Le monde est frappé depuis plus d’un an par l’épidémie de Covid 19. Un an que le monde culturel est dans une sorte de coma artificiel, réveillé par moment pour être presque aussitôt remis en sommeil. Alors que cela fait désormais 100 jours que les lieux culturels sont fermés en France, La Face B s’associe à Dans Ton Concert pour proposer son nouveau projet : Not Dead. L’occasion de mettre en avant des artistes et des salles de la région Hauts-de-France afin de leur apporter soutien et visibilité. On commence ce matin avec les photographies et les interviews de Lydsten et Adam Carpels à La Cave Aux Poètes de Roubaix.
Lydsten
Peux-tu nous présenter ton projet en quelques lignes ?
Lydsten, c’est le renouveau de mon ancien projet Cailloux, c’est une continuité plus affirmée. Projet live de musique électronique, entre electronica et Melodic techno, c’est l’histoire d’un contraste entre une musique à la fois mélancolique et puissante, organique et analogique. Chacun de mes sons est une représentation de la pierre dont il emprunte le nom. Par exemple, ma prochaine sortie à venir le 26 février, Amber, parle du fait de s’affirmer, se libérer et me permet d’exprimer pleinement ma direction artistique !
Le monde de la musique est à l’arrêt depuis bientôt un an, comment vis-tu cette situation ? Quel impact cela a eu sur ton projet ?
Au début trop bien, je pouvais faire de la musique tous les jours, tout en étant payé car j’étais en chômage partiel, puis depuis plus du tout… Le fait de ne plus pouvoir jouer physiquement devant des gens, partager des moments chaleureux comme ça, ne plus avoir énormément d’inspirations par manque d’expériences sociales… L’impact a été le besoin de renouveler le projet, changer d’identité, de nom pour tourner cette page et retrouver une belle base, et une nouvelle histoire à raconter !
On parle souvent de « non essentiel ». Que signifie pour toi cette expression ?
« Qui n’est pas indispensable pour que quelque chose existe » . C’est un concept qui me fait mal au cœur ; l’expression est mauvaise. Sous-entendre que la culture n’est pas essentielle c’est accepter que ce n’est ni vital, ni même important pour l’humanité. Alors que finalement, de tout ce qu’on nous a retiré (à tort ou à raison, je ne saurais dire), c’est certainement ce qui me manque le plus aujourd’hui pour mon équilibre.
À quand remonte ton dernier concert ? Quel souvenir en gardes-tu ?
Mon dernier concert était à la Gare saint sauveur à Lille, en septembre dernier pour le Jardin Électronique.
J’en garde un souvenir à la fois frustrant et amusant : une cinquantaine de personnes ont mené une petite révolution pour venir danser devant la scène alors que c’était un format assis, ce qui n’a bien évidemment pas plu à la sécurité qui m’a demandé de couper le son pour que les gens se rassoient.
J’ai coupé, les gens se sont assis, mais devant moi par terre, tous masqués, et ont dansé assis quand j’ai remis le son. Comme quoi l’humain s’adapte toujours ahah.
Lorsque tu pourras remonter sur scène devant un vrai public, tu vas faire quelque chose de particulier pour célébrer ça ?
Bien que je joue live normalement (sur un format de 1h-1h30), je pense que pour la reprise je vais prendre un malin plaisir de faire un long djset, proche des gens pour partager enfin quelque chose de physique. Sinon en format concert, je vais pouvoir jouer ce que je compose depuis 1 an, ce qui serait déjà pas mal à partager !
As-tu un souvenir ou une anecdote d’un concert sur la scène du lieu où nous avons fait les photos ? Ou un souvenir en tant que spectateur ?
C’est assez triste finalement, mais le seul souvenir que j’ai de la Cave aux Poètes (je suis lillois depuis seulement 2 ans), c’est d’être venu répéter en résidence l’été dernier pour des concerts qui ont finalement été annulés… Mais ça reste un souvenir positif : la cave pour toi, seul, à écouter mais surtout ressentir ta musique que tu n’as jamais pu entendre autre part qu’au casque ou sur tes petites enceintes chez toi ; chose qui me manque d’autant plus depuis février dernier.
Quels sont tes projets à venir ? Qu’est ce qu’on peut te souhaiter ?
Mon premier EP sort le 26 mars, et un second est déjà bien abouti pour la fin d’année ! Je pense que la plus belle chose que vous pouvez me souhaiter c’est la possibilité de retrouver la scène pour cet été.
La séance photo s’est déroulée dans un lieu culturel actuellement fermé et sans perspective de réouverture rapide. As-tu un message pour ce lieu ?
Tenir bon, les gens ont faim de reprise, de chaleur humaine, de ressentir la musique, et je pense que toutes nos salles seront d’autant plus remplies après tout ça. Et sinon, j’espère pouvoir jouer enfin un jour dans cette belle Cave aux Poètes, mais pas seul 😉
Adam Carpels
Peux-tu présenter ton projet en quelques lignes ?
Hello ! Moi c’est Adam Carpels et je suis producteur/musicien de musique électronique. C’est un projet d’éléctronica/bass music dont l’idée est de démocratiser ces styles que j’affectionne : la bass music, le hip-hop et l’électro. Sur le live je joue de la trompette car l’un des points les plus importants pour moi c’est d’essayer d’apporter un aspect « organique » à ma musique aussi électronique soit elle. Je travail également avec un vidéaste/Vj sur scène qui s’appelle Sofian Hamadeïne-Guest.
Le monde de la musique est à l’arrêt depuis bientôt un an, comment vis-tu cette situation ? Quel impact cela a eu sur ton projet ?
Il y a des hauts et des bas. La vérité c’est que j’ai beaucoup de chance. Au premier confinement ça a été dur mentalement et financièrement car personne n’y était réellement préparé. Mais à vrai dire, depuis l’été ça va mieux car j’ai la chance d’avoir des partenaires (La Cave aux Poètes, l’ARA, le Flow…) qui me font beaucoup travailler. J’ai donc eu la chance de ne pas avoir eu (ou presque) de soucis d’ordre économique. En revanche, c’est évident que ce rythme de programmation/annulation est extrêmement déprimant. On a continué de travailler et de faire des résidences dans l’espoir de rejouer un jour, mais ce jour ne vient pas. Aujourd’hui ça devient de plus en plus compliqué pour moi et l’équipe de travailler sereinement car on a vraiment l’impression que faire évoluer le live n’a plus tellement de sens. On s’est donc penché sur le développement du projet en dehors des lives et on essaie d’avancer là-dessus. On y arrive pas mal, mais il y a toujours cette boule au ventre et ce manque de contact avec un public. A la base, je fais de la musique pour faire se rencontrer des gens, créer le contact. Dans un monde qui refuse le contact et le lien social, je ne peux pas vivre cette période autrement que comme un échec.
On parle souvent de « non essentiel ». Que signifie pour toi cette expression ?
Pour moi elle signifie la hiérarchisation des activités et donc leur classement. Rien de bien étonnant dans un monde ultra libéral et capitaliste comme le nôtre. C’est une idée que je refuse de comprendre. J’estime personnellement qu’un humain est un être complexe et que le lien social, la culture, les rencontres sont des choses tout à fait essentielles à nos existences. Je ne comprends pas aujourd’hui que nous acceptions cette idée que les grands magasins type Primark, Zara et bien d’autres sont plus essentiels que d’aller au cinéma, au théâtre, au musée, bref, plus essentiel que de vivre.
Ça n’est que depuis peu que les grands centres commerciaux sont fermés pour stopper la pandémie. Mais j’ai vraiment vécu ces derniers mois comme un gros coup de poing dans la tronche du gouvernement à nos secteurs. Je ne comprends pas qu’on laisse ouverts ces grands centres de consommation matérielle (qui donc logiquement suscitent le contact humain) alors qu’on ferme les lieux de culture. D’autant plus quand on sait que l’économie culturelle apporte en France 91 milliards d’euros en 2018, soit autant que l’industrie agroalimentaire, et que les règles sanitaires dans les salles ont prouvé leur efficacité cet été… Bref, avec toutes ces infos, je ne peux vraiment pas accepter de croire que nos activités ne sont pas essentielles aux gens et même à l’économie. Cette expression ne signifie donc rien pour moi.
À quand remonte ton dernier concert ? Quel souvenir en gardes-tu ?
Mon dernier « vrai » concert remonte à mars 2020… C’était à La Cave aux Poètes pour la première partie de Chapelier Fou. J’en garde un super souvenir. Ça n’était que notre deuxième vrai concert avec ce projet. On a eu de beaux retours, fait de belles rencontres. J’en garde un bon souvenir mais déjà à l’époque on sentait venir le confinement et on se doutait bien que ce serait notre dernier concert avant un moment. C’est donc un beau souvenir empreint d’une certaine nostalgie et d’une certaine amertume car je n’arrive toujours pas à croire que c’était il y a presque 1 an. Ensuite j’ai eu l’occasion de jouer en extérieur, en livestream, dans des conditions très particulières. Ce sont de bons souvenirs également mais j’ai du mal à les considérer comme des concerts car il y a cette épée de Damoclès du covid constamment au dessus de nos têtes.
Lorsque tu pourras remonter sur scène devant un vrai public, tu vas faire quelque chose de particulier pour célébrer ça ?
Je n’ai pas pensé à faire quelque chose de particulier sur scène, j’aimerais juste que l’on puisse se réunir avec pleins de gens. Rien de plus. En revanche, je pense que ma façon d’aborder le live sera différente. Je pense que je vivrai ce moment comme une libération et je ressens déjà comme une boulimie de concerts et de rencontres. Je vais donc tout faire pour jouer, beaucoup, beaucoup, beaucoup.
As-tu un souvenir ou une anecdote d’un concert sur la scène du lieu où nous avons fait les photos ? Ou un souvenir en tant que spectateur ?
La Cave c’est une salle est chère à mon cœur. C’est l’endroit qui me soutient, ou j’ai rencontré Nicolas Lefèvre le directeur de la structure qui est vraiment comme un mentor pour moi dans ce milieu. Je pense que mon plus beau souvenir dans cette salle c’est une multitude de moments vécus avec l’équipe qui m’a toujours montré jusqu’à aujourd’hui son soutien sans failles.
Quels sont tes projets à venir ? Qu’est ce qu’on peut te souhaiter ?
Il y en a beaucoup ! Le 12 février on sort le clip de « Chinoise ? » avec le projet Thérèse dont je produis entièrement la musique et début mars notre EP sort. Pour ce qui est de mon projet solo je sors 2 singles. Un fin mars et un fin avril. Ils seront même accompagnés par la sortie d’un vinyl chez Bruit Blanc (collectif lillois) réunissant les deux singles. On peut me souhaiter que ces sorties se déroulent au mieux mais surtout que je puisse au plus vite aller les défendre sur scène.
La séance photo s’est déroulée dans un lieu culturel actuellement fermé et sans perspective de réouverture rapide. As-tu un message pour ce lieu ?
Mon message à l’équipe de la Cave ça n’est que de l’amour et du soutien. Je les aime, on s’en sortira tous ensemble et seulement si on reste tous soudés. Salles, artistes, webzines, théâtres, cinémas… Notre combat est le même.