Célébrations

2. Station 13

3. Marylin

4. Miss Paramount

5. Canary Bay

6. Punishment Park

7. Les Tzars

8. Paradize

9. Le Baiser (intro ‘HeroesDavid Bowie cover)

10. Tes Yeux Noirs

11. 7000 Danses

12. La Chevauchée des Champs de Blé

13. Little Dolls

14. 3SEX (avec Christine And The Queens)

15. Alice & June

16. Un Été Français

17. Trois Nuits Par Semaine

Central Club Medley :

18. Des Fleurs Pour Salinger

19. Kissing My Song

20. Stef II

21. Drugstar

22. Dizzidence Politik (avec Dimitri Bodianski et Lou Sirkis)

23. Nos Célébrations

Encore :

24. J’ai Demandé à la Lune

25. Kao Bang

26. La Vie est Belle

27. Un Singe en Hiver

28. College Boy

Encore 2 :

29. L’Aventurier

30. Karma Girls