Si il y a bien un album qui nous a fait du bien au cœur et aux oreilles récemment, c’est Pas Si Grave de Nerlov. L’Angevin pose un regard à la fois cynique et apaisé sur le monde qui nous entoure sur des productions organiques et dansantes. On a eu le plaisir de le retrouver pour parler avec lui de son évolution, du retour de la basse, de piano-voix et du besoin de toujours garder un peu de second degré.
La Face B : Salut Nelrov, comment ça va ?
Nerlov : Ma foi ça va pas trop mal je dirais, ça a été pire ! Non je suis plutôt content !
LFB : Comment tu vis la sortie de l’album ?
Nerlov : Et bien pas mal, pas mal parce que les retours des gens ça met du baume au cœur et ça donne de la force, tu vois les gens qui te disent qu’ils aiment bien et que ça les touche, c’est cool.
LFB : Est-ce que appeler ton album Pas Si Grave c’était pour toi une façon de te protéger de l’importance d’un premier album et de te dire que la musique ça reste de la musique ?
Nerlov : Peut-être inconsciemment oui. Ce n’est clairement pas idiot, c’est devenu ma philosophie pour à peu près tout de toute façon. C’est pas si grave. Je me dis ça pour tout : « c’est pas si grave t’as bien vécu, t’as bien profité de la vie, il peut t’arriver n’importe quoi maintenant c’est pas si grave ». Tu en as plus profité que 90% au sein de l’humanité, je pense qu’on fait partie du tout petit pourcentage en tant que Français nés dans un pays riche, dans une classe moyenne, on a manqué de rien et que tout ce qui peut arriver maintenant c’est pas si grave. Je dis ça mais parce que tout va bien, mais demain … c’est une formule attention c’est facile.
LFB : Du coup il y a ce titre, la musique bien sûr, et il y a la pochette.
J’ai l’impression que la pochette va, aussi avec certains clips que tu as sortis, sur une idée importante ; celle de scruter au plus près quitte à perdre un certain recul ?
Nerlov : Oui c’est complètement ça, le côté gros plan, j’aime bien ça le côté gros plan. Ce n’est pas très gratifiant un gros plan comme ça, il y a un côté voir au fond des choses quitte à voir les points noirs (rires).
LFB : Est-ce que c’est un truc que tu as réfléchi en amont ou est-ce que c’est venu au fur et à mesure ?
Nerlov : J’ai toujours été adepte du gros plan. On a essayé plusieurs choses pour la pochette, on a essayé plein de trucs notamment avec des perruques, une perruque notamment. Si tu regardes bien on la voit la perruque sur la pochette ! Il y a une petite mèche blonde qui traîne, et les gens qui ne me connaissent pas ils vont s’en foutre mais les gens qui me connaissent ils vont se dire « mais c’est quoi cette petite mèche blonde qui traîne ? » et je pense qu’on va utiliser ça dans l’avenir, cette petite mèche blonde… j’en dis pas plus !
LFB : Tu parlais de zoom mais ça va aussi avec l’idée de l’auscultation humaine, que tu fais dans ta musique depuis le départ et qui évolue beaucoup. Je trouve qu’il y a plus de douceur et moins de cynisme.
Nerlov : Il y a quand même encore un peu cynisme…
LFB : J’ai dit moins (rires).
Nerlov : (rires) oui moins, peut-être un peu moins de colère en tout cas ça c’est sûr et il y a beaucoup d’acceptation. Il y a encore un peu de colère forcément, un peu d’amertume mais beaucoup d’acceptation sinon c’est insupportable. Il faut être dans l’acceptation sinon c’est insupportable !
LFB : J’ai l’impression que tu as remplacé le cynisme par l’humour, c’est deux choses qui sont très proches mais justement comme tu dis, le fait est que dans le cynisme il y a toujours une pointe de colère et de ressentiment et je trouve qu’elles s’effacent ici.
Nerlov : D’aigreur… oui tu as raison il n’y a plus trop d’aigreur, il y a un doux constat. Un doux constat qu’on essaie de prendre souvent avec beaucoup de légèreté, beaucoup de second degré. Sinon encore une fois c’est insupportable. Si on ne fait pas ça, et si on est trop premier degré c’est chiant.
LFB : Oui et justement ce qu’il y a de marrant c’est que tu as lancé l’aventure de cet album-là avec Quel Dommage qui est pour moi le morceau qui se rapproche le plus de ce que tu faisais avant dans le même monde.
Je me demandais si tu avais pas justement lancé ce morceau-là comme une espèce de fausse piste ?
Nerlov : Bah très honnêtement, je trouve qu’il n’a pas grand-chose à foutre sur l’album, il dénote vachement on va dire. L’album est globalement assez homogène et il y a Quel Dommage qui est un peu le petit ovni de l’album on va dire. Mais bon voilà, peut-être qu’avec le recul il ne serait pas dedans et il y aurait un autre morceau à sa place, mais vu que c’était un morceau important que j’aimais beaucoup et qui en effet fait le lien avec Prophéties.
LFB : Oui parce qu’il y a des références mélodiques, des sonorités qui sont très …
Nerlov : … très groove oui, c’est un cousin de Prophéties, clairement un cousin germain à fond ! Mais il dénote, quand il arrive sur l’album, il y a tout qui se déroule normalement et quand il arrive Quel Dommage, ouh là ! C’est un autre groove, un autre truc, même une autre sonorité parce qu’il n’a pas été produit au même moment, on sent la différence.
LFB : Est-ce que pour toi il y avait des espèces de pièges ou des choses à éviter dans la construction d’un premier album ?
Nerlov : Très honnêtement je ne réfléchis pas trop à ce genre de choses. Quand je fais l’album c’est très spontané, je ne sais pas forcément ce que je vais faire et pourquoi je vais le faire. C’est après qu’il y a des évidences comme ça et quand on m’en parle je me dis « je n’y avais pas pensé mais inconsciemment c’était peut-être là » forcément.
En tout cas si toi tu l’as perçu ou d’autres gens, je me dis « ah ouais c’est intéressant ». J’essaie de garder un truc très pur en tout cas. Ce à quoi on va penser c’est mettre du relief, à ne pas faire 11 fois le même morceau évidemment, ça c’est un piège dans lequel il ne faut pas tomber, la même recette que tu répètes, c’est la facilité et ce serait tellement chiant. J’aime beaucoup Cigarettes After Sex mais je trouve ça d’un ennui…j’adore Sleaford Mods tu vois, ils sont passés au Levitation j’étais dégouté de les louper et en fait pas tant que ça, parce que je pense que j’aurais été à fond 15min et puis bon… (rires)
En fait ce sont des artistes, et pleins d’autres comme ça, qui ont trouvé une putain de recette, originale, singulière, qui est la leur, mais par contre cette recette ils la dupliquent à l’infini et ce n’est pas mon credo, je n’ai pas envie de faire ça, je pourrais m’ennuyer en écoutant mon disque !
LFB : Ce qui est marrant c’est quand tu regardes la construction de l’album, on part de Pas Si Grave pour arriver à Affamé, d’un morceau qui est beaucoup plus axé sur le collectif et le vivre ensemble pour zoomer lentement vers quelque chose d’hyper intime et sans fard de ta propre personne.
Nerlov : Oui bien sûr. Il y a du Nous et dans le Nous il y a du Je évidemment puisque c’est par mon prisme et ça se termine vraiment sur du Je…
LFB : Et même musicalement tu pars d’un morceau qui est sans doute le plus pop de l’album pour arriver sur un truc qui est minimaliste et épuré à l’extrême.
Nerlov : Oui carrément et qui est deep. Pas Si Grave c’est l’autoroute, c’est très léger dans la forme. Il y a un peu de profondeur mais dans la forme c’est très poppy, très easy listening alors qu’en effet Affamé c’est plus deep, dans le texte et dans la forme.
LFB : Et est-ce que ça te faisait peur de devoir assumer un titre comme Affamé ?
Nerlov : Non parce que c’est ce que j’assume depuis longtemps les morceaux deep. Alors après oui dans le fond ce qu’il y a dans le texte ça peut poser problème, poser question en tout cas, une inquiétude. Mais je n’ai pas envie que mes parents s’inquiètent pour moi, quand je dis « j’ai peur de tomber dans l’alcool » n’importe quel parent pourrait se dire « euh ça va mon fils ? » (rires)
LFB : Mais tu pourrais dire aussi que tu te caches derrière le personnage de Nerlov qui n’est pas vraiment toi mais j’ai l’impression que avec l’album tu as aussi fait sauter les derniers verrous et les derniers volets de la pudeur ?
Nerlov : J’avais déjà fait avant, je sais pas si tu te rappelles de Piste Noire par exemple, ou Acide, des morceaux comme ça où je suis quand même vachement à poil, où je parle quand même vachement de moi et de choses que j’aurais plutôt envie de garder pour l’intime … Je suis très content quand je les écris et quand ça sort c’est une autre histoire !
LFB : Même sur scène ça doit être des morceaux quand même compliqués ?
Nerlov : Non c’est pas les plus compliqués ceux-là. Les plus compliqués ce sont ceux qui parlent d’amour, de relations passées, quand on fait souffrir… Ça c’est plus dur à assumer en vrai, des fois ça peut te prendre un peu comme ça… « je vais réussir à la chanter ou pas ? »
LFB : Et surtout qu’il y a des morceaux d’amour sur cet album !
Nerlov : Il y en a bien sûr ! Disparaitre par exemple, ne commence pas comme une chanson d’amour, ça commence par un truc un peu absurde, on ne sait pas pourquoi. Il ne faut pas me demander d’où ça sort et pourquoi, il y a une part d’absurdité que j’aime bien. J’aime bien l’absurdité, je l’ai tatoué près de ma gorge. J’aime bien dire des choses comme ça qui relèvent un peu…
LFB : … du surréalisme ?
Nerlov : Oui du surréalisme c’est ça, ça n’a pas vraiment de sens mais ça parle quand même…quand je dis des fois je veux enterrer mon voisin d’à côté, on a tous eu un voisin bruyant qui faisait des travaux le matin à 8H…Quand j’ai écrit ça pour le coup c’est du vécu.
LFB : Comme quand tu dis « si j’avais un taser on pourrait s’amuser »
Nerlov : Oui c’est ça, torturer quelqu’un …(rires) on a tous déjà eu envie de torturer quelqu’un non ?
Et ça vient faire une chanson d’amour. Sur le deuxième couplet c’est purement une chanson d’amour ! Plus lent…
LFB : L’idée de la lenteur qui est très présente sur l’album.
Nerlov : Oui bien sûr, un gros trait de ma personnalité ça !
LFB : Ce qui montre l’évolution aussi c’est quelque chose que tu n’utilisais pas forcément sur les morceaux d’avant et qui revient je trouve énormément sur l’album, où tu parles justement beaucoup plus de toi de manière premier degré…Elle est hyper intéressante l’idée de la lenteur la façon dont tu l’utilises dans l’album, dans le sens où c’est un statement en fait, c’est un truc qui revient mais utilisé différemment à chaque fois.
Nerlov : Oui oui et puis qui est assumé et qui me définit. Et je crois que j’aime bien aussi. J’aime bien et en même temps ça me fait chier et ça m’angoisse aussi parce que ça me fait prendre deux fois plus de temps que n’importe qui, enfin pas que n’importe qui mais j’ai l’impression de ne pas être sur le même tempo. Même la journée, il y en a qui vont avoir fait énormément de choses en 8 heures et moi si j’ai fait une machine et je me suis fait un repas je suis content (rires).
Tu vois je suis pas loin de ça quand même des fois.
LFB : Pour revenir sur les pronoms, il y a quand même un espèce de triangle et de jeu d’écriture dans la façon dont tu construis les morceaux avec le Je le On et le Toi … Les morceaux changent en fonction de la perspective que tu prends …
Nerlov : Ouais tu entends quoi par ça ?
LFB : Je ne sais pas y a un truc justement entre l’intime et le collectif, et il y a aussi cette idée de faire péter la barrière entre la personne qui fait de la musique et l’auditeur …
Nerlov : Oui bien sûr, comment on appelle ça au cinéma ?
LFB : Le 4e mur.
Nerlov : Le 4e mur exactement, oui à fond ! Un morceau comme Et Toi, c’est dans le titre hein, en fait c’est ça, ça vient te chercher.
Alors c’est bien et ce n’est pas bien. Moi il y a plein de musiques que j’écoute et que j’aime bien qui me détendent. Et on ne vient pas me chercher et on ne vient pas me faire chier et là dans cet album il y a plein de morceaux où je vais aller chercher …
LFB : Oui Grâce à toi ou Tout Va Bien c’est pareil aussi.
Nerlov : Grrâce à toi c’est plus facile je trouve, tu peux l’écouter comme ça, je ne viens pas te poser des questions, dans Et Toi je viens vraiment te poser la question…Même dans Quel Dommage. Quel Dommage c’est un truc un peu plus agressif, justement du Toi du Tu, un truc qui vient te titiller un peu. Je règle un peu des comptes dans certaines chansons, je ne cite personne mais je règle des comptes avec des moments, avec des gens, avec des histoires, avec des idées… Et puis je pose des questions mais quand je dis « Et toi et toi et toi ? » je me parle peut-être à moi aussi tu vois, et puis je me questionne quoi.
LFB : Ce que j’aime bien dans l’album c’est que finalement on est dans une époque très polarisée, où tout va dans un sens ou dans l’autre, et on a l’impression que toi tu t’amuses beaucoup à explorer la zone entre les deux ?
Nerlov : La zone des gris oui. Déjà il n’y a pas de zone de gris pour moi, tout est un très grand gris et dans ce grand gris tout le monde en fait un noir et un blanc, parce que c’est plus facile pour se positionner, et je ne me positionne pas en fait. Évidemment que je peux me positionner mais même en me positionnant je vais toujours avoir intérêt à comprendre ma position, ma position elle ne sera pas à 100%, ça sera toujours dans cette fameuse zone de nuances et de gris pour comprendre les choses. Le ying et le yang en fait c’est aussi simple que ça.
LFB : Et puis même dans ton écriture on sent qu’il y a la capacité d’évoluer aussi, j’ai l’impression que le morceau que tu as fait à tes tout débuts ne représente pas forcément la personne que tu es maintenant ?
Nerlov : Ouais c’est intéressant, je pense en effet que comme je t’ai dit je suis peut-être un peu moins cynique, mais bon j’ai eu 3 gosses depuis… non pas du tout (rires) ! Non je n’en ferai pas, j’adorerais en avoir mais c’est ce que je dis dans la chanson. Élever des enfants ça serait un rêve mais en faire non. Trop de culpabilité…
LFB : C’est-à-dire ? Par rapport au monde dans lequel on vit ?
Nerlov : Il ne s’agit pas juste d’une guerre ou deux ou d’une crise économique là, il s’agit d’une crise écologique. Ça part dans tous les sens là. Faire un gosse là il faut être deter…ou dans le déni. Et c’est important, tu es obligé d’être dans le déni si tu veux faire des enfants, tu n’as pas le choix, c’est sur sinon tu es malheureux, tu te dis que c’est une connerie…
LFB : J’aimerais bien parler de ton évolution musicale sur l’album aussi. Parce que j’ai l’impression que tu es revenu à un truc beaucoup plus organique, beaucoup plus centré sur la basse…
Nerlov : Bien sûr j’ai repris la basse que j’avais quitté depuis VEDETT et là elle est revenue sur le disque. Et même toutes les guitares que tu entends c’est des basses ! C’est des basses qui sont pitchées à l’aigu et voilà !
LFB : Qu’est-ce qui t’a donné envie justement de retourner vers ce son là ?
Nerlov : Ça fait deux EPs et quelques singles que je fais avec ATOM. Au début quand on s’est rencontré j’étais un peu impressionné par le personnage et c’était un peu lui qui drivait le truc à sa sauce et moi j’avais mes idées en tête. J’assume tout ce qu’on a sorti, mais c’est vrai qu’il y a des morceaux je ne les ferais plus comme ça aujourd’hui tu vois. Même à l’époque je ne les aurais pas fait comme ça, tu vois les morceaux où il y a 3 caisses claires différentes, 5 charley différents …Et petit à petit j’ai réussi à l’amener vers ce que j’aime, ce que j’entends, ce que je ressens. Une dimension rock, avec une vraie batterie avec une caisse claire, une charley, un kick, le retour de la basse, le retour des instruments tu vois. Je suis revenu à ça naturellement parce que c’est ce que je sais faire, c’est ma recette.
Là où c’était intéressant au début du projet Nerlov, c’est que grâce à ATOM ça m’a amené vers autre chose et là en reprenant un petit peu plus les rênes on va dire, mais avec son accord, lui aussi il était volontaire, il était même heureux de découvrir qu’il n’y a pas besoin de mettre 5 snares et qu’il y a pas besoin de faire des projets avec 58 pistes pour que ça soit cool, un côté plus épuré, plus simple aussi.
Mais du coup naturellement je reviens quand même à ce que je sais faire aussi et je me rends compte que je n’ai pas une énorme palette de compositeur, j’ai ma recette, j’ai mes trucs à moi de mec autodidacte quoi. Je sais exactement ce que je veux faire, comment je peux le faire, comment je veux le faire, c’est pour ça que j’aime aussi à certains moments chanter et écrire des textes sur des compositions d’autres gens, dans d’autres univers, des gens qui ont composé des morceaux que moi-même je n’aurais pas composé, ce qui va m’influencer sur autre chose et qui en tout cas aura un résultat différent parce que je vais poser mon bail, ce que je sais faire, mon style sur un truc qui n’a rien à voir comme ce que j’ai fait avec Zenzile par exemple.
LFB : Ce qu’il y a d’intéressant aussi dans ce « retour » c’est que ça va aussi avec le propos plus humain qu’il peut y avoir dans les morceaux, je trouve que la production elle est au diapason de ce que tu racontes.
Nerlov : Oui il y a de l’organique et c’est hyper important l’organique, ça fait passer de la sensibilité et de l’émotion…
LFB : ça laisse des fêlures…
Nerlov : oui bien sûr oui.
LFB : Mais c’est marrant c’est que toi tu parles de rock, moi j’ai plus l’impression qu’on est entre la pop et le punk en permanence sur l’album ?
Nerlov : Ouais enfin tu joues avec les deux mots là, entre la pop et le punk il y a quoi ? (rires)
LFB : Je trouve que la basse elle est très punk mais au service d’une production pop.
Nerlov : Elle est très new wave/cold wave oui, je sais pas si tu as écouté un peu VEDETT , ça s’entend de toute façon en direct les réminiscences.
LFB : Mais il y a un truc qui fait que, comme tu disais tout à l’heure, c’est policé, de manière à ce que ça puisse être écouté par tout le monde.
Nerlov : Ce n’est pas policé ! VEDETT c’était bien produit aussi. Là le fait est qu’ATOM est très fort et produit très bien, mieux que ce qu’on a pu faire avant. Je dis ça c’est parce qu’on a upgradé notre niveau d’exigence. Un morceau comme A l’Envers, je lui disais vas-y on va essayer de le laisser un peu crade tu vois, un peu dirty, pas que ce soit trop lisse trop tu vois, faut que ça sente un peu le pipi quand même !
LFB : Un morceau comme C’est Raté il est assez étonnant parce qu’il y a quand même un moment où le morceau vrille complètement et se transforme, j’ai l’impression qu’il y a ça aussi dans l’album, c’est que les morceaux sont vivants et ils peuvent switcher et devenir complètement autre chose. Tu parlais du texte mais ça vient aussi de la musique.
Nerlov : Oui pour moi la musique c’est central. Le texte, pour moi, c’est presque secondaire même. Moi ce qui me fascine c’est la musique. La musique et la mélodie. La voix, la mélodie de la musique, l’ensemble. Ça ne fait pas longtemps que j’en ai quelque chose à foutre des textes. J’ai grandi avec la musique anglo-saxonne moi mes premiers frissons avec la musique ce n’est pas des textes c’est des mélodies. Des mélodies et des interprétations, des voix qui me racontaient quelque chose que je ne comprenais pas mais qui me touchaient en plein cœur. C’est ça que j’aime dans la musique, pas besoin de comprendre le texte pour que ça me foute les poils et que ça me touche.
LFB : Ce qu’il y a d’intéressant avec Nerlov justement maintenant c’est parce que c’est fait en français et que tu as une compréhension mais tu joues énormément aussi avec les mots et les sonorités.
Nerlov : Je pense oui, c’est la même technique que quand je chante en anglais, je commence par faire un yaourt, c’est plus un yaourt en anglais mais un yaourt en français sur lequel je vais venir calquer des mots et des textes et puis après voilà. Mais ça commence par des sonorités oui.
LFB : Et justement puisqu’on parlait de recette, est-ce que tu as l’impression d’avoir atteint un point, comment dire, de compréhension totale de Nerlov ?
Nerlov : Non ! C’est complètement évolutif, au fur et à mesure de rencontres, de ce que j’écoute…Là en ce moment je suis dans une phase où je ne compose pas trop pour Nerlov, je compose pour ce qu’on fait avec Charles (Chahu ndlr). Ca s’appelle Pas Mieux pour l’instant mais peut-être que ça sera voué à changer de nom on verra, parce qu’on intègre Romain de Joanne O Joan, le clavier avec qui d’ailleurs je bosse un piano-voix.
Il faudra venir voir aux Balades Sonores le 22 juin on fait un showcase c’est hyper beau. 25 minutes c’est un gros kif, moi j’ai adoré, être à poil, pour le coup on parlait d’organique, ma voix toute fragile qui chante mes conneries, sur Romain qui ne se contente pas de plaquer des accords tu vois, ce n’est pas chiant comme euh .. je ne vais pas dire comme qui (rires) mais c’est hyper beau parce qu’il a vraiment arrangé les morceaux et c’est un concert de piano, c’est un concert de piano sur lequel je peux chanter.
LFB : Du coup ça c’est intéressant parce que justement avec ces chansons-là ça te permet aussi « d’ouvrir » la palette de tes possibilités sur scène ?
Nerlov : Exactement, c’est exactement ce qui est en train de se passer.
LFB : Le fait d’avoir remis énormément de basse sur l’album, est-ce que c’est quelque chose qui te pousse aussi à la ramener sur scène ?
Nerlov : Alors dans un second temps. Là par exemple à la Boule Noire il n’y aura pas de basse sur scène par contre dès que l’économie le permet on prendra Romain justement, qui viendra comme musicien sur scène avec nous et là à ce moment-là pourquoi pas, ça fera partie d’un truc, lui il jouera à la basse et des moments peut-être je pourrais la prendre … Mais j’aime bien …
LFB : Ta signature à toi c’est quand même l’expression physique sur scène, t’es un peu un prof de sport ! (rires)
Nerlov : J’ai passé 10 ans à être bloqué derrière la basse! Mais j’ai adoré ça aussi, être derrière un pied de micro avec ma basse, il y avait quand même de l’expression, il se passait un truc, et ça pourquoi pas le revivre en faisant un set plus long, avec d’autres musiciens, avec une basse qui sera posée là et hop on pourra la prendre après le synthé… ce n’est pas impossible en tout cas je ne m’interdis rien.
LFB : C’est pour ça que tu parlais de format évolutif ?
Nerlov : Exactement. Comme tous mes projets. VEDETT c’était très évolutif, Nerlov ça l’est. Tu vois le piano-voix on se dit qu’on va en faire un live en fait, à la base c’était prévu pour le showcase pour faire un truc un peu acoustique. Là on se dit qu’on va en faire un live pour avoir un truc à proposer. Parce que c’est une forme intéressante, très intéressante, très différente. Donc ça peut se prêter à des lieux différents.
LFB : Tu parlais tout à l’heure du fait que toi tu faisais de la musique pour la musique et pour la composition. Est-ce que ça ne t’intéresserait pas qu’un autre mette son texte sur ta musique à toi ?
Nerlov : Et bien je suis pas sûr. Peut-être, pourquoi pas, je ne sais pas si je suis un assez bon compositeur… Je ne suis pas mauvais compositeur, je peux faire mes petits trucs à moi pour moi … Je ne sais pas, oui pourquoi pas je pourrais faire ça…Il faudrait que j’essaie ! A fond !
LFB : Si on pouvait t’accorder trois vœux là tout de suite ?
Nerlov : Paix dans le monde évidemment ! Euh non avant la paix dans le monde, euh, mon premier vœu : diviser la population mondiale par 10 mais sans tuer personne, tu vois ce que je veux dire ? (rires)
9 exo-planètes ! Comme ça on peut diviser la population mondiale et comme ça tout le monde peut vivre dans de bonnes conditions sans défoncer la planète. Parce que là c’est bien de ça qu’il s’agit. Deuxième vœu, euh deuxième vœu… aller en studio avec Thom Yorke et James Blake et je sais pas moi qui d’autres ? et John Lennon ! Thom Yorke, John Lennon et James Blake ! Que des anglais.
Et un troisième vœu…un troisième vœu…un troisième vœu euh.. Un vœu irréalisable : boire de la bière sans que ça défonce la santé ! Pouvoir avoir l’ivresse sans se niquer le foie et le cerveau. C’est pas mal ça nan ? Ouais c’est ça, c’est pas mal ça !
LFB : Comment tu te vois vivre avec cet album ?
Nerlov : Comment je me vois vivre ? T’as eu une release à Paris, une release à Angers, comment tu te vois après ? Bin écoute je sais que là Furax Gauthier il se démène pour le vendre, il y a pas mal d’options qui arrivent là, pleins de gens qui veulent le faire. Maintenant le fait est que je suis inconnu, si les programmateurs ils paient pour me faire venir dans leur SMAC et qu’ils vendent 27 tickets enfin tu vois ce que je veux dire ? Donc ce n’est même pas souhaitable et je n’ai pas envie de le faire.
Donc la il faut prendre les choses au fur et à mesure, il faut que les gens écoutent et viennent aux concerts.
LFB : Et j’ai une dernière question, est-ce qu’il y a des choses récentes qui t’ont plu, qui t’ont marqué ? Pas qu’en musique, en bouquins, films…
Nerlov : Oui bah si, qu’est-ce que j’ai vu ? J’ai vraiment adoré, bon c’est pas très original mais Mon Petit Renne j’ai trouvé ça superbe. Quand j’ai commencé à en parler tout le monde m’a dit « tout le monde en parle » j’ai fait « euh ouais ah bon ? »
Je ne sais pas c’est ma meuf qui m’en a parlé, j’ai pas vu qu’il y avait un engouement autour de ce truc-là donc j’ai pas été on va dire gêné par l’engouement, je me suis dit « tiens c’est quoi ce truc-là qu’elle a déniché ? ». Parce que des fois ça peut te polluer quand on en parle trop, ça peut te polluer ton visionnage. Tu peux avoir trop d’attentes et te dire « finalement c’est pas si bien » et moi je l’ai vu personne ne m’en a parlé à part ma meuf qui m’a dit « j’ai vu ça c’est trop cool », et en effet c’est trop cool. Enfin ce n’est pas trop cool mais c’est hyper bien. Fiasco ça m’a fait marrer, même si ça divise vachement, il y en a plein que ça n’a pas fait marrer moi ça m’a bien fait marrer, je vois bien les copains il y en a qui ont kiffé et d’autres non. Qu’est-ce que … en bouquin euh je bouquine pas des masses mais on m’a offert à Noël le bouquin de Fabrice Caro alias Fabcaro. C’est un bouquin sur l’écriture d’un scénario, je suis en train de lire là.
En musique le dernier Idles. Moi je fais partie de ces gens, j’avais pris une branlée à l’époque quand j’ai découvert Idles avec Mother, des morceaux incroyables et après pfff ça m’a saoulé, pour moi il y avait 2-3 bons morceaux par album, grand max. Et je ne comprenais pas cet engouement autour de ce groupe, je trouvais ça too much… Tu vois quand tout le monde va dans le même sens des fois ça peut faire un truc comme ça. Et là le dernier album il y a plus que 2-3 bons morceaux, c’est une belle branlée alors est-ce que c’est parce qu’il y a Nigel Godrich qui a participé ? Franchement je pense ça a un peu orienté mon choix et mon oreille. J’ai écouté attentivement et il y a quand même des grosses, grosses perles.