Live report : une journée au festival vyv à dijon

Clap de fin pour cette troisième édition du Festival VYV à Dijon ! Deux journées riches en émotions, tant musicales qu’humaines, achevées par un dimanche après-midi où les légendes succédaient aux icônes. Retour sur cette journée inoubliable. 

Photos par Sarah Yarmond @sarah.yarmond

Il y a comme un air de déjà-vu lorsque l’on s’apprête pour le Festival, ce dimanche 12 juin. L’air est saturé par la chaleur, le soleil martèle la peau de son aura dorée. Et pourtant, l’orage est annoncé. Une prévision que l’on consultait déjà, trois ans auparavant, avant notre départ pour la toute première édition du festival. 

Quel évènement pour les dijonnais, à cette époque, que d’accueillir leur premier festival d’envergure ! Déjà alors, la programmation charmait pour sa variété, faisant cohabiter Orelsan avec Dropkick Murphys, Bagarre avec Lou Doillon, ou encore Hamza avec Johnny Mafia. 
Les cartes étaient distribuées, tant pour vibrer entre amis sous la discipline des basses, ivres de joie, d’endorphine, de danse et autres bières bourguignonnes, que pour venir apprécier des classiques du rock, en famille ou en solo dans la foule. 

Trois ans plus tard, nous voilà donc à nouveau en chemin pour la Combe à la Serpent, afin de découvrir les artistes programmés dimanche. Et quels artistes… Mais avant cela, il faut emprunter les nombreuses navettes mises à disposition par la municipalité. C’est sans doute une réflexion digne de l’oncle « relou », mais il nous faut quand même vanter l’organisation et les facilités d’accès mises en place. Rien n’est plus désagréable que de regarder huit fois les différentes correspondances à prendre pour enfin arriver sur le lieu du Festival. 

Cette année encore, trois scènes d’envergure croissante se partagent les musiciens. Autour, se tiennent divers chapiteaux où sont animés débats, discussions, sensibilisation et ateliers autour du monde de demain, d’un monde main dans la main. 
On parle up-cycling, santé mentale chez les jeunes, développement durable, le tout entrecoupé d’une pause glacée avec les dijonnaises Simone & Maurice, ou encore de cromesquis épaisses concotées par la fierté bourguignnone du burger, j’ai nommé Foodies. 

Se ressent lorsque l’on piétine à notre tour l’herbe brûlée un air d’utopie. Deux jours suspendus, un peu hors du temps, lors desquels on se ligue pour refaire le monde. Et si notre panse est remplie, que notre cœur est comblé et que notre cerveau fuse, nos oreilles, elles aussi, se délectent. 

Et c’est devant la scène principale de la Combe que l’on a retrouvé SHAME.
Impossible de passer à côté de leur effervescence, de leur colère lyrique et de la touche éminemment dansante qui s’est greffée dans leur palette musicale depuis leur dernier album, Drunk Tank Pink. Leur post-punk british enflamme tant le public déjà amassé devant la scène que les arrivants tombant nez à nez avec leur brutalité enivrante. Alors que Charlie Steen s’offre un bain de foule, scandant ses mantras au front du public, Josh Finerty nous régale en enchaînant acrobaties spectaculaires à la basse. 

Le coup d’envoi est lancé, et l’énergie vorace à laquelle on a assisté n’est pas prête de s’éteindre, puisqu’on file à l’autre extrémité du festival, sur la scène de l’Observatoire, retrouver les cinq irlandais de The Murder Capital. On connaît bien le groupe pour l’avoir vu figurer plusieurs fois dans les albums de l’année de la rédac’. 
Difficile encore une fois de rester de marbre face à l’onde post-punk aussi sensible que rugueuse qu’ils distillent au gré des notes de guitare et du rythme de la batterie. Le public, déjà bouillonnant après SHAME, trouve à ses successeurs la même férocité, la même conquête de la scène. On se sent presque à une autre époque en enchaînant ces deux scènes. Comme un rappel temporel de ce que furent les festivals à la grande époque du rock outre-manche. James McGovern captive. On les entend, parmi la foule, celles qui, telles des groupies d’antan, atteignent des décibels sous-estimés pour louer sa beauté ou évoquer des propositions d’adultes. Il ne comprend sans doute pas, mais il est là, dans son rôle, séduisant de froideur, provoquant, nonchalant. 
Un enchaînement de rock que l’on n’oubliera pas.

On a assisté à l’illustration même de l’expression « deux salles, deux ambiances ». L’atmosphère n’est pas la même devant la scène où les techniciens de Juliette Armanet s’activent pour mettre en place le décor. On vient ici en famille, où l’on n’hésite pas à inviter la grand-mère sur-hypée par Taratata ou les Victoires de la musique. 
On en rit, mais on l’aime bien, Juliette. Ses chansons pops qui nous trottent dans la tête, son énergie disproportionnée par rapport au rythme de ses musiques. Elle danse, elle s’affole, elle lance des fleurs, aveugle par sa tenue de lumière. C’est un vrai show pop qu’elle offre à son public. Et lui, il chante, inlassablement, Le Dernier Jour du Discol’Amour en solitaire.

On fait une petite pause et on recharge les batteries avant d’assister au concert de The Smile. On a encore du mal à croire que Thom Yorke soit ici, à Dijon. On entend des anecdotes fuser à droite à gauche. Un concert en 2003, un autre en 1995. La foule se compresse lorsqu’il arrive, avec ce calme un peu inquiétant que l’on reconnaît. 
Malgré la magnificence de la scène et de ses musiciens, on arrive très vite à une constatation : la musique expérimentale et libérée que les deux anciens de Radiohead nous offrent peine à se développer en festival. Le bouleversement The Smile se vit, s’apprivoise mieux en lieu clos, où la musicalité planante ne s’évapore pas. 

Qu’à cela ne tienne, on retraverse à nouveau le festival, rajoutant quelques pas au compteur (arrivés à 10km à la fin de la journée, ndlr), pour retrouver l’Observatoire. Le soleil commence à se coucher, nimbant la combe d’une aura orangée. Les enfants s’endorment dans les bras des parents, tandis que l’excitation des autres s’active.

Depuis notre arrivée, nombreux sont ceux que l’on croise avec le même signe d’appartenance. Cinq lettres en capital. IDLES
Il fait pratiquement nuit, désormais. Quelques gouttes de pluie nous avertissent. Orage, tempête. On ne saurait associer les cinq anglais du groupe avec un terme météorologique, mais ce qui est certain, c’est que le public s’apprête à connaître de nombreuses turbulences. Dans le crash, on entend soudain une voix enfantine, dans son attente impatiente du groupe, répétant leur nom, inlassablement. La réalité est parallèle, c’est certain. 
Sous les stroboscopes comme les éclairs, le groupe arrive, plus énervé que jamais. Mark Bowen a revêtu sa plus belle robe, dont la délicatesse du mouvement détonne avec la rudesse de la guitare éprouvée. Joe Talbot scande, des mantras, des revendications. La scène prend alors des allures de rituel, tant ce qu’il se passe sous nos yeux semble d’une importance venue d’ailleurs. Joe Talbot fait se séparer le public en deux. Le ton est donné. 

La rage monte, les corps paraissent se désarticuler sous les lumières qui disparaissent aussi vite qu’elles illuminent les visages. On prend une claque, un raz de marée, et parfois aussi le pied du guitariste qui se jette dans la foule. On ressort un peu suant, désarçonné. 
Le son du fracas n’a jamais été aussi fort. 

Il est 23 heures quand on regagne la scène principale pour le dernier concert. On entend depuis les différentes allées un prénom, inlassablement. Liam Gallagher est attendu de pied ferme. Et pourtant, il se fait attendre.  
C’est presque trois fausses entrées qu’il nous offre pour faire monter le show, agacer, impatienter. Le public est là, certains patientant depuis 1 heure, des pancartes préparées en avance, dont l’une où on peut lire « Liam, my dream is to have your tambourine ». Quand il arrive enfin, apprêté comme s’il venait jouer dans le grand Nord, c’est avec des maracas et le fameux tambourin. C’est sans grande conviction qu’il commence le show, arrose les photographes, et fait mine de repartir pour attiser encore un peu plus la foule. 
Malgré son atittude de diva, on ne peut s’empêcher de se joindre à lui pour chanter sur Everything’s Electric, les anciens classiques et ceux qui en deviendront des nouveaux. Malgré tout, c’est tout de même une icône que l’on a devant nous, et à mesure que le concert se termine, on prend conscience de ce qui vient de se passer. 

En l’espace d’une journée, en Bourgogne, nous avons vu Thom Yorke, croisé les membres de IDLES avec un chapeau de cowboy dans le festival, assisté à un salto du bassiste de SHAME, été arrosés par Liam Gallagher, séduits par The Murder Capital… 
Quand on le racontera, plus tard, peut-être même à un festival où l’on s’échangera des anecdotes du passé en attendant le prochain concert, ça paraîtra tellement fou qu’on nous accusera d’hallucination collective.