Un monde nouveau, on en rêvait tous. Enfermé chacun chez soi, alors que tout semblait se renfermer sur nous comme un piège inextricable, on se l’était promis, on l’avait juré : demain serait différent. Et puis ? Et puis rien, l’univers à repris sa course délétère, ponctué ici et la par la litanie gouvernementale et les discours qui nous divisent chaque jour un peu plus. Alors que faire ? Baisser les armes ? L’option est tentante, mais elle sera poliment écarté du bout des doigts. À la place, on ira chercher des portes voix, des héros tapis dans l’ombre et qui nous ressemble trop pour vouloir notre mal. Et cette semaine, c’est Martin Luminet qui se fait notre porte parle avec son nouveau titre, Monde.
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Aujourd’hui, on a décidé de parler à nos semblables, un petit cri du cœur lancer à ceux qui se sentent de trop, ceux qui ressentent trop fort, qui percutent pas tout ce qui se passent au bon moment. Les brebis égarés qu’on utilise trop facilement pour ensuite laisser leur carcasse encore chaude dans un coin sombre. Ceux qui ont compris que oui, définitivement, l’homme est un loup pour l’homme et que l’ennemi peut aussi bien être celui qui se présente face à nous avec un sourire et un couteau dans les mots que celui qu’on regarde dans le miroir le matin et dans lequel on ne se reconnait pas toujours.
On voudrait parler à ceux qui douillent parce que ce sont eux qui ont appris deux choses absolument nécessaires : l’acceptation et la résilience. Ceux qui, malgré les taules, ne perdent pas confiance, continuent d’avancer et à vouloir chercher l’autre, parce qu’un être seul est vulnérable mais avec ses semblables, il peut tenir le danger à l’écart. Ceux qui vivent avec leur failles comme une fierté plutôt qu’un poids trop lourd à porter, qui continuent d’avoir le regard qui brille de curiosité et d’envie.
Ceux là avaient besoin d’un cri de rappel, un morceau pour leur rappeler dans les moments de doutes qu’ils sont une force vive, un rouage nécessaire. C’est désormais chose faite grâce à Martin Luminet et son titre Monde.
Il nous avait déjà fait le coup avec Coeur, il revient donc nous bouleverser avec Monde. Il nous l’avait confié en interview, et il le prouve une nouvelle fois, Martin déroule ses textes comme un flot ininterrompu, comme si le temps était compté et qu’il y avait trop de choses à dire, trop de choses à faire pour perdre ne serait-ce qu’une seconde à hésiter. Cette sensation est accentuée par la composition, discrète mais d’importance, avec ce beat qui cogne comme un coeur qui voudrait sortir de sa cage thoracique, cette vague électronique qui nous berce et qui permet au monologue d’être sur-élevé, d’être encore plus percutant et frappant, notamment dans ses refrains qui agissent comme des petites explosions et où il délaisse son phrasé spoken pour un chant qui a tout de l’appel aux foules.
Ici, chaque mot est pensé, réfléchi, chaque punchline est pesé car elle a à chaque mouvement son importance unique, tout autant que les respirations qui les tranchent, celle d’un artiste qui récupère l’air pour mieux reprendre son chemin de destruction et de reconstruction, cette course poursuite pour finir par s’aimer soi même et par conséquent pouvoir aimer les autres. Des morceaux cinématographiques comme une longue montée en tension, une course effrénée pour récupérer la lumière au bout du chemin.
Mais contrairement à Coeur, les tenants et les aboutissants sont différents avec Monde. Si la première était un cheminement intime, la seconde est une tornade qui oublie le singulier. Ici Martin Luminet devient un être monde, il s’efface pour devenir une zone de flou collective, refusant les codes d’une époque schizophrène qui cherche à faire croire au front commun tout en mettant sur un piédestal les égos et les forces, cherchant au final à définir un idéal qui ne convient à personne et qui ne fait que créer frustrations et violences.
Toute la force de ce nouveau morceau réside dans cette idée : ouvrir ce texte sur une paix de surface qui trempe sa lame dans l’incompréhension et les rapports de force biaisés avant de développer un propos qui va venir exploser les murs qu’on a érigé autour de nous pour contenir toutes nos aspérités. Une fois cela fait, il peut ainsi, avec cette écriture inclusive, nous rappeler qu’on se ressemble tous dans ce qu’on cherche à cacher plutôt que dans les mensonges qu’on voudrait montrer à l’autre.
Cette idée trouve son extension dans le clip qu’il réalise lui même. À travers cette nuée de portables Martin Luminet nous rappelle notre quotidien, la manière dont on a vécu le monde sur l’année passée. Les portables étant devenus la plupart du temps notre seul moyen de connexion au monde et aux autres. Martin évolue donc dans ces écrans, continuant le travail opéré dans sa précédente vidéo, insérant ici et là des images des vidéos, des extraits de films, ou de clips (dont celui d’une artiste qu’on aime beaucoup) pour surélever les thématiques de son morceau.
Ici on retrouve donc des hommes qui pleurent, des foules qui se réunissent pour des combats nécessaires, des hommes et des femmes qui se confrontent aux injustices, qui cherchent à se reconstruire et bien sûr, une petite apparition de Batman. Tout ce que Monde est se joue dans ce puzzle ludique où l’on s’amuse à détecter des éléments qui nous ressortent de nos souvenirs et qui permettent au clip d’être encore plus percutant.
Et parce qu’on est toujours meilleur avec les autres, il est important de noter le travail remarquable de l’équipe qui accompagne Martin Luminet sur ce clip, que ce soit une partie de la sale affaire (coucou, on vous aime) à l’étalonnage et au montage, qui permet au clip d’avoir sa couleur unique et sa fluidité assez folle mais aussi le travail assez impressionnant de Mehdi Daroux / SHAKY PROD et Julien G.Szantaruk aux effets visuels qui permettent à toute cette histoire de prendre vie sur ces écrans de portables disparates et qui donnent toute leur force à Monde.
Vous l’aurez compris, notre monde d’après, on le vivre avec Martin Luminet et ça tombe bien, il arrive bientôt avec Monstre, son premier EP prévu pour le 4 juin.
Photo couverture et article : Cédric Oberlin.