Magenta Club est de retour avec X1000, un album intense qui permet au projet d’évoluer et de se transformer une fois encore. On a eu plaisir à retrouver une partie du groupe pour parler avec eux de ce nouvel album, de l’importance d’accepter son passé, d’évolution et de live.
La Face B : Comment ça va Magenta Club, en tant que groupe, comment est-ce que ça va ?
Simon : Ca va plutôt bien, on est dans une semaine plutôt assez excitante, comme on sort l’album jeudi à minuit. On a un peu de promo, on vient de recevoir des nouveaux t-shirts géniaux, des nouvelles casquettes et tout. Il y a un peu le renouveau de pas mal de choses et on a le concert jeudi soir qui est le début de la deuxième série de concerts au Punk Paradise. Donc c’est cool. Et puis surtout l’excitation de l’album qui sort vendredi. Et je pense, en tout cas je parle pour moi, on est tous assez raccord là-dessus sur le fait que l’on n’a jamais été aussi excités. Enfin en tout cas fiers de ce qu’on a produit sur cet album par rapport au premier album ou aux 2 premiers EPs qu’on a sorti avec Magenta Club.
On a vraiment l’impression d’avoir mis peut-être un peu plus de temps à le faire. On a mis beaucoup de nous dans cet album donc on est quand même très très excités qu’il sorte quoi…
Pierre : Ce n’est pas tous les jours qu’on sort un disque. Ça fait 20 ans qu’on fait de la musique. On a différents projets, on a sorti 10 disques.
C’est un truc, 2 ans en moyenne, je pense peut-être plus ou moins, peu importe, que ça représente à l’échelle de 20 ans tu vois. Il y a forcément un petit truc, un peu émotionnel, un peu excitant évidemment pour toutes les raisons. Mais même s’il n’y avait pas de promo, même s’il n’y avait pas de concerts, il y aurait forcément un petit affect. Mais en mettant les attentes de côté, je pense que ça fait une bonne semaine.
La Face B : Cet album-là, il a eu plus ou moins une double vie entre guillemets puisqu’il y a eu une première version. Et j’ai l’impression que le doute ça a toujours été un truc qui faisait partie de votre quotidien et des projets musicaux que vous avez pu faire. Et je me demandais si justement sur cet album-là il avait été autant un allié qu’un ennemi finalement ?
Pierre : Le doute il est lié à 2 choses, il a une part personnelle où chacun a ses propres doutes et parfois un manque de confiance ou d’assurance, mais lié au fait qu’on soit plusieurs. Et c’est vrai que quand on est dans un groupe et que l’on fonctionne vachement à un truc de consensus et d’unanimité, dès qu’il y a 2, 3, 4 personnes qui sont excitées par une chose, s’il y en a un qui doute, ça se propage assez vite.
On a toujours travaillé de manière plurielle. On a toujours travaillé au moins à 2 sur un truc. C’est vrai que l’on doute beaucoup tout le temps de plein de choses et en même temps, le côté positif de ça, c’est qu’il y en a toujours qui ont confiance, donc quand il y en a qui ont un peu peur et qui doutent un peu, qui vont dire « Attends non non j’y crois » je ne sais pas quoi et tout, on se range un peu derrière ce truc-là. Donc je pense que c’est notre fonctionnement, nos personnalités et ce fonctionnement pluriel qui fait que de toute façon le doute est toujours là.
Après on faisait des édits de trucs, des tests de choses et on est là et on doute. On ne sait pas trop donc le doute fait toujours partie de ce truc-là, ce qui a été différent avec cet album. Plus que de rapport au doute, ce qui est toujours assez inchangé, c’est le fait de l’avoir encore plus que d’habitude et c’est valable pour Magenta Club de manière générale. On a dû faire preuve d’une forme de résilience et trouver de la ressource à un moment où pour le coup, on a tous eu une grosse phase de doute qui était commune à nous tous au même moment. Au moment où on nous a fait comprendre, voire on nous a dit genre « c’est pas ouf ». « Voilà c’est pas ouf, c’est pas terrible ». On a tous pris un coup de massue je crois.
Après chacun gère un peu comme il peut et après quelques jours après le truc… Ca c’est nouveau, c’est le côté total du doute auquel on n’a jamais dû faire face au final je crois. Mais, on a dû, je sais pas, se remobiliser, trouver des solutions, se remettre en question etc. Je crois qu’on a plutôt réussi dans le sens où on est contents de là où ça nous a emmené. Ce qui est sûr c’est que comme tu l’as compris, visiblement le disque qu’on a fait, c’est pas le disque qu’on voulait faire au départ ce n’était pas l’objectif, ce n’était pas notre idée de départ, mais on s’est laissés porter et on a dû réagir. Finalement on est enchantés tu vois. Comme le disait Simon, je crois que dans Magenta Club peut être pas que dans Magenta Club, c’est artistiquement le truc dont on est le plus fiers je crois.
La Face B : J’ai lu votre bio, il y est question de la méthode Kintsugi, qui était quelque chose que je ne connaissais pas. Je suis allé voir ce que c’était et j’ai l’impression que ça correspond bien à cet album-là et à Magenta Club en règle générale. C’est-à-dire que c’est un objet solide mais qui laisse apparaître ses fêlures…
Pierre : C’est quelque chose qui a été brisé et qu’on reconstruit et du coup, qui devient d’autant plus précieux. Et clairement, c’est clair que cette image qu’on a trouvée à un moment correspond en tout point à ce qu’on a vécu avec ce truc-là, dans le sens où finalement on a repris des morceaux. Donc c’est à la fois de manière figurée et très réelle, les morceaux de choses qui n’étaient pas suffisamment intéressantes mais qu’on trouvait trop précieuses pour être jetées. Complètement. Et qu’on a relié entre elles avec des nouveaux éléments pour leur donner une nouvelle vie et en faire un quelque chose dont on est finalement encore plus fiers pour la première version, c’est ça qui est génial avec Kintsugi c’est l’idée que la version sauvée, reconstruite est plus précieuse parce que c’est lié à l’or, plus belle, parce qu’il y a des fêlures que la version d’origine qui était peut-être trop parfaite ou trop banale.
C’est clair que ça c’est un truc qui nous parle de ouf et que l’on n’a pas conscientisé au moment de le faire. Mais c’est après. C’est au moment de chercher les acteurs qu’on a trouvé cette image-là parce que l’on cherchait quelque chose qui pouvait incarner visuellement tout le process.
Margaux : Un moment ça a failli être la cover même.
Simon : Et puis ce n’est même pas le cas que sur cet album-là en fait j’ai l’impression que cette idée dont tu parles, de fêlure, d’un truc brisé ou d’imperfection, c’est un truc qui nous a toujours un peu intrigué, intéressé que ce soit dans le côté visuel ou même le côté musique. De laisser des petites imperfections, pas qu’un truc trop joli, trop lisse à écouter ou à regarder. Garder un truc un peu un peu réel, même si parfois on a l’impression que ça fait tâche, il y a quand même un truc de réalité qui est toujours intéressant à montrer ou à faire entendre.
Pierre : Et même de vie personnelle, hein ? Oui, y a quelque chose de brisé à essayer de transcender, d’en faire quelque chose de de beau. Pour au moins se regarder dans le miroir, ou au moins être fier de quelque chose ou d’être quelque chose, d’exister.
La Face B : C’est quelque chose qui a beaucoup influencé l’album finalement. Si tu regardes dans les textes, cette idée de réparation elle se diffuse en fait, même sans le vouloir.
Pierre: Clairement ça a toujours été des thématiques nouvelles. Je ne sais pas si on parlera de texte après mais clairement ces trucs-là ont toujours été les deux trucs vraiment nouveaux. Je trouve qu’on a essayé en tout cas de mettre sur le disque qui a un côté très nostalgique quand même, qui fait écho à la musique parce que c’est quand même une musique avec un peu de nostalgie avec des références, des outils, des machines qu’on utilise avec des instruments qui sont d’une autre époque et le texte fait écho à ça. Ca parle beaucoup de souvenirs de de collèges, de l’adolescence etc.
La Face B : Il y a un truc beaucoup plus intime je trouve aussi. Mais justement on en parlera après. Mais je trouve qu’il y a une percée beaucoup plus intime dans le texte et qui nourrit aussi la musique finalement.
Pierre: Je sais qu’il y a deux dimensions assez nouvelles et cette dimension nostalgique, mais qu’il y a aussi à travers l’intime. Il y a aussi une dimension plus sociétale, enfin plus ouverte sur le monde. Enfin, c’est à la fois plus intime et un peu plus ouvert. Plus de contrastes au final, parce que tu vois des textes commeSubterfuge, Virilisme, Brumeux… Marseille et Venisequi un peu évolué. C’est le texte engagé parce que le monde change et à la fois il y a une dimension plus intime et en engagement plus fort. Il y a une dimension en même temps, un engagement plus fort.
La Face B : Parce que l’un ne va pas sans l’autre…
Pierre: Mais pendant longtemps, l’un, il a repris le pas sur l’autre. Tu vois à l’époque de Fauve, mais il y avait un engagement humain, personnel, intime, fort, mais on se refusait toujours à parler de choses de société de manière trop obvious. Et puis tout simplement ça nous touchait moins par rapport à l’âge qu’on avait.
Par rapport peut-être à l’état du monde aussi. Tu vois dans la vie post Covid… En 2013 ce n’ était pas le même monde. Aujourd’hui le monde est quand même bien bien en vrille… Je suis d’accord avec ce que tu dis, mais j’apporte des nuances parce qu’on voulait quelque chose de contrasté, aborder des choses un peu plus larges et tout, et je crois qu’on est content de ça aussi.
La Face B : La principale évolution pour moi qu’il y a entre Monogramme et x1000 c’est qu’on est passé de quelque chose de théorique à quelque chose de pratique. C’est-à dire que c’était quelque chose qui était un truc de vous ensemble de studio à un album qui a été nourri je pense, par l’expérience et par l’existence. Et du fait d’être que la musique sorte du studio justement.
Simon : Ouais, c’est complètement ça. Enfin pour moi, c’est un peu l’explication de ce que je disais au début sur le fait qu’on était extrêmement fiers de cet album et plus que tout ce qu’on a fait depuis le début parce que déjà il nous ressemble beaucoup plus et ilny a eu comme tu dis la théorie et la pratique. Je trouve que c’est très bien résumé.
Il y a eu ce qu’on pensait sur les premières choses qu’on a sorties avec Magenta Club, c’était un peu comme ça qu’il fallait faire comme dans les bouquins, dans la théorie et tout ça. Ensuite y a eu le live qui nous a quand même beaucoup changés, qui nous a encore plus soudés qu’avant le début du projet et qui nous a aussi permis de comprendre énormément de choses sur cette musique-là, ce qu’elle exigeait. Et parce que pour bien la faire et pour qu’elle sonne bien en live. Mais en même temps de comprendre comment nous on pouvait la faire aussi en prenant la théorie qu’on avait apprise et qu’on pouvait la faire à notre façon.
Et je ne sais pas si c’était 60, 70 concerts plus tard, en fait, on a réalisé qu’on pouvait quand même garder certaines choses qui étaient très naturelles chez nous et qu’on avait apprises dans nos projets d’avant et qu’elles avaient quand même leur place dans cette théorie qui peut-être qui nous aveuglait un peu au début. Et ensuite on est passé à la pratique. Et là pour le coup, c’est devenu plus intéressant, plus personnel.
La Face B : Il y a ce truc aussi de fantasme, un peu de faire de la french touch qui s’est un peu dilué justement.
Pierre : Mais c’est exactement ça, cette bascule elle s’est faite au moment où on a la deuxième vie du disque. On a été pendant très longtemps attachés au concept. Notre concept c’est de dire on va faire de la house en français, on va faire la french touch en français, c’est ça qu’on a envie de faire. La réalité c’est que pour beaucoup d’entre nous ou certains d’entre nous, je ne crois pas, c’est encore ça qui est la musique peut-être parfaite, idéale. Quand on s’est mis sur le deuxième album, malgré le fait qu’on avait fait 80% quand on parlait de la tournée etc, c’était de réussir à faire la french touch en français ou une musique électronique en français donc on avait tous ces codes-là de théories et tout.
Et c’est quand on nous a dit que ça n’était pas bien, qu’on a réussi à abandonner le concept et à écouter de la musique et à être à l’écoute de la musique, à l’écoute de la vague, des vibrations. Qu’est-ce qu’on entend, qu’est-ce qu’on a envie d’entendre, qu’est ce qui marche ? C’est passé par des choses, des détails, du type de ne plus toucher l’ordinateur, ne plus avoir la timeline devant les yeux, de juste être à l’écoute, d’accepter d’abandonner certaines choses. Le problème, c’est quand le concept devient plus fort que la musique.
Sur la première partie de la construction de ce disque, le concept était plus fort que la musique. Et quand on a abandonné cette idée-là, je me répète mais c’est pour insister là-dessus, il y a un moment où on préférait une chanson moyenne voire médiocre de french touch en français qu’un morceau émouvant et fort qui ne rentrait pas dans cette case-là parce que ce n’était pas ça l’idée.
Et c’est mis devant l’échec, d’une certaine manière, que ça nous a permis d’abandonner ce truc-là, de se dire maintenant on écoute, on voit ce qui se passe et ça nous a libéré. C’est en ça que ce n’était pas l’idée de départ, ce n’est pas ce qu’on voulait faire. On a parlé de Kintsugi mais on est un groupe où on discute beaucoup, etc. Mais c’est un peu une tarte tatin aussi. Tu vois pour nous ce truc-là c’est qu’en fait ce n’était pas prévu comme ça, ce n’est pas ce qu’on voulait faire, mais au final le nouveau truc il est encore plus cool, encore plus chouette en tout cas pour nous au final on est ravis je crois. On nous a conduit à autre chose et c’est encore mieux, et tant mieux même.
La Face B : Un morceau comme Brumeux qui ouvre justement l’album. Il est quand même si tu regardes par rapport àMonogrammeil est quand même très surprenant. Dans le rendu sonore, dans l’aura qu’il a tout ça, il y a quelque chose qui tranche en fait et qui marque une évolution qui est intéressante justement parce que vous avez réussi à rebondir et ne pas vous entêter. J’ai l’impression que vous avez quand même ouvert les vannes à autre chose en fait tu vois.
Simon: C’est pour ça qu’on l’a sorti en premier single aussi.
Margaux : Parce que c’est aussi la première qui a fait qu’on a ressenti quelque chose, enfin qu’il se passait quelque chose en ressentant et en retravaillant les morceaux.
Simon: Oui, c’est la première deuxième version qui où on s’est regardés en se disant « Ah ça c’est cool, là il s’est passé un truc. »
Margaux : Mais c’est ça qui nous a aussi motivés à continuer dans ce sens-là quoi…
Simon: On va faire la même chose pour les autres et après on s’est dit en fait c’est aussi la suite logique des choses de dire mais c’est le premier qu’on a retravaillé et qui nous a plu. On s’est dit « Bah c’est peut-être cool aussi de le sortir en premier » pour annoncer, comme tu dis, une sorte de pas forcément une rupture mais une sorte de petit changement de direction, un petit renouveau de dire « Bah maintenant ça va peut-être ressembler, ça va être peut-être plus surprenant par rapport à ce qu’on faisait avant » et de faire passer un petit message aussi. On trouvait ça cool le fait que ce soit un morceau assez tranchant.
Pierre: Nerveux un peu ?
Simon: Un peu nerveux tu vois un peu truc genre OK on n’a pas lâché, on a pris une différente direction, mais c’est cool et on y va à fond.
La Face B : Mais justement sur ce morceau-là et même sur le reste, je trouve qu’il y a un côté beaucoup plus chaleureux dans la production tu vois. C’est-à-dire qu’autant sur le premier album parce qu’il y avait cette idée-là, il y avait un côté quand même très froid et très très électronique. Et je trouve que ce qui fait la beauté de x1000 c’est qu’il y a justement cette idée dans la production et des éléments organiques qui sont quand même beaucoup plus présents. Et par exemple la batterie est hyper importante sur tout l’album…
Pierre : La batterie, la guitare, il y a de la vraie basse surBrumeuxpar exemple. Il y a toujours cette base qui est une boucle, un sample qui apporte cette frénésie, en tout cas ce côté un peu transe auquel on est quand même attachés, mais on a construit autour avec des instruments qu’on avait en live, ça c’est l’impact direct du live. Direct.
Simon : Et c’est aussi des choses qu’on pouvait s’interdire sur le premier album ou de se dire on a trouvé un riff de guitare ou une ligne de basse, je sais pas quoi mais direct la guitare devenait un clavier et la basse on réenregistrait sur un synthé basse quoi…
Pierre : Faut imaginer l’état d’esprit dans lequel on était au début du projet Magenta Club. C’est qu’après, forcément, après Fauve, on s’est vachement construits dans l’opposition à Fauve. Il fallait que Magenta Club soit tout ce que Fauve n’était pas et réciproquement. Quand tu te construis dans l’opposition, tu n’as qu’une hantise c’est que l’on te rappelle toujours le truc d’avant. D’ailleurs, on nous l’a rappelé non stop au départ, mais maintenant ce qui est cool, c’est plus nous qui en parlons. Mais parce que l’on est plus à l’aise aussi avec ça, donc ça porte plus de répit et de liberté.
Mais au départ, Simon, il avait un riff de guitare qui était cool, il passait au clavier parce qu’on s’interdisait de parler. On s’est dit non, ce n’est pas possible, on ne peut pas quoi là, on a besoin un peu plus de parler sur ce disque aussi, mine de rien. Parce que l’eau a coulé sous les ponts, du temps est passé, parce qu’on a l’impression d’avoir un peu moins cette quête de légitimité, de crédibilité, dans un style qui n’est pas le nôtre, mais plus quand je disais à l’écoute de la musique et ça, c’est se dire.
Là, parce qu’on imagine la voix, bah si on imagine de parler on se dit pourquoi pas, enfin si on imagine une guitare, pourquoi pas, je l’imagine, alors qu’avant ce n’était pas on ne peut pas parce qu’il y avait un enjeu sur chaque truc comme ça. Dans cet état d’esprit-là et la construction de Magenta Club, elle a souffert un peu de ça. Mais c’était nécessaire pour autant, et c’est en ça qu’on a un peu l’impression parfois que c’est un album ou ce deuxième album est un peu notre premier album d’une certaine manière. Peut-être que le premier album n’aurait pas ressemblé à ça s’il n’y avait pas eu le COVID, qu’on n’avait pas été privé des concerts et du live.
Au départ, on devait faire une tournée juste après avoir sorti Assez ?. Donc on sait pas ce que tout aurait été, mais l’état d’esprit de l’absence de live et l’héritage de Fauve qui n’est pas à négliger nous a conduit à ce parcours. Pas en ligne droite, mais c’est ce qui est intéressant aussi, c’est ce qui est rigolo.
La Face B : Il y a une idée dans Magenta Club du mouvement permanent et cet album-là le montre bien. Tu vois entre Monogramme et celui-là il y a eu énormément de featurings qui sont sortis, qui est aussi l’idée un peu du fantasme de la French Touch de faire intervenir d’autres voix et tout et qui a complètement été annihilée sur l’album…
Pierre : Complètement.
La Face B : Il y a que la voix de Quentin et ce qui est intéressant, il s’amuse beaucoup plus avec sa voix que ce qu’il a pu faire auparavant et dans tout ce que vous avez pu faire auparavant.
Pierre : Exactement c’est vrai. Bah pas de question hein, je sais pas quoi répondre (rires)
La Face B : Lextinction du fantasme couplée à l’acceptation de son passé, de votre passé vous a permis de produire cet album-là en fait.
Pierre : Et puis la liberté elle est sur les formats aussi, c’est qu’on a des chansons très longues. On a des chansons très courtes aussi et il y a plein de codes qu’on a voulu reprendre. Le featuring, il fait partie du format… Comme je disais, le concept était plus important que la musique d’une certaine manière, mais peut-être que ça n’a pas été comme ça, s’il n’y avait pas eu Fauve avant, s’il y avait eu live et tout. C’est aujourd’hui que les planètes semblent un peu s’aligner artistiquement. En tout cas artistiquement, on a une satisfaction qui est réelle et on parle de musique mais pas que. La satisfaction, elle n’est pas aussi totale, il y a toujours des choses qu’on fera un peu différemment, je ne sais pas, mais même sur l’image de manière générale, je pense que ce qu’on a pu faire là sur des clips et tout, on va vers des choses qui nous ressemblent plus. On assume d’être présents mais quand même un petit peu cachés.
Ce qui est nouveau pour nous, c’est côté le surréalisme. Au début, on voulait vraiment parce qu’on était absent, parce qu’on on n’incarnait pas le projet, on voulait mettre de l’humain à tout prix dans les clips, donc on avait des clips, des premiers clips qu’on faisait avec des histoires de gens qu’on suivait je sais pas quoi et tout… On essayait d’avoir des narrations.
Là on a envie de s’amuser aussi avec des choses un peu surréalistes, un peu barrées, un peu folles. On voit de la radicalité dans la folie et pas que dans la montrer à travers quelqu’un qui a quelque chose de dur, de fort à l’intérieur de lui, mais des trucs plus imagés… donc il y a quand même une maturation. Je ne vais pas dire que c’est l’album de maturité, etc. Mais quand même, il y a des choses qui ont été digérées, des envies qui sont qui sont apparues, qui fait que l’on est plus à l’aise avec tous les éléments et que tout est plus simple aussi pour nous. Je me sens plutôt bien artistiquement.
La Face B : Comme tu dis, maintenant vous apparaissez dans vos clips, ce qui était quand même très rare sur les premiers clips que vous avez fait là. Maintenant vous êtes les personnages principaux sur les 2 ou 3 vidéos que vous avez sorti. Il y a quand même cette idée qui apparaît aussi d’incarner aussi votre musique visuellement, ce qui n’était pas forcément le cas.
Pierre : J’ai tout un process. C’est une volonté qui est née avec le temps et qu’on trouve plutôt marrante. C’est parfois aussi aux réactions, hein. On nous a beaucoup dit que le projet était très froid dans un premier temps, c’était lié à la musique, c’était aussi lié à notre absence de distance. Le monde a changé quand même. Et puis finalement, on prend presque un peu de plaisir si jamais c’est dans un contexte créatif.
La Face B : Puis malgré tout, vous restez quand même, il y a quand même une petite idée de de « vase clos »où vous faites tout vous-même…
Pierre : Non, c’est ouvert aussi hein. Mais c’est sûr qu’il y a plein d’intervenants sur le deuxième album qui ont compté. Il y a Valentin qui est un proche, parce qu’il est là depuis tout le début. Sur l’artistique, parfois on travaille avec des réalisateurs et tout, mais pareil, ce sont des collaborations, des discussions… C’est sûr que l’on n’est pas du genre à signer des chèques en blanc et dire « OK vas-y, on te fait confiance ».
Ce n’est pas un truc de confiance, c’est un truc de plaisir. Pour moi personnellement, je sais que c’est le cas pour d’autres personnes dans le projet, ce serait incomplet si jamais je n’ai que de la musique. Je suis ravi de faire plein d’autres choses et qu’il y ait plein d’autres choses sur lequel on peut tout simplement intervenir. Ça rend le truc plus amusant, plus riche.
La Face B : On en parlait tout à l’heure, il y a une vraie percée de l’intime. Sur l’album c’est faire des morceaux comme FR3 ou comme Samedimatin. Ils marquent une étape importante. Tu vois dans le texte surtout dans l’émotion que qui s’en dégage, il y a un truc encore plus humain et vrai que ce que vous aviez fait auparavant
Pierre : C’est sûr. Je pense qu’au final, il y avait des textes comme ça parfois sur le premier album. Ce sont les textes qui sont restés et ce sont des morceaux qui sont restés et qui me plaisent encore aujourd’hui, sur le tout premier EP il y a un titre comme intimité qui nous plaît encore aujourd’hui.
Déjà on a passé plus de temps sur les textes. On a pris conscience que comme les instruments comme l’organique etc, il fallait peut être mettre une part de soi pour être un peu plus touchant. Ça a toujours été le cas. Ça n’a jamais été complètement abandonné, mais l’envie d’avoir une approche assez anglo-saxonne du texte qui est toujours là mais qui était encore plus présente au départ. Qui est toujours dans l’idée de prendre le contre-pied des projets d’avant, on pouvait un peu lisser ou enrober ou même si ça venait toujours du même endroit. On ne peut pas dire qu’il y a un moment où on ait pris le texte comme un détail ou comme une coquetterie. Ça n’a jamais été le cas.
Mais le fait de pouvoir se permettre des choses différentes sur la forme… Parfois doit mettre la voix de manière un peu plus centrale. Il y a des morceaux qui sont des chansons. On parlait de FR3 et Samedi matin, typiquement ces morceaux-là, ça joue là-dessus. Le fait de se donner de la liberté sur la forme influe forcément un peu le contenu. Et puis il y a des bouts de textes aussi qui ont été pris dans des choses anciennes. Et parfois il y a des textes anciens qui ont pris vie sur cet album-là et qui avaient cette teneur. Mais, la volonté d’aller chercher, c’est aussi un c’est un peu de ça dans la démarche.
La Face B : Et tout le rapport très nostalgique aussi finalement qui peut ressortir de l’album. Mais ce qui est intéressant c’est que c’est que cette idée-là, elle ne se concentre pas sur tout l’album. Un texte comme Brumeux, il est quand même assez surréaliste et assez flou. Et après t’as des textes comme Subterfuges aussi qui est très intéressant dans la façon dont il est construit et justement, je trouve qu’il y a une ouverture et une liberté sur le texte qui se développent encore plus que ce que vous aviez pu faire auparavant…
Pierre : Y a plus d’espace pour le texte. Avant, un couplet, deux, c’était un peu ajusté. Il n’y avait pas de parlé, donc c’était plus lyrique et plus de grandes syllabes, etc… Mais oui, je pense qu’on discute beaucoup de ces choses-là, c’est sûr et on a mis un soin plus poussé je crois que sur l’album d’avant. On avait l’impression de ne pas avoir un peu le choix avec ce disque. Il y avait un côté total, un côté « Tant qu’on n’y est pas, on n’y est pas ». Surtout après avoir recommencé, dès qu’il y a une forme d’exigence qui s’est mise en place, qui était assez poussée.
La Face B : L’album parle beaucoup de cette idée de réparer et d’accepter le passé. Et c’est ce dont on parle depuis le début de de l’interview au final. Mais c’est un truc qui est très prenant dans l’album, puis il y a des trucs qui sont assez marrants. Même si ce n’est pas voulu, c’est un album de de trentenaires (sourire). Le fait de mettre un Banco à 5 Francs sur la couverture ou de faire une rime sur Lou Bega. Il y a des trucs qui sont quand même de l’acceptation de ce que vous êtes et de là où vous en êtes dans vos vies…
Pierre : Un côté bilan. Un petit peu quand même parce que du temps est passé, parce que l’on voit le temps qui passe à travers les autres, à travers nous-mêmes, à travers les autres générations. Parce qu’il y a plein de choses qu’on a probablement faites différemment. Tout ce temps qui est été nécessaire pour aboutir à ce projet, à l’accoucher, etc. On parle quand même beaucoup du projet et nous-même aussi. Ce sont des choses qui ont peut être mal vécues, qui ont été difficiles, avec des frustrations parfois de l’ amertume, parfois de la rancœur et Changé ensemble est un morceau qui va dans ce sens-là aussi d’accepter tout ça. C’était ce dont on parlait au départ, qui est quelque chose au final d’artistique ou de tangible et de productif. C’est de ça dont on avait besoin à ce moment-là d’accepter la difficulté, mais c’est ça qu’à ce moment-là qu’on avait besoin d’exprimer, de mettre une forme de thérapie quasiment. De transformer quelque chose de beau parce que c’est ça qui était qui était source de beaucoup de frustrations et parfois même de tristesse.
La Face B : Ce n’est pas un hasard non plus si l’album il se termine sur Corail Intercités. Tu parles de bilan mais c’est justement c’est une chanson qui fait le bilan…
Pierre : C’est l’idée de voir le positif. Tu vois pourquoi je parlais de résilience. En fait, quand tu n’y arrives pas, si ça fait 30 fois que tu fais un gâteau et que tu n’as toujours pas réussi, tu peux te dire je suis une merde et tu peux dire putain je suis quand même sacrément courageux. C’est quand même mon trente et unième essai, c’est la trente et unième fois que je vais essayer et tu sais quoi ? Je vais faire une trente-deuxième fois ? Et c’est toute la différence entre l’obstination, la folie. Il y a une frontière qui est assez ténue. Et c’est en ça qu’on a voulu faire un truc et de regarder le passé, d’en faire quelque chose de positif, de transformer tout ça en un truc de beau. Et c’est pour ça qu’on on se dit beaucoup qu’on a une forme de résilience et qu’on aime valoriser ça. Parce que sinon on se dit qu’on est un peu teubés quoi même. Un peu même nul. Tu vois de refaire, refaire, refaire, refaire, refaire, refaire. C’est un truc d’acharnement.
La Face B : Mais c’est comme ça que tu grandis aussi…
Pierre : Après qu’est ce-qui en serait si on avait fait les choses autrement ? Où est-ce qu’on en serait ? On ne peut pas dire que c’est mieux, c’est moins bien, mais en tout cas on aime se dire qu’au moins c’est de transformer ce truc-là en quelque chose de chouette, c’est de voir le verre à moitié plein. D’une certaine manière, je crois qu’on a besoin de ça. Je ne trouve pas le mot pour depuis tout à l’heure. On va figer les choses et les transformer en quelque chose d’acceptable en tout cas.
La Face B : Un des mots qui termine l’album c’est apaisement. Est-ce que vous vous sentez apaisés avec cet album-là ? Est-ce que vous êtes fiers aussi ? Parce que c’est une question aussi que je vous avais déjà posé, est-ce que vous êtes fiers justement de cet album-là ?
Pierre : Fiers, je crois que Simon l’a dit, je crois que l’on est contents. Je pense qu’on est fiers de ce disque. Artistiquement, on est fiers de tout ça. Je crois qu’on est apaisés aussi. Moi, en tout cas, je sens clairement l’apaisement, parce qu’avec ce disque, il y a aussi un une forme d’abandon d’une quelconque ambition au truc artistique. Et le fait qu’artistiquement ça puisse nous suffire uniquement, ça apaise vachement les enjeux derrière le projet. Parce qu’il y a eu des enjeux derrière ce projet-là, d’avoir envie de faire quelque chose. On n’a jamais eu envie d’un succès. On a eu, on a choisi de de s’en défaire, mais il y a quand même eu un enjeu qu’on puisse faut qu’on puisse en vivre quand même, qu’on puisse faire quelque chose, au moins d’excitant. C’était plus difficile d’avoir quelque chose d’excitant quand t’as vécu quelque chose de très très très très excitant. Et ce truc-là a disparu je crois.
Simon : Il y a un petit côté de soulagement aussi, je dirais le fait de d’être un peu soulagé de. Pour nous évidemment, genre d’un point de vue très personnel de d’être soulagé de d’avoir réussi en fait à faire un peu, même si ce n’est pas exactement, précisément ce qu’on avait en tête depuis le début. Comme on disait tout à l’heure, la théorie et la pratique. D’avoir fait un truc qui nous ressemble énormément. Après c’est difficile de se projeter dans la suite, ou qu’est ce qui va se passer, à quoi ça pourra ressembler, la suite de Magenta Club et tout ça, mais de dire au moins là, ça ressemble à quelque chose qui n’est pas loin de nous, qui est assez proche de nous. C’est vraiment nous cet album et je dirais ouais, très fiers de cet album. Et puis on en parle beaucoup et il y a un côté ça se voit un peu dans les réactions, quand on joue les chansons, les nouvelles chansons en live ou quand on quand on réécoute les versions définitives, les versions masterisées, les clips qui sortent un par un, il y a un truc aussi dans les regards qu’on échange, on voit une sorte de d’accomplissement. On est fiers, c’est beau ce qu’on a fait, on est contents de ce qu’on produit et tout après comment ce sera accueilli par les gens, ça c’est autre chose. Mais en tout cas il y a il y a un truc de fierté, de soulagement de ce côté-là, ça c’est cool.
Pierre : Un truc de trace tu vois ? Genre là je pense que Simon sur le côté, soulagé d’être arrivés à quelque chose pour ne pas être satisfaits. Zéro mégalomanie je parle pas de trace pour l’histoire de la musique, je parle de trace pour quand tu as des enfants ou tu as un cousin ou tu as un truc et tu vois et tu te dis en fait quand j’aurai 60 ans comme quelqu’un qui écrit des bouquins, je fais des bouquins, je crois que ce disque c’est un disque qu’on sera fiers de faire écouter, dire à ton ou tes petits-enfants ou je ne sais pas quoi. Alors que c’est peut-être un peu moins le cas sur ce qu’on a avec le recul, sur le coup on était content tu vois. Mais je pense que l’on n’a jamais sorti un truc sans être content de ce qu’on avait fait. Mais l’impression qu’on a là, elle est d’avoir fait un geste. Voilà un truc de geste qui compte et se dire que ça aboutit à quelque chose, même si ce quelque chose est purement encore une fois artistique cet objet-là. Ce truc ne sera pas forcément fait de succès. L’impression qu’avec ce geste-là, c’est un peu condamné entre guillemets, ou en tout cas je sais pas, c’est le terme. Mais en tout cas on a encore une fois pas forcément choisi la facilité et que ça a rendu le tout encore plus difficile. Cet apaisement, au contraire, il est total parce que peu importe, au moins il y a le deuil de quelque chose qui permet justement de d’envisager la suite plus sereinement
La Face B : Je suis hyper intéressé sur comment vous le voyez vivre en live. Parce qu’il y a ce truc au Punk Paradise, où vous avez créé une espèce de de communion avec le public et c’est un truc qui est un peu compliqué à mettre en place ailleurs, mais est-ce que c’est quelque chose que vous aimeriez renouveler ?
Pierre : C’est vrai qu’on adorerait, c’était vu comme un test. Même pas un test en fait. C’est un truc spontané comme ça de dire en fait on n’est pas prêts tu vois. En fait concrètement c’est Because, notre label. L’album il va sortir dans 3-4 mois, ça fait un an que vous avez pas joué et tout, ce serait bien que mais on n’est pas prêt et tout. Mais bon bah tu sais quoi faut qu’on répète bah on va répéter 2 jours, il faudrait être capable de jouer les morceaux et puis on va on se mettre face à face parce que quand on répète on est face à face. C’était juste un essai pour dire bon bah on va quand même, on va quand même faire ça et c’est vrai qu’on n’a pas de mal à se projeter et on aimerait pouvoir faire des tournées où on part et on va je sais pas à Nantes, à Marseille dans ce milieu d’une salle où là pourquoi on a une scéno qui est construite autour de ça avec des tout le monde entend bien, tout le monde voit bien.
La Face B : Peut-être un peu ring de boxe.
Pierre : Mais ouf on adorerait mais ça ne dépend pas de nous. Et pour tout te dire je sais que c’est difficile d’être programmé en ce moment, pour nous en tout cas. Il y a encore pas mal d’embouteillages et qu’en plus avoir ce truc-là, ça rend encore plus long. Donc nous clairement, on nous demande, c’est quoi votre truc idéal là ? Faire 50 dates à la rentrée en cercle.
La réalité de ce que ça va être, ça semble plus difficile que prévu de tendre vers ça. Parce qu’on est contraint par des interdictions, pas les nôtres. On va voir, on a un tourneur qui travaille, qui est en train de voir ce qui se passe, faire ce qui peut ou pas se faire. Ils savent ce qu’on aimerait faire.
De toute façon, il y a clairement une réalité du live qu’on adore et qu’on prend plaisir à faire. On adore jouer et on prend plaisir à jouer. Ce n’est pas le cas de tous les morceaux mais il y en a plusieurs qui sont taillés pour le live qui peuvent avoir un vrai impact, une vraie troisième vie. On a hâte, on aimerait pouvoir les défendre comme ça.
On m’a dit de ne pas trop dire ça parce que c’était une vision négative, mais c’est ce que je pense, moi j’ai toujours dit qu’on est nul en studio, même à l’époque de Fauve. Tu vois Fauve en live c’était sacrément autre chose que les disques. En live franchement j’assume n’importe quoi.
Et je pense que Magenta Club, nombre de personnes qui à l’époque du premier EP, premier album ou deuxième EP je ne sais pas quoi, « ouais je ne sais pas trop», qui venaient en concert et dire « Ah ouais bon là il se passe quelque chose »,
Ça fait 20 ans qu’on joue ensemble, qu’on est des musiciens qui jouons ensemble, vraiment et on sait faire et on prend plaisir et on est bon là-dedans. Et je le dis sans fausse modestie, j’assume de dire qu’on est bon en live.
Je crois que la partie live elle est centrale, elle est essentielle même pour nous, pour la dynamique sacrée. Et puis tout le plaisir d’avoir ce truc-là en commun, ça soude vachement et tout. Donc c’est sûr que c’est important pour nous et ça sera important pour ça.
Crédit Photos : Clara de Latour