Écouter Locust Tree Lane et se plonger dans une douce mélancolie, perdre la notion du temps, se laisser imprégner par les notes de guitare folk accompagnées parfois d’instruments à vent aux sonorités jazz et se laisser transporter. La musique de Richard Allen nous plonge dans de douces rêveries, bucoliques et paisibles. Le musicien anglo-français qui a quitté son Warwickshire natal à l’âge de 4 ans pour s’installer en France à Amiens, a développé son style musical à l’écoute de Bert Jansch ou de Nick Drake. Il s’allie sur ce second opus à Sylvain « Kenny » Ruby (Iggy Pop) et nous offre un album qui respire le grand air et la sérénité, choses que l’on avait un peu oubliées ces derniers temps et qui font du bien à la tête et au cœur.
Pour Richard Allen, faire de la musique a longtemps été quelque chose de personnel. S’il a un temps fait partie des groupes The Violent Scaredy-Cats ou Wolves & Moon, il a composé et sorti son premier album et deux EPs seul, les gardant pour lui en n’en parlant à personne. C’est avec Locust Tree Lane et sa rencontre avec le producteur Sylvain « Kenny » Ruby, que le musicien se révèle à nous en transcendant son folk personnel et en y incorporant des sonorités jazz un peu sauvages. Il laisse sa solitude de côté en collaborant notamment avec un quintet à vent et d’autres amis musiciens pour réaliser ce chef d’œuvre de subtilité et d’authenticité.
À l’écoute de l’album, des images de nature verdoyante nous viennent à l’esprit. Le titre de l’opus est la traduction du nom d’une allée pas loin de là où vit le musicien dans les environs d’Amiens : l’Allée de Acacias. Dans le morceau du même nom, Locust Tree Lane, ce chemin bordé de plans de terre partagés qui mène à la rivière est transcendé en endroit imaginaire rêveur et intemporel. Les notes de vibraphone raisonnent telles des lucioles incandescentes et la guitare folk semble connectée à la terre. Les paroles mêlent références à la nature et brouille la notion de temps, nous entrainant dans promenade bucolique irréelle : « Up and down Locust Tree Lane, Time doesn’t ever feel the same / Rustling leaves cover the path / You’ll hear the wind chime from the past » (« En parcourant l’allée de Acacias / Le temps ne se ressent jamais pareil / Les feuilles qui bruissent recouvre le chemin / Tu entendras le vent de ton passé frémir »). L’indolent This Feeling of You nous transporte dans un monde à la fois léger et profond : “No one else is around / Us and the clouds / The moon wore like a crown / And the tide was eager to move / The world inside you” et ces mots qui reviennent “Wider than the skies / This feeling of you” (“Il n’y a personne autours / Nous et les nuages / La lune portée comme une couronne / Et la marée était avide de bouger / Ton monde intérieur / Plus grand que le ciel / Ce sentiment de toi”) les éléments prennent une tournure grandiose et poétique sur le morceau où la guitare et la batterie jazzy laissent peu à peu place à des instruments à vent pour une envolée légère et harmonieuse. Le folk est doucement transcendé en quelque chose de jazz…
Reasonably Foolish renoue avec les habitudes solitaires du musicien. Un jeu de guitare sophistiqué et une voix chaude et authentique bercent ce morceau qu’il a composé seul en peu de temps et qui rappelle ses opus précédents et ses influences premières : le style de jeu d’un Bert Jansch ou d’un John Martyn. It Is and It Will nous tient en demi-sommeil, bercé par la voix rêveuse du chanteur dont les sonorités nous rappellent celles du non moins rêveur Chet Baker. L’orchestration délicate et légère finit de nous emporter.
Puis l’album se termine par le majestieux Between the Ashes and the Dream. Cette balade nocturne surplombée de chœurs éthérés commence en chanson folk « classique » et est petit à petit transformée en autre chose – quelque chose de jazz, de sauvage… – avec l’arrivée tardive de la batterie, puis au son d’une trompète ensorcelée et d’un piano aérien qui s’allient un moment dans un tourbillon féérique avant de s’éteindre petit à petit, comme si la nature s’endormait doucement. Puis un silence… – ce qui est quelque chose d’étrange lorsque l’on est habitué à écouter des chansons en streaming qui s’enchaînent constamment. Prêt d’une minute après, un keyboard atmosphérique rompt ce silence, rejoint par la guitare, puis un piano et des instruments à vent pour un un peu. Les éléments semblent se réveiller à nouveau dans ce court morceau « caché » instrumental. Un cycle est réalisé.
Avec Locust Tree Lane, Richard Allen se révèle à nous et est épanoui. La folk du musicien savamment travaillée en solitaire s’étend ici dans des contrés jazz rêveuses sans limites d’une beauté et d’une élégance rare. L’album est une pépite de sérénité un peu sauvage qu’on ne se lasse pas d’écouter…
Voir notre interview de Richard Allen : ici.
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