Mathieu des Longchamps sort aujourd’hui son deuxième album Le vert et le bleu, collection de chansons entre terre et mer, nostalgie de l’ailleurs portée par une écriture sensorielle et une réalisation lumineuse.

C’est un disque qui ressemble à une attente rêveuse. Le voyageur, coincé dans le métro, songe au sac qu’il aimerait pouvoir remettre sur son dos. Il songe aux chaussures de randonnée qui se morfondent dans son appartement parisien. Il regarde par le hublot, c’est gris. Il contemple la vie spectaculaire des autres sur son écran de smartphone. Avec un pincement au cœur. « Un jour on aura la vie des autres/une vie grandiose » écrit Mathieu des Longchamps sur le premier titre de l’album. Temps mort de la vie où l’on songe au vert de la jungle et au bleu de la mer.
Pour son second album, Mathieu des Longchamps a refait équipe avec le réalisateur Stan Neff (Coline Rio, Clou, Brigitte). Il s’est entouré d’une brillante escouade de musiciens, a continué son partenariat avec la manageuse Isabelle Vaudey, qui, décidément, confirme son flair et son bon goût en matière de chanson. On ne change pas une équipe qui gagne. Sauf que l’humeur, ici, ne semble pas à la fête, mais davantage à la nostalgie – jamais pesante pour autant.
Car c’est un album que l’on passe à chercher l’ailleurs, l’endroit parfait. Le présent nous y échappe. Ailleurs qui, peut-être, est autant un endroit qu’une sensation ; le vert de la vie qui frémit, la liberté toute bleue que l’on bâfre avec les poumons. Celle qui nous manque. Mathieu des Longchamps a laissé l’espagnol qui ponctuait son premier disque pour le français, ici presque exclusivement (à l’exception d’un refrain en italien). On peut s’imaginer pourquoi, lui qui nous expliquait il y a quatre ans que le français était la langue de « l’hiver parisien, les lampadaires, le froid, la vie réelle ». Ici elle devient la langue d’une chaleur qui fait défaut, que l’on recherche dans le fantasme (Étoile filante), le souvenir (Nos bâtisses, sublime), la projection (Le vert et le bleu).
Rarement le son d’un disque aura-t-il si bien épousé son propos. Parce que l’endroit idéal, on le croit, est précisément ici. C’est une île que forme la matière vivante des guitares, du violoncelle, des pianos étouffés, des mille percussions curieuses. Un bestiaire où se pose la voix de Mathieu des Longchamps, conteur habile, poète du voyage, du mouvement. De la sensation – fourmillent à travers les morceaux odeurs, textures et lieux. Le vent sur la peau, les embruns qui se suggèrent. C’est un disque qui est ce qu’il raconte. La mémoire de la chaleur l’habite dans chaque note. Il incarne l’ailleurs qu’il semble regretter. Aussi peut-on comprendre la tentation de s’abîmer dans le vert et le bleu du fantasme au fur et à mesure que, nous aussi, expérimentons l’envie de se replonger dans son écoute.
Mais voilà tout : à la fin de l’album, une porte s’ouvre. C’est le (très) beau Perdre son étoile. Où le piano est pour la première fois moteur des refrains. Où l’espoir refait surface. La vie, c’est le mouvement, semble nous dire Mathieu des Longchamps. Et quoique les égarements et la perte ponctuent parfois le voyage, rien en nous ne doit se plaire à la tristesse. « Il ne faut pas perdre son étoile/pour un simple naufrage/il faut saisir la faveur des vents/pour reprendre le large » écrit-il.
Pour conclure les onze titres, un accord de Si bémol majeur, posé lumineusement par le piano. On pourrait croire la chose anodine, mais au terme d’un morceau qui semblait à s’y méprendre en Fa mineur, c’est une nouvelle tonalité qui se suggère. Lueur d’espoir, hypothèse d’une modulation à venir. Le voyageur, peut-être, a remis sur son dos le sac qu’il regrettait. Ajusté à ses pieds les chaussures qui languissaient dans le salon. La vie, c’est le mouvement. Hasta pronto Mathieu. On a déjà hâte de te revoir.
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