« O » la fresque symphonique et électronique de LAAKE

Une lettre une seule, veuillez y comprendre ORCHESTRAA, c’est le premier album de LAAKE, un disque dans lequel le musicien nous délivre toute la puissance du mariage des cordes, des cuivres avec la musique électronique et ses tempos effrénés et bien sûr, son piano caractéristique qu’il maitrise avec virtuosité.

On suit LAAKE depuis 2015 et son premier EP 69 ainsi que le titre Swell sorti en 2016 qui apposait la pâte du mélange piano et musique électronique chez le musicien. C’est en 2018 que LAAKE s’affirme avec un EP sobrement intitulé Piaano où l’on retrouve les titres Introspective véritable poésie musicale et Melancholia dont le beat effréné gabber résonne encore dans nos corps et nos têtes. LAAKE revient aujourd’hui nous délivrer O, le fruit de son travail avec un orchestre dans lequel l’épique des instruments classiques se confond avec le bruit des machines.

La musique de LAAKE c’est ce noir caractéristique, que l’on retrouve telle une texture, celle qui tâche, comme une chique qui t’en laisse plein les dents, les nuées de pétrole qui s’écoulent dans l’eau si pure de nos océans, ou encore le charbon qui dessine les traits sombres de nos paysages. Cette imagerie du noir c’est toute la tourmente qui se déverse dans nos cœurs et nos esprits, elle est la puissance avec laquelle nous nous retrouvons perdus, complètement hagards, le noir c’est la couleur de la nuit, de l’ombre, celle dans laquelle on peut s’enfoncer avec torpeur. C’est cette torpeur que LAAKE retranscrit, il la fait éclater, la personnifie, elle claque contre les touches de son piano et se heurte à nos oreilles. Après tout LAAKE est un « November guy » comme il le dit si bien dans le morceau NOVEMBER, cette période ou la nuit et le noir s’emparent de nos vies bien trop tôt dans la journée.

Titre phare de cet album, RUN a eu droit à son clip dans la trame du disque, on y retrouve cette couleur noire qui dicte sa loi. Avec cette réalisation c’est tout un paysage qui frappe par son immensité, le personnage incarné par Lucas Mortier est habité par un décor littoral si vaste qu’il s’y perd et se laisse habiter par une image qui revient sans cesse, celle d’un un bateau à la dérive, à son bord se trouve un marin âgé et miné par une matière noire, certainement du pétrole. C’est cette image qui va hanter notre personnage, le faire perdre pied et le faire courir frénétiquement vers une explication. Les cuivres et les cordes qui accompagnent le piano de LAAKE viennent résonner comme le fracas des vagues sur les falaises. Le clip réalisé par Vincent de la Rue rentre directement dans une catégorie de vidéo, celles qui vous frappent par leur force, elles sont emplies d’une émotion si intense qu’elles nous animent et nous font vivre réellement les actions du protagoniste jusqu’à en devenir fou avec lui et être éperdument à la recherche d’une explication.

Crédits : Isabelle Chapuis

Mais quelle puissance, quelle force s’empare de nous à l’écoute de cet album, elle nous tourmente, nous fracasse, nous fait vriller et perdre nos repères. Ces doigts martèlent le piano tel un un tailleur de pierre qui frapperait avec vigueur un bloc de marbre pour dessiner les traits et les formes d’une oeuvre brute et pourtant si précise, les gestes sont justes, la musique vient taper exactement là où elle doit faire effet, elle s’empare de nos tripes, l’écho vient résonner contre nos côtes, galvanisant notre thorax et stimulant nos sens. Tout est décuplé, les morceaux comme PANIC, 1989 en sont le meilleur exemple ou encore dans BROKEN où un xylophone endiablé vient rendre le coffre du morceau plus prégnant que jamais.
LAAKE c’est aussi cette voix grave, si grave qu’elle nous rappelle les abysses, on la retrouve dans les morceaux comme NOVEMBER, CASTAWAY, FAATHER, DIFFRACTION ou encore MIND un magnifique duo avec Tallisker qui écume un texte empli d’amour qui s’empare de nos cœurs.
L’artiste joue avec les ondes, les lumières, se nourrit de tous ces phénomènes pour aller capter ce qu’il y a de plus brut, l’essence même de la physique.

Le morceau de clôture LIGHTS apparait comme la percée d’un rayon de lumière dans cette tourmente si noire et si épaisse. Le morceau nous embarque et nous prend, on est tellement empreint du morceau qu’on ne sait finalement plus discerner la lumière des ténèbres. Après tout c’est peut être ça l’extase, le juste milieu parfait entre le noir, le blanc, nos démons et nos rêves les plus chers. LAAKE se fait initiateur de cette extase et nous emmène aux confins de nos songes.

LAAKE nous offre un premier album d’une grâce sans pareil, on l’écoute comme on regarderait un film, happés par son immensité, sa complexité et tourmenté par son intrigue, le O d’ORCHESTRAA peut aussi coller à ce qu’on appelle purement et simplement un chef d’OEUVRE.

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