En février dernier, on tombait sous le charme Lou-Adriane Cassidy et de son premier album : La fin du monde à tous les jours. Lorsque son nom est apparu dans la programmation du Crossroads Festival, il nous semblait comme une évidence d’aller à sa rencontre pour parler de son parcours, de sa musique, de sa façon d’écrire et un peu du futur.
La Face B : Hello Lou-Adriane, Comment ça va ?
Lou-Adriane Cassidy : Ça va bien, un peu fatiguée, un peu jetlagged comme on dit.
La Face B : C’était ta première date en France?
Lou-Adriane Cassidy : C’était ma deuxième date avec mon projet, j’avais déjà joué plusieurs fois en Europe avec d’autres artistes mais seule, oui, c’est mes débuts.
La Face B : Et alors, quels sont tes premiers ressentis ?
Lou-Adriane Cassidy : Ça se passe bien, très bien même, on tourne cette vitrine-ci, on en tourne une autre cette semaine puis on revient pour une tournée en mars pour une douzaine de dates.
La Face B : C’est toujours quelque chose de particulier pour un artiste du Québec de venir jouer en France, penses-tu qu’il y ait une attente particulière?
Lou-Adriane Cassidy : Il y a un stress de plus parce que c’est un public sûrement différent ou du moins qu’on connaît moins, et comme on est chez nous c’est différent mais je sais pas.
La Face B : Et toi personnellement, tu n’avais pas d’attentes particulières ?
Lou-Adriane Cassidy : J’essaie de ne jamais avoir d’attentes parce que je ne pense pas que c’est une bonne chose, on peut avoir des objectifs mais là, pour le moment, on est tellement au début, on a sorti l’album il y a six mois au Québec donc c’est vraiment le commencement, je suis juste bien contente de pouvoir aller jouer mes chansons.
La Face B : Justement, ton album est sorti en février, comment se passe l’aventure jusqu’ici?
Lou-Adriane Cassidy : Ça va super bien, on a eu des super bonnes critiques, on fait plein de concerts au Québec, et on n’a eu que des bons retours donc c’est super excitant. Mais tu sais, un album, une fois qu’il est terminé c’est comme s’il était sorti de nous, donc je suis plus attentive au futur qu’à ce passé précis, mais je suis super contente de comment il a été reçu.
La Face B : Moi quand j’ai écouté ton album, j’ai senti une vraie maturité dans le projet, comme s’il avait été réfléchi pendant des années et c’est assez paradoxal parce que tu es très jeune finalement, donc comment tu en es arrivée à ce résultat-là ?
Lou-Adriane Cassidy : Je crois que globalement je ne réfléchis pas à un album mais plus à la musique parce que c’est quelque chose que j’ai envie d’incarner depuis longtemps : en fait ma mère fait de la musique dans la vie, j’ai grandi là-dedans, j’ai toujours voulu chanter et puis j’ai toujours beaucoup réfléchi à la façon dont je voulais le faire. Au début je voulais être interprète parce qu’au Québec je trouvais que c’était regardé de haut… C’était vu comme vieux-jeu et moi je n’étais pas d’accord avec ça.
Avant même d’écrire des chansons, j’avais quand même un but, je sais pas, mais j’ai l’impression que ça se développe, que ça se clarifie aussi, et c’est peut être le fait de chanter depuis longtemps qui m’a aidée à en arriver à ce résultat.
La Face B : Je pense que le poids des mots est très important dans ta musique, ils sont précisément choisis, ce qui permet de se promener visuellement dans ce que tu racontes. Cette écriture-là, tu l’as travaillée seule ou avec des gens?
Lou-Adriane Cassidy : Cette écriture était assez instinctive parce que sur mon album il y a deux chansons qui ont été écrites par d’autres artistes puis deux autres qui sont des collaborations que j’ai co-écrites. Pour les autres c’est moi qui les ai écrites et puis là-dedans il y a des chansons que j’ai écrites assez tard par rapport à la sortie de l’album, la première chanson je l’ai écrite à 19 ans et l’album sortait 2 ans plus tard donc le temps d’enregistrer il n’y a pas eu grand chose entre, et pour l’inspiration dans l’écriture je pense que j’ai un peu tiré des éléments de ce que j’aimais chez d’autres artistes.
La Face B : Tu y réfléchis beaucoup justement…
Lou-Adriane Cassidy : En fait la structure est vraiment importante dans mes chansons parce que ça m’aide dans la composition de la mélodie et dans la musicalité des mots.
Ça m’aide beaucoup parce qu’il y a un infini de mots que je pourrais utiliser et une structure claire me permet d’avoir un propos bien découpé, c’est ma seule façon de créer parce que sinon je pense que je serais démunie devant le choix.
La Face B : Tu dis qu’il y a des textes qui ont été co-écrits avec d’autres personnes, j’ai pourtant l’impression que les sujets sont très personnels dans ton album, comment on partage ça avec quelqu’un d’autre?
Lou-Adriane Cassidy : Je trouve que les chansons que d’autres personnes ont écrites pour moi sont souvent les plus intimes, les plus proches de mes sentiments. J’ai pris le temps de nommer ce que je vivais à des gens puis on a eu des discussions et des échanges par rapport à ça et ces gens-là ont pu interpréter ce que je leur avais dit, puis ont essayé de le mettre en forme et d’en faire une chanson. Il me semble que tout cet échange-là donne quelque chose de plus riche ou encore plus intime et je pense aussi que je ne me permets pas d’explorer moi même ces zones-là de moi dans l’écriture, c’est moins bon quand on est trop émotif alors que de collaborer m’a permis de retranscrire une certaine honnêteté.
La Face B : Et le fait d’écrire en français c’était un choix, écrire en anglais ne t’intéressait pas?
Lou-Adriane Cassidy : Non, ça m’a jamais intéressée d’écrire en anglais, je n’en vois pas l’intérêt. Le français c’est ma langue et puis c’est là-dedans que je suis la plus loquace, la plus claire et structurée, je pense que c’est la langue qui permet d’aller le plus loin, au meilleur de mes capacités.
La Face B : J’avais parlé avec Hubert (Lenoir) plus tôt dans l’année, il m’expliquait l’influence que ça avait eu sur lui de ne pas venir d’une famille de musiciens, et toi tu es l’exacte opposée, donc quelle influence cette situation a eu sur toi ?
Lou-Adriane Cassidy : C’est fou parce qu’on m’en parle souvent, pour moi le parcours commun du musicien c’est d’avoir un genre de déclic à un moment donné et de faire le choix clair de faire de la musique et c’est à ce moment-là que tu te rends compte de l’importance de la musique dans ta vie et moi ça a tellement tout le temps été là qu’il m’est arrivé d’avoir des petites crises existentielles où je me demandais si je faisais vraiment ça par envie et par passion ou parce que justement je ne connaissais rien d’autre. Ça donne vraiment un rapport différent à la musique, celui que j’ai est plus basé sur le travail, j’ai étudié la musique mais ça reste quand même une passion. Avec Hubert, on est tous les deux passionnés, je ne pense pas l’être moins que lui mais il a une espèce de force spéciale, la force de passer au-dessus de certains obstacles et moi j’ai vraiment peur que des obstacles arrivent et de ne pas être capable de les éviter, ça a toujours été une de mes phobies.
La Face B : Tu disais que tu avais une formation assez classique dans ta construction musicale, quand on fait de la pop comment on apprend à désapprendre pour trouver sa propre image musicale ?
Lou-Adriane Cassidy : C’est pas classique en fait, c’était une formation en jazz au Cégep puis une formation assez théorique, j’ai fait de la chorale donc quand même un peu classique. Je pense que c’est une grande question parce quand on étudie aussi longtemps en musique c’est dur de sortir de ça, mais par exemple j’ai commencé la guitare il y a deux ans à peu près et comme c’est un instrument dans lequel je n’ai eu aucun cours, ça m’aide à avoir une démarche un peu plus instinctive. C’est important d’essayer d’apprendre et de rechercher de plus en plus son instinct, pour moi quand on a une technique musicale, ça permet ensuite de suivre son instinct parce que la technique permet de polir un peu plus vite, de faire des transitions ou des arrangements plus rapidement et d’avoir des idées. Après tout le monde a ses forces et ses faiblesses et justement tu parlais de Hubert qui n’a aucune formation, des fois c’est un peu complexe, il se retrouve limité dans sa créativité comme moi dans la mienne mais pour des raisons différentes et je pense qu’on est tous bloqués avec nos “bébêtes”.
La Face B : J’étais super content de pouvoir te voir avant de faire l’interview, je trouve que tu habites vraiment tes chansons sur scène et qu’elles sont retravaillées pour s’adapter aux contraintes de la scène. Donc justement comment tu arrives à passer au-dessus des contraintes pour retravailler tes chansons?
Lou-Adriane Cassidy : Je trouve ça important et même quand on est en full band j’essaie de toujours penser à une façon de revisiter mes chanson. On jouait déjà les chansons depuis longtemps et le fait de sortir l’album nous a permis de replonger dedans et de les réarranger, c’est super stimulant et la scène c’est émouvant donc c’est là qu’est toute la richesse de la musique. J’ai besoin d’être stimulée et de sentir que je suis de plus en plus pertinente parce que ça permet de s’améliorer et de toujours questionner ce qu’on fait réellement et les différentes formations pour la scène permettent de voir si les chansons fonctionnent bien en elles-mêmes.
La Face B : Tu penses que le meilleur moyen de découvrir ton travail c’est sur scène ou sur l’album ?
Lou-Adriane Cassidy : Les deux sont super importants, on va sortir une nouvelle chanson cet automne, on l’a faite en studio, ça m’a permis de mesurer si j’étais plus à l’aise avec certains arrangements, de voir notamment à quel point j’avais changé dans la composition. Et chaque concert me permet de mesurer le chemin parcouru.
La Face B : Est-ce que tu as des coups de coeur récents?
Lou-Adriane Cassidy : Récents c’est difficile parce qu’en ce moment je suis un peu dans une période de découverte de cultures que je ne connaissais pas nécessairement. J’écoutais beaucoup de musique québecoise et française et du coup je commence maintenant à m’intéresser à la culture américaine qui jusque là ne m’intéressait pas tant que ça. Niveau coup de cœur il y a un album plutôt récent, celui de Mitski qui est une autrice compositrice-interprète américaine et japonaise, j’ai adoré son album, ça s’appelle Be the Cowboy. Sinon, je suis allée voir le film Midsomar au cinéma et ça m’a tétanisée pour les deux jours suivants.
La Face B : Pour finir, que peut-on te souhaiter pour l’avenir ?
Lou-Adriane Cassidy : Que ça continue d’aller bien, j’ai l’impression que ça va lentement mais sûrement et je veux juste que ça continue d’aller sûrement mais lentement…
Photo : David Tabary pour Dans Ton Concert / indiemusic