Odyssey, l’épopée initiatique de Nubya Garcia

La scène londonienne regorge de talents aux styles et accents uniques et donc, par définition, reconnaissables au premier coup d’oreille. On retrouve notamment dans ce vaste éco-système de musiciens, une communauté Jazz particulièrement novatrice et productive qui emboîte le pas à une musique de moins en moins barrée par les frontières des genres. C’est en son sein que la saxophoniste du sud de Londres s’est montrée sous une lumière mettant en avant une réelle marque de fabrique compositionnelle couplée à une technique toute aussi bluffante qu’envoutante. En cette rentrée, cette dernière sort son nouvel album, très attendu au sein de la communauté Jazz, Odyssey.

L’une des prédispositions que l’on remarque dès les premières minutes d’écoute de la musique de Nubya Garcia réside dans ses influences et sonorités claires et établies. Résolument lié à l’histoire épistémique du royaume britannique et spécifiquement de sa capitale, Londres, le son de la saxophoniste est marqué par la culture afro-carribéenne. C’est quelque chose que l’on pouvait déjà remarquer dans les travaux précédents de l’artiste comme son précédent album, SOURCE, paru en 2020 chez Concord Jazz.

Ayant elle-même des origines guinéennes et de la Trinité-et-Tobago, provenant respectivement de sa mère et de son père, une telle infusion n’est finalement pas si surprenante. On peut également prendre comme exemple le Tiny Desk qu’elle a réalisé avec son quatuor et qui respire cet atmosphère propre à certains quartiers de Londres, particulièrement marqués par la question migratoire et le multiculturalisme.

Sur ce point, Odyssey n’est pas en reste. On remarque une prépondérance de ces sonorités chères au cœur de la musicienne anglaise qui déploie un arsenal mélodique et harmonique toujours aussi varié et efficace. Ce dernier se voit être renforcé par des additions comme des percussions, campées par Jansen Santana, qui permettent de donner encore plus de corps à un travail déjà très organique.

C’est notamment quelque chose que l’on peut entendre sur l’insidieux In Other Words, Living. Une nouveauté vient par ailleurs épaissir encore un peu plus le son de ce nouvel album. Pour la première fois dans sa carrière, Nubya Garcia a intégré une section orchestrale à ses travaux. Ce qu’elle décrit directement sur son Instagram comme un « rêve devenu réalité » vient accorder une dimension presque grandiloquente à des morceaux qui sont parfaitement calibrés pour ce genre d’arrangements. 

C’est ainsi qu’Odyssey accueille les savoir-faire du Chineke! Orchestra, un quatuor à cordes britannique, de Sheila Maurice-Grey à la trompette et au clairon, de Rosie Turton au trombone, de James Douglas au violoncelle ainsi que de Zara McFarlane, Kianja et Baby Sol aux chœurs. Ces dix musiciens venant compléter le casting déjà à l’œuvre sur SOURCE, à savoir le quatuor de la saxophoniste composé de Joe Armon-Jones au piano, de Daniel Casimir à la contrebasse, de Sam Jones à la batterie ainsi que de Nubya Garcia elle-même au saxophone.

Ce large éventail de musiciens officiant sur le projet permet de donner au disque une forme de versatilité très intéressante et qui permet de grandement faciliter l’écoute du projet. L’apparition des arrangements orchestraux apportant un accent contemplatif et doux aux compositions qui rappelle, comme sur le voluptueux Clarity, les travaux d’une certaine Alice Coltrane.

Avec ce nouvel album, la saxophoniste du sud de Londres nous offre une pièce toute aussi surprenante que logique, se plaçant dans une certaine continuité musicalement parlant.

Avec les douze morceaux que composent Odyssey, Nubya Garcia démontre une nouvelle fois tout le talent et la maestria dont elle nous témoigne depuis maintenant plusieurs années. Ce nouvel album est une ode à soi et au cheminement personnel, ce qui en fait une œuvre parfaite pour nous donner un surplus de motivation en cette rentrée.