On a parlé de It’s Over (C)over avec Silly Boy Blue

Si il y a bien une chose sur laquelle on se rejoint tous, c’est l’importance des chansons tristes dans nos vies. Qu’elles nous servent à aller de l’avant ou à nous enfoncer un peu plus dans notre tristesse, elles sont toujours présentes dans un coin de nos têtes, dans un bout de nos cœurs. Et si il y a bien une artiste récente qui s’y connait en chansons tristes, c’est Silly Boy Blue. Alors, quoi de plus normal pour elle de lancer it’s over (c)over, format ou elle reprend avec des artistes qu’elle apprécie, leurs chansons tristes préférées. Et nous comme on est du genre curieux, on a voulu en savoir plus sur ce format qui nous touche. On a donc discuter avec Ana, de chansons, de films, d’émotions et de ce qui l’attend en 2021.

La Face B : Hello Ana, comment ça va ?

Silly Boy Blue : Ça va. Je suis fatiguée parce que je dors pas beaucoup. J’en ai un peu marre comme tout le monde de toute cette période mais je suis pas la plus à plaindre. Donc ça va, relativement OK.

LFB : Comment t’es venue l’idée de It’s Over (C)over ?

SBB : J’ai eu cette idée entre le premier et le deuxième confinement. Je devais aller faire un séminaire avec Warner, rencontrer des artistes… On m’avait mise dans une dynamique assez cool ou j’allais commencer à bosser avec des gens etc. Et puis il y a eu plein de choses qui ont été annulées, parce que le COVID, que le deuxième confinement arrivait. Sauf que moi j’avais envie de rencontrer des gens, de travailler avec d’autres personnes et ça semblait de plus en plus impossible. C’est de là qu’est venue mon envie de faire des vidéos avec les gens.

Mon album à venir parle énormément de ruptures. Je me suis demandée comment les gens vivent les chansons de rupture parce que personnellement ça a fait toute ma vie et ça m’a aidée énormément.
Je me suis questionnée sur la façon dont les autres appréhendait ces chansons et c’est comme ça qu’est né le projet.

LFB : Question bête mais logique : est-ce que tu penses que ce projet aurait pu voir le jour sans tout ce qui nous est tombé dessus pendant cette année 2020 ?

SBB : J’ai toujours beaucoup de mal à répondre à ce genre de questions car j’ai beaucoup de mal à me projeter dans quelque chose qui n’a pas eu lieu.
À titre personnel, quand j’ai eu cette idée, je ne savais pas faire de montage sur ordinateur, je n’avais pas la suite Adobe, je ne savais pas utiliser un appareil pour faire correctement des vidéos, en réalité je ne savais utiliser qu’Ableton.
J’ai donc passé des nuits entières à trouver Ableton, et trouver ce dont j’avais besoin, à bosser sur Premiere ou sur After Effects… Et les journées, j’allais contacter des gens pour savoir si ils étaient partants, à faire les prods des chansons etc. Donc la période m’a aidée à rester focus sur l’idée.

Après, je suis très solitaire et très casanière donc j’aurais pu le faire sans le confinement mais ça m’a permise de rester dans des dynamiques où j’ai pu ne pas sortir de chez moi pendant une semaine et ne pas avoir à me justifier auprès de mes proches, donc ça c’était plutôt sympa (rires).

LFB : Concernant les invités, je me demandais comment tu avais choisi les personnes avec qui tu voulais travailler ?

SBB : Il y a eu des choix logiques. Par exemple quand j’ai fait le pilote, j’ai tout de suite pensé à Pi Ja Ma. Parce qu’on est copines, parce que j’adore ce qu’elle fait comme musique, et surtout je l’aime énormément et j’ai assez confiance en elle pour pouvoir lui demander si il fallait revenir sur un truc ou refaire des vidéos. Donc je ne voyais mon pilote qu’avec elle.
Yseult, on devait se voir à des festivals cet été, on est devenues copines et on voulait travailler ensemble donc je me suis dit que c’était une bonne idée de faire ça ensemble. Il y a des gens que j’aime beaucoup dans la scène musicale, que j’ai rencontré ou non, et avec qui j’avais envie de bosser.
Comme mon album est fini et que j’avais pas forcément de feats à faire, c’était un peu l’occasion parfaite de leur proposer un projet qui n’est pas forcément hyper « engageant », qui ne nécessite pas de se retrouver en studio… J’ai aussi proposé à des gens que j’admire énormément : j’ai proposé à Cœur de Pirate qui n’a pas pu le faire pour des raisons personnelles, ou Rufus Wainwright qui est vraiment trop occupé… Mais au final, ça me permet aussi de parler à des gens et pourquoi pas prévoir des choses pour le futur.

Donc ce sont soit des gens que j’avais dans ma tête et dans mon cœur depuis longtemps parce que j’ai travaillé avec eux, que je les ai déjà croisé de près ou de loin, soit des gens que j’admire énormément. C’est un peu allé dans tous les sens mais il y a des beaux souhaits qui se sont réalisés.


LFB : Si tu avais un fantasme absolu avec qui chanter une chanson triste ?

SBB : Il y en a plein … (réfléchit) Ma chanson de rupture préférée c’est Maps de Yeah Yeah Yeahs, donc le rêve ultime ce serait Karen O. Elle par exemple, elle fait partie des gens que je n’ai pas osé contacter et je sais que c’est bête… Mais oui ce serait Karen O car elle me touche trop et qu’elle a écrit beaucoup de chansons qui m’ont aidée pendant des ruptures.

LFB : Est ce qu’il n’y a pas quelque chose d’impudique à reprendre avec quelqu’un sa chanson triste préférée ?

SBB : Moi j’avais très peur de ça au début. Au départ du concept, je voulais proposer une liste de chansons aux gens et après j’ai réalisé que c’était tellement subjectif que ça ne pouvait pas marcher comme ça.
Il y a des invités qui étaient partant et dès que je leur ai dit que c’était à eux de choisir, ils étaient tout de suite à m’envoyer « on pourrait reprendre ça ou ça ou ça… »
Tu vois que tous les gens ont des chansons qu’ils ont pas eu l’occasion de reprendre et de chanter et ça me permet d’avoir l’émotion de l’artiste à distance.
L’épisode avec Yseult, c’est un épisode que j’adore et qui a été très simple à faire car tu vois qu’il y a quelque chose qui se passe entre nous parce qu’on est ensemble.
Mais quand on est éloignés, le fait qu’ils aient choisi leur chanson ça a été un moyen de capter l’émotion et de pas la feindre car on a tous une chanson qui nous fait quelque chose et quand tu la reprends c’est le meilleur moyen d’être vrai.

LFB : Et les morceaux, comment toi tu te les réappropries musicalement ?

SBB : Ce projet c’est mon bébé, je fais tout de A à Z de la musique au montage. C’est très DIY donc je me permets de reprendre les morceaux de manière très spontanés comme j’aurais fait une maquette. Je vais écouter le titre, prendre les accords qui me parlent et tester tout ça avec des instruments avant de l’envoyer aux artistes pour avoir leur opinion et savoir si ça leur convient ou pas. Il y a des invités avec qui j’ai travaillé à distance mais j’essaie de faire en sorte que ça reste spontané et épuré.

LFB : Moi ce que j’ai aimé c’est qu’il y a cette patte Silly Boy Blue qu’on reconnaît, mais la prod est assez discrète pour laisser passer l’émotion des voix qui est pour moi le plus important.

SBB : C’est ça aussi. Je voulais me mettre au service de la personne qui accepte de faire ça avec moi. Le but c’est qu’on prenne tou.tes les deux un maximum de plaisir. Ce n’était pas une affaire d’égo, de ce que je fais voir de ce que je sais faire… Je voulais pas que ce soit «  Silly Boy Blue featuring… » mais un épisode de duo, qu’il y ait une véritable cohésion. Il y a des duos où je ne fais que les chœurs, que les harmonies … Ça m’est complètement égal du moment qu’on prend du plaisir, que ça fait un beau moment et que ça plait aux gens qui le regardent c’est tout ce qui compte.

LFB : Tu parlais de plaisir. Sur les deux premiers épisodes, on sent cette complicité, cet humour et cette tendre. Est ce que tu penses que ça fait du bien de chanter des chansons tristes ?

SBB : Je ne sais pas si chanter des chansons tristes ça aide… C’est une période super compliquée pour tout le monde, on est tous un peu isolés et c’est cool d’instaurer un dialogue, d’échanger sur le titre choisi, d’envoyer la vidéo etc. Ça fait du bien d’interragir, d’être sollicité et de voir que tu n’es pas tout seul.
C’est tous les liens que tu peux avoir en concerts quand tu fais des co-plateaux, quand tu fais des interviews croisées, que tu rencontres des gens en studios. Dans ce métier tu rencontres en permanence des gens et il y a toujours une effusion qui en ce moment est beaucoup plus limitée. Moi ce que j’aime dans la vie c’est de rencontrer des nouvelles personnes, que ce soit virtuellement ou en vrai, et de ce point de vue la ce projet m’a fait énormément de bien, de retrouver un peu tout cela.



LFB : Le générique que tu as créé pour It’s Over (C)over est réalisé à partir d’extraits de films. Personnellement, beaucoup de chansons tristes que j’aime sont rattachées à des films et je me demandais si pour toi ce projet tu l’avais tout de suite envisagé avec une vidéo ?

SBB : Les films que j’ai mis font partis de mes films préférés et il y a souvent ces histoires d’amour ou de ruptures très compliquées donc ça me semblait assez cohérent de les associer. Je sais que comme toi, j’associe beaucoup de mes chansons préférées à des moments de films ou de séries.
J’ai hésité à un moment de le faire uniquement en audio, mais je crois que j’avais envie de me challenger. Je me sentais capable de faire un projet visuel, c’est quelque chose qui me plait, j’aime bien voir des covers, des sessions live.
Au départ j’ai pensé à ne filmer que moi et l’invité et puis j’ai rajouté d’autres vidéos. En fait c’est parti d’une anecdote : je suis dans les 1km du Père Lachaise et le mois dernière, de 16h à 18h, j’allais voir presque tous les jours le coucher de soleil au Père Lachaise.
Et tu arrives et tu vois des gens avec leur casque assis sur des bancs à regarder le même coucher de soleil avec de la musique dans les oreilles. J’ai passé des moments magnifiques à écouter Sufjan Stevens. Personne ne se parle mais tu réalises que chacun a la B.O. de sa vie dans les oreilles et que c’est un moment important accompagné par la musique.
Donc j’ai eu envie de rajouter des éléments qui m’ont fait du bien pendant le confinement donc j’ai ajouté des vidéos d’oiseaux, la vue de ma fenêtre, le ciel, un avion qui passe … auxquels j’ai ajouté des moments ou j’ai créé les épisodes ainsi que des vidéos des invités qu’ils m’ont envoyé. Je voulais cristalliser un moment hors du temps sans qu’il soit marqué COVID partout et que ça créé un moment réel et instantané qui fige des belles choses pour moi et l’invité. Une sorte de capsule temporelle au fond.

LFB : J’aimerais te parler de mon livre préféré que tu connais aussi : High Fidelity. Dans le livre, le héros, Rob se demande si c’est la tristesse ou la musique qui est venue en premier. Je voulais avoir ton opinion la dessus et savoir si selon toi on est conditionné par la musique qu’on écoute ?

SBB : Pour moi c’est la tristesse qui vient en premier et la musique aide à mieux la gérer. Je sais que j’ai toujours eu une grosse part de tristesse et de nostalgie en moi et je n’ai toujours pas réussi à totalement expliquer pourquoi. Il y a plein de points que je ne comprends pas encore mais j’ai réussi à canaliser ça avec la musique de part les paroles ou les ambiances… Comme par exemple quelqu’un qui extériorise ses problèmes de colère en faisant du sport, moi j’extériorise tout ça en faisant ou en écoutant de la musique. Selon le mood certains morceaux feront que je vais totalement embrasser ma tristesse où au contraire de la tenir à l’écart.

Par contre, je ne pense pas qu’on soit conditionné par ce qu’on écoute. Il y a tellement de choses à écouter et à découvrir, je sais pas… J’allais te dire non mais en fait ça dépend des personnes. Moi ça a une influence énorme sur ma vie à tel point que j’ai décidé d’en faire mon métier. D’un autre côté, il y a des gens pour qui la musique a une place tellement tertiaire dans leur vie, donc je ne sais pas. Tout ce que je sais c’est que je me rends compte à quel point ça aide les gens, au même titre que des choses remboursées par la Sécurité Sociale par exemple.
Après je sais qu’il y a plein de gens que je rencontre et avec qui on réalise qu’on se ressemble beaucoup et qu’on écoute les mêmes choses… Donc vraiment, je ne sais pas.

LFB : J’ai quelque chose à te dire, parce que j’étais obligé de le faire : Je trouve que tu chantes très bien en français. (rires)

SBB : (rires) Alors, quand j’ai fait le projet, je te rassure, il y a plein de gens de mon équipe qui m’ont dit « Hey mais Ana, le français quand même … » et moi j’étais «  ola ola ola… »
Si je ne chante pas en français pour l’instant, c’est juste parce que j’ai toujours écrit en anglais et que j’ai écouté beaucoup plus de musiques anglo-saxonnes que de musiques chantées en français. Mais si un invité me demande de chanter une chanson en français, je l’accepte complètement car ça fait parti du fait de me mettre au service du projet.
Si on me demande d’écrire pour quelqu’un en français où qu’on me propose un featuring en français je suis complètement ok. Je n’ai aucune réticence avec le français, peut-être qu’un jour j’écrirais en français c’est juste que ce n’est pas le cas en ce moment.

LFB : Si tu devais choisir ton top 3 des chansons et films tristes ?

SBB : Évidemment en premier c’est Eternal Sunshine Of The Spotless Mind, car je n’ai jamais trouvé d’autre film qui me faisait autant ressentir et qui a autant bien traité ce que tu ressens pendant une rupture. Je me retrouve beaucoup dedans.
Après je te dirais Les Amours Imaginaires que je trouve très triste aussi. Il y a énormément de films sur l’amour, les ruptures etc. Mais pour moi ce qui décrit le mieux ce genre de choses ce n’est pas les grandes effusions, les grands discours mais tout ce qui est normal pendant une rupture. L’idée de se dire « C’est terminé et maintenant tu vas composer avec » et ta tristesse c’est pas toi qui pleure, c’est toi qui vit avec.

Par exemple, ce que je trouve beau dans Les Amours Imaginaires, c’est comment les deux tombent amoureux de quelqu’un qui ne les aime pas en retour, et la manière dont Monia Chokri s’allume une cigarette en tremblant et en gardant la face, et couche avec quelqu’un qu’elle n’aime pas en espérant que ça va lui changer les idées. C’est ça que je trouve très juste, moi ma tristesse elle a toujours été très intériorisée et c’est ce que je retrouve dans ces films.

Et pour le troisième, il est aussi dans le générique et je me suis beaucoup inspirée de ça, c’est Le secret de Brockeback Mountain. Parce que c’est une autre thématique, la manière dont deux personnes réfrènent leur amour et ne peuvent pas le vivre. La particularité de ce film c’est qu’il te fait ressentir quelque chose que tu n’as pas forcément besoin d’avoir déjà ressenti pour les vivres pleinement.

Et les chansons… Il y a Maps de Yeah Yeah Yeahs. La manière dont Karen O répète «  Wait, they don’t love you like I love you » c’est juste beau et touchant.
Et après, je vais te dire deux chansons en français : Il y a Dis quand reviendra tu de Barbara et évidemment Message Personnel de François Hardy. Ces deux chansons là, elles ne sont pas dans les cris et les larmes mais il y a un truc qui te marque dans la retenu dont elles sont chantées et écrites. Ce qu’il y a de très beau dans l’amour c’est la passion et la passion est très représentée en mode « Je cours sous la pluie et je viens te rattraper », mais la passion ça passe aussi par la retenue. Du coup j’ai dit deux chansons en français et même moi je trouve ça me semble bizarre mais il y a quelque chose de très subtil et de très beau et c’est ça qui me touche.

LFB : Et pour finir, on va reparler de Silly Boy Blue. Tu as sortie deux titres récemment donc je voulais savoir ce qui nous attendait pour 2021 ?

SBB :
Ces deux titres, que j’aime beaucoup, étaient prévus pour faire la transition entre le premier EP et l’album. Donc là on va entrer « dans le vif du sujet » avec un nouveau single début 2021 dont on tourne bientôt le clip qui va amorcer la sortie de l’album. Et après il y a beaucoup de choses, des remixes, des sessions lives, on va dévoiler la pochette de l’album et préparer le nouveau live. Donc il y a plein de belles choses qui se mettent en place.