Meskerem Mees, voilà un nom qu’on vous conseille de retenir. La jeune belge vient de nous offrir Julius, un sublime album de folk qui trone aisément parmis les plus beaux de l’année. On a eu le plaisir de la rencontrer lors de son passage au MaMa Festival. L’occasion d’en découvrir un peu plus sur cette jeune artiste à l’avenir qui risque d’être rayonnant.
English version below
La Face B : Première question, la plus importante, comment te sens tu à l’idée de jouer au MaMa ce soir ?
Meskerem Mees : Je vais bien ! Je vais très bien ! Je suis un peu fatiguée et un peu endormie, mais je suis toujours un peu fatiguée et endormie. Mais je suis excitée ! C’est la première fois que je participe à ce festival. J’espère que nous aurons un peu de temps pour regarder d’autres groupes et d’autres concerts, mais je pense que ça va être génial. J’ai hâte d’y être.
LFB : C’est l’une de tes premières interviews en France, alors nous aimerions savoir : qui es-tu Meskerem ?
Meskerem Mees : (rires) Je suis une jeune femme de 22 ans qui fait de la musique parce qu’elle ne veut plus étudier à l’université. Je fais de la musique et j’aime la musique. Et c’est essentiellement ma vie en ce moment. Tout tourne autour de la musique.
LFB : La musique folk n’est pas très hype en ce moment. Comment t’y es-tu intéressée ? Qu’est-ce qui t’as attiré dans ce genre musical ?
Meskerem Mees : Je pense que cela a commencé avec mon père. Parce qu’il est vraiment à fond dans tous les musiciens de blues et des gens comme Bob Dylan et Woody Guthrie et Leadbelly et des gens comme Mississippi John Hurt et Blind Blake… Et c’est beaucoup d’artistes qu’il apprécie vraiment. Et comme j’ai grandi dans sa maison, j’ai dû écouter sa musique jusqu’à l’âge de huit, neuf ou dix ans. Et il m’a vraiment transmis sa passion pour ce type de musique. Donc je pense que ça vient surtout de l’obsession de mon père pour ce genre de musique.
LFB : C’est une musique pleine de héros musicaux. Je me demandais, comment as-tu tué tes idoles pour en arriver à quelque chose de si personnel ?
Meskerem Mees : Je ne pense pas l’avoir fait. J’ai juste essayé d’être aussi bonne que ces personnes et en faisant ça j’ai en quelque sorte, tu sais, je n’ai jamais été et ne serai jamais capable d’écrire une chanson qui aurait pu être écrite par Bob Dylan par exemple. Mais je peux essayer de le faire et ce qui en ressort, c’est ce que je fais.
LFB : Donc tu ne réfléchis pas forcément à ce qu’ils t’ont apporté, tu essaies de trouver quelque chose qui te correspond…
Meskerem Mees : (rires) Oui, comme ça !
LFB : Si je te dis que pour moi ta musique est un croisement parfait entre le solaire et la mélancolie. Est-ce que c’est quelque chose avec lequel tu es d’accord ?
Meskerem Mees : Oui. C’est parce que la plupart du temps, quand je suis… J’écris généralement des chansons quand je ne me sens pas très bien. Ou quand je me sens triste, ou juste peut-être un peu déprimée même parfois, tard dans la nuit. Et c’est là que j’ai envie de prendre ma guitare et d’écrire quelques trucs. Donc la plupart de mes chansons sonnent comme ça parce que c’est ce que je ressentais quand je les ai créées.
LFB : Est-ce que tu penses à quelque chose de plus lumineux, tu sais, dans le rythme ou quelque chose comme ça pour combattre la mélancolie dans ta musique ?
Meskerem Mees : Oui, c’est soit que je me sens déprimée, soit que je me sens exceptionnellement bien. Ou je me sens très amoureuse de quelque chose ou de quelqu’un. C’est quand je vis des émotions extrêmes que je me dis « ok, c’est quelque chose que je veux chanter » parce que c’est très apaisant émotionnellement de chanter. Et je pense que j’ai besoin de cette thérapie pour traiter ces émotions.
LFB : Ta musique te représente, mais penses-tu aussi aux personnes qui peuvent l’entendre ?
Meskerem Mees : C’est très étrange. C’est vraiment étrange. Parce qu’elle n’a jamais été conçue… Je ne l’ai pas créée pour qu’elle soit entendue. Elle n’a jamais été conçue pour être entendue. Je n’avais pas l’ambition d’être une musicienne professionnelle. C’est juste arrivé comme ça. C’est mon expérience.
C’est donc très étrange. Je n’ai jamais pensé non plus que tant de gens aimeraient ma musique. Parce que je fais ça depuis longtemps et ça a toujours été dans mon monde, dans ma chambre, et c’était juste quelque chose rien qu’à moi. Et maintenant, il s’avère qu’il y a beaucoup de gens qui s’y intéressent et qui l’apprécient. C’est un sentiment très étrange mais aussi très agréable et réconfortant. J’ai l’impression que toutes les émotions que je ressens lorsque j’écris sont partagées avec d’autres personnes. Et c’est un sentiment très agréable.
LFB : Pour moi, ta musique est pleine d’histoires. Je me demandais ce que tu voulais raconter à travers les chansons de Julius et quelle part de toi-même tu as mis dedans ?
Meskerem Mees : Beaucoup ! Chaque chanson de l’album est une histoire. Mais ce n’est pas toujours évident de savoir de quoi il s’agit. Et c’est pareil pour moi, parfois j’écris des paroles et je chante des paroles et je ne sais pas vraiment d’où elles viennent. Et puis des mois plus tard, après avoir terminé la chanson, et en la chantant en concert, je réalise « Oh, donc ça veut dire que j’ai chanté cette ligne à cause de cette chose qui m’est arrivée ». Donc ce n’est pas toujours clair pour moi non plus. Mais c’est vrai que ce sont surtout des histoires. C’est aussi parce qu’une grande partie de la musique folk est basée sur la narration d’histoires. C’est ce que j’aime et ce que j’aspire à faire, donc…
LFB : A quelques exceptions près, il y a très peu de marqueurs temporels dans ta musique. Il est difficile de mettre une époque sur ta musique. Était-ce un objectif pour toi de faire de la musique hors du temps ?
Meskerem Mees : Non ! Je pense que c’est le côté folk qui la rend si intemporelle. Et j’ai une voix assez jeune, je pense. Elle est plutôt aiguë et douce. C’est peut-être ce qui fait que cela semble un peu moderne. Mais les chansons ont ce côté ancien parce que nous utilisons des instruments acoustiques, tout est acoustique, et c’est quelque chose qui est plutôt inhabituel dans la musique d’aujourd’hui. Beaucoup de choses sont très lourdement produites et ce n’est pas le cas ici. Je pense que c’est ce qui lui donne ce côté intemporel.
LFB : Les compositions de ta musique sont très discrètes, mais très importantes. Comment as tu trouvé l’équilibre pour mettre les mots en avant tout en gardant une base musicale solide et puissante émotionnellement ?
Meskerem Mees : C’était mon producteur. J’ai travaillé avec Koen Gisen, qui est aussi un musicien. Il joue de la clarinette, il a un groupe avec sa femme et ils font surtout du jazz expérimental. Il est beaucoup plus âgé que moi et c’était bien parce qu’il avait beaucoup d’expérience et moi aucune. Je n’avais jamais été en studio auparavant. Et c’est vraiment lui qui a mis un frein au fait de mettre trop de choses dessus. Il a fait très attention à ne pas nous laisser, lui ou moi, détruire la chanson.
Parce qu’il aime vraiment ajouter des sons inhabituels et parfois c’était juste trop et alors il était là pour dire « ok, maintenant nous avons perdu le sentiment ou l’émotion de la chanson. Maintenant, nous devons recommencer ». Et c’est littéralement ce que nous avons fait. Comme certaines chansons, il y a trois prises différentes d’une chanson que nous avons fait et parfois tu ajoutes tellement de choses et tu travailles pendant deux mois sur une piste et puis tu décides juste « ok, ça ne fonctionne pas. On va la jeter ». Et c’est beaucoup de travail que tu jettes à la poubelle, mais c’est ce qui doit être fait pour protéger ce sentiment d’intemporalité.
LFB : Ton album n’est pas encore sorti et on en parle déjà beaucoup, il y a une réelle attente autour de tamusique et de toi. Comment analyses-tu ce succès rapide ?
Meskerem Mees : Je n’ai pas confiance en cela. Je suis très sceptique à ce sujet. Mais j’ai l’impression qu’il a… tu sais, parce qu’il n’est pas encore sorti, il a déjà reçu plus qu’assez d’éloges pour moi, tout ce qui lui arrive après sa sortie, c’est juste un bonus supplémentaire. Parce que ce sont littéralement juste des chansons que j’ai écrites dans ma chambre entre 13 et 19 ans. Donc je suis encore trop surprise par le fait que les gens les apprécient pour être stressée par la façon dont l’album sera perçu. Si quelqu’un l’aime, je serai contente.
LFB : Je l’ai écouté genre 20 fois en une semaine !
Meskerem Mees : Non ?! (rires)
LFB : Si, je l’ai écouté. Et c’est un très bel album.
Meskerem Mees : Merci beaucoup. Tu sais, c’est tout ce dont j’avais besoin ! C’est bon ! J’ai terminé !
LFB : J’ai encore deux questions. (rires) Que pouvons-nous te souhaiter pour l’avenir avec cet album ?
Meskerem Mees : Je veux vraiment expérimenter et je veux rencontrer plus de gens. Et en faisant cela et en étant dans l’industrie de la musique, et… tu sais, je viens de Belgique. C’est un très petit pays et la partie flamande est encore plus petite. J’ai donc pu recontrer beaucoup d’autres musiciens professionnels. Mais je veux vraiment entourer ma musique et l’étendre mais je veux rester naturelle.
Comme la façon dont j’ai rencontré mon violoncelliste. C’était juste au lycée et nous étions amis et tout était très confidentiel et je veux avoir un son plus conséquent à l’avenir et essayer et expérimenter. Mais je veux aussi que ça se passe naturellement. Et c’est très important pour moi. Donc c’est quelque chose que j’apprécierais.
LFB : Y a-t-il quelque chose de culturel que vous aimez particulièrement en ce moment et que vous aimeriez partager avec nous ? La musique, la télévision, les films, les livres…
Meskerem Mees : Je peux conseiller n’importe qui. Je suis en train de lire Le Parfum de Patrick Suskind. Cela a toujours été l’un de mes livres préférés et si vous ne l’avez pas encore lu – parce que vous savez, probablement que les gens l’ont fait parce que c’est un classique – Lisez ce livre ! !! C’est quelque chose que je vous conseille !
LFB : Merci !
Meskerem Mees : Merci !
English version
La Face B: First question, the most important, how are you and how do you feel about playing the MaMa Festival?
Merskerem Mees: I’m good! I’m very good! I’m a bit tired and a bit sleepy, but I’m always a bit tired and sleepy. But I’m excited! It’s my first time at the festival. I’m hoping that we have a bit of time to watch other bands perform and watch some other concerts, but I think it’s going to be great. I’m looking forward to it.
LFB: This is one of your first interviews in France, so we would like to know : who are you Meskerem?
MM: (laughs) I’m a 22-year-old who makes music because she doesn’t want to study at university anymore. I make music and I enjoy music. And that’s basically my life right now. It’s all about music.
LFB: Folk Music is not like hype at the moment. How did you get interested in it? What attracted you to this musical genre?
MM: I think it started with my father. Because he’s really into all blues musicians and people like Bob Dylan and Woody Guthrie and Leadbelly and people like Mississippi John Hurt and Blind Blake… And that’s a lot of artists that he really enjoys. And because I grew up in his house, I had to listen to his music up until I was eight or nine or 10. And he really passed on his passion for that type of music. Yeah, so I think it mostly came from my dad’s obsession with it.
LFB: Folk music is full of musical heroes. I was wondering, how did you kill your idols to come up with something so personal?
MM: I don’t think I did. I just tried to be as good as those people and by doing so I kind of you know, I was never/ I’m never going to be able to write a song that could have been written by Bob Dylan for example. But I can try to and whatever comes out of that is what I make.
LFB: So you… You don’t necessarily think about what they brought you, you try to find something that fits you…
MM: (laughs) Yeah, like that!!
LFB: If I tell you that for me your music is a perfect cross between solar and melancholy. Is it something you agree with?
MM: Yeah. It’s because most of the time when I’m… I usually write songs when I’m not feeling so good. Or when I feel down or when I feel sad, or, you know, just maybe a bit depressed even sometimes, late at night. And that’s when I feel like I want to grab my guitar and write a few things. So most of my songs sound like that because that’s what I was feeling when I created them.
LFB: Do you think of something sunnier, you know, in the rhythm or something like that to fight the melancholy in your music?
MM: Yeah, there’s like it’s either that I’m feeling down or I’m feeling exceptionally good. Like very good. Or I’m feeling very in love with something or someone. It’s when I am experiencing extreme emotions that I feel like “okay, that’s something I want to sing about” because it’s very healing emotionally to sing. And I think I need that therapy to process those emotions.
LFB: And how do you feel when you think your music is you but do you think of people who can hear it too?
MM: It’s very strange. It’s really strange. Because it was never meant… I didn’t make it for it to be heard. It was never meant for it to be heard. It was not my ambition to be a professional musician. – Whoa, that rhymes haha!! – It just kind of happened. That was my experience.
So it’s very strange. I also never thought that so many people would like it. Because I’ve been doing it for a long time and it’s always lived just in my world in my bedroom and it was just something for me. And now turns out that there’s quite a lot of people who are interested in it and enjoy it. It’s a very strange feeling but also very nice and comforting. It feels like all those emotions that I feel when I write them are like shared with other people. And that’s a very nice feeling.
LFB: Your music for me is full of stories. I was wondering what do you want to tell through the Songs of Julius and what part of yourself did you put into it?
MM: A lot! Every song on the album is a story. But it’s not always as obvious what it’s about. And same to me, sometimes I write lyrics and I sing lyrics and I don’t really know where they come from. And then months later, after I finished the song, and I’m performing it live, I realised “Oh, so that means that or I sang that line because of that thing that happened to me”. So it’s not always clear to me either. But it’s true that they’re mostly stories. It’s also because a lot of folk music is based around storytelling. That’s what I like and aspire to make so…
LFB: With a few exceptions, there are very few time markers in your music. Like “mettre une époque sur ta musique” put an era on your music. Was it a goal for you to make music that is out of time?
MM: No! I think it’s the folk thing that kind of makes it sound so timeless. And I have quite a youthful voice, I think. It’s rather high and soft. So maybe that’s what makes it feel a bit modern. But the songs have that old feel because we use acoustic instruments, like everything is acoustic, and that’s something that’s rather unusual in today’s music. A lot of it is like very heavily produced and this isn’t. So I think that’s what mean mainly makes it feel so timeless.
LFB: The compositions in your music are very discreet, but very important. How did you find the balance to put the words forward while keeping a solid and emotionally powerful musical base?
MM: It was my producer. I worked with Koen Gisen, who is also a musician. He plays clarinet and he has a band with his wife and they make experimental jazz music mostly. He is quite a lot older than me and it was good because he had a lot of experience and I had zero experience. I’ve never been in a studio before. And he was really the one who put a brake on putting too many things on it. He was very careful not to let me or him destroy the song.
Because he really likes to add unusual sounds and sometimes it was just too much and then he was there to say like “okay, now we’ve lost the feeling or the emotion of the song. Now we have to start over”. And that’s literally what we did. Like some songs, there’s three different takes of one song we did and sometimes you put so many things on it and you work for like two months on one track and then you just decide like, “okay, it’s not working. We’re gonna throw it out”. And it’s a lot of work you throw into the trash, but it’s what needs to be done to protect that timeless feeling.
LFB: Your album is not yet released and it’s been talked about a lot already, there is a real expectation about your music and yourself. How do you analyse this quick success?
MM: I don’t trust this. I’m very sceptical about it. But I feel like it has… you know, because it’s not out yet it has already received more than enough praise for me, like anything else that happens to it after it’s released it’s just an added extra. Because those are literally just songs I wrote in my bedroom between the ages of like 13 and 19. So I’m still too much surprised about the fact that people enjoy them to be stressed about how it’s going to be perceived the whole album. I’m just if anyone likes it, I’ll be happy.
LFB: I’ve listened to it like 20 times in one week!
MM: No you didn’t!! (laughs)
LFB: Yes I did. And it’s a very beautiful album.
MM: Thank you so much. You see, that’s all I needed! I’m good! I’m done!
LFB: I have two more questions. What can we wish you for the future with this album?
MM: I really want to experiment and I want to meet more people. And by doing this and by being in the music industry, and… you know, I’m from Belgium. That’s a very small country and the Flemish part is even smaller. So I’ve got to know a lot of other professional musicians. But I really want to surround my music and expand my music but I want to still be natural. Like how I met my cellist. It was just in high school and we were friends and it was all very confidential and I want to sound bigger in the future and try and experiment. But I also want it to happen naturally. And that’s very important. So that’s something I would appreciate.
LFB: Is there anything cultural that you particularly like at the moment and that you would like to share with us? Music, TV, movies, books…
MM: I can advise anyone. I’ve been reading the Perfume by Patrick Suskind. It’s always been one of my favourite books and if you haven’t read it yet – because you know, probably people have because it’s a classic – Read that book!!! That’s something I would advise!
LFB: Thank you!
MM: Thank you!