4 albums, 4 succès. Entre 2010 et 2020, Agnès Obel a poussé avec éclat et élégance les murs de l’espace musical, pour y imposer un art innovant, inclassable. Cette année, la chanteuse Danoise se joue à nouveau des frontières et se démarque avec 10 nouveaux titres chamboule-tout. Myopia , c’est l’horizon du connu qui s’éloigne pour laisser la place à la poésie et au mystique.
Agnès Obel, un nom de scène à l’image de sa musique : brut d’authenticité, poncé de toute fioriture. Elle modèle ses chansons selon ses propres intuitions, ses propres inspirations, et dans cette poterie unique et spontanée les directives d’autrui ne trouvent pas leur place. Son talent s’exprime seul, dans son entièreté, et un tel talent ne se retouche pas. Agnès Obel est, en effet, bien loin du cliché de la chanteuse commerciale. La musique qu’elle nous propose est imaginée et conçue par elle-même, en partie pour elle-même. Loin de s’éloigner de ce qu’elle est intrinsèquement afin de plaire aux autres, elle dessine dans ses musiques une carte vers l’essence de son propre monde, comme un retour aux origines.
Myopia, c’est une parenthèse, une expérience. Une bulle que l’on suit, sans trop savoir ni pourquoi, ni si l’on devrait, ni vers où elle nous mène. C’est une voix douce, entêtante, celle d’une fée ou d’une sirène, qui nous embarque sans prévenir à travers un paysage magique et mystérieux, proche des sens et des sons. Parmi les dix titres, certains comme Island of Doom résonnent plus fort, faisant écho aux émotions les plus enfouies.
Durant cette ballade vers l’essentiel rythmée par un orchestre omniprésent et des vibrations ethniques, le timbre d’Agnès Obel se faufile dans le fond acoustique touffu et disparait, de temps en temps, pour nous laisser admirer le paysage. La justesse des notes, l’équilibre des sons. Partenaire de notre imagination, Myopia comme un tableau mouvant.
Et quel tableau ! Riche, organique, on n’y distingue pas grand-chose. Les instruments s’y fondent et s’y cachent, seul le piano, habituel compagnon de voyage, et le violon, restent facilement reconnaissables. Les chœurs de leurs côtés apportent une dimension épique à la toile, la rendant plus percutante et magistrale.
Alors si on avance à tâtons dans cette peinture floue et obscure, c’est que le nouveau souffle qu’elle dégage nous chatouille et nous appelle : promesse de l’inconnu ou prière qui nous touche ? Il nous faut connaitre la fin, arriver à destination ou prier avec elle. Agnès Obel dans cet album nous propose une trêve onirique dans ces temps tourmentés, dont le décor n’est peut-être pas moins cataclysmique que celui du monde réel, mais dont l’osmose et l’harmonie du tout rassure et étonne.
Article écrit par Prune AVEMANI