Déjà, de retour un an après l‘apparition de son premier album Qu’on leur donne de la brioche, Marek Zerba a sorti en toute discrétion son deuxième essai. Mais que lui arrive-t-il depuis notre dernière rencontre ? Pourquoi sortir de cette manière la suite de ses aventures ? Alors qu’il défendra, entre autres, ce nouvel album le mercredi 20 décembre au Supersonic (Paris 12), retour sur les raisons d’un Fiasco. Décryptage et analyse en 7 raisons.
Raison n°1 : Akoibon
Le début commence très mal car le titre est mal orthographié, ça pique des yeux. Marek Zerba se pose énormément de questions existentielles mais essentielles à l’inverse d’Oldelaf qui posait des constats sur La Tristitude . Fiasco débute de manière assez brute avec des des riffs agressifs et saturés qui accompagne une certaine frustration de l’auteur. La dérision de la vie se transforme ainsi en agacement de rituels oppressants. Et nous, comme des imbéciles, on finit par sourire et approuver ces interrogations. « À quoi bon finir cette chanson ? » se demande-t-il à la fin (désolé pour le spoil). Il aurait dû plutôt se demander Akoibon d’avoir écrit cette chanson.
Raison n°2 : Moustiques
Des percussions groovy, une ligne de basse rebondissantes et un hommage vibrant à notre insecte estival favori. Ces tonalités détonnent avec le morceau précédent. Elles sont assez entêtantes et dansantes pour créer la nouvelle danse du moustique sur le dancefloor. Ce titre a en plus tout d’un tube de l’été. Il est cependant regrettable que l’artiste se lance dans une tirade violente contre les moustiques, certes nocifs à nos heures de sommeil, et risque de se mettre à dos les défenseurs de la cause animale.
Raison n°3 : T’inquiète
Oh la la la ! Plus d’une minute et trente secondes d’intro instrumentale, nous voilà en plein égo trip musical. On avait oublié qu’il y avait des musiciens derrière Marek Zerba et pas n’importe lesquels. On retrouve notamment Romain de Pop Crimes ou encore Fred, l’ancien guitariste de Nor Belgrad. Ils assurent mine de rien la patte rock’nroll de notre cher Marek. Ce morceau est joué depuis longtemps en live par l’artiste, on ne cache pas notre plaisir de le retrouver en version album. Il exprime parfaitement notre procrastination légendaire qui pèse sur les êtres remplis d’incertitudes. Avec malice, il nous glisse le rapport du GIEC. Avec tactique, il fait encore écho aux moustiques. Il parvient à transformer ses analyses absurdes en constats amers du quotidien. Piégé par ses dires, on finit par l’accompagner en chantonnant « Ouais t’inquiète » ou plutôt « Wesh t’inquiète » pour le public jeune qui n’écoute pas forcément ce jeune talent.
Raison n°4 : Guitariste de plage
On s’étonne ici de l’intérêt porté le chanteur aux marchands de sables de la gratte. Ce titre tellement admiratif envers ce saltimbanque de l’été pourrait paraître comme un coming-out. Au lieu de cela, le musicien préfère se mettre à dos (encore) la communauté des guitaristes de plage qu’il considère comme des talents overrated et uniquement séducteur : « T’aimerais qu’il perce sur la nouvelle scène, il percera juste ton hymen ». Il se permet une telle comparaison sur une délicieuse mélodie qui rappelle le jeu de guitare sur Suck It and See d’Arctic Monkeys et la candeur de Christophe. Alors qu’on le sent plutôt envieux et moqueur par rapport à ce personnage, Marek Zerba réussit une parade étonnante et poétique sur les derniers dires de cette balade. Chapeau ! Il reconnaît que ce n’est pas évident pas de chanteur Wonderwall devant un public.
Raison n°5 : Sablé neigé
L’album poursuit des thématiques cousues de fil en aiguille. Les airs sont en revanche enveloppés sur différentes aspects. Ici, on flirte avec un style psychédélique cosmique baigné dans une atmosphère urbaine nocturne. On boit son verre de vin en se noyant devant ses belles paroles.
Raison n°6 : Champs-Elysées
Il nous avait déjà évoqué ses morceaux longs lors de notre entretien de l’année dernière. En voici une concrétisation avec un titre long d’une quinzaine de minutes. Ça va, Pink Floyd ? Il est fort à parier que le temps d’écoute de Champs-Elysées soit le même que la durée du parcours entier de la plus belle avenue du monde. En tout cas, encore une fois, Marek Zerba s’élance dans un registre musical très différent des précédents morceaux. L’instrumental y tient logiquement une place importante et permet d’installer une ambiance seventies de film noir par l’intermédiaire de riffs de guitares fuzzy et de notes de synthés mystérieuses. Le finish est d’une beauté absolue. C’est comme si une magie obscure libère des souvenirs enivrants. Les harmonies se veulent alors plus légères et sautillant eset on se sent bien. Cela méritait bien treize minutes d’attente.
Raison n°7 : Rire et jouir
Ainsi est la conclusion et la morale de cet album : se laisser bercer par ses propres plaisirs. On a l’impression d’entendre une bande son d’une série américaine des années 90 avec les touches synthétiques rappelant Cocteau Twins et ce solo de guitare enivrant. C’est très clairement une très belle fin. « Toujours les mêmes chansons, toujours les mêmes surprises » martèle l’artiste. Sauf que Rire et jouir est très surprenant par son approche instrumentale et la morale qu’il en ressort.
Fiasco pourrait se résumer à un road trip musical qui retrace les multiples influences de l’artiste. Marek Zerba propose sept titres aux entités bien différentes. Il parvient par cet album à aller au-delà de l’image du chanteur à textes pour nous offrir une production musicale variée et vibrante. Il ne cesse de nous tourmenter par ses pensées désorientées, décalées et souvent poétiques. Au final, on ne parvient pas à se détacher de ce disque et on se replonger même à l’intérieur pour une nouvelle écoute. Fiasco se résume en une escapade intimiste qui a la force d’étonner et de se renouveler à chaque écoute. Il est peut-être là l’échec de Marek Zerba : nous partager d’innombrables pépites en oubliant qu’il est une aussi.
Crédit photo : Florian Duboé