Comme coincé entre plusieurs galaxies, plusieurs pays, dont la Géorgie, et plusieurs identités musicales, Murman Tsuladze est un groupe insaisissable. La Face B est allé à sa rencontre pour tenter de décortiquer, disséquer, ce personnage multiple dont la musique semble s’étendre par-delà le cosmos. Rencontre.
La Face B : Gkamarjoba Murman Tsuladze !
Murman Tsuladze : Gkamarjoba, ça veut dire bonjour.
LFB : Ça va, j’ai bien révisé le géorgien ?
MT : C’est pas mal, en plus, le géorgien fait partie du top 3 des langues les plus difficiles à apprendre du monde.
LFB : Pour ceux qui n’avaient pas lu la précédente interview sur La Face B (ici), est-ce que vous pouvez vous présenter ?
MT : On est Murman Tsuladze, vendeurs de tapis volants, cosmonautes, alpinistes, parfois marins… et musiciens-laborantins ! On a même trouvé le vaccin.
LFB : Et votre musique, c’est un peu comme un vaccin ?
Zaouri : Non pas du tout…
Murman : Mais c’est un médicament contre le mal de tête.
LFB : Musicalement, comment est-ce que vous vous décrivez ?
Zaouri : C’est difficile à dire, car on mélange tellement de trucs.
Murman : On n’a pas du tout envie de se décrire. Ce qui fait que l’on arrive à faire des musiques qui ne ressemblent pas à d’autres très connues.
Krikor : Puis on ne vient pas tous du même endroit, on est assez différents dans nos personnalités. Forcément, le résultat ne sera pas homogène.
Zaouri : Par exemple, certains membres sont plutôt proches de l’électro, d’autres des musiques du Caucase, ou post-punk.
LFB : Pourtant il y a l’identité géorgienne qui semble être le fil conducteur du projet.
Murman : C’est parce que je chante en géorgien, si j’avais chanté en japonais, il y aurait un effet japonais.
LFB : Ça va un peu au-delà car il y a des sonorités orientales.
Murman : L’Asie Mineure, la Géorgie, est la base puis après ça se développe.
Zaouri : On ne se considère pas vraiment comme le groupe géorgien… Car on n’est pas que ça ! On est avant tout des musiciens, des terriens. On tient vraiment à être un gros mélange.
Murman : Surtout à notre époque où tu peux aller où tu veux quand tu veux. Tu bouges assez vite.
LFB : Pour revenir à l’EP Gvirabi, dans la précédente interview, Guillaume faisait référence à un aspect assez mélancolique, froid, alors qu’au contraire cette fois-ci les sonorités sont plus chaudes, grooves, presque disco. Comment s’est passé ce changement musical ?
Zaouri : Je trouve que c’est aussi une amélioration. L’EP est plus moderne.
Krikor : La flemme de danser avait déjà un peu donné le ton un peu dancefloor.
LFB : Est-ce qu’il y a des artistes qui ont pu vous inspirer pour cet EP ?
MT : Oui, plein !
Krikor : Mais on irait pas jusqu’à dire que tels morceaux doivent sonner comme tels artistes.
Murman : On a tous tellement écouté de musiques qu’elles se sont imprégnées en nous. Au point où on ne sait même plus de qui on a été inspiré. On s’inspire tous de tout le monde. Personne n’invente quoique ce soit.
Zaouri : Puis comme on l’ a dit précédemment on est un groupe qui ne veut pas d’étiquettes. On n’est pas un groupe connoté ceci ou connoté cela.
Krikor : Puis, cette inspiration peut venir de gens qui n’ont rien à voir avec l’art et qui peuvent nous toucher. C’est un travail qu’on fait même inconsciemment.
Krikor : Avant, je pensais qu’on pouvait faire sonner un morceau exactement comme on le souhaite, mais ça marche pas du tout comme ça !
Murman : Il y a une part d’inconscient qu’on ne contrôle pas du tout.
Krikor : C’est compliqué de décrire un processus créatif car il faut le vivre pour le comprendre vraiment. Il y a beaucoup de déconne et de recherche.
LFB : En parlant de recherches, est-ce qu’il y a un travail de recherche sur l’aspect visuel ?
Krikor : On a une évolution, quand on voit la première cover qui est très naïve alors que la dernière est un peu plus dark. Même dans Darling, il y a quelque chose de plus radical, voire plus mode.
Murman : On a envie de tout tester ! Après, il y aura toujours une touche qu’on ne pourra pas contrôler et qu’on a en nous. On a envie d’être comme des espèces de personnages.
LFB : En fin de compte, il y a beaucoup de liberté dans le projet.
MT : Encore heureux !
LFB : Vous parliez de personnages, mais est-ce que pour vous l’art c’est aussi raconter des histoires ? Et qu’est-ce que vous racontez avec Murman Tsuladze ?
Zaouri : Une façon de voir la vie à travers un personnage qui s’appellerait Murman Tsuladze. Il y a toujours plein de seconds sens dans ce que l’on fait, par exemple dans nos clips.
Murman : Il y a plein de sens engagés un peu cachés. On ne peut pas se battre pour une chose, car si on est touché par une chose, ça veut dire qu’on est aussi touché par plein de choses. Je pense que c’est un côté humaniste qu’on a tous.
Zaouri : On ressent quelque chose et on l’exprime.
Murman : Il y a aussi quelque chose comme un refuge, une grotte face à un extérieur qui peut être chaotique.
MT : On est tous d’accord pour exprimer une vision du monde, même si on vient d’un monde parallèle ! (Rires)
LFB : C’est quoi cette histoire de monde parallèle ?
Murman : On avait accès aux étoiles dans ce monde et on a créé une étoile (ndlr. qui est devenu leur logo). Car on avait un ami qui nous demandait jusqu’où allait notre musique et s’est dit qu’elle allait jusqu’aux étoiles et aux planètes. Alors on a créé comme une planète.
Krikor : Et un jour on retournera dans les étoiles ! C’est quand même beau, qui s’est déjà posé la question de l’endroit où ça s’arrête.
LFB : Pour quitter un peu la quantique, l’immatériel et revenir sur terre, est-ce qu’il y a des projets à venir ?
Murman : On va créer des clips pour Gvirabi et Rayon D’Oré. Puis, on a une tournée avec quelques dates en festival en France, puis en Slovaquie, sûrement en Géorgie, en Roumanie.