Le 16 avril 2022, dans une petite ville près de Clermont-Ferrand répondant au doux nom de Billom, j’avais rendez-vous avec Stuffed Foxes. La première fois que je les ai vus c’était à la Boule Noire à Paris le 23 mars 2022 pour leur release party de l’album Songs/Revolving. C’était fou. L’ivresse aidant, le corps transpirant entré en transe si rapidement. Claque sonore. Il me fallait les revoir.
A 40 minutes de la ville à la pierre volcanique, Stuffed Foxes joue ce soir-là en compagnie de BATALH et Èlg et la Chimie, dans un ancien collège transformé en tiers lieu, La Perm. Après une interview aussi enrichissante que revigorante, vient le moment d’explorer l’espace, d’apprivoiser l’air frais et d’attendre patiemment le concert. Ici, loin du tumulte de la ville, on prend le temps. De discuter avec les personnes présentes, de manger un plat végétarien à prix libre et de découvrir les bières artisanales. Tandis que le soleil décline doucement.
Première partie : BATALH
Dans un jardin intérieur, le trio BATALH (prononcez « Bataille ») fait tinter clapes et cloches de transhumance grâce à une bruyante carriole qu’ils ont inventée: le Campanophone. Le temps d’un instant nous devenons des moutons que l’on pousse, que l’on hèle menés à la baguette par les musiciens-bergers. Entre la performance artistique et le concert intimiste, BATALH se veut battucada, gamelan des alpages et mêle l’occitan à cet échange singulier et participatif.
Seconde partie : Èlg et la Chimie
Sous ce nom énigmatique se cache un quatuor insaisissable, tantôt synthpop tantôt chanson française, entre spoken word et titres improbables. Laurent Gérard à la voix et à la guitare (Èlg) est accompagné par Marie Nachury, à la voix de velours, tantôt à la basse, tantôt au clavier. Johann Mazé à la batterie donne le ton tandis qu’Alexandre Menexiadis, homme de l’ombre, s’occupe des différents habillages sonores. Un set étonnant, qui colle parfaitement à l’ambiance de la soirée.
Stuffed Foxes
Lorsque Stuffed Foxes s’empare de la salle de classe déguisée en scène, il est déjà 22h30 et je suis plus que prête. Six amis face à nous, six colocataires. Habitués aux sessions de jam et partageant ce même attrait pour l’expérimentation et les longues plages instrumentales, ils ont dévoilé il y a quelques mois leur premier album Songs/Revolving. Il est sorti chez Yotanka (BRNS, Ropoporose…) et Reverse Tapes (leur propre label) et a été enregistré et mixé par Thomas Poli (Dominique A, Laetitia Shériff...). De beaux noms donc.
On qualifie leur musique de rock psyché, teinté de noisy et de shoegaze. Finalement, peu importe. Il fallait ces trois guitaristes et les accords qui s’étirent. Il fallait la voix de Léo, mêlée à celle d’Antoine, les mots criés et susurrés. Sans oublier les percussions: Léo et Brice, puis le clavier, puis la basse de Simon et sa manière de se mouvoir. Toujours en retrait et pourtant si présent.
Crédits photos: Nicolas Carletta
Stuffed Foxes ouvre le bal avec Sabotage, sans doute un de mes titres préférés. La montée est immédiate. En effet, c’est une manière de nous prévenir, de nous dire : « Vous n’allez pas respirer pendant tout le set, accrochez-vous ». Léo scande « Sabotage, sabotage again ». L’ambiance est électrique et la tension, palpable. Et au-delà de toutes ces couches de guitares, on croirait entendre une alarme d’incendie retentir. Les six musiciens se ruent sur leurs instruments tandis que leurs ombres se reflètent sur le mur créant ainsi de drôles de reliefs. Nous voilà plongés au sein d’une ambiance très psychédélique.
Puis surgit Oh Lord, It Came To Me et la voix d’Antoine. Tout à coup, les voilà qui crient. Comme s’ils étaient seuls, comme s’ils n’avaient pas d’autres choix. Alors on ouvre encore un peu plus grand ses yeux et ses oreilles et on danse.
La machine est lancée et ne s’arrête plus. Les morceaux s’enchainent et se déploient. Parfaitement synchronisés, sans faux pas, ils évoluent au sein d’une danse frénétique, où le regard prend toute son importance. Soudain, Germain, pose sa guitare au sol et tambourine dessus avec les baguettes de batterie. Tout se mélange et se fond merveilleusement. Les rôles sont éclatés, les corps dispersés. Où sommes-nous ?
Crédits photos: Nicolas Carletta
La chanson suivante est extraite de leur prochain album, attendu avec impatience pour la rentrée prochaine. Elle s’appelle Drift et ils l’annoncent tout de suite: elle est pour les bagarreurs. En effet, nous sommes tout de suite soulevés par les riffs de guitare, dissonants et arythmiques. On a envie d’aller se frotter aux autres, de tendre la joue et de laisser ses cheveux voler, entre la sueur et la poussière, dans cette salle qui ne ressemble à aucune autre. Alors, on tape du pied et on sourit.
Puis survient San Diego, que le public ne connaît pas encore, qu’il découvre pour la première fois. En effet, c’est une fois de plus un morceau présent sur le futur album. Ici, tout converge vers Brice, le batteur. Les voilà réunis autour de lui, en osmose. On devine la joie, l’union et l’extase. Sans doute qu’ils nous ont un peu oublié. Emmêlés dans une transe collective dont nous devenons les chanceux spectateurs.
Le concert touche dorénavant à sa fin et tandis qu’ils disparaissent derrière cette grande porte vitrée, le public les acclame et leur demande un rappel. Ça crie, ça frappe fort dans ses mains. Il est tard et ne reste qu’une foule aguerrie mais bienheureuse et en attente. Alors Stuffed Foxes reprend place une dernière fois et nous régale avec No Sound/Drive.
Crédits photos: Nicolas Carletta
Pour conclure, je pourrais vous sommer de les voir en concert, si ce n’est pas déjà fait. Car Stuffed Foxes, c’est la fougue, la jeunesse, l’allégresse, l’acharnement et la fureur. C’est une frappe scénique sans cesse renouvelée. Une plongée au sein de la création foisonnante et fourmillante d’un jeune groupe qui n’a pas fini de faire parler de lui…
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Crédits photos: Nicolas Carletta