Premier album au volume conséquent (16 titres !), Posthume touche à une grâce post-punk salvatrice et nécessaire : celle qui agite ses démons en espérant les voir se dissoudre dans la sueur. Le Lillois MDNS sera en concert à Paris le 20 septembre.
C’est un de ces albums qui se vivent comme une course-poursuite. Est-ce une course poursuite générationnelle ? On pourrait le songer, lorsqu’on lit de MDNS (prononcez Madness) que « pour (lui), on est la génération la plus No future ». Entre conflits armés et incapacité à se projeter dans un futur désirable, il y a en effet de quoi faire se presser toute une génération. Est-ce une course poursuite intime ? Entre drogues et démons intérieurs, la chose semble également probable. Sorti le 30 mai 2024, tout juste avant l’été, on n’avait à l’époque pas pris le temps d’écouter les 16 titres de Posthume. La venue de l’artiste à Paris est l’occasion de faire amende honorable. Faux album post-mortem d’un Lillois qui revendique Joy Division et les Cure, il est produit et co-composé par Adam Vadel (qui a notamment contribué au dernier album de Kanye West), avec également la complicité des musiciens de Skip the Use.
« J’ai pas de futur/et j’en ai rien à foutre/j’ai fait le plus dur/même si la mort est douce ». Seul rescapé d’un EP paru l’année passée, Paradis ouvre le premier album. Et l’on comprend pourquoi, tant il y a quelque chose de l’ordre d’une matrice dans ce premier titre. Comme si l’album y était contenu en germe. Entre une partie de batterie typiquement post-punk et une programmation de drum machine ; entre une guitare arpégée qui n’est pas sans rappeler les Smiths et des textures de synthétiseurs joliment travaillées, le paysage est paradoxal. On a affaire à un héritage post-punk produit comme un titre de rap, dont le caractère hybride se confirmera tout au long de l’album.
La course se poursuit avec J’ai plus le temps. Difficile alors de faire plus paradoxal que son refrain « J’ai plus le temps / bah ouais / j’ai vu le sang couler, paraît qu’on était en forme / ah ouais / j’ai plus le temps, plus le temps de parler ». Et pourtant parler s’impose comme une nécessité intérieure. Dès lors, on est séduit par cette écriture qui ne cache rien. MDNS semble écrire comme on se décharge, sans complaisance et sans filtre. C’est un album écrit par qui vit comme s’il était déjà mort. Posthume. Dès lors, plus rien n’est à perdre. Mélancolie aborde ce que l’on comprend être une rechute. Claps de surf music sur son refrain, mélodie doublée au synthétiseur, on s’y abandonne avec une fausse légèreté dans les bras d’une toxique et triste maîtresse. Contraste que l’on retrouvera sur le titre suivant, Ma pièce, où des phrases lugubres comme « ma pièce est vide / les murs sont blancs comme à l’asile » sont ponctuées de « hey-hey » presque primesautiers.
Combat perpétuel avec la vitesse et la tentation de l’auto-sabotage, Posthume est également l’album d’un punk romantique. Romantisme, qui, en l’occurrence, prend la forme qu’il peut, celle que l’on est en capacité de lui donner (Allo docteur). La vérité y est sans filtre. Crue, elle sonne étrangement juste avec ce que l’on comprend du personnage, sombre et amoureux au même moment. Tout à la fois mort et intensément vivant.
Quelques titres ici et là viennent renouveler la palette timbrale de l’ensemble, on pense à La vie est belle ou Se sentir bien, lorsqu’apparaît la guitare folk. Et l’on s’étonne, arrivé au bout des 16 titres, de n’être pas complètement miné par un album qui laisse pourtant peu entrevoir la lumière. C’est peut-être que la réussite de l’album tient justement dans ses paradoxes. Si, comme le dit le philosophe, la contradiction est la vie même, alors Posthume regorge et brille de celle-ci : se résigner à la chute sans parvenir à détacher son regard du ciel. Danser l’auto-destruction. Faire du post-punk produit comme un album de hip-hop élégant. Vouloir l’amour sans pouvoir s’arrêter de courir. C’est une expérience forte que d’écouter un pareil album, et il a dû falloir bien du courage pour le mener à bien. On en est reconnaissant.
Et, plus que jamais, on souhaite que ce punk-là ait un futur.
À voir : MDNS en concert à La Maroquinerie le 20 septembre.
https://www.livenation.fr/show/1473533/train-fantome-mdns-la-rosa/paris/2024-09-20