Après quelques EP’s, le quintet lyonnais Luje sortait le 3 février son premier album, Raving Track. Enregistré et mixé au studio Hold Recording, par Théo Das Neves, membre du groupe, c’est un petit glaçon tout chaud. Inspirés par les grands pontes du shoegaze comme DIIV ou Slowdive, les musiciens naviguent néanmoins entre différents courants musicaux, comme l’indie rock ou la dream pop.
Dans un train qui me transporte vers l’océan, je regarde le soleil se lever, tout en écoutant Luje. Réveil délicat, entre voix rassurante et guitares écrasantes. En dix titres, composés pendant le confinement et gardés secrets jusqu’à aujourd’hui, le groupe crée une ambiance vaporeuse et joyeuse. C’est la vie qui défile sous nos yeux, comme le paysage mouvant à travers les vitres embuées d’un wagon endormi.
Raving Track s’ouvre avec Distilled Thoughts. Tout de suite entêtant. Un air qui reste, les guitares qui surfent, la voix qui berce. Bercé, comme avec l’alcool, celui qui nous soulage, parfois, et qui désinhibe nos comportements, souvent. Car c’est ce dont il est question ici. La perte de contrôle du corps et de l’esprit, liée à ses quelques degrés qu’on avale, vite, vite.
Le second morceau, WithoutYou, nettement plus pop, réussit à nous surprendre, par son usage (raisonné) du vocodeur. Comme le nom l’évoque, c’est l’amour qui domine. Alors on le laisse rentrer chez soi, déposer ses affaires dans un tiroir et prendre place dans notre lit. Les guitares se mêlent aux synthétiseurs, pour ne former qu’un. Tel un couple.
Les morceaux s’enchaînent, d’Oblique Projection et ses synthés magiques à l’enveloppante Whale, purement instrumental. Des préoccupations écologiques aux pensées qui résonnent profondément au creux de nous. Se sentir abandonné, se sentir aimé, notre place dans ce monde.
Luje met l’humain au centre de ses morceaux et se questionne sur ses choix de vie, sur la planète, sur l’individualisme. Les chansons s’interrogent et se répondent entre elles. A l’image d’In the Plains, Under the Halo, qui rappelle Distilled Thoughts, bien qu’il soit ici question de la solitude et de l’anxiété engendrées par les différents confinements. Mais les musiciens comptent bien faire oublier ces sentiments, car dans cet album, il est avant tout question de lumière. Qu’elle soit rasante l’hiver, écrasante l’été, dorée au printemps.
Luje baigne sa musique d’accords sereins, de synthétiseurs psychédéliques et d’une voix généreuse. Les morceaux, qui nous plongent souvent dans la brume dès les premières notes, se révèlent finalement explosifs et cathartiques. Motorik Drumming & Sizzling Landscape, par exemple, possède une tension palpable avec ses guitares fuzz à tout va. Inspiration krautrock, boîte à rythme énervée, batterie saccadée, et le tour est joué.
Et lorsqu’ils cherchent à adoucir nos corps, ils y parviennent, que ce soit avec New Mantra ou Everyone’s Changing Forever, des ballades portées par des guitares acoustiques.
Finalement, pour se séparer discrètement de Raving Track, il demeure Italia et Bored, deux morceaux délicieux et ingénieux. Le premier, écrit au retour d’un voyage en Italie et prenant comme appui la mer, salvatrice et source d’apaisement. Le second, imaginé pendant la pandémie et les vagues d’ennuis. Entre détresse et rêverie, appuyés par la lourdeur des accords ou les synthétiseurs libérés, les titres ne font que renforcer l’expression mélancolique et urgente des sentiments.
Avec Raving Track, Luje remporte le pari du premier album. Il est doux, il est beau. Il réchauffe les paumes et les cœurs, visite les frontières et explore les tunnels. Qu’il vous accompagne chaudement et qu’il vous éclaire, comme il l’a fait pour moi.