Juste avant le confinement, Patrick Moriceau alias Octave Noire avait publié Monolithe son magnifique deuxième album. Le MaMa devait lancer sa tournée de concerts, il devra malheureusement patienter encore un peu. En attendant de le retrouver sur scène, nous lui avons posé quelques questions.
La Face B : Bonjour Patrick, nous aimerions tout d’abord te demander comment tu vas ? Dans quelles conditions as-tu passé le confinement et si, aujourd’hui, tu as su trouver la recette pour rebondir, au mieux, dans cette période encore incertaine ?
Octave Noire : Bonjour. Je vais très bien, même si je viens d’apprendre l’annulation du MaMa festival, donc de notre retour sur scène après 8 mois d’arrêt forcé. Ce n’est qu’une suite de reports, d’annulations, de frustrations etc, mais il faut arriver à garder l’énergie et l’envie.
J’ai passé un confinement comme beaucoup dans mon appartement parisien. Mon studio est devenu ma fenêtre d’évasion. J’ai donc travaillé comme jamais. Je sentais comme une urgence. Ne surtout pas rester immobile. Je voulais aussi pouvoir proposer des choses à la sortie du confinement, ne pas être pris de court, et préparer l’avenir.
LFB : Ton deuxième album Monolithe est sorti mi-février, juste avant le confinement. Depuis, en juin, tu as publié Photocall. Dans cette chanson il est question de contacts à distance (Photocall) mais aussi d’envies de s’échapper (rouler de nuit, crisse la gomme, dans l’infini…). Est-ce une façon d’exorciser le confinement ? Dans quel état d’esprit l’as-tu écrite ?
Octave Noire : C’est l’illustration de ce que je disais juste avant. Il s’agit d’une chanson composée et écrite pendant le confinement, au tout début même. Je voyais tous ces rdv Skype ou Zoom se multiplier, la seule façon de pouvoir échanger. C’est ainsi que m’est venu ce texte qui parle d’un rdv skype manqué (tu n’es pas venu pour le Photocall). Ça parle d’un amour à distance, on devine qu’il s’agit d’une japonaise. J’ai eu la chance d’aller à Tokyo, et ces grandes autoroutes qui sillonnent cette mégapole m’avaient beaucoup impressionné. Oui, j’ai voulu exorciser l’enfermement en évoquant une voiture qui roule la nuit dans l’infini…
LFB : Pour revenir à Monolithe, le thème du soleil est largement présent dans ton disque. Tu associes aux monolithes les obélisques égyptiens qui représentaient pour eux des rayons de soleil pétrifiés. Pour autant, l’impression qui ressort de ton album à son écoute n’est pas aussi solaire que l’on pourrait penser. Il échappe de ces morceaux comme un scepticisme face à nos façons de vivre, un spleen, une mélancolie. Que signifie pour toi cet antagonisme ?
Octave Noire : Oui, il y a ce double éclairage. Le soleil, et l’ombre. S’il y a du soleil, il y a forcément une ombre, elle en découle, elle est sa fille. Sur ce disque j’ai voulu évoquer cette part qui est en nous, et en moi. Ce soleil peut être bienfaiteur, mais également menaçant. J’ai voulu faire un album plus encré dans le présent où je parle de mes préoccupations et de mes inquiétudes.
LFB : Tes chansons sont tout sauf linéaires. Elles nous apparaissent comme architecturées, sculptées. C’est là toutes leurs forces. Les frissons sont souvent présents. Quelles sont tes lignes directrices lorsque tu composes et comment réussis-tu à les mettre en phase ?
Octave Noire : En effet je travaille beaucoup la production musicale, la composition, les structures. C’est ce qui me plait le plus. Arriver à créer un univers avec quelques notes, est un exercice que j’adore. C’est la matière sonore qui va m’amener des idées de mélodies, puis de textes. Quand je compose, il faut que je me surprenne. C’est souvent un accident qui va débloquer quelque chose, ou alors un morceau entendu à la radio, une ligne de basse etc…
LFB : Suis-tu un processus de création en solitaire ? Cherches-tu aussi ton inspiration auprès de collaborateurs, en suivant d’autres influences quelles soient musicales ou non ?
Octave Noire : Je suis très solitaire dans le travail de composition. Mais j’ai besoin d’une oreille extérieure, comme un garde-fou. C’est avec mon ami de longue date Frédéric Louis que je partage tous ces moments de création. Il co-écrit avec moi les textes. J’ai également des phares qui me guident : Higelin, Nougaro, Chamfort, Kraftwerk, Tangerine Dream, Justice et j’en passe. J’y reviens souvent pour me recalibrer.
LFB : Tu accueilles trois invités dans ton album, ARM et Mesparrow qui te sont proches mais aussi Dominique A qui nous semblait a priori plus éloigné de ton univers. Pourtant à chaque fois que j’écoute son titre de featuring « J’ai choisi », j’oublie dans un premier temps sa participation et me laisse ensuite surprendre par cette voix qui ressemble – et pour cause- à celle de Dominique A. Cet éloignement est donc tout relatif. De quelle manière s’est construite cette collaboration qui a si bien fonctionné ?
Octave Noire : Merci. Oui, c’est une belle collaboration dont je suis très fier. J’avais eu vent du fait que Dominique A avait bien accroché à Néon, mon 1er album. Il se trouve que j’aime beaucoup son travail, son écriture, et sa voix, toute particulière comme tu l’as remarquée. En travaillant sur Monolithe, j’ai eu envie d’inviter des artistes qui me plaisaient, j’ai tout de suite pensé à lui. J’ai composé et écrit cette chanson dans ce but. Ça s’est fait très simplement. Il l’a écoutée, m’a dit qu’il l’aimait et go.
LFB : Tu avais réussi le morceau quasi parfait – Un nouveau monde – dans ton précédent album Néon. Comment a-t-il pu influer en bien ou en mal sur tes productions suivantes ?
Octave Noire : Oh merci ! C’est vrai qu’il a eu une jolie vie. C’est ce morceau qui a fait bouger pas mal de choses. C’est donc très positif. Je l’avais fait sans réfléchir, il est arrivé sans prévenir. Pour le 2e album, je ne voulais pas faire Un nouveau monde 2. Surtout pas.
Je pense que c’est justement cette spontanéité qui a plu. Je ne voulais pas exploiter une « recette ». Du coup, je suis parti dans des directions très différentes, avec des sonorités plus électro, plus brutes ou organiques. C’est donc un 2e album en réaction au 1er, et non pas en filiation.
LFB : Dans Monolithe, je parlais tout à l’heure de frissons, le son est viscéral, organique, comme destiné à être livré en live. Est-ce qu’il te tarde de remonter et de partager ton album sur scène ?
Octave Noire : Oui tellement. Au moment où j’écris ces lignes, je suis à la veille des retrouvailles avec Franck Richard et Ton’s Provost pour une session de répétitions pour préparer nos futurs concerts. J’en ai les mains moites d’impatience ! L’envie de jouer est très forte chez tous les musiciens en ce moment, ça se sent. J’ai préparé un live très organique, c’est vrai, puissant et dansant. Hâte !
LFB : Au-delà de ta participation au Mama, d’autres dates sont-elles confirmées ? (Pour le moment le Café de la Danse est toujours dans les agendas – le 27 novembre – même si les réservations n’ont pas encore été rouvertes. On croise nos doigts…)
Octave Noire : Oui, nous avons plusieurs dates de prévues à notre agenda. Nous serons le 23 octobre au Chabada d’Angers, le 26 novembre à St Brieuc et le 12 décembre à Rennes.
LFB : En 2018 lors d’une date en Bretagne, tu avais pu jouer Néon avec un orchestre symphonique créé pour l’occasion. Cela te donne-t-il envie – peut-être avec une formation plus réduite – de te lancer dans d’autres expériences similaires ?
Octave Noire : Bien sûr. C’était une expérience incroyable. Je souhaiterais également m’orienter davantage dans cette direction. J’ai eu plusieurs expériences dans ce domaine, et c’est quelque chose qui me plait vraiment beaucoup. Je réfléchis aussi à créer un live uniquement électronique, instrumental. Tout seul ou accompagné ? à voir…
LFB : Dans la programmation du Mama de cette année, quelles sont tes coups de cœur que tu aimerais partager ?
Octave Noire : Je conseille Arm bien évidemment, qui figure sur mon album. Son univers est très puissant. J’ai bien accroché avec l’univers de Bonnie Banane aussi.
LFB : Enfin pour finir, que peut-on te souhaiter pour l’avenir ? Dans quelles directions aimerais-tu voir ton projet évoluer ?
Octave Noire : De remonter sur scène devant un public nombreux, libre et debout !!
Un 3e album serait pas mal non plus 🙂