Metronomy est à la pop anglaise ce que Gainsbourg est à la chanson française, un pionnier dans son genre et un maître dans son art depuis maintenant plus de dix ans. Inutile donc de préciser que le quintette britannique fait désormais partie de ces groupes que l’on ne présente plus depuis belle lurette. Après cinq albums pour lesquels nos deux mains ne suffiront plus à compter les quelques dizaines de tubes, la belle bande de Joseph Mount nous revient aujourd’hui avec Metronomy Forever.
Alors que certains craignaient ne plus retrouver cette satisfaction propre à The English Riviera, d’autres commençaient à bien trop s’impatienter de l’apparition de ce sixième opus sur tous les services de streaming. Metronomy Forever est donc paru le vendredi 13 septembre. Une date de sortie peu anodine si l’on est superstitieux. Et, hasard ou non, loin de nous les mauvais augures de cette date fatidique car ce disque fait définitivement partie des meilleurs de l’année. Impossible de passer à côté tant son résultat est tout bonnement qualitatif et permettra de perpétuer le succès propre à Metronomy depuis toujours. Ceux qui diront que cet album traîne en longueur, ne sauront que dénoncer leur insensibilité face à une telle réussite. Dix-sept titres, mélangeant genres et influences, sens et inspirations plurielles. Un album pour lequel on constatera que l’exode urbain de Joseph Mount n’y est pas pour rien dans la bonification de sa discographie déjà magistrale.
Nous avons tous à tour de rôle usé des albums de Metronomy une fois l’été arrivé. Ce qui est si particulier chez ce groupe, c’est que chaque morceau a le pouvoir de raviver des souvenirs significatifs, de nous faire voyager dans le passé et de nous ramener à des instants précis, des instants gravés dans le temps, des instants partagés entre amis ou amours que l’on peut à tout moment revivre avec une aisance étonnamment déroutante. Une recette propre au quintette et à l’origine de cette réussite qui ne cesse de grandir au fil des années mais aussi d’un public fidèle malgré le temps qui passe. Bien sûr, on interdit à Joseph Mount d’en dévoiler le secret, confidentialité oblige.
Ce qui est assez réconfortant à l’écoute de ce sixième opus, c’est que nos désirs se voient assouvis sur tous les points. On y trouve une pluralité des genres, de quoi en satisfaire plus d’un, même ceux difficiles en affaire. Par ailleurs, chacun des dix-sept titres a ce pouvoir de laisser une trace permanente dans notre mémoire où les mélodies y sont traitées avec une sensibilité accrue. Ainsi Metronomy Forever débute sur Wedding Bells, une instru qui signe l’ouverture d’un nouveau chapitre et d’une ère plus personnelle qu’auparavant. Des cloches qui carillonnent, laissant supposer une union heureuse et une suite prometteuse. À peine le temps de se laisser bercer et de savourer ne serait-ce qu’un millième de seconde cet incipit musical, que Whitsand Bay prend la relève, assurée par le jeu de batterie mécanique de l’illustre Anna Prior et se mêlant de façon exquise à la ligne de basse d’Olugbenga Adelekan et à la guitare discrète de l’iconique leader. Là où la surprise se fait, c’est lorsque les quelques pudiques notes de guitare se manifestent, preuve d’une volonté de se renouveler et de se détacher des précédents disques sans pour autant s’éloigner de sa signature d’origine. Des guitares électriques à foison, énergiques, détonantes, convaincantes au possible et que l’on retrouvera à plusieurs reprises, notamment avec Insecurity (futur tube en approche et dont le succès risque d’être imminent) où Joseph Mount ne cessera d’être préoccupé par la réelle définition de l’amour, ou encore le fracassant Lately et ses mélodies synthétiques tout droit sorties des 80s (courtesy of Michael Lovett et Oscar Cash). Mais aussi Wedding Bells et son riff de guitare monumental avec lequel on se permettra quelques headbangs discrets.
Ces titres marquent avec détermination la volonté de proposer un album différent sans pour autant abandonner sa fidèle pop synthétique des débuts, une pop étant parvenue à charmer quelques millions de fans à travers le monde entier. La preuve avec l’espiègle et gourmand Salted Caramel Ice Cream, au groove tout aussi prenant et flatteur que celui retrouvé dans le très apaisant Walking In The Dark où l’on se laissera bercer par le doux et discret timbre de voix de Joseph Mount, nous donnant presque l’impression que ce dernier nous susurre à l’oreille. Une délicatesse vocale à laquelle on prendra vite goût avec notamment Sex Emoji, un morceau à la sensualité incomparable et une représentation concise des relations amoureuses des temps modernes : Love, honey, sex, money / Text emoji’s saying you love me, des relations superficielles malgré elles, désillusionnées où une impassibilité dérisoire ne sera pas de refus pour mener à bien ce lien amoureux d’une fragilité quelque peu déconcertante.
Aussi, l’aurez-vous remarqué, il est impossible de passer à côté du grands nombres d’interludes dans cet album. Des interludes parfois électro, avec un semblant de french touch (Lying Low), parfois hypnotiques et laissant suggérer un intermède adéquat pour planer, nous entraînant dans une section déconnectée de la réalité l’espace de quelques secondes (Insecure, Forever Is A Long Time) ou tout simplement idéales pour chiller en terrasse un soir d’été (Miracle Rooftop). Metronomy Forever, album surprenant sur tous les bords, nous verra quelque fois embarrassés, la faute à la mélancolie qui se saisira de nous à quelques reprises. Que ce soit avec l’intimiste mais non moins titre disco The Light, le gracieux électro-popesque Lately (Going Spare) ou encore avec la ballade folk qu’est Upset My Girlfriend et où la guitare acoustique fera son apparition, soutenue par quelques basses synthétiques. Un titre dépeignant un auteur chagriné d’avoir déçu sa petite amie qu’il aime malgré tout d’un amour fort et dont il veut s’accaparer le cœur pour l’éternité en la demandant en mariage. Touchant.
Voilà donc plus de dix ans que Metronomy ne cesse de faire chavirer les cœurs et de faire salle comble dans les quatre coins du monde. Avec Metronomy Forever, Joseph Mount a voulu dévoiler son véritable je, son authenticité et une créativité qui bouillonnait en lui depuis bien trop longtemps mais qu’il a réussi à extérioriser avec brio à travers ce sixième opus d’une excellence inimitable. Des instrus d’une justesse et d’une ingéniosité imparable, laissant place à une fluidité entre les morceaux qu’on ne pourra nier. Un album introspectif, intimiste, audacieux, pluriel mais surtout produit d’un accomplissement, d’une satisfaction et d’un travail chevronné de plusieurs mois. Un disque qui ne pourra pas décevoir les fans des débuts et réussira également à en convaincre de nouveaux. Ce nouvel album est et restera certainement le disque le plus poussé, innovant et sincère que le groupe n’ait jamais proposé jusqu’ici. Metronomy est donc une fleur rare qui ne fanera jamais et continuera à se régénérer éternellement. Et jamais un album n’aura aussi bien porté son nom et fait honneur à l’intemporalité de la musique. Metronomy fo-re-ver. Metronomy pour toujours.
© Crédit photo : Alain Bib