Matthew E. White : « K Bay est une métaphore de la création de mon propre espace »

Pour son troisième album solo Matthew E. White délivre son plein savoir-faire en tant que songwriter et producteur. Le musicien américain basé à Richmond en Virginie a délaissé pour un peu ses fonctions à la tête de son label Space Bomb (Bedouine, Foxygen, …), pour se concentrer à la création de K Bay – du nom de son studio personnel, Kensington Bay – un album lumineux toujours original, une exploration de multiples territoires musicaux, inspirée de pop, de jazz, de lo-fi, de hip hop, ou encore de disco… Le musicien qui cite Miles Davis, ESG ou Iggy Pop comme influences clés de certain des morceaux nous en dit un peu plus sur la création de cet opus…

Matthew E. White
Crédit photo : Cameron Lewis

English version below

La Face B : Salut ! Comment ça va ?

Matthew E White : Ça va bien ! Comment vas-tu ?

LFB : Ça va bien ! 

K Bay, ton troisième album solo est sorti la semaine dernière. Qu’est-ce que ça fait de l’avoir révélé au grand jour ?

MEW : C’est génial ! D’une certaine manière, c’est un peu surréaliste. L’album est terminé depuis le printemps 2019. Je n’y ai pas touché depuis. Donc pour moi, c’est – je ne veux pas dire que ce n’est pas frais – mais je le connais très bien !

C’est très agréable de le partager avec d’autres personnes parce que je le gardais pour moi depuis un moment. Et c’est aussi étrange, parce que d’habitude, à cette époque, je m’active, je m’apprête à faire des concerts, à prendre la route et à prendre des avions partout. C’est vraiment, vraiment, vraiment une période chaotique de ma vie. Et là c’est comme si c’était sorti vendredi, et que j’étais de retour chez moi, comme si je vivais une vie normale. C’est juste bizarre. C’est tellement différent des autres sorties d’album à cause du COVID. Et il faut que ce soit comme ça et c’est bien. Mais c’est très étrange, il y a un calme étrange à tout ça.

LFB : Oui, j’imagine. Bien que tu dirigeais le processus créatif de tes autres disques, tu avais toujours écrit avec d’autres personnes. Pour celui-ci, tu as écrit la plupart des chansons seul. En quoi est-ce différent ? Et as-tu apprécié l’expérience ?

MEW : Oui, c’est différent. Je pense que le résultat est très différent. Tu es en quelque sorte capable de guider les choses un peu plus clairement. Ou, je ne sais pas, on obtient définitivement un autre type de chanson, c’est sûr. Et c’est bien. La plupart du temps, c’est bien.

C’est aussi beaucoup plus difficile, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup plus difficile. C’était plus dur aussi, parce que tu as le temps et l’espace pour être plus dur avec toi-même.

Donc je pense que j’ai apprécié l’expérience dans le sens où j’ai vraiment apprécié ce qui en est ressorti. Ce n’est pas une expérience particulièrement agréable de travailler sur les chansons. Parce que, l’écriture de chansons, c’est juste se taper la tête contre le mur en essayant de trouver la rime ou la bonne ligne ou… c’est une pratique vraiment épuisante.

Et j’ai aimé ça ! J’aime travailler comme ça. Mais c’est aussi dur. Ce ne sont pas des vacances. C’est dur. Mais c’était bien. C’était bien parce que le but de l’album était d’obtenir cette sorte de « tout mettre sur la table » pour moi, comme tout ce que j’apporte à la table en termes de ce que je fais, s’assurer que je le fais à fond. Tu sais, vraiment mettre tout ça dans le disque et j’ai vraiment l’impression qu’avec l’écriture des chansons, j’ai été capable de beaucoup le faire. C’est presque ça.

LFB : Et tu as travaillé avec de nombreux musiciens, il y a un orchestre… Et tu as mentionné que Nathalie Prass avait un peu participé…

MEW : Oui ! Natalie a participé pendant une heure un soir où elle est passée au studio et je lui ai fait chanter quelque chose. C’était donc assez informel.

Mais oui, l’orchestre, j’investie définitivement sur les arrangements et j’aime vraiment cette partie. J’aime vraiment ce que les arrangements apportent à une chanson et comment ils peuvent encadrer une chanson et comment ils peuvent ajouter de la profondeur émotionnelle aux choses parfois et/ou de la froideur, ou de la chaleur… C’est un son vraiment flexible même s’il est tellement attaché à une tradition. Mais oui, j’ai vraiment apprécié ça. Donc je m’assure qu’il y en ai un si je peux.

LFB : L’album est maximaliste. C’est très riche, c’est groovy, c’est chaud, et c’est vraiment expansif. Il y a une instrumentation dense avec des textures et beaucoup de détails. Quel a été le processus d’écriture de K Bay?

MEW : Le processus d’écriture des chansons, ou le processus d’écriture de la musique ?

Le processus d’écriture de la musique, la partie production, qui la compose, était… j’écris toutes les chansons au piano, donc tu as un tas de chansons qui sont écrites et tu sais quel genre de disque tu veux faire, en termes de densité, et de sensation et de rythmes et des choses comme ça.

Donc tu choisis les chansons qui correspondent à ça. Tu sais qu’elles vont fonctionner avec ça, ce qui te permet d’avancer un peu plus loin sur le chemin, juste par leur nature innée.

Et puis j’ai passé beaucoup de temps à prendre des notes sur chaque chanson, ce que je voulais essayer, d’où je voulais que la production vienne. Parfois, j’écrivais des notes sur une page, je voulais que ce soit une sorte de ligne mélodique ou une ligne de fond. Donc, la plupart du temps, il s’agissait juste d’écrire du texte. Il y a probablement 200 pages, Google Doc, qui ne sont que des notes sur des chansons. C’est assez fou (wild). C’est beaucoup de notes. Et les musiciens vont jouer, et tu te demandes par quoi ils vont commencer. Par exemple, quels sont les rythmes ? Beaucoup de mémos vocaux…

Et encore une fois, tenter d’organiser tout ça pour que ça ne se perde pas. Parce qu’il est si facile d’avoir une idée un jour ou l’autre, et puis elle disparaît par la fenêtre. Et donc c’est beaucoup de choses.

Parfois c’est juste réfléchir. Je pense que c’est une partie sous-estimée du processus, c’est juste s’asseoir, écouter la chanson et y penser. Tu fais un brainstorming de pensées pures, comme, « Où est-ce que ça pourrait aller ? »

Et puis à chaque étape du processus, tu enregistres la section rythmique, tu enregistres le groupe. Et ensuite, tu te demandes: « Quel pourrait être l’arrangement ? ». Comme s’assurer que l’ordre des opérations est établi de sorte que chaque étape puisse répondre à l’étape précédente. Ce n’est pas seulement prédestiné.

Parce que très souvent, sur une tonne de disques que je fais, les gens ne comprennent pas ça. Ils ne prennent pas de temps entre l’enregistrement du groupe et l’arrangement, et leur arrangement doit répondre à ce que le groupe a fait pour être aussi bon que possible. J’ai donc pris le temps de réfléchir et de pivoter quand j’en avais besoin pour que chaque étape du studio soit efficace et ne soit pas juste là parce que je l’ai mis là. Cela a bénéficié aux chansons. Est-ce que ça a du sens ?

LFB : Oui.

Et tu parles du fait que tu as superposé deux versions…

MEW : Parfois.

LFB : Ok, je me demandais si c’était une technique pour tout l’album ?

MEW : Non, juste quelques fois.

LFB : D’accord. Et comment tu as élaboré cette technique ?

MEW : C’est drôle, je n’ai jamais entendu parler de quelqu’un d’autre qui faisait ça exactement. Mais c’est en quelque sorte basé sur… C’est une combinaison de musique de collage de bandes (track).

Il y a une Histoire de ça dans la musique classique du début du 20ème siècle, mais aussi dans la musique jazz expérimentale du début des années 70. Par exemple, une grande partie de la musique de Miles Davis de cette période est constituée d’improvisations prolongées, puis équilibrées pour en faire des compositions plus ou moins lucides.

Je suis relativement familier avec ces deux Histoires, et cela m’intéresse beaucoup. Le côté compositeur de mon cerveau. Et puis il y a évidemment une forte… dans le monde du hip hop ou dans la musique moderne issue de la production hip hop, c’est juste l’idée de sampler et de prendre des bribes de choses et de les retourner et de les écraser ou de les changer ou de les déformer et de les faire ressembler à… tu sais, juste mettre un tas de choses ensemble à la manière d’un collage.

Et la production hip-hop m’a énormément influencé dans la façon dont ils associent les choses. Parce qu’il y a beaucoup d’associations disparates et de moules. Ils échantillonnent des choses comme… qui sait, comme un chanteur folklorique grec ou un enregistrement de terrain, et puis ils le retournent et le mettent sur B et ça devient un morceau de Nicki Minaj ou autre, tu sais, c’est comme ça que ça marche. Et je trouve ça vraiment intéressant.

J’ai donc voulu me créer une sorte de bibliothèque de samples, dont je savais qu’elle serait compatible, et je pouvais dicter les palettes de sons qui allaient être utilisées. J’ai donc enregistré toutes ces versions alternatives des chansons qui étaient instrumentales et vraiment très distillées et les versions détraquées de la chanson – vous ne reconaîtriez pas à la chanson si vous les entendiez – mais je savais qu’elles fonctionneraient si elles étaient placées les unes sur les autres.

Et j’ai ça dans ma poche arrière au cas où… L’exemple le plus clair est le tout début de l’album, les 20 premières secondes de l’album sont issues d’une toute autre session. Puis elles ont été collées dans la partie principale de la chanson.

Donc ça vient du monde de la production hip hop, mais aussi du classique, de certaines techniques et d’une sorte de collage de bandes (track) très expérimental. Ce genre de choses se passe pratiquement dans ma tête. Cela n’arrive pas si souvent sur le disque, mais c’est devenu tout ce disque avec Lonnie.
J’ai sorti un disque il y a six mois. C’est en fait toute cette musique. Lonnie Holley a chanté par-dessus. C’était une chance.

LFB : Peux-tu nous parler un peu de cet album ?

MEW : Oui. Quand j’ai terminé K Bay, j’avais des tonnes de musiques instrumentales qui n’allaient pas être utilisées sur l’album. Mon plan était de le terminer à la Teo Macero-meets-King Tubby et d’essayer de le sortir d’une manière ou d’une autre. Mais lorsque j’ai donné un concert avec Lonnie, il est apparu clairement qu’une meilleure version de l’idée serait de faire la même chose mais de le faire chanter par-dessus les instrumentaux. Je lui ai demandé s’il accepterait de le faire, et il a accepté.

J’ai découpé et doublé les pistes avec mon ami Adrian et j’ai passé un après-midi à enregistrer avec Lonnie. Et voilà le disque s’appelle Broken Mirror : A Selfie Reflection et c’est le yin du yang de K Bay. Si j’avais vraiment fait ce que je voulais, ils seraient probablement sortis en même temps, ils sont frère et sœur, et ils représentent à la fois les effets de la planification et ceux de la spontanéité.

LFB : Il y a une chanson sur l’album, Only In America / When the Curtains of this Night Are Peeled Back, qui est vraiment forte et qui aborde les violences policières envers la communauté noire. A-t-elle été écrite en lien avec le mouvement Black Lives Matter qui s’est produit récemment ?

MEW : Elle a été écrite bien avant. Donc ça permet de donner à cette chanson un contexte plus intéressant. C’est pour ça que c’est vraiment étrange. Je ne sais même pas comment le décrire, mais c’était étrange d’avoir cette chanson enregistrée, totalement terminée, prête. Et puis que tout ça arrive en 2020. George Floyd et Ahmaud Arbery, et tous ces traumatismes. C’est exactement ce que j’avais écrit à ce sujet. Pas que ce soit surprenant, nécessairement, mais c’était juste étrange. C’était bizarre.

Parce que tu sais que tu vas sortir ça et tu sais, surtout la façon dont cette chanson fonctionne, où il s’agit juste de nommer des noms et… tu sais, à ce moment-là, le nom qui était en quelque sorte la goutte d’eau qui a fait déborder le vase d’une certaine façon, comme le meurtre de George Floyd, n’allait pas être représenté dans la chanson. Ce qui au départ, était une déception, mais en même temps, je sens que…

LFB : C’est toujours d’actualité.

MEW : Oui, et ça montre que c’est un problème qui perdure, que c’est presque bizarrement plus puissant ou que ça ajoute une autre dimension au fait qu’il y a toute cette chanson qui énumère les noms de la brutalité policière, d’une manière ou d’une autre, et qu’il n’y a pas ces noms qui sont entrés dans l’histoire. Et c’est vraiment fascinant.

LFB : L’album est un mélange… il y a des chansons vraiment dramatiques, comme Fell Like an Axe, et des chansons réconfortantes comme Nested, Let’s Bowl, qui est une chanson de danse folle. Et la plupart des morceaux de l’album parlent d’amour et du temps qui passe. Dans quel état d’esprit étais-tu lorsque tu as composé K Bay ?

MEW : Oui, je pense que c’est une bonne question. Je veux dire, beaucoup d’entre elles parlent, oui, de l’amour et du temps qui passe – j’aurais aimé avoir cette phrase, je l’aurais beaucoup utilisée dans beaucoup d’interviews !

Je pense que cela vient en grande partie de… mes relations ont toujours eu une influence sur mes compositions. C’est juste naturel. C’est presque de la mémoire musculaire, mais dans le bon sens du terme. Cela me passionne. Tu finis donc par écrire sur ce sujet, mais cette fois-ci, j’ai vraiment l’impression que le temps passe et je pense à cela un peu plus.

Je suis marié depuis quelques années, et quand on a la trentaine, on est un peu à la limite de la jeunesse. Pour moi, Big Inner (2013) est sorti quand j’avais 30 ans. Là j’ai eu des moments de réflexion sur la place que j’occupe maintenant par rapport à ma famille, à ma femme ou à mes parents et où ils en sont. Et je ne sais pas, je réfléchis un peu plus au temps et à l’âge, pas d’une manière plus informée, je le remarque juste un peu plus. Et sa relation avec l’amour et les relations et l’engagement et tout ce genre de choses qui sont parfois compliquées.

LFB : L’album a été enregistré à K Bay, Kensington Bay, qui est ton propre studio d’enregistrement. Peux-tu nous en parler et est-ce que l’album était le premier que tu as enregistré là-bas ?

MEW : J’ai enregistré l’album dans un tas d’endroits différents. Je pense que K Bay est vraiment important en tant que métaphore de la création de mon propre espace. Tous mes disques précédents – mes disques solos – ont dû avoir plusieurs narrations. Il y avait mon histoire et celle de Space Bomb (le label de MEW) qui a été si importante pour le lancement de ma carrière, ce qui a été génial, mais en même temps, ça rend les choses compliquées parfois. J’ai fait Big Inner pour lancer Space Bomb et j’ai donc dû faire face à ça. Et Fresh Blood est sorti dans la foulée.

J’en suis arrivé à un point où j’avais besoin d’être un peu plus agressif pour délimiter mon propre espace, à la fois physiquement, émotionnellement et spirituellement. Et mon travail pour Space Bomb est génial et important, mais il est différent de mon travail personnel. Ça peut être déroutant pour moi parfois, mais aussi pour des gens comme toi ou pour des journalistes…

Et K Bay est juste représentatif de ça. C’est représentatif du fait que j’ai mon propre espace et mon propre style et mon propre ensemble de décisions qui est séparé de Space Bomb. Et c’est là que j’ai écrit toutes les chansons où j’ai fait toutes les voix pour le disque, ce n’est pas là que j’ai enregistré. J’ai enregistré la majeure partie du disque dans un endroit appelé Montrose Recording dans le nord de Richmond.

Mais K Bay est important spirituellement et métaphoriquement, comme mon port d’attache. Et Space Bomb n’est plus mon port d’attache de la même manière qu’il l’était. C’est devenu quelque chose de différent. C’est devenu un label de disques qui fonctionne, il y a des employés et tout, c’est fou ! Et ce n’est pas pareil.

Je ne veux pas dire que ce n’est pas pareil dans le mauvais sens du terme. Je veux juste dire que ça s’est développé au point que c’est un effort communautaire et une chose commune et ma carrière solo est représentative de moi-même et elle s’interface avec la communauté pour sûr, mais j’ai besoin d’avoir mon propre endroit dans mon propre espace mentalement et physiquement.

LFB : Les concerts reprennent et tu vas faire une tournée en Europe. Juste au Royaume-Uni. Tu ne vas pas en France ?

MEW : On verra. C’est en quelque sorte à confirmer. C’est un peu flexible. J’aimerais étendre cette tournée. Mais c’est difficile en ce moment.

LFB : Oui, c’est vrai. As-tu déjà pu jouer K Bay sur scène ?

MEW : En quelque sorte. J’ai joué un concert, mais c’était en première partie de quelqu’un d’autre. Ce n’était pas vraiment représentatif. Mais oui, je suppose que la réponse est oui.

LFB : Es-tu excité à l’idée de présenter l’album en live ?

MEW : Oui, je suis impatient. Ce disque est totalement différent de mes autres disques dans le sens où je pense qu’il se traduira assez facilement sur scène. Les autres ont été un défi. C’est presque comme si j’avais dû créer un tout autre arrangement pour tout.

Mais celui-ci va très bien se traduire je pense. Je pense qu’il est vraiment énergique et que ce sera vraiment amusant à jouer. Je suis vraiment excité. Le groupe est vraiment bon, les mêmes gars que sur l’album, et oui, je suis impatient !

LFB : Y a-t-il des choses que tu as découvertes récemment et que tu aimerais partager avec nous ?

MEW : Oui, j’ai écouté le nouvel album de Madlib, Sound Ancestors. Ce n’est pas super nouveau, mais c’est assez récent. Je l’écoute pratiquement tous les jours depuis sa sortie. Je pense que c’est un artiste incroyablement doué.

LFB : Merci !

Matthew E. White

English version

For his third solo album Matthew E. White delivers his full know-how as a songwriter and producer. The American musician based in Richmond, Virginia, has left his duties at the head of his label Space Bomb (Bedouine, Foxygen, … ), to concentrate on the creation of K Bay – named after his personal studio, Kensington Bay – a luminous album always original, exploring multiple musical territories, inspired by pop, jazz, lo-fi, hip hop, or even disco… The musician who mentions Miles Davis, ESG or Iggy Pop as key influences of some of the tracks tells us a bit more about the creation of the record…

La Face B : Hi! How are you?

Matthew E White: I’m good! How are you?

LFB: I’m good!  

K Bay, your third solo album, came out last week. How does it feel to have it out in the world?

MEW: It feels great! In a way, it’s a little surreal. It’s been done since spring 2019. I haven’t touched it since then. So for me, it’s – I don’t want to say it’s not fresh – but I’m very familiar with it. 

It’s very nice to share with other people because I’ve been sitting with it myself for quite some time. And it also feels strange, because usually around this time, I’m kind of hustling around trying to get ready to go play shows and getting on the road and taking planes everywhere. It’s generally a really, really, really chaotic time of life. And the record came out on Friday, and I’m just back to my house living normal life. It’s just weird. It’s so different than other album releases because of COVID. And that just has to be what it is and that’s fine. But it’s very strange, strange calmness to it all.

LFT: Yes, I bet.

Despite leading the creative process for your other records, you always wrote with other people. For this record, you’ve written most of the songs on your own. How was it different? Did you enjoy the experience?

MEW: Yeah, it’s different. Well, I think that the outcome is a lot different. You are able to guide things a little bit clearer. You definitely get a different kind of song for sure. And that’s nice. Most of the time, that’s nice. 

It’s also a lot harder, a lot, lot, lot, lot, lot harder. It was harder because you have the time and the space to be harder on yourself. So I did enjoy the experience in the sense that I really enjoyed what came out of it. It’s not a particularly enjoyable experience working on the songs because songwriting is just banging your head against the wall trying to get the rhyme or trying to get the right line or… it’s a really exhausting practice. And I enjoyed that! I enjoy working like that.

But it is also hard, it’s not a vacation. It’s tough. But that was good because the whole goal of the record was to get this kind of “put everything out there” for me. As whatever I’m bringing to the table in terms of whatever I do, make sure I do it all the way into it. You know, really leave it out there on the record and really put it into the record and I definitely feel like with the songwriting I was able to do a lot of that. Come close to that. 

LFB: And you’ve worked with many musicians, there’s an orchestra… And you mentioned that Nathalie Prass participated a little bit…

MEW: Yeah! Well, Natalie participated for like an hour one night when she just dropped by the studio and I made her sing something. So that was pretty informal. 

But yeah, the orchestra. I definitely spend on arrangements and I really enjoy that part. I really enjoy what arrangements should bring to a song and how they can frame a song and how they can add emotional depth to things sometimes and/or coldness, or warmth … it’s really flexible sound even though it’s so attached to a tradition. But yeah, I really enjoyed that. So I make sure it’s around if I can.

LFB: The album is maximalist. It’s very rich, it’s groovy, it’s warm, and it’s really expansive. And there’s dense instrumentation with texture and a lot of details. What has been the writing process of K Bay?

MEW: Like the songwriting process, or like the music writing process?

The music writing process – the production part of it, that composes it – was… I write all the songs on piano, so you have a bunch of songs that are written and you kind of know what kind of record you want to make, in terms of density, and feel and rhythms and stuff like that. 

So you pick out the songs that match that, that are going to work with that. They hopefully lead you a little bit farther down the path, just by their sort of innate nature. And then I spent a long time just making notes about each song, what I wanted to try, where did I want the production to be coming from…

Some of it is actually writing notes on a page. It’s like I want this to be kind of like a melody line or background line. So a lot of times, it’s just writings text. There’s probably a 200 page Google Doc that’s just notes about songs. It’s pretty wild. It’s a lot of notes. And, you know, just like one of the guys is going to play, what are they going to start out with? Like, what are the rhythms, a lot of like voice memos…

And again, it’s trying to organise all that stuff so it doesn’t get lost. Because it’s so easy for you to have an idea one day and then it kind of goes out the window. And so it’s a lot of things. 

I mean, sometimes it’s just thinking. An underrated part of the process is just sitting there listening to the song and thinking about it. You’re brainstorming pure thoughts, like, “Where could this go?”

And then each step of the process you record the rhythm section and you record the band. And then it’s like, well, “what could the arrangement be?”. Like making sure that the order of operations is laid out so that each step can respond to the step before. It’s not just predestined.

People don’t understand that. They don’t build in time between recording the band and making the arrangement. And their arrangement needs to respond to what the band did to be as good as it can be. And so just building in time to reflect and to pivot when I needed to pivot so that each stage of the studio was effective and wasn’t just there because I put it there, then it could actually work for the benefit of the songs.

Does that make sense?

LFB: And you talk about the fact that you layered two versions… 

MEW: Sometimes.

LFB: Ok, I was wondering if it was like a technique for the whole album? 

MEW: No, it just comes up a few times. 

LFB: Alright. How did you come with the technique? 

MEW: You know, it’s funny, I’ve never heard of anyone else doing this exactly. But it’s sort of based off of… It’s a combination of tape collage music which is based… there’s a History of it in the early 20th century classical music, but also in early 70s experimental jazz music. Like a lot of Miles Davis music from that period is extended improvisations and then kind of chart together to make more than one lucid compositions. 

And both of those histories I’m relatively familiar with, and I’m very interested by that. Like, the composer side of my brain. And then there’s a obviously a strong… in the hip hop world or in modern music coming out of hip hop production is just the idea of sampling and taking snippets of things and turning them around and mashing them up or changing them or mangling them up and having them be… you know, just kind of putting a bunch of things together in a collage way. 

And hip hop production is hugely influential to me in terms of how they pair things. Because there’s a lot of disparate pairing and moulds, they’re the sampling like… who knows, like a Greek folk singer or something field recording, and then they flip it and put it over B and that becomes like a Nicki Minaj track or something, you know, that’s like how that works. 

And so that is really interesting to me. So I wanted to create a sort of a sample library for myself that I knew would be compatible, and I could dictate kind of what the sound palettes were going to be. So I just recorded all these alternate versions of the songs that were instrumental and were really distilled and the fucked up versions of the song – they wouldn’t read as the song if you heard them – but I knew that they would work if they were placed over on top of each other. 

And just I have that in my back pocket if there was like a moment that I thought like… The clearest example is the very beginning of the record, the first 20 seconds of the record are from a whole other session and then it cuts into the main part of the song.

So it’s coming out of hip hop production world, but also out of classical, some techniques and sort of very experimental tape collage stuff and it’s not… All that kind of stuff is going on in my head practically. It doesn’t happen that many times on the record, but it did turn into that whole record with Lonnie. I released that record six months ago. That’s basically all of that music. Lonnie Holley singing over it. That was fortunate.

LFB: Can you tell us a bit about this album?

MEW: Of course. When I finished K Bay I had tons of instrumental music that wasn’t going to be used on the album. My plan was to finish it a la Teo Macero-meets-King Tubby and try and release it somehow. But when I played a show with Lonnie it became very clear that a better version of the idea would be to do the same thing but have him sing on top of the instrumentals. I asked him if he would consider that, and he agreed.

I chopped up and dubbed the tracks with my friend Adrian and spent one afternoon recording with Lonnie. And that’s the record, it’s called Broken Mirror: A Selfie Reflection and it is the yin to K Bay’s yang. If I had really had my way they probably would have been released as one, they are brother and sister, and they represent both the effects of planning and the effects of spontaneity.

LFB: There a song on the record, Only America When the Curtains of this Night Are Peeled Back, which is really strong and addresses race inequality and trauma. Was it written in connection with the Black Lives Matter movement which happened recently?

MEW: It was written a long time before that. So it kind of helps give that song actually some more interesting context. This is why it’s really it’s strange. It was really strange. I don’t even know how to describe it, but it surely was odd to have that song recorded, totally finished, just sitting there. And then have all that stuff happen in 2020. George Floyd and Ahmaud Arbury, and all that trauma. That was exactly what I had written about that. Not that it’s surprising, necessarily. But it was just strange. It was odd.

Because you know you’re gonna release this and you know, especially the way that song works, where it’s just like naming names and at this point the name that was sort of the straw that broke the camel’s back in some ways, like, the George Floyd killing, it’s like that wasn’t going to be represented in the song. Which initially was kind of a bummer, but at the same time, I feel like it…

LFB: It’s still relevant. 

MEW: Yeah and it goes to show you that it’s a continuing issue. That it’s almost weirdly like more powerful or, adds another dimension to the fact that there’s this whole song listing names of police brutality, in one way or another and then it doesn’t have these names that have become hatched in history. And that’s really fascinating.

LFB: The album is a mix, there are really dramatic songs, like, Fell Like an Axe, and heartwarming songs like Nested, Let’s Bowl, which is wild dancing tune. And most of the songs on the record, are otherwise about love and time passing by. What state of mind were you when you were composing the record?

MEW: Yeah, I think that’s a good question. I mean, a lot of them are about, yes, love and time passing by – I wish I had that line I would have used that a lot in a lot of interviews! 

I think a lot of it is just coming from… my relationships have always been influential to my songwriting. That’s just a natural. It’s almost muscle memory, but in a good way. That’s what I feel passionate about. So you kind of end up writing about that, but this time around, definitely sort of feeling time passing by and thinking about that a little bit more.

I’ve been married a few years and, you’re mid 30s just kind of thinking on the edge of youth a little bit. You know, you sort of like, especially like, for me, Big Inner (2013) came out when I turned 30… I had just definitely sort of some still moments just thinking about what your place is now and in terms of relation to your family or relation to your wife or your parents and like, where they’re at. And I don’t know, just definitely thinking a little bit more about time and age not in a more informed way, I just kind of notice it, you know, noticing it a little bit more. And its relation to love and relationships and commitment and all that kind of stuff to which is sometimes complicated.

LFB: The album was recorded in K Bay, Kensington Bay, which is your own records studio. Can you tell us about it and was the album the first one you recorded there? 

MEW: Well, I recorded the album in a bunch of different places. I think K Bay really is important as a metaphor for me creating my own space. You know, all of my previous records – my solo records – have had to have a couple of narratives. They’ve had my narrative and they’ve had the Space Bomb (MEW’s record label) narrative, which has been so important to launching my career which has been great. But at the same time, it makes things crowded sometimes. And, you know, I made Big Inner to launch Space Bomb. So I just been dealing with it, and Fresh Blood was on the heels of that. 

It just got to a point where I needed to be a little bit aggressive with roping off my own space, both physically and emotionally and spiritually. And my work in Space Bomb is great and important and but it’s different than my work as myself. That can get confusing to me, sometimes, but also to people like yourself or to writers…

And K Bay is just representative of that. It’s representative of me having my own space and my own style and my own set of decision making that is separate from space bomb. and it’s where I wrote all the songs where I did all the vocals for the record, it’s not where I recorded. I recorded the meat of the record at a place called Montrose Recording in north side of Richmond. 

But K Bay is just important spiritually and metaphorically as like my home base, you know. And Space Bomb is not my home base in the same way that it was. It’s become something different than that. It’s become a functioning record label, it has like employees and shit, it’s crazy! And it’s not the same. 

I don’t mean it’s not the same in a bad way. I just mean it has grown to the point where it’s a community effort and it’s a communal thing and my solo career is representative of myself and it interfaces with the community for sure but I just continued to need to have my own place in my own space mentally and physically.

LFB: Live concert are starting again and you’re going to tour in Europe. Just in the UK somehow, you’re not going to France?

MEW: We’ll see. It’s sort of tbt. It’s a little bit flexible. I’d like to expand that tour. But it’s tough right now.

LFB: Yeah, it is. Did you get a chance to play K Bay on stage already?

MEW: Kind of. I played one show, but it was it was an opening for someone else’s. It wasn’t really representative of things. But yeah, I guess the answer is yes.

LFB: Are you are you excited to go and present it live?

MEW: Yeah, I can’t wait. I mean, this record is totally different than my others in the sense that I think it will translate pretty easily to the stage. The others have been challenging. It’s almost like I’ve had to create a whole other arrangements for everything. 

But this one I think, is going to translate really well. I think it was really energetic and it’ll be really fun to play. I don’t know, I’m really excited. The band’s really good, same guys that have been on the record, and yeah, I can’t wait!

LFB: Are there things that you’ve discovered recently, that you would like to share with us?

MEW: Yeah, I mean, I listened to the new Madlib record called Sound Ancestors. I mean it’s not super new, but it’s new ish. I’ve been listening to that basically every day since it came out. I think he’s an incredibly gifted artists.

LFB : Thank you! 

Découvrir K Bay :

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