À l’orée de la sortie du premier album du fantasque duo Macadam Crocodile, nous avons eu l’occasion d’échanger avec Vincent Brülin sur ce projet qu’il mène avec Xavier Polycarpe. L’occasion de parler d’amitié, de foot et de Terence Hill.
La Face B : Bonjour Vincent, comment ça va ?
Vincent Brülin : Ça va bien, le confinement se passe, il y a des gens qui s’occupent du problème, et moi je ne suis pas touché, je suis confiné à la campagne et donc c’est assez cool et toi, ça va ?
LFB : Nous, ça va aussi, on s’adapte ! Votre premier album est sur le point de sortir, comment vous vous sentez par rapport à ça ?
VB : On devait sortir l’album et faire en même temps la release party, commencer les concerts, la tournée. Donc là on travaille avec la maison de disque, on a repoussé la sortie au 22 Mai. On est plutôt contents que ça sorte, après c’est étrange, à distance, moi je suis à 300 kilomètres de mon acolyte, donc c’est un peu une demi-fête, une fête qui se passe à travers un ordinateur.
LFB : Dans votre formation, on sent un duo de copains, de l’amusement, de la fraîcheur, beaucoup de légèreté, comment vous faites pour réunir tous ces ingrédients ?
VB : En fait on se connaît depuis très longtemps avec Xavier, on a fait des groupes au lycée ensemble, on a toute une bande d’amis dans la musique. On fait beaucoup d’impros, de jams, de fêtes. Je pense que quand on monte sur scène on est contents de partager ça, moi je suis content de le voir chanter des « Ooh, babe » et décider de faire l’amour à son synthé. La bonne humeur est naturelle.
LFB : Qu’est-ce qui change par rapport à vos projets précédents ?
VB : Ce qui est assez cool, c’est que c’est un duo. Donc c’est facile pour faire des lives, il y a moins de contraintes qu’en groupe. On est partis de musiques d’improvisation pour faire danser les gens, de la grosse caisse sur tous les temps, profiter de l’ambiance, on renvoie encore plus derrière, on fait évoluer les loops et c’était un groupe d’impro électro, funk. Ça donnait plus de marge, on pouvait jouer beaucoup plus longtemps sans faire des pop songs. Cette marge de liberté pouvait conditionner une salle et notre façon d’interagir avec la salle. C’est ça vraiment la différence. Et peut-être, la maturité. (rires)
LFB : On sent votre musique basée sur de l’improvisation, pourtant à deux vous êtes obligés de passer par de l’automation, comment vous gérez ça ?
VB : Quand on a commencé le groupe, il y a 4-5 ans, on était vraiment sur 100% d’improvisation, on avait pris des loops de Chic, de Todd Terje et on les faisait rentrer dans des ordinateurs. Et sur ces loops on faisait une piste de basse ou de synthé et on les ajoutait aux boucles. Et donc au début ça nous est arrivé d’avoir 4 loops, on jouait deux heures et demi. Et puis on a fait pas mal de festivals et de fait, les créneaux étaient beaucoup plus serrés, on avait 45 minutes – 1 heure. Forcément, on a fait quelques lignes d’automation sur des enchaînements qui fonctionnaient bien et entre ces moments il y a des grosses plages d’impro. Après, le dispositif technique est assez complexe, il y a beaucoup de choses à faire pendant qu’on joue mais on y arrive. Et on a allégé le travail de Xavier qui performe beaucoup en synthé et en voix.
LFB : Le choix de démarrer par un album live ça paraît une évidence quand on vous écoute et pourtant c’est quelque chose de très marginal dans la musique, pourquoi avoir fait ce choix-là ?
VB : On est issus du live, on a construit les morceaux en improvisant, on répétait à peine en fait, on faisait tellement de concerts que les morceaux se sont construits comme ça. Le groupe a vraiment existé avec le public beaucoup plus qu’en studio, en studio on se retrouvait plutôt pour caler la technique que pour jouer ou répéter. Et pour passer une étape on voulait enregistrer quelque chose, le graver dans la pierre et donc on s’est dit que c’était beaucoup logique d’avoir un enregistrement live, avec un endroit pour que les gens viennent danser.
LFB : En écho avec cette liberté, Macadam Crocodile c’est un peu fou, dans le nom, dans le look, dans la musique. Il y a un côté délire enfantin, est-ce que c’est voulu ?
VB : Comme ça vient de l’improvisation, ça vient vraiment de performances. Quand on se voit avec Xavier on fait les débiles et sur scène c’est pas vraiment réfléchi. Parfois il arrivait et quand il faisait un gros solo de synthé, il faisait un gros solo de synthé. Après ça a évolué, avec des créneaux plus courts, mais à la base c’est libre et peu conscientisé, de manière effectivement très enfantine et déstructurée. En fait ça pouvait partir d’ambiance de live, pendant cinq minutes ça déboule, on commence à être fatigués mais on voit que les gens dansent. C’est les moments où je tapais tellement fort sur la batterie qu’il fallait que je fasse une pause et ensuite ça repartait…
LFB : D’ailleurs, toi tu es guitariste de formation, comment ça impacte ton jeu de batterie ?
VB : Ouhla, ça c’est une question intéressante, tu me laisses cinq minutes pour écrire un truc ? (rires) En fait j’ai un rapport particulier avec les instruments. Dès l’âge de 16/17 ans, j’ai eu la chance d’avoir une pièce de 9m² où j’avais pu entasser des instruments, une batterie, une basse, un piano… Et puis j’ai accompagné pas mal de gens avec différents instruments. Là je me suis vraiment mis à la batterie parce que c’est le premier groupe où j’en joue en live, c’est pour ça d’ailleurs que je fais des rythmes très simples avec la grosse caisse sur tous les temps.
LFB : ll y a quelques références au monde sportif dans vos productions, quel est votre lien avec le sport ?
VB : Disons qu’on voit Macadam avant tout comme une performance, parce qu’on a fait des concerts à la fin desquels on avait des courbatures. Et Xavier aimait bien dire qu’on faisait des matchs parce qu’on s’usait tellement, avec la sueur dans les yeux donc on aime cette idée de la performance et de l’engagement physique. Pour le Red Star, on a notre manager qui est super fan de foot, qui avait contacté le club et c’est super, on a pu faire des photos là-bas et puis personnellement j’aime bien le monde sportif pour l’engagement des gars. Tu peux voir un champion olympique de Kayak qui en fait bosse pour EDF, donc j’aime ce sacrifice pour la passion et pour « mouiller le maillot ». Parce que quand on monte sur scène il faut le mouiller le maillot.
LFB : Est-ce que vous avez des coups de cœur récents à partager ?
VB : Alors là, nous pendant le confinement on regarde de vieux films ici. Je recommande à tout le monde, on a vu Mon Nom est Personne avec Terence Hill, Sergio Leone, la musique d’Ennio Morricone et là il y a deux jours on a revu L’Armée des Douze Singes. Niveau musique, je n’ai jamais écouté beaucoup de musique à part à mon adolescence et aujourd’hui la musique c’est un rapport où je vais dans mon studio ou sur scène, je m’amuse et après j’en ai tellement plein les bottes que je n’en mets pas. (rires)