Rien ne semble arrêter l’activité frénétique du trio biélorusse Molchat Doma, ayant déjà sorti leur troisième album le mois dernier. A l’intersection entre le post-punk, la new-wave et la synth pop, leur musique fascine jusqu’à en devenir incontournable. Mais qui se cache derrière ce groupe aux apparences stoïques ? Pour le comprendre, nous avons interrogé Roman Komogortsev, guitariste / compositeur principal du groupe.
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La Face B : Avec déjà 3 albums à votre actif, le succès de votre musique ne cesse de grandir depuis la formation de Molchat Doma en 2017. Vos titres ont traversé les frontières, notamment grâce aux plateformes musicales telles que TikTok. Comment vivez-vous ce succès croissant ?
Roman Komogortsev : Dans l’ensemble, on vit plus confortablement. Nous avons un vaste public dont nous ne pourrions même pas rêver. Grâce au succès, il est devenu possible d’étendre nos capacités techniques. Tout est cool.
LFB : Vous êtes tous les trois originaire de Minsk. Vos artworks et votre nom de groupe « Molchat Doma » (« les maisons sont silencieuses ») ont été inspirés par l’architecture stalinienne de la ville. Pouvez-vous nous en dire plus au sujet de l’influence de cette ville sur votre art?
RK : C’est assez difficile à décrire, car nous sommes habitués à voir tout ce qui se passe autour de nous depuis l’enfance. Cela est déjà devenu très familier – tant à la maison que dans la vie quotidienne. C’est juste que maintenant, à un âge conscient, il est possible de formuler (au moins sous la forme d’une œuvre) et de refléter la réalité dans laquelle nous vivons.
LFB : Vous avez sorti 3 albums en seulement 3 ans. A ce rythme, j’imagine que vous n’avez pas le temps de vous ennuyer. A quel point la musique impacte votre vie personnelle ? Quelle place lui attribuiez-vous ?
RK : Désormais, il est devenu plus facile de consacrer l’essentiel de notre temps à la musique, puisque nous n’avons plus besoin d’aller travailler comme avant. Nous le faisons pendant notre temps libre. Nous nous réunissons deux fois par semaine pour répéter pendant quelques heures et, si quelqu’un a des idées, nous commençons à les développer.
LFB : Votre nouvel album Monument a été écrit et enregistré lors de la pandémie covid-19. Est-ce que le confinement a été une source d’inspiration pour vous? Comment vous êtes-vous adapté à la situation ?
RK : Pour nous, la pandémie n’est pas devenue une source d’inspiration, car il est difficile d’inventer quelque chose en ce moment. Comme il ne se passe pratiquement rien, il n’y a nulle part où s’inspirer et nous pensons que la plupart des musiciens seront d’accord avec nous.
LFB : Ne smeshno a annoncé la sortie de l’album Monument, avec un clip cinématographique saisissant. Est-ce que vous pensez que, de nos jours, la musique se regarde plus qu’elle ne s’écoute ?
RK : Pour moi (Roman), le format du clip vidéo est dépassé. Je ne suis pas intéressé par le visionnage. Parfois, la vidéo peut vous conduire au mauvais endroit, vous pouvez perdre toute l’essence de la chanson. Et c’est ennuyeux. Si vous voulez regarder quelque chose, regardez un film. Mais c’est vrai que cela fonctionne bien comme fil conducteur de l’information, du point de vue de la promotion de la créativité.
LFB : Après la sortie de Ne smeshno, vous avez sorti le clip Discoteque. Dans ce clip, on vous voit jouer dans le mémorial Museum-Studio à Minsk entourés de statues, sans public. Comment s’est passé le tournage ?
RK : Le tournage a eu lieu à Minsk au musée Azgur. Les œuvres de ce sculpteur y sont effectivement exposées. Nous avons pensé que c’était une idée intéressante de tourner une vidéo là-bas et de lancer l’idée d’un concert pour statues. Alexei Terekhov et son fils Savely sont partis du Canada spécialement à Minsk pour travailler avec nous. Là, nous avons tourné directement les scènes où nous jouons. La post-production a été effectuée au Canada.
LFB : Votre musique peut paraître sombre tout en étant dansante. Elle sonne comme une réponse à un monde aliénant qui manque de connexion et de véritable émotion. Comment voyez-vous le monde moderne ? Que voulez-vous transmettre à travers votre musique ?
RK : Il nous semble que les émotions n’ont disparu nulle part. C’est juste que le monde se développe si rapidement aujourd’hui qu’il peut sembler que les gens se replient sur eux-mêmes et ne montrent pas leurs émotions. Ce que nous chantons a toujours été et sera. Après tout, les gens n’arrêteront pas de s’aimer, ils n’arrêteront pas de se séparer. A moins qu’ils commencent à nous élever artificiellement ou à faire de nous des robots, qui sait. haha.
LFB : Les années 80 font partie de vos inspirations esthétiques prédominantes. Qu’est-ce qui vous plaît dans cette esthétique musicale ? Est-ce une époque qui vous tient particulièrement à cœur ?
RK : C’est le temps des mélodies, des beaux arrangements et du style déjanté. C’est proche de nous.
LFB : On dit souvent que votre écriture est à la fois sombre et romantique. Quels sont les sujets que vous traitez à travers les paroles de vos chansons ?
RK : Disons-le brièvement – les relations entre les gens. L’amour, la séparation, le désir,… Tout dans cet esprit.
LFB : Vous avez déjà eu l’occasion de jouer dans divers pays. Est-ce que vous avez déjà joué en France ? Et, si oui, quelles ont été vos impressions ?
RK : Oui, nous avons joué à Paris, Toulouse, Lyon, Marseille, Clermont-Ferrand, Bourges. Un très beau pays avec une bonne cuisine délicieuse. Si nous parlons du public, alors c’est spécial ici. Il est retenu, montre peu d’émotion. Cela ne nous a pas été tout de suite familier, car nous sommes habitués à ce que les gens s’amusent lors d’un concert. Mais on nous a expliqué que c’était normal. Dans tous les cas, les gens viennent nous voir après le concert pour nous dire des mots de soutien et d’admiration. C’est sympa et nous l’apprécions !
LFB : Si un génie vous accordait 3 vœux, que souhaiteriez-vous ?
RK : Sequential Circuits Prophet 5, Roland Jupiter 8, Yamaha CS-80 s’il vous plaît.
ENGLISH VERSION
La Face B : With already 3 albums released, the success of your music has continued to grow since the formation of your band Molchat Doma in 2017. Your songs have crossed borders, in particular thanks to musical platforms such as TikTok. How do you feel with this growing success?
Roman Komogortsev : As a whole, it became more comfortable to live. We have a large audience that we could not even dream of. Thanks to the success, it became possible to expand its technical capabilities. All is cool.
LFB : The three of you are from Minsk. Your artwork and your band name (“houses are silent”) was inspired by the city’s Stalinist architecture. Can you tell us more about how this city has influenced your arts?
RK : It is quite difficult to describe, because we have seen everything that happens around us since childhood. This has already become very familiar – both at home and in everyday life. It’s just that now, at a conscious age, it is already possible to somehow formulate (at least in the form of a work) and reflect the reality in which we live.
LFB : You released 3 albums in just 3 years. At this pace, I imagine that your life must be full. How does music impact your personal life? What place do you assign to music in your life?
RK : Now it has become easier to devote most of your time to music, since you do not need to go to work as before. We do it in our free time from any household chores. We get together twice a week to rehearse for a couple of hours together, and if anyone has any ideas, we start developing them.
LFB : Your new album Monument has been written and recorded during the covid-19 pandemic. Has the confinement been a source of inspiration for you? How did you adapt to the situation?
RK : For us, the pandemic did not become a source of inspiration, since it is difficult to come up with something at this time. Since practically nothing happens, there is nowhere to get inspiration from, and we think that most musicians will agree with us.
LFB : Ne smeshno announced the release of the album Monument, with a stunning movie clip. Do you think that nowadays music can be watched more than it can be listened to?
RK : For me personally (Roman), the video clip format is outdated. I’m not interested in watching, it’s easier to perceive creativity (in this case we are talking about musical creativity). And sometimes the video can lead you to the wrong place, you can lose the whole essence of the song. And it’s boring. If you want to watch, watch a movie. But we must pay tribute that it works from the point of view of promoting creativity as an information lead. It works well here.
LFB : After the release of Ne smeshno, you released the music video Discoteque. In this video clip, we see you playing in the Museum-Studio memorial in Minsk surrounded by statues, without an audience. How did the shoot go and what was it like shooting it?
RK : The shooting took place in Minsk at the Azgur museum. The works of this sculptor are actually exhibited there. We thought it was an interesting idea to shoot a video there and start the idea of a concert for statues. Alexei Terekhov with his son Savely flew from Canada specially to Minsk to work with us. There we shot directly the scenes where we play. Post-production has already been done in Canada.
LFB : Your music may sound dark while dancing and it sounds like a response to an alienating world that lacks love and true emotion. How do you see the modern world? What do you want to convey through your music?
RK : It seems to us that emotions have not disappeared anywhere. It’s just that the world is developing so quickly now that it may seem that people are more closed in themselves and do not show them. What we sing about has always been and will be. After all, people will not stop loving each other, they will not stop parting. Although … if they start to breed us artificially or make robots out of us, who knows. haha.
LFB : The 80s are part of your predominant aesthetic inspirations. What do you like about this musical aesthetic? Is this a period that is particularly close to your heart?
RK : This is the time of melodies, beautiful arrangements and crazy external style. It’s close to us
LFB : It is often said that your writing is dark and romantic. What subjects do you cover through the lyrics of your songs?
RK : Let’s put it briefly – relationships between people. Love, parting, longing, everything in this spirit.
LFB : You have already had the opportunity to play in various countries. Have you ever played in France? And, if so, what were your impressions?
RK : Yes, we played in Paris, Toulouse, Lyon, Marseille, Clermont-Ferrand, Bourges. A very beautiful country with good delicious food. If we talk about the audience, then it is special here. She is restrained, shows little emotion. It was not immediately familiar to us, since we are used to people having fun at a concert. But they explained to us that this is normal. But in any case, people come up after the concert and say words of support and admiration. It’s nice and we appreciate it !
LFB : If a genie granted you 3 wishes, what would you want?
RK : Sequential Circuits Prophet 5, Roland Jupiter 8, Yamaha CS-80 please.