Deux ans après Un, Malik Djoudi nous a offert le résultat de ses Tempéraments, un album tantôt lumineux, tantôt plus sombre, dont la sensibilité et la douceur nous ont, encore une fois, impacté profondément. On a rencontré Malik lors de son concert à Dijon, dont il partageait l’affiche avec Flavien Berger. L’occasion de faire le point après le Trianon, de discuter de son processus créatif et de son rapport avec la scène.
La Face B : Salut Malik, comment ça va ? Comment tu te sens après le Trianon, tu redescends ?
Malik Djoudi : Un petit peu, mais c’est vraiment marrant ces expériences-là. C’était assez chouette, c’était plein. Beaucoup d’amour, tu vois, de dialogues et d’échanges avec le public. Comme un gros shoot. Je pense qu’on est pas encore redescendus. On redescend petit à petit. C’était vraiment beau et cool, l’échange surtout. C’est un concert qui me stressait un peu, j’avais peur de ne pas être prêt. C’était bien parce que ça me mettait une bonne pression pour bien faire les choses. Le beau cadeau c’était l’accueil du public qui était fou. Je crois que c’était un de nos meilleurs concerts. Mais je suis un peu fatigué là.
LFB : Tu m’étonnes, en plus tu as fait énormément de dates depuis 2017.
MD : Oui, on en a fait au moins 150.
LFB : Certains artistes disent qu’ils font de la musique pour faire de la scène, d’autres pour qui c’est plus accessoire. Quel est ton rapport avec la scène ?
MD : Pour moi ça fait partie de nos métiers. Après j’adore être sur scène, c’est le moment où on peut partager le plus avec les gens qui nous écoutent. Je différencie vraiment ça du studio. Je pense pas que je vais faire de la scène quand je suis au studio, mais je me dis quand même, faut penser à la scène. Mais c’est vraiment deux choses différentes. Moi ce que je vis, c’est un rêve d’enfant, j’adore ça. Parfois c’est fatiguant, mais j’adore. Tu vois, d’avoir des cadeaux comme mercredi, comme on a pu avoir au Trianon, tu sais pourquoi tu fais ça. T’as des concerts qui se passent à merveille, d’autres moins bien. Aujourd’hui, je sais pourquoi je fais ça : c’est pas pour moi, c’est vraiment pour être en communion avec les autres.
Je me rends compte aussi que ma musique, comme d’autres artistes, accompagne les gens dans leur vie. C’est vraiment touchant. Des fois je reçois des messages de gens qui me disent «Merci, vous m’avez aidé dans ce moment de ma vie, car je vous ai écouté» et ça wahou, c’est vraiment les plus beaux compliments.
LFB : Tu as fait plus de 150 dates : comment as-tu composé Tempéraments ? J’ai trouvé qu’il était plus sensible et j’ai aimé la conjugaison entre des chansons assez lumineuses avec de l’électro dansant, et d’autres plus obscures, plus planantes, presque tristes. C’est ça les deux tempéraments de Malik : un côté contemplatif et un autre plus extatique ?
MD : C’est ça oui ! Parfois je peux être très mélancolique, parfois plus lumineux. C’est moi, ça. Parfois je suis un peu dans l’obscurité et je reviens à la lumière. J’aime beaucoup les balades, folk ou autres. Mais j’adore aussi la musique qui envoie. On sait comment faire pour allier toutes ces choses-là. Mais Tempéraments c’est un peu ça oui, un mélange entre des ballades, des morceaux plus dansants, d’autres plus obscures qui reviennent à la lumière. Et c’est pour ça aussi que sur la pochette il y a des nuances de bleu, avec beaucoup de contrastes. Le bleu peut être soit très obscure, soit très lumineux.
LFB : Dans quel contexte tu l’as écrit ? On a l’impression que tu t’es un peu plus ouvert : est-ce que c’est l’accueil positive du premier album qui t’a donné plus confiance pour te livrer ?
MD : Ce qui s’est passé c’est que je ne m’attendais pas à l’accueil du premier. Je l’avais fait dans ma chambre en me disant que j’allais filer le disque à des copains. Et ça ne s’est pas passé comme ça. Ça m’a donné vachement d’élan, de confiance. On était pas mal en tournée à ce moment-là : je composais en début de semaine et le reste on partait en tournée. Et j’avais l’envie de faire cet album, la confiance à le faire. J’étais bien avec moi à ce moment-là – aujourd’hui aussi. Je composais vraiment ce qui me passait par la tête, les états dans lesquels j’étais : les doutes, les peurs, les joies, les amours… tout ça. J’ai vraiment essayé de travailler au millimètre les sons et les mots.
LFB : Justement, comment se construit ton processus créatif : est-ce que tu pars des mots que tu illustres en suite en musique, ou est-ce une mélodie, un son qui t’inspires un texte ?
MD : C’est soit des mélodies, soit des idées d’arrangement. Une basse avec un beat, des accords… Après je vais trouver des mélodies. Ou parfois ce sont des mélodies qui m’amènent sur des arrangements. Et je chante dessus, j’ai des petits mots qui arrivent. J’écris vachement par rapport à la mélodie, aux sonorités que ça peut avoir. Et après arrivent quelques mots qui me parlent, et j’écris dessus.
LFB : Tu as beaucoup parlé du temps qui passe.
MD : Oui t’as raison, parce que le temps passe trop vite. Et j’ai l’impression que ma tête n’évolue pas, dans le sens où j’ai l’impression d’avoir 14 ans, et le temps passe. Avant je me sentais un peu plus sauvage, un peu plus insouciant. Maintenant, on l’est un peu moins.
LFB : C’est rigolo d’ailleurs que tu partages la date avec Flavien Berger (pour la tournée de l’album Contre-Temps). Lui dit qu’il n’a pas peur du temps qui passe, alors que toi, à l’inverse, tu trouves qu’il passe trop vite.
MD : Je trouve qu’il passe vite, mais ça ne me fait pas peur. C’est juste qu’il passe vite. Je me dis qu’on a toujours été jeune, et qu’un jour, on ne le sera plus. C’est fou, ça. Greg (ndlr. son bassiste) et moi on sera toujours jeunes, on racontera toujours les mêmes conneries, toujours notre sens de l’humour.
LFB : Tu nous as livré un duo somptueux avec Etienne Daho. Tu as interprété également Bashung lors de «Immortel Bashung» : ça fait partie de tes grandes influences ?
MD : Daho, j’écoutais et j’écoute. Bashung, j’ai écouté sur le tard. J’écoutais «Plaies et Blessures», les derniers albums. Je me suis intéressé par la suite à ce qu’il a fait avant. Est-ce que ça m’a inspiré ? Je ne sais pas, peut-être inconsciemment.
Je suis très inspiré par James Blake, King Krule, Connan Mockasin… C’est vraiment des artistes qui m’inspirent beaucoup.
LFB : Tu as toujours écouté de la musique petit ?
MD : Toujours. Petit c’était Mickael Jackson, Led Zeppelin, Nirvana…
LFB : Et tu as toujours été musicien ?
MD : J’ai toujours chanté petit, mais j’ai jamais appris la musique, je ne connais pas la musique. Il y avait un piano chez mes parents, donc je pianotais pas mal. Mais ça m’a toujours accompagné. Quand j’avais 6 ans, je voulais être chanteur.
LFB : La tournée se prolonge jusqu’à quand ?
MD : Jusqu’à cet été, j’espère ! Le Trianon est passé, on va attaquer la suite. Un nouvel album, je vais me remettre à composer.