C’est le retour de l’enfant terrible Josman, le kickeur de Vierzon nous gratifie en ce début d’année d’un nouvel EP. Toujours bien accompagné, en plus de son fidèle compère, le talentueux Easy Dew, c’est cette fois son propre frère MYSTR qui l’épaule sur la production de ce disque, c’est d’ailleurs cette collaboration qui est mise en avant avec le titre du projet MYSTR J.O.$. Les deux frères se sont partagés les prods, comme pour mieux distiller les textes dans des instrumentaux à couper le souffle. Une bulle de création qui se veut intime et parfaitement calibrée pour faire ce que le rappeur sait faire de mieux, cracher le feu.
On aurait presque été déçu de voir Josman revenir sans nous proposer ce morceau d’introduction, alors fan service ou pas, c’est bien le quatrième opus de Fucked Up qui ouvre cet EP. Véritable marque de fabrique du rappeur, Fucked Up 4 est un banger abrasif et est la meilleure façon de se faire remarquer, c’est ce qu’on appelle une entrée fracassante.
Avec ce morceau Josman nous rappelle cette envie toujours intacte de niquer le game, tel végéta, revanchard dans l’âme ; mais il le répète, il n’est pas là pour percer non, il ne concourt pas dans cette branche d’artistes, ce qu’il veut lui c’est découper, proposer son art, presque l’imposer par la force des choses « J’arrive comme « poh, poh », j’arrive dans l’game comme Pol Pot « .
Pas de doutes, le JOS est bien là pour mettre tout le monde d’accord et avec la manière « J.O.S phénoménal ».
L’EP est une production intime, un lien entre deux frères, l’un offre à l’autre le support pour l’expression de ses pensées, une collaboration millimétrée qui prend la forme d’un aller simple dans les tourments de Josman, car qui de mieux que son propre frère pour sublimer la matière grise de l’artiste.
C’est avant tout un pas en arrière et une prise de recul sur qui il est et ce qui compose son passé, avec toujours cet art de la découpe, des phases assassines, des couplets saillants et ce sens toujours aussi aiguisé de la rime. Mais n’allez pas penser que Josman fait ce pas en arrière pour contempler sa trajectoire et son évolution, plus qu’une mise en abîme ce pas en arrière c’est l’élan qu’il se donne pour frapper plus fort vers l’avant, assumer et revendiquer sa personnalité et son parcours et prévenir avec la manière qu’il a toujours aussi faim.
Dans ses textes, l’artiste distille toujours cette once d’ arrogance avec ses punchlines incandescentes, mais ce n’est qu’une façon comme une autre d’accaparer l’attention et de de se livrer. Il nous confie ainsi ce qui rythme son quotidien et son rapport au passé, il donne un sens à cette volonté maladive de se montrer et de faire son trou par tous les moyens. Cette détermination et cette résilience tiennent notamment dans la difficulté qui a été et qui est toujours la sienne de faire sa place dans un pays qui ne veut pas le reconnaitre en tant que tel, faire face un racisme décomplexé de la part de l’état et de la police et surtout endurer cette bataille acharnée pour survivre dans la galère.
La grande réussite de Josman sur ce disque c’est d’arriver à mettre en lumière le contradictions qui cimentent son parcours, entre exploits et erreurs, il explique mieux que quiconque la portée des décisions sur sa trajectoire de vie.
C’est en réalité une certaine schizophrénie qui guette l’artiste, on le connaissait sous plusieurs personnalités avec le projet SPLIT mais ici c’est surtout le contraste permanent entre réussite et misère qui hante le rappeur.
Josman sait que le bonheur a lui seul ne peut exister, il sait quels sont les sacrifices et les décisions difficiles qui lui ont permis de réussir, un travail acharné, avec peu de reconnaissance et beaucoup de concurrence.
Tout ce morceau n’est que contraste, la fierté d’enfin arriver à faire son argent mais la nécessité d’aussi faire croquer ses proches, la différence émotionnelles qu’il rencontre « j’ai vu des larmes j’ai vu des foules en liesse », et cette opposition quasi systématique entre anges et démons, bien et mal, Josman est à la croisée des deux « Un pied dans l’mal un dans l’bien » alors presque par réflexe il fait le grand écart.
On retrouve également ces thématiques dans le morceau Goal « J’suis un peu perdu entre bien et mal, entre vice et vertu
Quand je galère, j’fume, j’allume la verdure, j’ai besoin d’air pur, j’éteins l’amertume », il le sait il n’y a pas de remède, juste des calmants alors il noie ses larmes dans le bourbon, le miel.
Sur SEC, le rappeur affirme sa mentalité de fer qu’il possède depuis le tout début, même avant sa naissance et la volonté de voir disparaitre les pleurs de sa mère. Un coeur sec car la dure réalité l’a frappé tout jeune, « le miel remplace les menthes à l’eau », cette sécheresse émotionnelle est en fait un réflexe de survie face à la dureté de ce monde, même face aux déboires amoureux « une salope m’a rendu salaud ». Ainsi comme cela revient bien souvent dans chacun des morceaux, il n’a un rapport à l’amour qui ne se traduit plus que par le sexe et ce rapport instinctif au corps, mais les émotions ne sont plus là.
On comprend donc que l’artiste est tourmenté jusque dans ses nuits, « Même quand je somme y a le seum qui m’harcèle » et que c’est peut être là la malédiction qui le suit et ne le lâche plus.
Dans ses textes Josman arrive à nous faire comprendre quelles sont ses failles, avec une pudeur qui n’en est pas une, derrière son phrasé parfois provocateur l’artiste sait nous confier un mal être qui est à la fois un handicap et une force, toujours dans cet esprit de contradiction.
On retrouve sur New Hares (Same Sh!t) cette nécessité de se défoncer en permanence pour oublier, Josman dans une authenticité totale nous confie avoir frôlé la dépression et à l’image d’un Kid Cudi qu’il cite « Solo Dolo » il s’est aussi retrouvé seul face à ses peurs, face à ses pleurs comme il le dit si bien.
C’est dans ce morceau qu’il livre la phase pouvant résumer au mieux son état d’esprit :
« Beaucoup d’appels au secours mais tout autour, que des vautours
Ouais, j’ai l’air fermé mais au fond, j’suis rempli d’amour, j’en d’mande juste un peu en retour »
Après SPLIT et les différentes personnalités de l’artiste, on retrouve donc ici un Josman plus entier, peut être plus authentique, il n’est question que de lui, des contradictions qui pavent sa route et le sprint acharné vers la quête d’une meilleure vie, mais mieux que quiconque il sait et nous explique la teneur impossible de cette quête « toujours aussi loin du rivage, bonheur en mirage, pas de miracle ».
Alors Josman fait ce qu’il sait faire de mieux, rapper, écumer les mots et nous offrir un petit bijou musical bien sublimé par les productions impactantes qu’il aura su modeler avec son frère, il n’y a plus qu’à savourer en attendant la suite avec impatience…