Ô Lake et Still, un album enchanteur et merveilleux

Sylvain Texier, multi-instrumentiste répondant au doux nom d’Ô Lake, vient de sortir ce 3 mars son nouvel opus, Still. Une rencontre émouvante entre instruments à cordes et piano, entre néoclassique et électronique. Une œuvre immersive, contemplative et tellement significative.

Artwork de Still par Pauline Taugourdeau

Il est des groupes dont on ne sait trop comment parler, tant on a peur de mal faire, d’en dire trop ou pas assez, de disperser la magie et de laisser s’envoler ce qui a du sens. Ô Lake en fait partie.

Derrière ce magnifique projet se cache Sylvain Texier (aussi à l’origine du groupe Fragments), qui a composé, produit et enregistré ce nouvel album, Still. Remarqué en 2019 avec un premier disque, Refuge, puis un second, Gerry, inspiré du film contemplatif de Gus Van Sant, le voilà de retour avec un troisième opus. Poignant, sensible et sincère. Ô Lake marie avec pudeur et justesse le néoclassique et l’électronique. On songe parfois à Hania Rani, à Saycet ou encore à Gréjoire Jokic. Cette nouvelle scène qui étonne et émeut, associant deux mondes en apparence si distincts.

Still se présente donc comme une manière de s’ancrer dans le paysage, d’évoquer l’immobilité et surtout cette fausse tranquillité. Car cet album nous élève et nous transporte, nous fait voyager à travers les montagnes et au-delà. Et l’artwork ne fait que renforcer ce sentiment. Pauline Taugourdeau, artiste rennaise, peint des crêtes, douces et vertigineuses, à pic et moelleuses. On croirait voir un cyanotype, ce procédé ancien par le biais duquel on obtient un tirage photographique bleu de Prusse. Ce bleu, que l’on n’oublie pas. Que l’on n’oublie plus.

Enregistré avec un orchestre à cordes de 40 musiciens, Ô Lake dessine au travers de ces neufs titres des horizons mouvants, dont on ne se lasse pas, chaque écoute venant révéler de nouveaux détails. D’Everest en ouverture pour la montée vertigineuse à Avalanche pour la descente impétueuse, d’Innocence à Distance, le multi-instrumentiste décrit des tableaux vivants, rythmés par des violons et des altos, des violoncelles et du piano. Je suis ainsi saisie par les cordes et la rythmique sur Night Moves, bouleversée par December 30th et son lyrisme puis troublée sur Funeral par ces notes cotonneuses et feutrées.

Here, à l’instar d’Avalanche, promet la folie et l’aveuglement, la déraison et la stupeur. Ascension silencieuse et paisible, qui permet d’admirer la vue : une montagne qui se découpe au loin, telle une lame de rasoir tandis que le piano et les cordes nous aident à grimper. Et pour nous mener jusqu’au point culminant, depuis les cimes, sans perdre de vue les flancs et les paysages, la neige et le soleil vif, alors il faut compter sur les beats lancinants et radieux. Ceux qui crament les yeux, qui nous emportent jusqu’aux cieux, par-delà le ciel bleu.

Finalement, Motions se révèle. Le clavier se joint aux glitchs percutants puis les cordes se mêlent et s’emmêlent, pour créer un ensemble harmonieux. Entre pause et recueillement, entre rêverie et réflexion. Alors, il est temps de redescendre. Doucement, délicatement. Encore étourdie et émue par ces notes qui résonnent profondément dans chaque parcelle de mon corps. En fin de compte, peut-être qu’il ne faut pas trop en dire. Afin de laisser le public s’emparer lui aussi des sensations et des émotions. Celles souvent en sommeil, qui n’ont besoin que de quelques notes pour ressurgir et exister. Alors, un grand merci Ô Lake.

La chronique du clip Innocence est disponible ici.

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