Propulsé en tête de gondole de la musique électronique française, Myd déploie ses talents de producteur dans un album, Born A Loser, qui s’affranchit de tous les genres pour créer une pop hybride très particulière. C’est un style maintenant reconnaissable entre mille, le fruit d’une carrière qui a traversé plusieurs styles : house, techno, hip-hop… Myd a cherché et s’est trouvé, pas tant un loser que ça finalement : on revient sur son parcours.
Lille peut être fier d’être l’une des villes pensantes de la musique électronique en France, c’est un véritable carrefour culturel où se rejoignent les basses anglo-saxonnes, le hardcore belge-néerlandais et la techno parisienne. C’est aussi dans cette ville que Myd commence à se faire un nom, au début à travers un groupe d’électro-rock « assez excellent » comme dirait bien le principal intéressé : Sexual Earthquake In Kobe. A travers cette première formation, Quentin Lepoutre, alias Myd, pseudo qu’il emprunte à son grand-père, trouve ses premières influences en composition. On y trouve déjà un humour barré qui le caractérise encore aujourd’hui, plus de 10 ans après.
Fasciné par Fatboy Slim durant son enfance et baigné dans la musique électro par son père, Myd savait qu’il finirait musicien s’il ne devenait pas informaticien. Il entreprend un BTS Audiovisuel à Tourcoing où il rencontrera son première frère d’armes, Canblaster. De l’autre côté de la métropole Lilloise, à Sciences Po, Sam Tiba et Panteros666 concoctent eux aussi une recette électro hyper novatrice, les quatre chevaliers finiront par se rencontrer et former Club cheval. Ce délire de potes prend alors de l’ampleur et s’exporte même à Paris, où les DJ rencontrent un certain succès d’estime en s’entourant de pointures du milieu, l’équipe d’Institubes, pour ne pas les citer, comme Teki Latex, Para One, Surkin… A l’époque, Myd se fait notamment remarquer pour son morceau Train To Bamako.
Au-delà d’un groupe, ce Club cheval est aussi un collectif où chaque membre peut s’épanouir dans sa propre identité : Canblaster en musique breakée importée tout droit des jeux vidéo de danse, Panteros666 et ses kicks explosifs tirants vers le gabber, Sam Tiba et son R’n’B spatial digne d’un fan de rap japonais… Et bien sûr : Myd et sa passion dévorante pour la house. Grâce à leur succès grimpant, des productions plus que notables comme pour Teophilus London et Kanye West, des remixes et EP signés chez Bromance, le quatuor s’envole et sort son premier album en 2016 : Discipline. Myd y trouve, comme son nom l’indique, une expérience qui lui apprendra la rigueur et la créativité. Un baptême du feu qui durera trois ans, accompagné de DJ Kore pour les épauler.
C’est aussi en sa compagnie que Myd se fera remarquer pour la prod de Champs-Elysées de SCH, où il y posera ce synthé si particulier en 2015. Cette même année, le producteur sort également le titre No Bullshit, en featuring avec les rappeurs d’Atlanta Twice et Lil Patt. Cette connexion se fait notamment par un ami commun, Brodinski, qui encore aujourd’hui lève le pied sur la techno pour se consacrer à la production de rap US. Derrière ce titre afrobeat, on note surtout l’identité de Myd qui se précise : on y retrouve déjà ces guitares désaccordées entêtantes qui font son style.
A la sortie de Discipline et après une longue tournée internationale, chacun part s’occuper de ses projets solo. A côté de sa carrière de beatmaker, notamment pour Georgio sur l’album XX5, Myd se retrouve rapidement avec un EP de trois titres, All Inclusive. Trois morceaux ensoleillés qui traduisent le fond du style musical du DJ lillois : des morceaux rythmés et joyeux mais non sans mélancolie, des cordes hawaïennes détunées… La recette semble déjà toute trouvée au lendemain de l’expérience de groupe.
Quoi de plus culotté que de poser nu sur une pochette ? Peut-être frapper à la porte de Pedro Winter, alias Busy P, patron de Ed Banger, pour sortir cet EP. C’est lui qui enverra Myd et la photographe-réalisatrice Alice Moitié sur une croisière pour shooter photos, livre d’art, pochette et clip pour le titre éponyme du projet. Le musicien à lunettes bleues rejoint la grande famille de Justice, Mr Oizo, Breakbot, entre autres, fondée par l’ancien manager historique des Daft Punk.
Avant la sortie de son premier projet majeur en solo, Myd se retrouve une fois de plus sur le devant de la scène mainstream grâce à un projet totalement inattendu : la production du premier album de Squeezie ! Au lendemain des tubesques Mirador et Bye Bye, le youtuber rappelle Kezah ainsi que Myd et Sam Tiba pour l’accompagner sur ce nouveau projet. La prod de Influenceurs est d’ailleurs un morceau de Club cheval initialement prévu pour la chanteuse coréenne Chris Lee, qui ne verra malheureusement jamais le jour. Oxyz, l’album de Squeezie sorti chez AllPoints, sera couronné de succès avec notamment un NRJ Music Awards.
A la suite de quelques EPs et autres singles qui fond de plus en plus de pied à la pop, notamment un certain Muchas avec Cola Boyy, Myd chemine doucement vers l’épreuve fatidique : le premier album solo. La couleur est déjà annoncée : sa musique sera résolument électro-pop, pleine de bonnes vibes pour danser tout l’été. Le musicien n’oublie la part autobiographique du projet, même s’il n’y pas forcément de textes : l’album s’appelle Born A Loser. Visuellement, le travail d’Alice Moitié permet de cerner un personnage plein d’auto-dérision, ce qui cache peut-être un manque de confiance en soi voulant à tout prix être comblé par la musique. Le musicien le dit lui-même en interview : il n’y a pas de différence entre lui et son personnage, Myd est Quentin Lepoutre, point.
Le musicien se rapproche peu à peu de sa communauté, notamment pendant le confinement, avec les lives CoMyd-19, un véritable rendez-vous matinal qui mettra un peu de joie dans les chaumières de chacun et chacune pendant une période compliquée. On y retrouvera beaucoup d’invités (Sam Tiba, Mad Rey, Kungs…) et plusieurs saisons. Rapidement, des fans récurrents se feront remarquer et deviendront des compères de Myd, un serveur Discord sera même créé pour réunir tout ce beau monde.
Born A Loser sort finalement le 30 avril 2021. La petite bombe de l’été est arrivée à maturation, on y retrouve le rouleau-compresseur The Sun, qui explose sur les stories Instagram bizarrement quatre ans après sa sortie. L’album contient aussi la collaboration, presque consécration, Moving Men avec Mac DeMarco, pour qui Myd n’a jamais caché son admiration. Beaucoup de pépites se cachent dans ce disque : de la pop grand public avec Call Me, des morceaux club comme Whether the Weather, l’hymne estival Together We Stand… Le projet est un petit couteau-suisse où tout le monde y trouvera son outil.
Beaucoup de fans de Ed Banger le diront : l’évolution de Myd est l’une des périodes majeures du label depuis l’âge d’or de la french touch 2.0. Quentin Lepoutre prend à contrepied la culture de la discrétion dans l’électronique et s’affiche plus que jamais au travers d’un grand nombre de collaborations : la marque de lunettes Amaury, qui a designé ses lunettes bleues désormais cultes, la marque de trottinette Freenow, Citadium avec qui il vendra son merchandising… Myd est un personnage comique et attachant et les marques le savent.
Toujours dans une démarche de proximité avec sa fanbase, Myd organisera même un concours de remixes sur le titre éponyme Born A Loser, par l’intermédiaire du site Metapop, il y écoutera les participations en live sur sa chaîne YouTube. Le clou du spectacle et l’un des projets les plus divertissants autour de l’album est celui du morceau participatif en live : Myd se retrouve en direct tous les soirs depuis les studios de Radio Nova , redécorés par l’artiste Tamaya Sapey-Triomphe, il y créé le superbe Loverini, en featuring avec L’Impératrice. Beaucoup d’éléments du morceau sont ainsi des samples enregistrés et envoyés par les fans.
Au-delà de sa simple renommée de producteur, Myd se défend également en tant que remixeur de talent, beaucoup de collaborations arrivent avant et après l’album, pour ne pas les citer : le remix de l’immense hit Fever de Dua Lipa et Angèle, un remix pour Hot Chip, Flight Facilities, Metronomy, Major Lazer… En regardant ce panel d’artistes, on découvre finalement l’étendue de l’inspiration du musicien lillois : un amoureux de la musique électronique qui ne rechigne pas à pousser sa passion vers la pop music. C’est assez excellent.