A l’occasion du MaMa Festival, nous sommes parti à la rencontre de Sarah-Louise Barbett pour son projet Musique Chienne, que l’on peut qualifier de musique électronique expérimentale. Malgré l’annulation du festival, nous avons eu le plaisir de découvrir l’univers décalé de cette jeune artiste talentueuse.
La Face B : En lisant ton nom d’artiste « Musique Chienne », qui est un jeu de mot pour « musicienne » on peut déjà lire deux de tes centres d’intérêts : les chiens et la musique. Comment est-ce que la musique est arrivée dans ta vie ?
Musique Chienne : Elle est arrivée quand j’étais jeune. J’étais au conservatoire en percussions dans une section assez classique. Je faisais de la cymbale, de la caisse claire avec un accompagnement piano, des maracas, du xylophone, du marimba et du vibraphone. J’ai fait pas mal de stages de musique également, de la primaire au lycée.
LFB : Tu fais aussi beaucoup de dessins à côté de la musique. D’ailleurs tu viens de sortir un clip avec des dessins en 3D nommé Wormz avec Shoboshobo. Comment est-ce que vous avez procédé pour la réalisation du clip ?
Musique Chienne : Le dessin c’est toute mon enfance. Quand j’étais ado, j’ai dû choisir entre la musique et le dessin pour les écoles. Mon choix s’est dirigé vers le dessin, que j’ai vraiment approfondi pendant 10 ans. Quand j’étais en BTS de communication visuelle, un prof me parlait beaucoup de Shoboshobo. Donc je connaissais et suivais déjà son travail avant de le rencontrer, sur les réseaux. Il est le créateur d’une série de fanzine appelée DECAPITRON, qui consiste à inviter des artistes à dessiner sur du papier carbone, avant d’en éditer une cinquantaine d’exemplaires. L’hiver dernier, il m’a invité à participer à un de ses fanzines. Pour sa sortie, on a fait un petit teaser en 3D avec une partie de mes dessins. C’était la première fois qu’il modélisait mon dessin. J’avais fait un morceau qui fonctionnait assez bien avec le teaser ; c’était un peu la maquette de Wormz aujourd’hui.
A ce moment là, on s’était dit que, un jour, on ferait quelque chose de ce contenu. Mais c’était un peu des paroles en l’air, on ne se prenait pas tellement au sérieux. Finalement, on a fini par se mettre réellement au boulot pendant le confinement. Je me suis occupée des croquis, des storyboards et des paroles. Puis, il a tout modélisé. C’est vraiment lui qui a fait le plus gros du travail pour le clip. Même si c’est une collaboration, évidemment.
LFB : Les paroles de Wormz sont chantées en Français, comme dans Ding Dong ou Croque Monsieur. Personnellement j’aime beaucoup ce que ça apporte à ta musique. Est-ce que les paroles sont inspirées de ton propre vécu à chaque fois ?
Musique Chienne : Les paroles proviennent parfois de propositions de mes amis. Elles sont souvent sous forme de poésie donc je les adapte, je modifie et je fais en sorte que ça fonctionne bien avec la musique. Mais c’est très différent à chaque fois. Par exemple, dans Wormz ce sont mes paroles, celles de Ding Dong proviennent d’un copain et Croque Monsieur est une reprise de Jean-Luc Le Ténia à laquelle j’ai changé quelques mots car la chanson originale parle de femmes tandis que je parle d’hommes.
LFB : Et dans « Baka » tu as décidé de chanter en japonais. Qu’est-ce qui t’a inspiré pour créer cette musique ?
Musique Chienne : Pour Baka j’ai utilisé google traduction. J’ai écrit mes pensées en français et je voulais m’amuser avec les mots et les syllabes. J’essayais de trouver une sorte de mélodie chantée avec des phrases qui ne veulent rien dire mais qui ont un sens pour moi. C’est probablement une manière de se cacher et de mettre la musique plus en avant que les paroles. Je mélange souvent mon chant avec la musique. Ma voix est un outil sur lequel je compte pour faire de la musique mais elle vient en second plan, je ne suis pas une chanteuse. Même si j’aime beaucoup chanter aussi.
En tout cas, Baka parle de musique, de composition. J’ai choisi le Japonais parce que j’aime beaucoup les sonorités de cette langue, que j’apprends un peu à lire et à écrire. Et puis j’aimerai énormément aller au Japon, c’est un peu un rêve.
LFB : En parlant de sonorités, je trouve que ta musique évoque un peu l’enfance avec des sonorités qui peuvent faire penser à des jouets pour enfants.
Comment tu composes ta musique en général ?
Musique Chienne : Ça dépend des outils. J’ai commencé avec des synthés de base avec une looper. Je faisais des choses simples que je mélangeais et doublais et, maintenant, j’utilise un ordinateur avec un logiciel. Je vais systématiquement rechercher des sons percussifs (xylo, marimba, vibraphone, plug,…) et je les assemble avec des bases un peu plus électro. Les notes que j’utilise sont assez simples. J’aime bien les garder mais j’essaie de les faire évoluer. J’aime beaucoup les sons percussifs donc c’est peut être ça qui évoque l’enfance. En tout cas, je n’ai pas de jouets pour enfants chez moi pour composer (rires).
LFB : Certaines de tes musiques me font penser à l’univers de Salut c’est Cool. Sans doute par rapport au côté expérimental et décalé. Est-ce que vous avez déjà pensé à faire une collab’ ensemble?
Musique Chienne : J’ai fait de la musique avec Louis de Salut C’est Cool, on a un projet qui s’appelle JTM. Rien n’est sorti de manière officielle, on a juste mis ça sur internet, comme ça.
C’est chouette parce qu’on s’est apportés des choses complémentaires : lui plutôt la rigueur de la techno et moi plus de légèreté et des rythmiques un peu plus complexes. Ca se complétait bien. Mais ce n’est pas un projet sérieux, de carrière.
Sinon on a jamais pensé à une collab’ avec le groupe entier.
LFB : J’ai légèrement évoqué ta passion pour les chiens au tout début de l’interview car j’ai constaté que l’on pouvait apercevoir à plusieurs reprises un chien nommé Youki dans tes clips. Un clip à son nom lui est-même dédié. J’imagine que c’est ton chien ?
Musique Chienne : Pas du tout, en fait je suis dogsitter depuis pas mal de temps pour arrondir les fins de mois et pour le plaisir de partager des moments avec eux. J’aimerai en avoir un mais je n’arrive pas à passer le cap. Et Youki, c’est un chien que j’ai gardé assez longtemps mais le chien du clip ce n’est pas du tout lui. J’en garde assez souvent. Parfois ils sont en train de faire la sieste dans ma chambre quand j’enregistre.
LFB :Tu étais censée jouer au MaMa jeudi 15 octobre mais l’annulation vient tout juste d’être rendue officielle. Comment tu te sens par rapport à ça ?
Musique Chienne : A vrai dire je ne savais pas trop à quoi m’attendre parce que je n’ai jamais fait ça. Je pense que ça m’aurait fait bizarre de jouer sans public, devant des pros uniquement. Mais ça aurait été une bonne alternative aussi. Je ne sais pas trop comment me positionner là-dessus, c’est un peu terrible ce qu’il se passe. J’ai l’impression qu’on ne va pas s’en sortir tout de suite et qu’il y a beaucoup de licenciements dans le milieu de la musique. Il y a peu de visibilité sur l’avenir donc c’est assez dur de créer en ce moment.
En tout cas, je trouve cela chouette qu’il y ait une volonté de produire des concerts à tout prix et que le MaMa ait tenté d’aller jusqu’au bout, même si ça a été annulé au dernier moment. Je suis un peu triste que ça s’annule, j’ai l’impression qu’il y a plein de pros qui auraient pu me projeter vers autre chose.
J’espère qu’on pourra vite retrouver nos habitudes et ce plaisir d’aller voir des concerts. J’ai l’impression qu’on nous prive un peu de tout ça, comme si la culture n’était pas primordiale.
Je devais aussi jouer au festival Corps en Lutte. Ils avaient trouvé plein d’alternatives mais il a également été annulé. Au final tous les efforts tombent à l’eau, c’est trop triste.
LFB : Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite du coup? Tu as des projets en tête?
Musique Chienne : Continuer à faire de la musique toute la vie, trouver d’autres directions musicales et faire des rencontres. Un projet né d’une collab’ avec une japonaise va bientôt sortir. Je l’avais invité en résidence, où on a fait deux morceaux ensemble. On les a fait de manière assez spontanée, sans personne avec nous. Le titre qui va sortir sera en japonais et en français ; ça symbolise un peu notre rencontre. J’ai également invité un ami à dessiner.
J’aimerai beaucoup faire une résidence en Ecosse ou en Angleterre pour écouter d’autres types de musiques et être immergée dans d’autres pays. Je suis actuellement en lien avec le label Acid Waxa qui vient de Newcastle Upon Tyne, qui m’inspire beaucoup. Je conseille vraiment ce label. On a sorti une cassette récemment et on va sûrement sortir un vinyle de morceaux déjà existants. J’aimerai faire un album entier avec eux à l’avenir, mais plutôt dans la lignée acid électro (moins pop). L’univers enfantin sera encore là je pense mais avec un style acid.
Et, en ce moment, je rêverai d’avoir un groupe et de retrouver une énergie collective. Etre solo sur scène c’est trop bien car tu es libre de faire ce que tu veux mais c’est un peu triste parfois. J’essaie de trouver des personnes motivées à Marseille.