Olivia Rodrigo continue son ascension

Rares sont les artistes à avoir autant marqué la pop ces dernières années qu’Olivia Rodrigo, et ce avec seulement un projet et vingt ans d’âge à son actif. Que sa musique nous touche ou non ; son impact objectif est, lui, indéniable. Son deuxième opus, sobrement intitulé GUTS, confirme qu’il est loin de s’agir d’un hasard.

Sans revendiquer une volonté de proposer une musique révolutionnaire, Olivia Rodrigo a su apporter la touche de fraîcheur et d’authenticité manquante à la pop mainstream de ces dernières années Sa recette ? Une musique qui capte l’essence de son époque et dont les paroles semblent avoir été écrites à l’attention personnelle de chaque membre de la génération Z. Après un monument tel que SOUR, il serait tout à fait normal de ressentir une certaine appréhension face à la sortie d’un nouveau projet, compte tenu des attentes sûrement extrêmement élevées et de la pression de faire aussi bien, ou même utopiquement mieux. Étonnamment, ladite appréhension ne semble pas être au rendez-vous et la raison en est toute simple : la confiance du public en Olivia Rodrigo est inébranlable après la qualité phénoménale de son premier projet. Certes, une certaine anticipation est palpable, mais elle semble empreinte d’enthousiasme plutôt que d’angoisses et de craintes. Une seule hâte : découvrir enfin ce projet tant attendu, et comment Olivia va parvenir à nous en mettre plein la vue une seconde fois.

Ce second projet s’inscrit dans la continuité directe du premier, reprenant à la fois le code couleur violet de la direction artistique, le titre composé d’un seul et unique mot de quatre lettres, mais également la durée globale du projet, qui comporte une dizaine de morceaux tout comme son prédécesseur.

De telles similitudes auraient pu soulever quelques inquiétudes quant à un manque de nouveauté, ou pire, à une stagnation, mais ces questions n’ont en réalité pas lieu d’être tant les ressemblances sont voulues et explicites. Loin de se cacher derrière une tentative non aboutie de brutalement réinventer son art comme toute rescapée de l’industrie Disney qui se respecte, Olivia Rodrigo assume pleinement son envie de continuer à explorer son univers, émergé il y a à peine trois ans de cela, qui gagne en effet à être approfondi davantage tant la recette en est efficace. Un univers aussi doux qu’amer, aussi lilas que sombre, aussi romantique que vengeur.

Ce savant mélange, aux inspirations allant de Taylor Swift aux teen movies des années 2000 semble à première vue banal au possible, mais son exécution en est si impeccable qu’il n’y a d’autres choix que d’en être admiratif.

Si l’esthétique reste à peu près le même dans ce deuxième opus, il ne s’agit pas pour autant d’une suite ni d’une pâle copie de SOUR, mais plutôt d’une forme évoluée. Les thèmes abordés y sont globalement les mêmes, relations amoureuses, et introspections, mais l’incarnation est différente. Plus de prestance, d’assurance, qui permettent à Olivia Rodrigo de step up et de proposer un concurrent de taille à son précédent opus, dont le triomphe en a fait pâlir plus d’un. Une confiance en soi renforcée par la prise en maturité qui accompagne le passage à la vie d’adulte, nouveau chapitre entamé avec GUTS.

Sa perception de ses ruptures, jusqu’alors plutôt larmoyante et fataliste se transforme au fil de l’album, telle une chenille quittant son cocon, en une incompréhension teintée de colère face à ses expériences douloureuses. Ce changement impacte l’ambiance générale de l’album, qui s’éloigne des ballades indie-pop pour proposer davantage de morceaux aux relents pop-punk que l’on pourrait presque grossièrement comparer à une Avril Lavigne modernisée. Des morceaux plus aboutis, aux BPM plus élevés et aux paroles plus osées, qui se confirment avec GUTS être aucun doute le réel point fort de la jeune chanteuse.

Quelques balades restent tout de même présentes sur le projet, mais cette fois-ci pour évoquer son manque de confiance en soi persistant et sa peur du changement plutôt que des relations inabouties. Une dimension d’autant plus intéressante qu’elle accentue cet aspect relatable, où toustes peuvent se reconnaître, renforçant l’affect porté à la chanteuse et son côté paradoxalement accessible malgré sa célébrité grandissante.

Pas besoin de s’éterniser puisque, vous l’aurez compris : GUTS est un album particulièrement réussi.

Olivia Rodrigo y reste fidèle à elle-même, sans expérimenter dans l’unique but de faire parler ou de surprendre, répondant ainsi précisément aux attentes du public sans en faire trop pour autant. Et cette authenticité, poussée à son paroxysme dans les paroles des quelques morceaux plus intimes de l’album, dont les poignants making the bed et the grudge, est exactement ce pourquoi sa musique nous plaît autant. Une honnêteté à toute épreuve, qui risquerait parfois de frôler le ridicule si elle n’était pas si touchante, et qui vient rendre négligeable le manque d’innovation pour lequel ses détracteurs la décrient si souvent.

Car en étant constamment à la recherche de sorties toutes plus originales les unes que les autres, ou de la dernière pépite au grain de voix plus unique qu’agréable, on en perd parfois de vue l’essentiel : le plaisir que l’on retire de l’écoute. Et c’est particulièrement ce plaisir-ci, simple, brut mais pourtant ô combien intense, que nous permet de ressentir GUTS. On lance, relance le projet, accompagnant l’artiste dans le roller-coaster d’émotions qu’elle traverse, jusqu’à, finalement, se rendre compte que l’on a pas besoin de plus pour passer un très bon moment.