Déjà bientôt 20 ans de carrière pour Médine. Une ascension irrésistible pour le rappeur originaire du Havre, qui nous livre Médine France, deux ans après Grand Médine et toujours dans son rythme de production habituel. Au bout de ce chemin, l’impression que l’homme s’affirme dans une lucidité désarmante face aux divisions que notre temps sait produire. Résultat : quatorze titres incandescents qui parleront même aux moins initiés du rap.
Tout est politique. Notre époque en est l’illustration, et ceux qui vous diront le contraire sont ceux à qui profite le système. A l’heure où les éditorialistes s’empressent de stygmatiser, de permettre les amalgames les plus puants, et où l’extrême-droite est en mesure de réunir 42% d’une élection présidentielle dans le plus grand des calmes, il apparaît de plus en plus intenable de rester simple spectateur. L’engagement de Médine ne date pas d’hier, mais se teinte aujourd’hui d’une urgence nécessaire. Alliant une colère nécessaire à l’interpellation et une poésie d’une finesse digne des plus grands, la plume du père de famille est toujours plus affûtée et sait viser juste.
L’estuaire de la Seine est la capitale du rap conscient, et Médine en est un Président d’une intouchable légitimité. Jamais tièdes, les prises de position s’enchaînent dans Médine France : volonté d’améliorer les choses et de s’attaquer aux puissants, ainsi que de rassembler tout ceux qui n’ont pas le plan d’épargne de Bernard Arnault, le programme social prôné par le candidat Normand a tout pour plaire. Redistribution, diversité, représentativité, tolérance, décence pour tous·tes et refus des amalgames, les propositions ont de quoi faire peur à nos gouvernants, tant on voit qu’elles prônent la liberté, l’égalité et la fraternité.
Des prises de positions et des dénonciations assumées et qui dépassent les frontières, mettent les hypocrisies en avant pour mieux les déconstruire. Un exemple : on ne fera jamais plus pour la paix que le jour où l’industrie française arrêtera de vendre des armes à des régimes peu enclins au respect des droits humains. Mais ça ferait du PIB en moins, vous comprenez. Le patriotisme de Médine s’exprime différemment de celui de ceux qui confondent ce terme avec le nationalisme, voire la xénophobie. Tombant volontiers dans la provoc, il rappelle surtout que lorsque la devise d’un pays est « Liberté, Egalité, Fraternité », avoir un hymne national guerrier peut paraître oxymorique. Bref, vous l’aurez compris, Médine lache des bastos dans tous les coins.
Mais en plus de tout ça, Médine est un poète. Il suffit d’écouter Allons zenfants, Houri ou Ratata pour s’en convaincre. Plus mélodieux, chantés, ils emmènent l’auditeur vers d’autres paysages. Houri est un hymne aux femmes, à leur grandeur et à l’amour qu’elles savent donner pour rendre nos vies moins ternes. Beau à se pâmer, il fait écho en termes d’ambiances à Ratata. Préparez les mouchoirs, ce titre est déchirant et sublime à pleurer. En trois minutes seize à peine, tant de messages circulent dans un écrin désarmant de finesse. Le désir de s’en sortir, les violences policières, et plus généralement celle des quartiers difficiles, les inégalités d’une société qui les favorise… Médine se place ici dans la peau d’enfants innocents au destin brisé et aux rêves oubliés. Un texte et un morceau bouleversant, de la trempe des plus grandes oeuvres françaises.
Médine France, c’est donc quatorze titres à mettre dans toutes les oreilles. Quatorze titres et autant d’ambiances différentes, de la trap aux samples de piano, des guitares chatoyantes aux synthés basses saturés les plus sombres. Le programme de campagne du Médinisme.